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Nous etions alors en Septembre, et le Duc de Vaujansson m'avait invité à l'une de ses célèbres fêtes automnales, et j'avoue que l'idée de pouvoir fréquenter Madame la Duchesse n'avait pas été étranger à ma venue. Bien sûr, tout le grattin de la cour était présent, mais l'assemblée n'avait d'yeux que pour son Excellence le Cardinal Di Piago, qui faisait honneur au Duc de sa présence.
Quand à moi, mon attention était reservée exclusivement au galbe si parfait des formes de la Duchesse, cherchant desesperement à echaffauder un plan afin d'attirer son attention.
Mais làs, dès le début de la soirée, Madame le Duchesse se trouva mal et du regagner ses appartements. Je me retrouvais alors dans l'obligation de supporter les discours verbeux de mes compagnons, chacun allant de sa sotte spéculation quand à la présence du Cardinal en ces lieux. N'en pouvant plus, je pretextais moi aussi un malaise pour pouvoir m'esquiver vers les jardins entourant la demeure du Duc.
Le vent froid qui soufflait dissipa rapidement les vapeurs de l'alcool qui embrumaient quelque peu mon esprit, et une idée me vint alors. La chambre de la Duchesse donnait justement sur les jardins par l'intermédiaire d'un petit balcon, au dessous duquel pendait un lierre complice! N'ecoutant que mon courage, je commencais la difficile ascension de la face nord du chateau du Duc. Helas! Au bout de quelques metres a peine, ce lierre maudit decida inoportunement de recouvrer sa liberté et me resta tout bonnement entre les mains. La gravité étant ce qu'elle est, je me retrouvais donc enmailloté au pied du mur par ce lierre à l'affection si débordante. J'aurais pu rester dans cette position embarrassante jusqu'à l'aube si un serviteur du Duc n'était passé fort à propos quelques minutes plus tard!
-Eh bé Messire, qu'est-ce qu'vous faisiez dans cet état là!
-Pardieu, ce lierre m'a tout bonnement aggressé. Je ne savais point que Monsieur le Duc se piquait de cultiver des especes carnivores!
-Ben Messire...
-Taisez vous et venez donc me sortir de là. Et ensuite depechez vous d'allez querir une echelle! Il est de mon devoir de gentillomme de mettre à bas ce monstre, avant qu'il ne devore d'autres imprudents!
Coupant court à toute contestation, je fus bientot delivré, et en possession d'une echelle.
-Vous pouvez partir mon brave. Je connais ce genre de créature, et le spectacle qui va se derouler ici bientot n'est supportable que pour les ames les mieux trempées. De plus, bien que blessé, le monstre est encore vivace, et il pourrait bien vous prendre dans ses rets et vous broyer les os comme un rien!
Enfin seul, j'utilisais l'echelle mpour atteindre le balcon de la Duchesse. La fenetre etait restee ouverte malgres le froid. La chance était de mon coté ce soir, et je n'hesitais qu'un instant avant de peneter avec le plus grand silence dans le saint des saints.
Ahhh Messires, je ne puis vous decrire correctement les sentiments qui s'agiterent alors en moi! Car j'avais été doublé sur le fil! Un vil faquin occupait déja le lit de la Duchesse et profitait injustement de ses faveurs! Ne pouvant plus supporter un tel spectacle, je me preparais a repartir lorsqu'un rayon de lune vint eclairer le visage de l'amant de la Duchesse.
Je vous le donne en mille... c'etait son Excellence, evidemment! A son age en plus!
Au bout du compte, peut etre allais-je enfin pouvoir retirer quelque chose d'interressant de cette sinistre soiree. Nos deux tourteraux n'allaient pas finallement pouvoir l'emporter au paradis, si vous voulez bien me laisser passer l'expression.
Mais je n'etais pas au bout de mes surprises! Au plus forts des ebats, la Duchesse ouvrit en grand sa bouche splendide, decouvrant alors deux cannines effilees, puis mordit sauvagement le Cardinal à la jugulaire.
-Tu es en mon pouvoir maintenant Cardinal, annonca la Duchesse vampire une fois repue. Ta volonté est mienne, et je t'ordonne de poignarder le Pape àl'aide de cette dague empoisonnee lors de votre prochaine entrevue.
Un sinistre complot contre le Pape se preparait donc. Je ne pouvais laisser passer cela! Mais qui me croirait, si jamais je revelais que la Duchesse etait un vampire et que le Cardinal etait devenu son esclave. M'en retournant avec la plus grande discretion dans mes appartements, je passais le reste de la nuit à checher un moyen de contrecarrer les visées de cette odieuse vampire.
Le lendemain, mon plan etait pret. Simulant un malaise pour cause d'exces la veille au soir, j'esquivais ainsi la partie de chasse prevue cet apres midi pour me livrer à des travaux d'horticulture nécessaire à la premiere partie de mon plan.
Quand à la seconde, elle aurait lieue ce soir, lors du grand banquet final. En effet, une troupe de comédiens avait été invitée pour l'occasion, et le bouffon qui en faisait parti allait peut-etre pouvoir me donner l'occasion d'approcher la Duchesse d'assez pres...
La fete commenca donc, et je profitais du penchant bien connu des bouffons pour la boisson pour l'attirer seul a seul vers les caves du chateau.
-Et bien bouffon, ne vous l'avais-je point dit! Les plus grands crus de France et de Navarre sont réunis en ces lieux. Mais j'hésite encore a vous laissez vous abreuver tel un goret de si precieuses liqueures, d'autant plus que si le Duc venait à l'apprendre il en serait fort ennuyé. En fait, nous allons jouer à un jeu, pour voir si vous etes aussi fin connaisseur que vous le pretendez. Je vais choisir une bouteille au hasard tandis que vous fermerez les yeux. Si vous arrivez à découvrir son ceppage et l'année de sa recolte, et bien ma fois, nous pourrons faire un sort ensemble à quelque unes de ces bouteilles.
Le bouffon ne se fit pas attendre, sur qu'il était de ses connaissances viticoles. Alors qu'il fermait les yeux, j'en profitais pour lui briser sur le crane la bouteille tant convoitée, l'assomant sur le coup. Le sacrifice fut grand, je vous assure, mais la vie du Pape dépendait de la bonne réussite de mon plan.
Une fois déguisé en bouffon, je reintegrais la fete, effectuant moults cabrioles afin d'amuser le public. Enfin, je pus m'approcher du Duc...
-Mais bouffon dites-moi, vous puez la vinasse à cent lieues!
-Quelques invités malicieux m'ont jetés du vin dessus, trouvant avec raison que sa couleur s'accordait fort bien à mes habits, Messire
-Bien soit. Qu'attendez vous bouffon, divertissez-nous!
-Mais avec plaisir Messire... Nous allons commencez par un jeu de devinettes. Si vous n'arrivez point a me repondre, vous aurez un gage! Nous allons commencer par vous Messire. Attention ecoutez bien car elle est difficile: qu'est-ce qui au matines marche sur quatre pattes, a midi sur deux, et une fois les vepres venues sur trois?
-Et bien, l'homme evidemment!
-Braaavooo Messire, je ne doutais pas un instant que votre intelligence acerée viendrait a bout de mes pauvres enigmes. A la Duchesse maintenant. De quelle couleure est le Schmilibilick? Allons, allons j'attends...
-Mais c'est une question ridicule voyons. Je ne puis y repondre!
-Allons ma Mie, j'y suis bien arrivé moi! Repondez donc!
-Je... Je ne le sais point.
-Aahhhaaaaa... Alors c'est le gage du bouffon, et qui s'en dedie est un poltron! Pour gage, Ma Dame, vous devrez tirer une bouffee de la cigarette que je vais vous presenter.
-Bien, si vous y tenez... Ce gage n'est point trop incommodant apres tout.
Sortant ma blague a tabac de mon pourpoint, je tendais febrilement la cigarette à Madame la Duchesse, cigarette où reposait tous mes espoirs. Aspirant une profonde boufée, les yeux de la Duchesse s'exhorbiterent soudainement, tandis qu'une fumée noiratre et suspecte s'echappait de sa bouche et de ses narines (tres mignonnes soit dit en passant). Puis, la Duchesse expira un veritable torrent de flamme de sa gorge, manquant de peu de me transformer en torche vivante. Alors que tous se jetaient sur moi, la fumée qui entourait la Duchesse se dissipa pour reveler sa gorge ravagée... ainsi que ses cannines hypertrophiees!
Car profitant de mon apres-midi, j'etais aller ceuillir quelques brins d'aconit au village d'a coté, plante celebre pour provoquer les plus grands desagrements aux vampires qui l'absorbent. L'ayant soigneusement mélangée avec mon tabac, la reaction tant esperee avait bien eue lieue, et la Duchesse fut confondue.
Quand à son devenir, nous ne pûmes nous resoudre à la bruler vive. Cela aurait été un sacrilège de bruler une si merveilleuse creature, qui provient de Dieu elle aussi, car sinon Il n'aurait pu tolérer sa présence sur Terre n'est-ce pas?
En plus, comme nous avions la bénédiction du Cardinal...
Nous nous contentâmes donc de lui faire promettre d'arreter de fomenter des complots envers le Pape, et envers qui que ce soit d'ailleurs, et de ne se nourrir que sur les paysans et autres gens de peu d'importance. Et ce n'est qu'un malheureux hasard si le Pape mourut d'une leucemie foudroyante quelques mois plus tard.
Mais cette histoire n'est qu'une pecadille comparée a votre expedition mon cher, lorsque vous recherchâtes la mythique Atlantide, aidé seulement d'un cure-dent et d'un perroquet... |
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