Napoléon Peyrat (RaZ)
Historien

Coordonnées espace temps 48975.1, journal de bord du Capitaine :
Je suis le Capitaine James Tibérius. Kirck, Commandant du vaisseau interstellaire Enterprise et ceci est mon dernier enregistrement avant de partir en mission. Nous avons voyagé à travers une faille spacio – temporelle et nous avons rejoins le système solaire à la date du 28 août 1999. La date avait été choisie car des développement technologiques suspects ont eut lieu à partir de cette époque.
Malheureusement à notre sortie de la faille nous avons été percutés par un engin terrestre que nous n’avons pas pu éviter. Pour éviter d’enfreindre la directive première nous l’avons mis sur une trajectoire de retour et avons fait un deuxième saut. Nous sommes revenus le 28 août 2002. L’Enterprise est actuellement dissimulé derrière la lune et je vais être téléporté à terre.
Pour faciliter ma mission le médecin de bord, le Docteur Mac Coy, m’a donné l’apparence d’un historien terrestre dont j’ai pris l’identité, un certain Napoléon Peyrat spécialiste dans l’époque Cathare (un schisme religieux .du début du XIIIème siècle)

Ma mission consiste à retrouver et arrêter un criminel de guerre Klingon nommé  Ek Chel’
La Fédération est actuellement en passe de signer un accord de paix avec son peuple et il s’est enfui dans le passé pour on ne sait quel sombre dessein. Cette paix est d’autant plus importante que la Fédération doit faire face actuellement à une attaque de créatures polymorphes particulièrement sournois.

J’ai décidé de commencer mon enquête par le sud de la France car nous y avons détecté des trace de rayonnement Xéna, sa source ne peut être que du Stilvonium, matériau qui n’est pas censé existé sur terre. De plus, le Stilvonium a été interdit par la convention de Tandyys IV (son rayonnement « compresse » un individu, le faisant passer de trois à deux dimensions. Il existe un moyen d’opérer le processus inverse mais il y a souvent des séquelles graves.)

Je n’emmènerais pas d’arme, ni de transmetteur pour limiter au maximum les risques d’être découvert. Je n’aurais sur moi que deux balises, une pour me détecter et me ramener, une pour ramener le Klingon. J’aurais aussi un scanner manuel permettant d’analyser la salive d’un individu, il me suffira de l’utiliser sur les verres pour identifier sans risque le criminel.

Cette mission présente de réels dangers : depuis l’orbite l’officier Sulu a détecté quatre corps sous le garage
Le retour, si jamais il a lieu, aura lieu demain à la même heure.

Objectifs :
- Identifier Ek Chel’
- Placer la balise
- Identifier source des avancées technologique « suspectes »
- Trouver la raison de la présence des quatre cadavres sous le garage

Informations :
- Il y a quatre cadavres sous le garage

Matériel :
- Livre d’histoire : « 1950 - 2050, Avant le cataclysme »
- Un scanner

Aide de jeu :
- Les Cathares

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Historien

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Les Cathares

Chapitre II : cathare ou dualiste

« La doctrine de Zoroastre, renouvelée chez les chrétiens dans le manichéisme, était  une folie plus raisonnable que bien d’autres.Plutôt que de ne rien croire, aimant le merveilleux, en ayant besoin, on croirait peut-être aux esprits célestes, aériens et terrestres, dirigeant tout l’univers, et quelquefois à l’influence des planètes » Mes écarts ou ma tête en liberté, Charles-Joseph de LIGNE (XVIIIème)

Les origines Le dualisme féodal Une contre-église Le consolament Des textes rares Eglise ou mouvement religieux Les biens et les délices matériels Le rôle des femmes en Occitanie cathare Les miracles et les saints Le catharisme prérévolutionnaire?

Les origines
Le dualisme serait une théorie ou une doctrine religieuse formulée par Manès (Manichéens) en Asie mineure au IIIè siècle après J.C., s'inspirant à la fois de la Bible, de la pensée grecque, de religions orientales et d'autres idées ayant partiellement influencés le judaïsme (Kabbale ou les Esseniens - 1er siècle avant J.C.) ainsi que de Zoroastre (VIIème s. avant J.C.). Ces thèses ont eu un impact très important (St Augustin fut dualiste avant de devenir un des pères de l'Eglise). Les textes bibliques montrent qu'un courant dualiste est apparu très tôt dans les premières églises chrétiennes (Epître de Saint Pierre).

Si Manès a influencé le catharisme, les écrits de cette religion y font peu référence. Le Nouveau Testament (l'Ancien étant rejeté) semble prédominant même s'il s'agit parfois de textes non reconnus par Rome (Apocryphes).

L'idée de base est l'existence de deux (dualisme) principes fondant et gouvernant le monde (1) . D'une part, Dieu, parfait et bon, qui règne dans les cieux (ou les esprits), d'autre part Satan, mauvais et périssable, ange déchu qui préside aux destinées du monde inférieur ou terrestre (et de la matière). Dieu ne peut avoir créé le mal ; si ce dernier existe, il ne peut être que le produit d'une puissance dévoyée, de Satan (identifié au dragon apocalyptique).

Les conséquences de cette croyance sont multiples. L'âme ou l'esprit est l'objet de toute la considération divine alors que le corps matériel est réprouvé. Gagner son salut éternel n'est possible qu'en adhérant totalement à Dieu et en délaissant la condition terrestre. L'ascétisme en est une des suites logiques.

Les âmes ne périssent pas mais se réincarnent successivement dans un corps tant qu'elles n'ont pas atteint le degré de perfection leur permettant d'atteindre la vie éternelle (2).

La nature divine de Jésus-Christ, si elle n'est pas contestée, implique l'inexistence de sa nature humaine puisque l'eau et le feu ne peuvent se mélanger. Toutefois, des écrits semblent attester d'une vénération de la mort du Christ et de la Croix par certains Cathares.

Quant à la mère de Jésus (Marie, Sophia, ...), son existence humaine n'est pas acceptée par tous les Cathares. Pour certains, elle est l'image de l'Eglise cathare elle-même.

La naissance du Christ serait soit symbolique (le Christ n'entre pas dans un corps matériel, il n'en prend que l'apparence), soit charnelle. Dans cette seconde hypothèse, des textes cathares évoquent un enfantement par l'oreille qui est également cité dans le Nouveau Testament.

Ces thèses se basent surtout sur l'Evangile de Jean (Apocalypse) et sur certains écrits dits apocryphes, c'est-à-dire présentés comme écrits par les apôtres mais non reconnus par l'Eglise romaine.

Citons par exemple, l'Interrogatio IOHANNIS (ou le questionnaire de Jean) qui est un apocryphe d'origine bogomile (fin du XIIème siècle). Il s'agit d'un texte relatant un pseudo entretien entre le Christ et St Jean au cours duquel ce dernier lui pose diverses questions dont les réponses constituent une bonne part des croyances cathares : " Et ensuite moi, Jean, j'ai interrogé le Seigneur en disant : Seigneur, comment l'homme prend-il sa naissance de l'esprit dans le corps de chair ? Et le Seigneur me dit : Des esprits déchus des cieux entrent dans les corps de boue des femmes, et ils reçoivent la chair de la concupiscence de la chair et l'esprit naît de l'esprit, et la chair, de la chair ; et c'est ainsi que le règne de Sathanas s'accomplit en ce monde. Et j'ai interrogé le Seigneur en disant : Jusqu'à quand Sathanas régnera-t-il en ce monde sur l'existence humaine ? Et le Seigneur me dit : Mon Père lui permit de régner sept jours, à savoir sept siècles. "

Les interrogatoires d'hérétiques par l'Inquisition attestaient que les idées contenues notamment dans cet apocryphe étaient connues ou partagées par de nombreux cathares.

Le dualisme féodal
Après diverses péripéties, les partisans du manichéisme inspirèrent dès le Xè s. des " hérésies " dualistes dans l'Europe orientale, spécialement les BOGOMILS (3) de Bulgarie. Leur influence sur le catharisme a été soulignée par exemple par la présence d'un " pape " bogomil Nicetas lors du premier Concile de l'Eglise cathare.

Au départ des écrits bulgares (boulgres) ou antérieurs, relisant la Bible avec un autre regard, baignant dans un climat de contestation de l'Eglise romaine, le catharisme va développer une religion qui se voudra plus proche de la lettre des évangiles (dont ils ont une lecture souvent plus symbolique qu'historique), contestant à Rome son caractère d'église du Christ puisqu'elle renie en partie son enseignement.

" je vous envoie comme des brebis au milieu des loups " (Evangile de St Mathieu).

Les Parfaits ont beau jeu de demander qui, en Languedoc, sont les brebis et les loups.

Une contre-église
Les Cathares ne se considéraient pas, au contraire d'autres contestataires de leur époque, comme un courant de pensée voulant réformer l'Eglise de Rome mais comme une autre Eglise, la vraie selon leur croyance. C'est cette prétention qui explique vraisemblablement l'acharnement mis à l'exterminer dès que sa diffusion prit des proportions inquiétantes.

Cette hérésie présente deux aspects fondamentaux : - une existence guidée strictement par les principes qui auraient été énoncés par le Christ : l'idéal cathare est de se laisser pénétrer de la parole de Dieu (Esprit-Saint) ; - une vie religieuse basée sur des sermons qui consistent à expliciter des textes sacrés et sur un seul sacrement (comme dans l'Eglise primitive) qui est la seule source de Rédemption.

Le consolement, sacrement unique et total
Le sacrement cathare est une synthèse des sacrements différentiés de l'Eglise catholique. Il se reçoit par l'imposition des mains (4) d'un Parfait sur la tête du récipiendaire (qui devient ainsi Consolé) au terme d'une formation religieuse et d'une période de privation (jeune).

Le consolement est à la fois baptême, confirmation, extrême-onction, ordination et sacrement de pénitence, voire Eucharistie. Ceux qui l'ont reçu sont tenus à la perfection (les Parfaits). Ils se doivent de respecter les principes chrétiens à la fois pour prêcher d'exemple (Bonshommes) et pour assurer leur salut éternel, c'est-à-dire pour que leur âme puisse quitter définitivement son enveloppe terrestre.

Les Cathares contestent la validité de l'ensemble des sacrements catholiques :

- le baptême de l'eau donné aux enfants ne pourrait être valable car ils sont trop jeunes pour agir consciemment. En outre, l'usage de l'eau ressemble au baptême de Jean-Baptiste que Jésus, selon les Evangiles, est venu remplacer par le vrai baptême de l'esprit. Enfin, l'eau est matière, c'est-à-dire élément mauvais ;

- l'hostie ne peut devenir le corps du Christ : comment ce dernier qui n'appartient qu'à Dieu pourrait-il devenir matière qui n'appartient qu'au Prince de ce monde ;

- le refus du mariage et de son sacrement s'explique par la procréation qui n'est nullement magnifiée (5) par les Cathares puisqu'elle conduit à la réincarnation d'une âme dans un corps matériel.

Le Consolé qui commet une faute grave (tuer, jurer, avoir des relations sexuelles, ...) perd les fruits de son sacrement et doit le recevoir à nouveau. S'il meurt entre-temps, son âme sera réincarnée, y compris dans le corps d'animaux d'où, le refus de tuer et de manger des animaux (6). En ce qui concerne les péchés véniels, l'aparelhament était une sorte de confession périodique des parfaits.

Le Nouveau Testament (les Cathares rejetaient généralement l'Ancien Testament) est une source d'inspiration de la doctrine des Parfaits. Néanmoins, ce n'est pas la seule et ils n'ont manifestement pas repris la totalité de l'enseignement contenu dans les 4 évangiles ou les épîtres des apôtres.

Pour le refus du serment, les Cathares trouvent leur inspiration dans l'épître de St Jacques (7) qui précisait : " Avant tout mes frères, abstenez-vous de jurer soit par le ciel, soit par la terre, soit en employant quelque autre formule. Que votre oui soit un oui, que votre non, un non ; ainsi vous ne tomberez pas sous le coup du jugement " .

Dans certains cas, les Cathares ont une autre lecture ou traduction (8) des écrits évangéliques. Prenons l'exemple de la création du monde soit par Dieu (créateur de toutes choses pour les Catholiques), soit par le diable pour les Cathares. Le texte biblique (Jean 1,3) " Toutes choses ont été faites par Lui et sans Lui rien n'a été fait " peut être cité à l'appui des deux thèses. Dans son sens littéral, elle conforte l'opinion de l'Eglise officielle. Mais les Cathares s'en servaient également à l'appui de leur conception dualiste. Pour eux, le second membre de phrase signifie : " sans lui le néant (ou rien) a été fait " . Le néant est justement le monde mauvais de la matière qui ne vient pas de Dieu et qui retournera au néant.

Par contre, d'autres écrits du Nouveau Testament n'ont manifestement pas retenu l'attention des Cathares. Citons, St Paul (1er épître à Timothée, 4) : " Ils (les esprits séducteurs et diaboliques) proscrivent le mariage et l'usage d'aliments que Dieu a créés " .

Le refus de consommer certaines nourritures conduit à rendre l'alimentation des Parfaits fort simple : lorsqu'ils ne jeûnaient pas (3 jours par semaine), ils se nourrissaient de " pain, de vin, de poissons et de fruits " . Pas de viande, pas d'oeuf ou de fromage et guère de graisses animales.

Tous les Cathares ne reçoivent pas de leur vivant, le consolement. Ils sont guidés pas à pas vers la perfection par l'écoute des prêches des Parfaits (qui font office de prêtres) ou Parfaites allant deux par deux (le Parfait et son sosie ou sosius). Les simples croyants ne pratiquaient que le melhorament (salutation des Parfaits).

La famille d'un croyant le voyant décliner s'empressera d' appeler les Parfaits pour qu'ils puissent consoler leur parent à l'article de la mort (9). Le croyant avait auparavant convenu (convenenza) avec l'Eglise cathare qu'il serait consolé à l'article de la mort.

Des textes rares ou suspects
Les textes authentifiant cette description du catharisme sont rares, l'écriture n'étant guère répandue à l'époque. En outre, durant les persécutions, il valait mieux ne pas être pris en possession d'écrits hérétiques. Les seuls documents proprement cathares dont dispose l'historien sont de rares textes apocryphes et les rituels, à la fois recueils de textes bibliques et descriptions des cérémonies cathares avec leurs prières (Pater) : " Père Saint, Dieu des Bons esprits, toi qui jamais ne trompas, ni ne mentis, ni n'hésitas à subir la mort dans le monde du dieu étranger, donne-nous de connaître ce que tu connais et d'aimer ce que tu aimes ... " .

La question a dès lors été posée : n'existait-il pas des secrets, des rites cachés (10). Si l'adhésion à la doctrine cathare était faite progressivement (initiation), était-ce par goût du secret ou simplement pour des raisons pédagogiques ?

Une autre source d'information historique est constituée des transcriptions d'interrogatoires des Parfaits rédigés par les inquisiteurs eux-mêmes.

Une Eglise ou un mouvement religieux
" Nous voulons rappeler quelques témoignages des Saintes Ecritures, pour donner à comprendre et à connaître ce qu'est l'Eglise de Dieu. Laquelle Eglise n'est ni de pierre, ni de bois, ni de rien fait de main d'homme. Car il est écrit aux Actes des Apôtres (Act 7,48) : " Le très haut ne siège pas dans une demeure faite de main d'homme " . Mais cette sainte Eglise est l'assemblée des fidèles et des saints, dans laquelle Jésus-Christ se tient et se tiendra jusqu'à la fin des siècles, ainsi que le dit Notre-Seigneur dans l'évangile de Saint Matthieu (Mt 28,20) : " Voici : je suis avec vous pour toujours jusqu'à la consommation des siècles " . Fragment d'un rituel cathare écrit en occitan, conservé à Dublin.

Le terme même d'Eglise pour les Cathares peut être contesté. S'il y avait une organisation géographique reprenant les caractéristiques de l'Eglise romaine par exemple les évêchés (Lavaur, Lautrec, Lombers, Aragon, Montségur), la structure du "clergé " était nettement moins organisée. Les évêques cathares , aidés de diacres et assistés par les Parfaits (11), étaient foncièrement itinérants. Ils allaient de village en village, prêchant et consolant les croyants. Mais n'est-ce pas une caractéristique de toutes nouvelles organisations ?

En ce qui concerne l'organisation " supranationale " des cathares, il semble difficile d'en avoir une idée précise. Certes, les Cathares du Languedoc reconnaîtront une certaine prééminence à l'Eglise de Bulgarie mais n'est-ce pas plutôt pour se rattacher à une église plus ancienne qui aurait des liens avec les premiers âges du Christianisme. De cette manière, les Cathares voulaient démontrer qu'ils se raccrochaient également à l'époque du Christ (filiation apostolique) comme l'Eglise officielle.

Y eut-il une pape cathare ? En l'état actuel des connaissances, la réponse n'apparaît pas claire.

Par ailleurs, qu'elle était la participation des fidèles à la vie et aux décisions de l'Eglise cathare (théocratie ou démocratie). Incontestablement, l'esprit qui conduisait cette Eglise était plus proche des premières communautés chrétiennes que de l'Eglise de Rome. Les Parfaits auraient participé au choix de leur évêque, du moins dans les périodes où cela a été possible.

Quant aux choix sur la doctrine, il semble que des Conciles cathares avaient été organisés çà et là, notamment pour répondre à diverses questions théologiques.

Oserait-on prétendre que les Eglises protestantes sont une meilleure image de ce qu'ont pu être les Eglises cathares ?

Les biens matériels et les délices d'ici-bas
Les lieux de culte n'ont évidemment pas la même importance que pour l'Eglise romaine. Il s'agit d'endroits pour des prêches ou des cérémonies exceptionnelles. L'Eucharistie n'existant pas, il n'était pas nécessaire de disposer de bâtiments fixes pour conserver les hosties consacrées sans parler des possibles répressions. Par ailleurs, la pauvreté des Parfaits ne les conduisait pas à disposer de fonds nécessaires à la construction d'édifices propres (12).

L'ascétisme des Bonshommes n'exclut pas les dons soit en nature (vêtements ou nourriture) ou en argent. Différents écrivains ont souvent évoqué le trésor cathare. Selon les historiens modernes, rien ne sert de partir à la recherche d'une caverne d'Ali Baba dans les environs de Montségur. A côté des dons leur permettant d'aider leurs frères et leur famille en difficultés ou de nourrir leurs permanents, les Parfaits auraient vraisemblablement joué le rôle de banquiers (gardiens des fonds à eux confiés) pour les grands commerçants qui avaient toute confiance en eux.

Les participants à la Croisade contre les Albigeois ont peut-être été impressionnés par les quantités d'or trouvées en Languedoc par rapport à ce qu'il était commun de rencontrer en France. Cela provient peut-être de l'existence dans les environs de Carcassonne de mines d'or et d'argent (13).

Les Cathares ont parfois été accusés par leurs opposants de faire preuve d'une sexualité débridée. En principe, la procréation était néfaste puisque conduisant à prolonger les souffrances d'une âme enserrée dans un corps matériel. Toutefois, seuls les Consolés étaient tenus à la chasteté. Les sympathisants n'avaient pas les mêmes obligations. Par ailleurs, les accusations de luxure sont systématiquement reprises contre les hérétiques. Les premiers Chrétiens en firent aussi les frais lorsqu'ils en furent accusés par les empereurs romains.

Le rôle des femmes en Occitanie cathare
A l'époque des Croisades, le rôle de la femme médiévale s'est à nouveau imposé, ne serait-ce qu'en raison des circonstances. Si les hommes étaient en Palestine pour de longs mois, voire des années, il fallait bien que quelqu'un prenne en main le domaine.
 

En Occitanie, l'amour courtois qui y est né plus tôt qu'ailleurs, va également magnifier la femme : "Lorsque les jours sont longs en mai, J'aime le doux chant des oiseaux qui vient de loin. Il me souvient d'un amour lointain. Plein de désirs, je vais morne et attristé Si bien que chant ou fleur d'aubépine Ne me réjouissent pas plus que l'hiver glacé. " Jaufré Rudel (vers 1140).

Toutefois, ce rôle de la femme ne sera guère reconnu tant par l'Eglise officielle que par la société civile qui, par le mariage entendait soumettre l'épouse à son mari.

Dans l'Eglise cathare, les femmes pouvaient recevoir le Consolement et devenir Parfaites. Elles y eurent un rôle non négligeable. Quant à voir dans le catharisme, l'ancêtre féminisme du XXè s., il y a évidemment une marge. Elles vivaient dans des communautés de femmes travaillant notamment dans le textile. Elles prêchèrent (quoiqu'avec retenue) à l'instar de leurs collègues masculins.

Selon des études partielles, le nombre de dames hérétiques était semblable à leur proportion dans la population totale.

Lorsque les temps furent plus durs, elles montèrent sur le bûcher à l'instar des hommes. Esclarmonde est le prénom de Parfaite qui vient à l'esprit. Originaires de la famille du Comte de Foix, elles furent au moins trois à le porter. D'autres prénoms féminins jalonnent les bûchers, citons Dame Guiraude ou Géralda de Laurac qui mourut en 1211 à Lavaur : après avoir été livrée aux soldats, elle fut jetée vive au fond d'un puits et enfouie sous les pierres.

Les miracles et les Saints
Le rôle des miracles, des Saints et des pèlerinages (les routes de "Saint-Jacques " existent aussi en Languedoc) est très important dans la religion officielle du Moyen Age.

Les Cathares contestent ces trois éléments. Pour eux, les miracles doivent se comprendre dans une signification symbolique : si le Christ rend la vie à un aveugle, cela signifierait qu'il lui permet de mieux comprendre la parole de Dieu. Quant aux Saints, ils sont le produit de l'Eglise de Rome dont les Bonshommes contestent la légitimité. Ils ne voyaient pas l'intérêt de promouvoir le culte des reliques de Saints qui visaient à sacraliser des restes humains pour eux appartenant au monde du Malin.

Les pèlerinages basés sur ce culte des reliques ne trouvaient également pas grâce à leurs yeux.

Le Catharisme : une idéologie prérévolutionnaire ?
Certains auteurs, notamment des historiens marxistes d'Europe de l'Est (durant la période où ces pays furent marxistes) étudiant le catharisme slave, ont cru trouver dans le catharisme une idéologie pré-révolutionnaire visant à libérer le peuple de l'oppression féodale. Si l'attention au petit peuple est marquée dans l'Eglise cathare (par exemple la traduction de la Bible en langues vulgaires), si la contestation des pouvoirs établis (dont celui des Princes de l'Eglise romaine) sont présentes, faut-il y voir une originalité du catharisme ou plutôt l'empreinte de l'esprit du temps ?

La conception dualiste implique le caractère foncièrement néfaste des puissances terrestres. Le pouvoir féodal (dont le pouvoir de justice) serait l'oeuvre du Malin. La soumission à ce pouvoir ne serait donc pas voulue par Dieu.

Considérée comme une contre-église, le catharisme a vraisemblablement accompagné et profité d'un certain esprit de contestation qui animait de nombreux contemporains soumis aux injustices et à une vie rude.

Par contre, ce caractère d'opposition aux pouvoirs établis a vraisemblablement été édulcoré (contrairement à la Bosnie de l'époque) en Languedoc compte tenu de l'adhésion de diverses couches sociales au catharisme dont de nombreux nobles.
 

1 Le dualisme existe dans de nombreuses civilisations. Il serait par exemple présent dans des légendes de Côte d'Ivoire.
2 Cette notion de réincarnation si elle existait en Asie, n'était pas étrangère en Occident gaulois ou celtique. " Ce dont ils cherchent surtout à persuader, c'est que les âmes ne périssent pas mais passent après la mort d'un corps dans l'autre " , Jules CESAR parlant des Druides, De Bello Gallico (VI, 3).
3 De leur initiateur, plus ou moins mythique, le pape BOGOMIL ou de BOUGOU MILI , c'est-à-dire " Ami de Dieu " de l'imposition des mains
4 C'est au geste qu'il est possible de reconnaître des groupes cathares ou pré-cathares. En 1022 déjà, des chanoines d'Orléans furent mis au bûcher sur ordre de Robert le Pieux pour avoir pratiqué l'imposition des mains " qui selon eux lavait les péchés, emplissait du don du Saint-Esprit et sauvait l'âme " . Vingt ans plus tard, l'évêque de Chalons écrivait à son collègue de Liège Wason que des paysans de son diocèse " prétendaient mensongèrement donner le Saint-Esprit par une sacrilège imposition des mains ".
5 La virginité des filles représente donc une valeur dans l'Eglise cathare. La volonté de garder sa virginité en dehors des ordres religieux catholiques passera parfois comme un signe d'appartenance à l'hérésie. Cet élément a-t-il joué dans la condamnation de Jeanne d'Arc ?
6 Mais qui consommait habituellement de la viande à l'époque ?
7 Epitre de St-Jacques 5.12 " Avant tout, mes frères, abstenez-vous de jurer, soit par le ciel, soit par la terre, soit en employant quelque autre formule "
8 Les apports récents de la linguistique (science de la langue) montrent les difficultés d'interprétation des textes du nouveau Testament selon la langue dans laquelle ils auraient été conçus, écrits ou recopiés ( hébreu, araméen, grec, latin).
9 L'endura consistait à se laisser mourir. Est-ce une forme de suicide ou la volonté d'hâter la mort pour le Consolé qui ainsi était certain d'échapper aux tentations nouvelles auxquelles il pouvait succomber et perdre ainsi le bénéfice du consolement s'il venait à survivre.
10 Si les Chrétiens comprenaient les secrets de la religion comme d'autres membres du Clergé et moi-même les comprenons, ils ne croiraient pas plus que les Juifs et les Sarrasins, certaines choses qui passent pour vraies ", Arnaud MORLANE, Fin du XIIIème siècle, Curé de Pennautier et Consul de Carcassonne. Il fut vraisemblablement consolé.
11 Le terme " parfait " est peut-être une dérision imaginée par les adversaires des Cathares. Ils devaient plutôt utiliser les termes de " Bonshommes " ou " Bons Chrétiens ".
12 L'Eglise catholique investissait des fonds énormes dans ses édifices, ce qui stérilisait cette épargne pour d'autres investissements plus utiles à l'économie.
13 SALSIGNE, près des châteaux cathares de LASTOURS, est la seule mine d'or encore en activité en France.

Les Cathares

Chapitre III: la Croisade contre les Albigeois

La conversion par le verbe Une véritable Croisade Des récits romancés Raimond devient Croisé Béziers, première victime Simon dirige la Croisade Une Croisade internationale Une guerre sanglante Violences et pacifisme cathare La prise de Carcassonne Minerve perdue par l'eau Raimond VI attaque la Croisade La bataille de Muret

La conversion par le verbe et l'exemple
A l'aube du XIIIème siècle, le catharisme s'est largement développé dans le Languedoc au vu et au su de l'ensemble de la société.

Une telle situation devenait chaque jour de plus en plus intolérable pour l'Eglise officielle et ne pouvait laisser indifférent le pouvoir royal.

Toutefois, diverses initiatives seront prises pour tenter, par la persuasion, de convertir les hérétiques. Cela donna lieu à de grandes confrontations entre les prédicateurs " romains " et les représentants cathares devant un public qui n'hésitait pas à montrer ses préférences pour les seconds.

Si dans le pays de langue d'oïl, le glaive écrasait largement les velléités contestataires, cette méthode semblait moins efficace dès l'instant où une large part de la population dont la noblesse embrassait l'hérésie. Certes, il y eut çà et là quelques tentatives forcées de reconversion et quelques bûchers mais ils restèrent isolés au XIIème dans les Etats du Comté de Toulouse.

Dès 1206, un prédicateur d'origine espagnole, Dominique de GUZMAN, le futur St Dominique, fondateur des Dominicains, comprit vite que la persuasion viendrait de l'exemple. Il fallait concurrencer le clergé cathare sur des propres terrains : ceux du prêche et du dépouillement. Comme l'écrivait un chroniqueur de l'époque : " Ils (les Dominicains) se présentent dans l'humilité, allant pieds nus, sans or et argent ... . En quelque sorte, ils imitent en tout le modèle des apôtres " .

Mais plus près de nous, c'est une religieuse belge, Soeur Sourire, qui nous avait enchanté avec sa chanson : " Dominique, nique, nique S'en allait prêchant Toujours souriant Pour convaincre les Albigeois Et les Albigeois convaincant. "

Les quelques succès de St Dominique, à FANJEAUX (1) notamment, ne furent pas suffisants pour calmer les ardeurs des autorités romaines.

Il faut reconnaître que pour l'Eglise catholique, la méthode de l'exemple tentée par St Dominique, si elle devait être généralisée, représentait un bouleversement et un danger fondamental. Se transformer en une Eglise dépouillée "apolitique " comme l'Eglise cathare représentait la fin de la puissance ecclésiastique. Pour des papes qui tentaient d'imposer leur hégémonie pour " civiliser " la société féodale, cette tactique de dépouillement ne se concevait pas à grande échelle.

Le débat entre les deux Eglises ne pouvait, selon la logique de la papauté, être tranché que par l'écrasement du plus faible.

Une véritable Croisade
Avec l'accession au trône de St Pierre du Pape Innocent III en 1198, la " politique " de l'Eglise allait être menée avec plus de rigueur et de fermeté. Incontestablement, ce grand Pape avait des objectifs clairs en ce qui concerne la primauté de l'Eglise et de la Papauté dans la société médiévale. Les Cathares étaient une épine dans le pied de l'Eglise d'Occident. Ils étaient aussi l'occasion pour la papauté de s'immiscer dans les problèmes du Royaume de France(2).

Ce Pape suscita les croisades contre les cathares mais il le fit graduellement au fur et à mesure des échecs de tentatives moins violentes de reconversion des populations languedociennes et en fonction d'une mobilisation en crescendo des catholiques du Nord.

A l'instar des Croisades pour délivrer les Lieux saints du joug musulman (3), il lança, après diverses tentatives infructueuses en 1208 une mobilisation de la Chrétienté d'Occident pour chasser l'hérésie des terres chrétiennes du Languedoc. Il venait en effet de subir un affront particulièrement vif par l'assassinat à la frontière des Etats du Comte de Toulouse, de son représentant personnel le légat Pierre de CASTELNAU (4) dans des circonstances qui ne furent pas élucidées mais dans lesquelles le nom du Comte ou de ses proches apparaissaient souvent. L'Eglise catholique du Languedoc s'efforça d'obtenir l'excommunication du Comte de Toulouse pour sa participation à l'assassinat de Pierre de CASTELNAU.

Après diverses enquêtes et contre-enquêtes, ce grand féodal dont un des prédécesseurs, Raimon IV, avait pourtant été un personnage central (au moins autant que Godefroid de Bouillon selon certaines sources) de la 1ère Croisade en Palestine, sera excommunié. L'excommunication avait des conséquences religieuses mais aussi politiques et matérielles : les biens d'excommunié pouvaient être saisis et les sujets d'un seigneur excommunié étaient mis, comme ce dernier, au banc de la société.

Raimon VI ne ménagera pas ses efforts pour obtenir la levée de son excommunication. La réponse du peuple chrétien du Royaume de France, voire (5) du Saint-Empire Romain Germanique (dont le Hainaut : l'Evêque de Tournai y aurait participé), à l'appel du Pape fut cette fois enthousiaste même si le Roi de France se maintint dans une certaine réserve du moins au début. Pourtant l'appel du Pape Innocent III au Roi avait été pressant : " Levez-vous et jugez ma cause ! Ceignez vous de l'épée. Veillez sur l'unité entre la royauté et le sacerdoce, unité désignée par Moïse et par Pierre et les Pères des deux Testaments ! Ne laissez pas l'Eglise faire naufrage dans ces contrées ! Courez à son secours ! Combattez fortement et avec l'épée tirée, les hérétiques qui sont encore plus dangereux que les Sarrasins " (Cité par Th. JUSTE dans son Précis de l'Histoire du Moyen Age, 1848).

Philippe-Auguste (voir carte de France) avait en effet d'autres préoccupations et entendait résister à l'ingérence papale. Il entendait d'abord conserver ses possessions avant d'entamer de nouvelles conquêtes. La coalition anglo-germanique qui l'attaquait ne sera écrasée qu'en 1214 à Bouvines par la défaite de Jean sans Terre. Les souverains anglais garderont encore durant de nombreuses décennies un pied sur le sol aujourd'hui français, spécialement en Guyenne toute proche du Languedoc.

Des récits romancés
Les récits de la Croisade sont ceux de chroniqueurs voulant parfois souligner le rôle de tel ou tel commanditaire (6).

Tous ces écrits sont largement romancés et partisans pour l'un ou l'autre des deux camps en présence. Ils s'inspirent du modèle de la chanson de Roland. L'histoire moderne n'a pas fini de séparer le vrai du faux mais il est possible de présenter les grandes lignes d'un siècle de combats ou d'escarmouches.

Raimond devient croisé
En juin 1209, les troupes (considérables et impressionnantes pour l'époque) de la Croisade se rassemblent à Lyon et s'apprêtent à descendre le Rhône pour entrer par la Provence dans les Etats du Comte de Toulouse. Juridiquement cette expédition est une Croisade, ce qui implique divers avantages moraux (indulgences) et matériels pour les participants tout autant que des désagréments sérieux pour ceux qui s'y opposent. C'est un ensemble de règles extrêmement précisées par les papes de la guerre juste.

Le Comte Raimond VI trouve l'astuce lui permettant d'échapper à l'enthousiasme des Croisés. Il se joint à eux contre le Vicomte TRENCAVEL (son neveu) qui domine Albi, Carcassonne, Béziers et le Razes. Par ce coup de haute politique, Raimond VI rend inattaquables ses propres possessions puisqu'elles sont celles d'un croisé. Il aura dû auparavant obtenir l'annulation de son excommunication et faire pénitence publique à Saint-Gilles.
 

Le Comte avait peut-être d'autres raisons d'être sceptique devant le développement du catharisme dont il ne partageait pas totalement les idées. Un de ses proches n'écrivait-il pas que " les hérétiques feront venir les insensés qui viendront désoler et ravager le pays car les Français de France et les gens de Lombardie et tout le monde déjà leur courent sus et leur portent haine acharnée plus qu'à gent sarrasine " (Laisse 47 de la Chanson de la Croisade de Guilhem de TULEDA écrite après les première campagnes vers 1213).

Si tout le monde n'est pas dupe, cette attitude eut deux conséquences : le Comté de Toulouse ne fut pas d'emblée ravagé et son Comte resta en place, par contre les 4 vicomtés de TRENCAVEL subirent seuls et sans aide le choc de l'armée des Croisés.

Béziers, première victime
L'arrivée de ces derniers devant Béziers en juillet 1209 ne sembla pas bouleverser outre mesure les habitants de cette ville fortifiée. Peut-être croyaient-ils que l'autonomie du Languedoc les protégerait.

La population n'était pas majoritairement hérétique mais n'hésita pas à prendre parti pour ses concitoyens cathares lorsque les Croisés les sommèrent de les leur livrer. A cette époque, l'hérésie est surtout développée dans les villes et la petite noblesse.

La forteresse aurait pu résister d'autant que le Vicomte était parti chercher du secours. Une erreur tactique fut la cause d'un effondrement rapide de la résistance biterroise. Se croyant assez forts pour attaquer les Croisés, les assiégés tentèrent une sortie le 22 juillet. Elle fut néanmoins repoussée et dans leur retour précipité au bercail, les Biterrois ne purent fermer à temps les portes de la cité.

Les routiers (soldats errants) et les armées croisées s'engouffrèrent dans la brèche et soumirent Béziers par un carnage resté célèbre par un commandement attribué vraisemblablement à tort à Arnaud AMAURY, Abbé de la grande abbaye de Citeaux : " Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens " .(7)

Les églises catholiques dans lesquelles les enfants, les femmes et les vieillards s'étaient réfugiés, furent incendiées (Eglise de la Madeleine). Vite la nouvelle se répandit aux alentours et la peur commença à s'installer.

La ville, sa cathédrale, tout fut détruit. Les vestiges de la Croisade y sont donc rares tout autant que dans les autres lieux fortifiés où les ruines actuellement visibles proviennent généralement de constructions ultérieures. Si BEZIERS constitue le premier carnage important, il y en aurait déjà eu un quelques jours auparavant au nord du Comté de Toulouse où une petite troupe de croisés du QUERCY se serait déjà emparée d'hérétiques et les auraient brûlés.

Simon de Montfort dirige la Croisade
Au départ, la Croisade était commandée par de grands princes français dont le Duc de Bourgogne assisté du légat du Pape, Arnaud AMAURY qui en était autant l'aumônier que l'inspirateur " politique ".

Le commandement ne s'entendait guère. Pressés de rentrer dans leur domaine en France, les Grands Croisés (le Comte de Nevers et le Duc de Bourgogne) laissèrent la responsabilité de l'entreprise à un noble de l'Ile de France, Simon, seigneur de Montfort. Contrairement à ce qui a été affirmé, ce n'était pas un petit noble désargenté, il était également (Vi)comte de Leicester en Angleterre (encore que son fief ait été saisi) mais sa puissance n'égalait toutefois pas celle de ses prédécesseurs.

Il s'inspirait des idéaux de la Chevalerie et de la Croisade (8) mais ne dédaignait pas, comme la plupart de ses contemporains, d'agrandir à l'occasion ses domaines. La Palestine fut également peuplée de mini-états féodaux taillés sur les dépouilles des possessions musulmanes.

A l'époque, ce n'était nullement choquant.

Une croisade internationale
Le recrutement des Croisés fut surtout concentré dans le Royaume de France (Ile de France) mais il a souvent eu un caractère international : des Bretons, des Frisons, des Allemands, des Anglais y participèrent.

Conduit par leur seigneur ou leur évêque, ces troupes apportèrent durant une période plus ou moins longue (au minimum 40 jours) leur appui à l'armée de l'Eglise. Le principe de la quarantaine gêne souvent Simon de Montfort qui se retrouve parfois confronté au plus fort d'un siège avec des troupes qui le quittèrent ayant terminé leur période de 40 jours.

Pour éviter de tels désagrément, il fut fait constamment appel à de nouvelles troupes fraîches à l'instigation des prélats allant prêcher l'appel à la Croisade dans les régions réceptives.

Une guerre sanglante
Les tueries, parfois gratuites, eurent néanmoins des conséquences psychologiques non négligeables (9). Elles s'expliquent fondamentalement par l'hostilité des Croisés du Nord devant le monde méridional dont ils différaient tant par la culture, par l'histoire et par une forme de jalousie, vu l'essor économique naissant au bord de la Méditerranée.

La notion de guerre sainte ou juste développée par l'Eglise à l'occasion des Croisades a vraisemblablement libéré les Croisés de contraintes morales et a engendré un sadisme dont notre époque nous montre encore maints exemples.

Ces tueries (et les dévastations) s'expliquent également par l'organisation militaire de l'époque. Les " armées " féodales étaient constituées de la juxtaposition de différentes petites armées, chacune sous la conduite de leur seigneur, autour desquelles s'agglutinaient des routiers peu recommandables qui tels des vautours étaient toujours à l'affût de bonnes proies. N'oublions pas que tout le monde engageait ou acceptait l'aide de ces routiers, tant les Croisés que leurs adversaires.

Violences et cathares pacifiques ?
Rappelons que si les Parfaits, étaient tenus à la stricte observance des principes cathares dont celui " tu ne tueras point ", leurs amis et compagnons n'y étaient pas formellement tenus.

Si ces derniers voulaient les protéger, c'est en fonction d'une commune appartenance religieuse mais aussi par solidarité avec des parents ou des voisins. Peu de famille n'était pas touchée par l'hérésie. Enfin, les petits et grands nobles sentaient confusément que la Croisade des gens du Nord si elle était victorieuse sonnerait le glas de l'autonomie du Languedoc et de la relative liberté qui y régnait.

La prise de Carcassonne
Profitant de l'impact de la prise rapide de Béziers, la Croisade s'ébranla vers la capitale du Vicomte Trencavel : Carcassonne. C'était déjà un site fortifié mais seul le château pouvait résister à une attaque. La ville fortifiée actuelle, reconstruite par VIOLLET LE DUC au XIXème siècle, est plus importante que celle du début du XIIIème siècle.

C'était la capitale de Raimond Roger TRENCAVEL, qui entendait résister et défendre ses possessions. Il était plus proche des Cathares que son oncle, le Comte de Toulouse, mais avait-il été consolé ? Nul ne pourra en apporter la preuve.

Le siège dura toute la première quinzaine du mois d'août 1209. Les réserves d'eau s'épuisant vite en été, TRENCAVEL proposa aux chefs de la Croisade, une solution honorable. Il remettrait les clés de la ville contre la vie sauve pour ses habitants. Fort de son esprit chevaleresque et de son code d'honneur, il se rendit en toute confiance pour négocier au campement de Simon de Montfort. Mal lui en prit, il sera jeté dans un cachot. Il y mourra quelques mois plus tard, soit de maladie, soit assassiné.

La ville fut ainsi conquise et les hérétiques qui y furent pris n'échappèrent pas au bûcher. Cette victoire conduisit les Croisés à proclamer Simon de Montfort, Vicomte à la place de son prisonnier. Mais elle leur donna aussi l'impression que la guerre était finie et qu'ils pouvaient s'en retourner dans leur lointain foyer, d'autant que différentes villes avaient fait, entre-temps, leur soumission dont Albi et Castres.

Les combattants étaient las et ils avaient rempli leurs obligations de croisade (quarantaine). Simon de Montfort après avoir tenté de les retenir, fit appel à Rome qui s'efforça de prolonger la durée de la croisade. Si tous ne s'en retournèrent pas vers le Nord, l'armée croisée n'en était pas moins dégarnie à la fin de 1209. Elle passa l'hiver tout en évitant toute attaque frontale avec ses adversaires réfugiés dans les multiples châteaux du Minervois, faisant le gros dos dans Carcassonne. Au printemps 1210, Simon de Montfort reçoit les renforts tant attendus et peut à nouveau lancer son armée à l'assaut des forteresses des environs (10).

Minerve, perdue par l'eau
Parmi celles-ci, Minerve où de nombreux Cathares s'étaient réfugiés sous la protection du Seigneur du lieu, Guilhem de Minerve, qui était l'exemple même de la petite noblesse de ces contrées : pas nécessairement cathare mais lié aux Bonshommes par divers liens de voisinage et résolu à préserver son autonomie.

Face à lui, l'armée des Croisés, qui a eu le temps de se réorganiser, et reçu des renforts, y compris sur place dont des Narbonnais (11), est en position de force. Les prises de Carcassonne et de Béziers ainsi que la mort de TRENCAVEL les ont galvanisés

Si Minerve est une forteresse naturelle particulièrement bien située sur un piton rocheux difficilement accessible, ce n'était pas pour autant un nid d'aigles pyrénéen. Le talon d'Achille de cette bourgade fortifiée (comme de beaucoup d'autres), c'est évidemment son approvisionnement en eau qu'elle ne peut garantir (surtout pendant les périodes sèches de l'été) qu'en accédant aux bords des rivières qui la bordent à savoir la Cesse et le Briant.

Le siège dura près d'un mois. Les Croisés réussissent à détruire le chemin protégé d'accès au puits de Minerve avec une machine infernale appelée la MALVOISINE, sorte de catapulte géante. Cette pièce d'artillerie (utilisant des pierres comme projectiles) avant la lettre et ses semblables, seront la force des assiégeants contre les forteresses cathares. Fallait-il encore qu'il soit possible de l'installer en position d'attaque ; ce qui était manifestement le cas à Minerve.

Guilhem tentera bien une paix des braves qui eut sauvé ses troupes, les habitants de Minerve et les réfugiés cathares du bûcher. Magnanime, le légat du pape accepta cette proposition à condition que les hérétiques adjurent publiquement leur foi. Il savait que peu le ferait et que le bûcher serait massivement utilisé (12). Ce fut le cas puisque 140 Parfaits et Parfaites moururent résolument sur un des premiers bûchers de masse de la croisade contre les Albigeois.

Les Catholiques considéraient le bûcher (13) comme le châtiment extrême réservé aux hérétiques les plus opiniâtres et aux apostolats : " Si après avoir accueilli et connu la vérité, nous l'abandonnons volontairement, il ne nous restera plus de sacrifice pour expier ce péché ; nous n'aurons plus qu'à attendre un effrayant jugement et le feu jaloux qui doit dévorer les rebelles " (Epître de St Paul aux Hébreux, 10).

Pour les Cathares, ils étaient synonymes de délivrance : "je ne me soucie pas de ma chair car je n'ai rien en elle : elle appartient aux vers. Le Père céleste n'a rien à lui dans ma chair ... car elle appartient au Prince de ce monde qui l'a faite " , Belibaste, dernier Parfait.

Au cours de cette première période, la force des Croisés réside spécialement dans leur tactique. Groupés, ils attaquent leurs adversaires les uns après les autres, évitant ainsi de rencontrer chaque fois une résistance insurmontable. En outre, pour une armée féodale, celle des Croisés fera preuve d'une grande mobilité et d'une forme de commandement relativement intégré surtout dès sa prise en main par Simon de Monfort (14).

Raimond VI attaque la Croisade
La position du Comte de Toulouse devient de plus en plus difficile. D'une part, ses sujets le pressent, y compris dans sa capitale, de défendre leurs frères assiégés ; d'autre part, le camp des Croisés le regarde de plus en plus en ennemi. Le Pape, longtemps hésitant à s'attaquer de front à un puissant seigneur, accepte sur proposition de ses légats de le mettre au pied du mur, en l'invitant à livrer et à pourchasser les hérétiques vivant sur ses terres.

La bataille de Muret
En 1212, Simon de Monfort poursuit une politique d'encerclement du Comte de Toulouse qui va susciter en retour un resserrement des liens entre les habitants et leur suzerain. Ce dernier réagit en se plaçant sous la suzeraineté du Roi Pierre II d'Aragon, qui finira par voler à son secours. Cette alliance entre l'Aragon et le Comté de Toulouse pouvait être les prémices d'un grand Etat transpyrénéen dont les Rois d'Aragon avaient déjà jeté les premières bases en étendant leurs possessions en Provence au-delà du Rhône (15).

Mal leur en prit. Rassemblée à Muret, la coalition occitano-aragonaise, quoique plus forte en nombre, fut battue par les Croisés en 1213.

Pierre II est un exemple typique du caractère complexe des alliances politiques de cette période. Voilà un Roi qui combat avec courage et succès les Musulmans en Espagne au nom de la foi catholique et qui s'associe en Languedoc avec le Comte de Toulouse, son beau-frère, pour abattre une croisade lancée par les papes de Rome.

La défaite de Muret entraîna ultérieurement la chute de Toulouse (1215). Raimon VI est dépouillé de ses états qui seront confiés à Simon de Montfort par décision romaine et non par celle du Roi de France. Si des villes et des forteresses sont prises par la Croisade, le " pays " reste farouchement hostiles aux Croisés. Une sorte de guérilla s'installe. Le catharisme va surtout s'incruster dans les campagnes où il est plus difficile de l'extirper.

" Ay Tolosa e Provensa ! E la terra d'Agensa ! Bezers e Carcassey ! Quo vos vi, quo vos vey(*) (*) Toulouse et Provence et terre d'Agen, Béziers et le Carcasses, Qui vous vit, Qui vous voit" traduction libre : Toulouse et Provence et terre d'Agen, Béziers et Carcasses; qui vous vit, qui vous voit !

1 Les Dominicains français sont encore divisés en 3 provinces : Paris, Lyon et Toulouse
2 Il est paradoxal de constater qua la Papauté laissera subsister plus longtemps le catharisme dans ses propres Etats qu'en royaume de France.
3 La situation de ces Lieux Saints n'étaient pas un motif de satisfaction pour Rome puisque Saladin avait repris Jérusalem en 1190 et que les 3ème et 4ème Croisades menées entre-temps pour le libérer n'avait pas atteint leur but.
4 Le meurtre de Pierre de Castelnau, archidiacre de Maguelone (Montpellier) eut lieu, à Saint-Gilles près de Nimes (rive droite du Petit Rhône).
5 Le développement de l'hérésie cathare dans le Nord de la France et en Lotharingie (cfr. annexe) y a vraisemblablement sensibilisé la population au " danger " que le catharisme faisait courir à l'Eglise et peut-être au pouvoir féodal.
6 " L'Histoire des Albigeois " de Pierre de Vaux de Cernay pour les Croisés. Quant à la " Chanson de la Croisade " , elle comprend deux parties : la première due à Guilhem de TULEDA est proche du parti des Croisés, la seconde anonyme est plus proche du parti toulousain.
7 Cette parole pourrait néanmoins résumer assez largement l'état d'esprit des Croisés.
8 Son échec et celui de certains de ses compagnons lors de leur Croisade précédente en Palestine explique en partie l'enthousiasme qu'ils mirent en compensation dans cette croisade contre les Albigeois.
9 Le carnage de Béziers a vraisemblablement réduit la volonté de résistance de nombreuses cités
10 Les châteaux du Minervois, des Corbières et Razès tombent les uns après les autres ou se rendent : SAISSAC (1209), TERMES (1210), DURFORT (1210), PUIVERT (1210), AGUILAR (1210), LASTOURS (1211), LAVAUR (1211).
11 La présence de ces derniers serait due à des conflits préexistant entre les Vicomtes de Narbonne et de Minerve.
12 A Minerve, en patois occitan contemporain, l'insulte la plus grave est LOUS AMORIS (Arnaud AMAURYS,Abbé de Citeaux)
13 Est-ce une image du feu éternel dans lequel se consume les damnés ? Deux siècles plus tard, dans l'Eloge de la Folie, ERASME n'hésite pas à se moquer de ces raisonnements légitimant les buchers : "quelqu'un ayant demandé par quels passages de l'Ecriture on prouvait qu'il vaut mieux brûler les hérétiques que de les convaincre par de bons raisonnements, un vieillard renfrogné qui portait sur la figure tout l'orgueil et toute la présomption théologique, répondit en criant de toutes ses forces : "C'est saint Paul qui l'a recommandé expressément, quand il dit Hereticum hominem post unam et alteram correptionem devita" Cet interlocuteur zélé poursuit selon la Folie "le mot devita n'est-il pas composé de la préposition de, qui marque retranchement, et du nom substantif vita, qui veut dire vie ? il signifie par conséquent retrancher de la vie..." alors que selon ERASME la traduction de la phrase est "Evitez l'hérétique après l'avoir repris une et deux fois".
14 " La capitulation des forteresses ne tint pas à des raisons techniques mais à des raisons politiques ; autant la force militaire des castra (châteaux) était adaptée à l'émiettement des pouvoirs qui caractérisait encore cette région à la veille de la Croisade, autant elle devenait dérisoire devant le type de pouvoir dont la Croisade va investir Simon de Montfort " - " La Croisade Albigeoise - la technique des sièges " Monique Zerner-Chardavoine, 1979, Edit. Gallimard.
15 La défaite de MURET est aussi celle de cette tentative. La France n'abandonnera plus le Languedoc mais devra encore attendre quelques siècles avant de rejeter les Espagnols au-delà des Pyrénées