Dire que ma vie avait changé depuis ma rencontre avec Buldan serait un euphémisme.
Il voulait “commencer petit”, pour me former, et Manduris est donc devenue notre terrain de jeu. Le but, saboter les activités de la Guilde Marchande, et, à terme, faire des maîtres marchands les plus zélés à servir la Loi des sacrifices dignes du Chaos.
Cela impliquait des filatures [DEX avec avantage], domaine où je me distinguais, de l'espionnage [INT avec avantage], matière dans laquelle je débutais encore, des coups de force où la rapidité primait [SAG avec avantage], où mes maladresses de débutant faillirent nous faire prendre [Jet de Fatalité], et toujours quelques bourses à délester pour financer une ou deux corruptions [d6x10 pièces] et remplir nos poches plus vite qu'on ne les vidait.
Je me procurai aussi des protections en cuir que Buldan m’aida à choisir et à ajuster, suffisamment discrètes pour ne pas passer pour un homme d'armes de prime abord, et assez solides pour faire en cas de coup dur une petite différence entre la vie et la mort.
Jusque-là, j'avais été un élève studieux et avide, mais ce soir, cela allait être un examen sérieux. Nous nous préparons à assassiner un doge. Certes, pas des plus influents encore, mais avec une difficulté supplémentaire, celle de réussir notre coup dans la grande salle des ventes, où les maîtres marchands tenaient régulièrement agapes.
Seules notre astuce et deux petites dagues glissées dans la doublure de ceinture des tenues de servants que Buldan avait dégotées par je ne sais quelle manœuvre allaient nous aider à accomplir notre méfait.
Nous nous glissons silencieusement de par les toits peu après le crépuscule, et devons déjà nous méfier des miliciens alertes qui se défient des monte-en l'air de notre espèce. [DEX-1 avec avantage].
Une fois sur le toit de la grande salle, plus qu'à se glisser par une fenêtre obscure du dernier étage, exercice un peu acrobatique [DEX], où je manque de glisser et où Buldan me rattrape au dernier moment. Mais dans l'obscurité, voilà des pas qui approchent ; notre manège a été trop bruyant, nous avons attiré l'attention de gardes.
Les lumières vacillantes de leurs torches font danser les ombres à leur approche, et il ne nous reste que quelques instants pour trouver une cachette. [DEX avec avantage et désavantage, annulés].
Pressés entre deux tonneaux de vin, nous échappons de justesse à leur inspection.
Lorsque le danger est écarté, nous prenons enfin, prudemment, la direction des salles des festivités. Je me fie à Buldan pour ouvrir la voie, l'obscurité semblant le gêner bien moins que moi.
Mais bientôt, après avoir pris une grande inspiration pour nous donner contenance, nous entrons dans la lumière des braseros qui chauffent et éclairent les invités.
Nous rasons les murs, les yeux presque toujours baissés, en bon serviteurs à l'air occupés.
Par dizaines, marchands, notables et prostitués se mêlent dans un décadent mélange de gloutonnerie et de luxure… je cherche discrètement notre cible dans la foule [INT], sous le regard d'une grande statue d'or et de cuivre, représentant quelque être ailé et doté d'un trop grand nombre d'yeux qui me donnent l'impression de me suivre à travers la pièce.
Buldan est obligé de me tirer de mes rêveries idiotes en me tirant par la toge, le doigt brièvement pointé vers l'assemblée.
Notre cible est bien là, bedonnant et buvant, encadré d'amant et de maîtresse d'un soir.
C'est le moment de mettre notre plan à exécution, et de tester mes talents de bonimenteur en situation critique.
Avec Buldan dans mon sillage, je l'approche, et, après les mille excuses d'usage pour le dérangement, lui promet un cadeau très spécial de la part de la Guilde, dans l'intimité de l'arrière-cour, avec comme garantie le regard sensuel et aguicheur de Buldan. [Sophist : CHA avec avantage][Succès critique].
L'homme, sous le charme de mon compagnon, et un peu accompagné de ma jalousie mal placée de le voir ainsi fasciné comme je l'ai moi-même été par le Trouvère, se défait de sa galante compagnie pour nous emboîter le pas avec une précipitation non feinte.
À trois, nous quittons la fête pour longer un couloir peu éclairé, dont la porte du fond s'ouvre sur notre froide destination en cette nuit hivernale.
Alors que le pauvre hère cherche à percer l'obscurité du regard, à la recherche des richesses promises, nos dagues jaillissent et font leur sombre affaire [2x1d6 de dégâts avec avantage]. Pris à la gorge et au cœur, notre victime s'éteint sans un bruit, et s'effondre là, dans une marre de son propre sang.
Je laisse la suite à Buldan, tout en l'observant attentivement, lorsqu'il plonge ses doigts dans le sang frais et commence à dessiner d'obscurs symboles tout en invoquant les noms de Goumar et d'Arioch…
Et puis soudain, à ma surprise quelque peu terrifiée, il me semble voir le sang bouger de lui-même, et entendre de sinistres murmures dans l'air.
Le sourire de Buldan brille sous la demie grande lune.
- Nous avons réussi ! Le Chaos vient à nous !
Mais presque aussitôt, nous sommes tous deux secoués par une voix inhumaine et claironnante, venant de l'intérieur du bâtiment :
- Meurtre et sacrilège ! Des intrus ont invoqué les forces impies ! Ils seront châtiés pour cela !
Puis les cris des convives.
Notre sang ne fait qu'un tour, et Buldan m'entraîne vers l'autre côté de la cour.
- Malédiction ! Il nous faut fuir, l'Égorgé, et vite !