C'est très intéressant...Paiji a écrit : ↑lun. févr. 19, 2024 11:43 am
Non pas une nouvelle présentation des événements du Débarquement, mais une étude du comportement de la Werhmacht face au débarquement allié en Normandie, pour sortir de la narration classique par une approche centrée sur les acteurs.
L'auteur, historien spécialiste de la période, explique lui-même, je le cite que "son idée était de faire le pont entre trois champs historiographiques assez cloisonnés sur la Wehrmacht : l’histoire des opérations d’une part, l’histoire des mentalités, et enfin l’histoire qui traite des crimes de guerre, de la Shoah en particulier. Très peu de chercheurs ont essayé de lier les trois. L’histoire habituelle de la bataille de Normandie est totalement déconnectée du passif de l'armée allemande."
Après une présentation de la manière dont les allemands se sont préparés à l'évènement, qu'ils savaient inévitable, il se livre à une analyse de la réaction de tous les acteurs face à l'évènement lui-même, sous la pression. Et enfin, en fonction des réactions de chaque échelon, il produit une analyse des ressorts du consentement au sacrifice dans le cadre spécifique d'une dictature.
C'est passionnant, ça renouvelle pas mal le côté aseptisé des récits qui dominent depuis des années et qui ont été largement inspirés par les écrits d'anciens combattants de la Wehrmacht qui cherchaient à se disculper, et surtout on ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec les évènements qui se déroulent en Ukraine en ce moment.
Un truc intéressant lu dans les mémoires de guerre de Churchill, c'est que les Alliés, à la fin de la guerre, sont tombés sur un type de dépouille assez rare dans les guerres anciennes (où on* ne prend pas la capitale ennemie) : les archives de l'Etat allemand, dont les lettres et rapports des dignitaires. Ce qu'il en tire, c'est des leçons sur les raisons de l'échec allemand lors de la bataille d'Angleterre, qu'il explique par les luttes d'influence au sein du haut-commandement et en particulier entre les trois armes, chacun rejetant la responsabilité des facteurs déterminants d'un débarquement réussi, Hitler laissant ses généraux se concurrencer et se compliquer la vie.
Je ne sais plus si j'avais lu dans ses Mémoires, ou ailleurs, que les généraux allemands en charge des régions militaires en France avaient une mentalité purement féodale et refusaient de se soutenir les uns les autres (en mode "le Führer m'a confié ces chars, je les garde, même si c'est de l'autre côté de la Seine que se déroulent les combats").
* enfin les Britanniques n'avaient peut-être pas l'habitude.