Tu as peut-être besoin d'un changement de focale.Erwan G a écrit : ↑jeu. avr. 11, 2024 12:06 pm
Parce que je suis un peu lassé de l'horreur classique, vue sous l'angle de l'AdC/Maléfices. Vous appartenez à un club qui joue à se faire peur mais qui s'intéresse à l'occultisme et, de ce fait, vous avez une certaine facilité à vous plonger dans une enquête qui ne vous a rien demandé. Et dont l'issue n'importe que sous l'angle de la connaissance, savoir ce qui se passe ou s'est passé. Avec des causes connues de tous les joueurs autour de la table. Alors, c'est un profond ? C'est Nyarlathotep ou Shub Niggurat ?
Et je suis lassé des systèmes classiques. Fais ton TOC. Ah, merde, raté, tu vas devoir te passer de tel indice. Faites moi un jet de psychologie, ah, raté, donc, bin, euh, tu le trouves bizarre, mais c'est normal, c'est un américain. Sans parler des combats qui occupent trop de place dans ces histoires.
Quelles approches pour du fantastique, après bientôt 35 ans de jeu ? Comment faire pour continuer à "renouveler" ou rendre intéressantes de telles histoires ? Quelle dose de fantastique ?
S'il est un genre qu'on n'associe pas spontanément à l'horreur, par exemple, c'est celui des super-héros.
Pourtant, il existe un tout petit jeu, avec un système minimaliste, qui pour moi tient sur un pitch aussi horrible que bien trouvé, et qui peut-être pourrait te plaire.
Il s'agit de Threshold : Tragic Superheroes
Dans Threshold, tous les PJ étaient des gens ordinaires dans un futur proche tout aussi ordinaire, avec des grosses corporations qui ont remplacé les gouvernements, mais sans la plupart des aspects technologiques du genre Cyberpunk. Les PJ pouvaient être d’âges et de milieux très différents, mais ils avaient un point en commun : ils étaient tous atteints de maladies incurables, et à l’article de la mort. Et puis la société Speed Silver est arrivée avec une offre difficile à refuser : une rémission, une seconde chance. S’ils acceptaient, on leur implanterait dans le bras un dosimètre rempli d’une mystérieuse substance.
La substance aurait deux effets : D’une part, elle les remettrait debout, dans une santé apparemment parfaite. D’autre part, elle leur donnerait un super pouvoir. Certains auraient la superforce, d’autres la capacité de contrôler et de lire dans les esprits, d’autres enfin auraient de grandes capacités en télékinésie. Une seule condition pour bénéficier de ces miracles : accepter de devenir des espions et des hommes de main pour la Speed Silver. Fausses inhumations, nouvelles identités, et interdiction de reprendre contact avec leurs proches, qui les croient décédés. Bien entendu, les PJ ont accepté avant que la campagne commence.
Seulement il y a aussi des effets secondaires. Plus on « tire » sur le dosimètre, plus les pouvoirs sont puissants. Mais chaque usage du jus risque d’endommager l’esprit ou le corps de son utilisateur, voire de le tuer quelques minutes après, et plus on en consomme, plus le risque augmente. Mais plus on est abîmé, plus on doit en consommer pour activer son pouvoir… Cercle vicieux. Second problème : le dosimètre ne peut pas être rechargé. Quand on est à cours de produit, la maladie initiale reprend ses droits : une mort assurée, mais plus lente et plus douloureuse que l’overdose citée plus haut. Comment réussir les missions sans trop user des pouvoirs ? Et à quoi bon avoir des pouvoirs si on n’ose pas s’en servir ?
Avant que tout ne commence, les PJ étaient déjà foutus, et ils le sont toujours. La première question n’est pas de savoir s’ils vont survivre, mais combien de temps. La deuxième question est de décider quoi faire du temps qu’il leur reste et du pouvoir qu’ils possèdent désormais. Vont-ils tenter de réparer les erreurs de leurs anciennes vies ? Vont-ils exécuter les missions douteuses de la Silver Speed, ou déserter et s’exposer à des représailles encore inconnues ? Vont-ils revoir leurs anciens proches malgré l’interdiction ?
Sans compter les corporations concurrentes, qui cherchent à les capturer pour en faire des cobayes et comprendre le secret de leur fonctionnement, entre menaces et promesses, entre vérités et mensonges.
L’horreur, ici, n’est pas dans des monstres venus d’un autre monde, mais dans la situation des PJ qui doivent faire des choix moraux difficiles pour chercher un sens à leur rémission. Un chemin semé de doutes dont la seule certitude est l’absence d’issue. Et une question qui pourrait parler à tous les joueurs, en les renvoyant au rapport très personnel que chacun d’entre nous entretient avec la maladie et la mort : s’ils étaient dans la situation des personnages, en sursis avec les mêmes capacités, que feraient-ils ?