Notre route allait être longue, sans rien pour payer notre pitance. Après inventaire, il restait pour [d6] trois jours de rations, quatre en se serrant la ceinture.
Or, il y avait bien encore deux semaines de route avant Manduris, et peu de villages ou de forts sur cette route. Sans oublier que si près de l'hiver, ni le braconnage, ni la cueillette n'étaient très propice.
Bref, il nous faudrait compter sur la bonne fortune et la volonté des dieux.
L'humeur générale était plutôt maussade lors de notre premier jour de route, jusqu'à ce que nous croisions quelque chose d'inattendu…
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Table des évènements de voyage] Les paysages du Gris Pays sont monotones et ternes, et la piste qui doit nous mener à la voie pavée est poussiéreuse.
C'est ainsi que, jusqu'au dernier moment, nous prenons pour un rocher au bord de la route ce qui se révèle être un vieillard frêle et hirsute, assis juste là.
Bien intentionnés, et probablement un peu superstitieux, mes compagnons de route marquent un arrêt pour demander au vieil homme s'il a besoin d'aide.
Il marmonne quelque chose d’inintelligible, et même les bateleurs, pourtant plutôt savants en matière de langues, ne semblent pas le comprendre.
Puis, soudain, son œil valide croise mon regard, et il s'anime comme un pantin désarticulé, vociférant comme un damné.
“ Rhaaaa ! Cet homme ! Cet homme, fuyez-le ! La main du malheur est accrochée à son épaule, la mort le suit comme son ombre. Il est né sans âme, et n'a aucune conscience. Il causera votre perte, à tous ! Tous !
Et tout aussi soudainement, le vieillard s'affale, et ne bouge plus. Le constat est fait rapidement ; il est mort.
Les bateleurs me jettent un drôle de regard [
jet du dé d'usure “Reconnaissance des bateleurs”], et je vois bien que leur confiance est entamée.
Comme pour les rassurer, je leur propose de regrouper des pierres, pour donner à ce pauvre fou une sépulture décente, et ils acquiescent. Mais maintenant, je dois louvoyer entre les questions sur mon identité, mon passé, l'origine de ma bourse si bien remplie lorsqu'on s'est rencontré… Le meneur de la troupe, notamment, se montre très inquisiteur, et le bougre a l'air perspicace. [
CHA-1] Je me félicite d'être un bon menteur, et tout en me tenant au plus près de la vérité, je les embobine avec une histoire d'amitié avec des mercenaires, de mission à accomplir à Manduris, et je leur assure qu'ils n'ont rien à craindre de moi.
Mes efforts semblent porter leurs fruits, et bientôt nous rions timidement ensemble des bizarreries du Gris Pays.
Pourtant, je ne suis pas à l'aise avec la prophétie de ce fou.
D'abord la sorcière Picte, puis le rêve de l'aumônier, et maintenant ce mauvais présage de plus. Puissent les dieux leur donner tort.
Nous progressons ainsi, [
Oracle] de bivouac frugal à hameau hostile, vers la sinistre perspective de ne pas avoir de quoi finir le voyage.
Les Poussiéreux sont frustes, prompts à nous claquer la porte au nez, et nous accuser d'être des voleurs de poules, menaçant même parfois d'en appeler aux hommes d'armes pour nous chasser, ou pire…
Nous avons la maigre satisfaction d'arriver à la voie pavée, qui s'étire d'un côté du paysage à l'autre, et dont le bras nord-ouest nous mènera à Manduris.
Mais à la tombée de cette nuit, nous allons aussi terminer nos dernières rations, et il nous faudra une solution pour couvrir les 10 prochains jours de route, et cela en espérant que l'accueil de la cité soit meilleur que celui des paysans croisés jusque-là…
Alors que nous mâchons en silence nos dernières bandes de bœuf séché avec du bouillon peu consistant, je suis sur le point de leur proposer d'a minima justifier notre réputation de voleurs pour avoir de quoi se remplir la panse, quand un bruit étrange attire notre attention.
Un cliquetis métallique régulier, qui résonne sur la lande dans les ténèbres naissantes sous la demie-lune, et qui s'approche clairement de nous.
Trop tintant et pointu pour être des pas d'homme en armure, et maintenant aussi de discrets bruits de soufflets de forge…
Nous scrutons l'obscurité, et enfin, alors que le bruit semble maintenant tout proche, nous distinguons des reflets de notre maigre feu de camp sur du cuivre et du verre.
Le silence tombe quand la chose s'immobilise à l'orée de notre cercle de lumière, et avec une pointe de terreur naissante, nous pouvons détailler à demi quelque chose qui évoque autant le scorpion que l'araignée, tout de cuivre, verre et cuir, et de la taille d'un taureau adulte.
De sa tête triangulaire, sertie d'une grosse gemme sombre en guise d'œil, elle semble nous examiner en retour. [
INT] Je reste mystifié par cette étrange apparition, tout comme mes compagnons, lorsque soudain, la chose s'élance droit sur nous. Ou, plus précisément, sur moi…