Trouver Nesgoth l'alchimiste à été un peu fastidieux, mais pas si difficile.
Il se cachait des agents de la Guilde dans les bas-fonds du quartier des marchands , presque sous leur nez.
L'homme, plus jeune que je ne l'attendais d'un savant de son espèce, a accusé bonne réception du message de la sorcière, sans évidemment m'en révéler le contenu.
Il a ensuite offert généreusement de me loger, dans un débarras peu confortable, mais m'assurant la discrétion que je recherchais.
Avec son conseil, j'ai même pu trouver acquéreur pour les morceaux que j'avais prélevés de l'automate, ce qui m'a rapporté un peu plus de 300 pièces. Jamais je n'avais été aussi riche… et paradoxalement aussi peu enclin à me faire remarquer, ce qui m'empêcha de profiter de cette fortune nouvellement acquise en faisant fête.
Pendant les quelques jours qui suivirent, je me contentai de faire relativement bonne chaire en faisant mes courses sur le marché le plus proche, et de commencer à faire connaissance avec la ville…
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Table aléatoire d'événement: Redemption/Monument]
Manduris est peut-être plus grandiose et plus propre que Tanith-Lenath, mais en fin de compte tout aussi pourrie de l'intérieur. L'influence de la Guilde Marchande se fait sentir partout, et c'est là monnaie qui commande à la loi.
J'ai très vite développé un attrait plus particulier pour les quartiers populaires, ou, les occasionnels problèmes de langue mis à part, je n'ai pas de mal à me fondre dans la foule.
Pour éviter d'attirer l'attention, je laisse en général mon épée et mon arc chez Nesgoth, les remplaçant par une dague commune mais convenable, procurée clandestinement sur le marché noir pour une vingtaine de pièces.
Aujourd'hui, je me laisse à flâner un peu, même si ce serait mentir de dire que je ne sais pas où le hasard me mène, plus ou moins de mon propre chef…
Et voici que la place de l'obélisque noir se dresse devant moi. À cette heure froide de la matinée, seuls quelques mendiants et un ou deux marchands aux vêtements colorés se traînent ici, comme moi, à la recherche d'une vision accordée par le monolithe pour les guider vers l'avenir.
Silencieusement, je me mêle à eux, et à mon tour vient effleurer la surface glacée et lisse.
Je ne sais pas à quoi je m'attendais exactement, mais je suis déçu.
Aucune vision, pas même un tressaillement dans mon esprit.
Au lieu du bout des doigts, j'applique la main en entier. Puis mon front.
Rien.
Je vois les marchands, tout aussi désappointés, se retirer, un à un.
Quelques mendiants les interpellent en prétendant, contre quelques pièces, leur révéler les secrets de l'obélisque, mais les dépités leur battent froid, bon indice sur la fiabilité de ces bonimenteurs.
Une dernière fois, j’abats ma main à plat sur le monument mystérieux, presque une gifle de défiance. Mais non, aucune vision ne m'est accordée.
C'est alors que je me prépare à faire volte-face que, de l'entrée de la place, une voix douce mais puissante me lance une salutation.
- Ne te fatigue pas, Saanak Ehng, ta vision, c'est moi qui l'ai eue.
Un individu mat de peau, la moitié du visage lourdement tatouée, si androgyne que je ne saurais deviner si c'est un homme ou une femme. Il, elle, me fait signe d'approcher, avec un sourire accueillant [
INT], et je suis troublé. Comment cet étrange personnage connaît-il mon nom ? Et peut-il vraiment avoir obtenu MA vision à ma place ?
- Explique-toi, lui lancé-je. Et dis-moi donc qui tu es ?
- Je suis ton ami, Saanak l'Égorgé. Et mon nom est Buldan Covell, même si beaucoup me nomment juste Le Trouvère. Je connais également Nesgoth, et suis en général bienvenu chez lui…
- Alors tu es un homme, c'est cela ?
- Presque. Pas tout à fait. Mais assez pour être appelé ainsi, si tu veux. Et viens donc prendre un godet de vin chaud avec moi, et je te dirai ce que je sais, ce que je devine, et ce que je te veux.
J'accepte son invitation, après avoir vérifié que ma dague soit bien calée et accessible, et il me mène sans un mot de plus vers les marchés de la ville, jusqu'à ce qu'il trouve une taverne à son goût.
Je décide de prendre patience tout ce temps, tout en étudiant cet étrange compagnon de la tête au pied. [
INT] Il porte, en plus de quelques protections de cuir, des vêtements aussi incolores que les miens. Mais en même temps, tout est propre, et bien ajusté chez lui. Comme moi, feint-il la pauvreté pour plus de discrétion ? Et je ne vois pas d'arme sur lui. Habileté, ou assurance ?
Alors que nous nous attablons, ma tête bourdonne toujours de questions, mais je compte bien le laisser parler en premier, avant de me révéler à lui d'une quelconque façon…