[CR] Le Bestiaire

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
Schmill
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[CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

J'ouvre ce fil pour relater les parties tests de mon projet - Le Bestiaire - dont vous pouvez trouver la description ICI.
En très rapide : la table incarne des moines et des moniales excentriques qui ont provoqué par accident la libération d'innombrables féeriques dans leur vallée en manipulant l'ouvrage dans lequel ils étaient prisonniers - Le Bestiaire. Ils doivent maintenant les retrouver et les enluminer avant le retour de la Mère abbesse et du Père abbé, partis à Rome.


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Nous sommes vendredi matin et la double abbaye bourdonne déjà d’activités. Les membres du Scriptorium ont été affectés à une corvée en cuisine, sous la férule exigeante du frère Barthélémy. Selon la règle de Saint-Luc nous sommes jour de chair maigre et seul le poisson est autorisé pour le repas.
 
C’est donc non sans impatience que frère Isidore, frère Fulbert et sœur Célestine voient ahaner dans les coteaux Innocente, la poissonnière, et le jeune Chrétien qui pousse une pesante charrette à bras. 
 
Avec soulagement ce dernier installe sa charrette au milieu de la cour, alors qu’Innocente commence à vanter la pêche du jour. Il y a là gardons et truites, mais aussi castor et macreuse, tous deux de légitimes poissons selon les doctes savants. Ne vivent-ils pas en permanence dans l’eau ?
 
Toutefois nos commis de cuisine n’ont guère le temps de se frotter les mains devant le ragoût à venir, car Innocente prend un autre ton : plusieurs des poissons pêchés par Grenaudin, un pêcheur des environs, portent d’étranges écritures. Seuls des fadas comme ceux du monastère ont pu faire une telle chose, très mauvaise pour les affaires, et la commerçante ne mâche pas ses mots.
 
Frère Isidore, d’un naturel bonhomme, l’assure que tout sera racheté par le monastère, pendant que frère Fulbert, le plus lettré du groupe, commence à inspecter la poiscaille manuscrite avec l’aide de sœur Célestine. Ils découvrent à tour de rôle que les écritures sont faites à l’envers et qui plus est réalisées avec de l’encre féérique. Les messages portés dessus sont aussi étranges “J’en pince pour toi.”, “J’ai faim.”, “Rejoins moi au bras du canard.”... 
 
Les membres du Scriptorium rassurent comme ils peuvent la poissonnière avant d’emmener leur étrange course en cuisine. Fulbert et Célestine continuent leur examen, découpant les peaux, alors qu’Isidore décide de les cuisiner malgré tout. Curieux de leur effet, il profite de l’inattention de l’austère frère Fulbert pour en goûter une lichette. Il est aussitôt pris d’un échauffement des chairs, et commence à observer le fessier du frère Ugolin, commis en cuisine, avec la féroce envie de le pincer. Il s’empare d’un plateau et, prétendant une course urgente, pince le pauvre Ugolin pour lui faire dégager le passage.
 
Fulbert et Célestine ont de leur côté fini de relever les étranges messages, et les trois comparses décident ensemble de partir voir le pécheur Grenaudin, alors que frère Ugolin revient accompagné en cuisine en fixant Isidore d’un air soupçonneux (et en rasant les murs).
 
Frère Isidore harnache donc Herbert le cochon avec la sacoche du Bestiaire et la petite compagnie descend la colline en direction de l’Esperluette, la charmante rivière qui coupe la vallée en deux rives. Champs et vignobles cèdent la place aux aulnes et aux bouleaux, alors que l’équipe arrive dans le labyrinthe de ruisseaux, de marais et de bras morts qui entourent la confluence proche.
 
Ils ont tôt fait de trouver la chaumière de Grenaudin, qui rejoint sa femme pour s’expliquer avec moines et moniales : tout le monde sait dans la région que des choses bizarres arrivent partout où ils passent ! Mais là ils dépassent les bornes, écrire sur le poisson ça ne se fait pas. Et il y a ces autres choses étranges : les canards “plumés du cul”, le “mal brochet” énorme qui rôde dans la rivière… Herbert pousse un grouik de tension alors que le gros chien blanc du pécheur se met à hurler à mort. Faudrait voir à faire quelque chose, insiste Grenaudin.
 
Frère Isidore acquiesce alors que Fulbert dénie toute responsabilité de l’abbaye, le tout sur fond d’accord de luth par sœur Célestine (elle ne s’en sépare guère). Avec l’aide du pêcheur, ils montent à bord de sa barque (sans le cochon) et décident d’aller voir de plus près le bras du canard, où la plupart de ces événements auraient eu lieu.
 
Le frêle esquif est conduit par sœur Célestine, de loin la plus adroite de la troupe, au milieu du labyrinthe que constitue la confluence de l’Esperluette avec l’Ardoise. Elle manque de se perdre, mais fait appel à un point d’encre féerique pour finir par trouver le paisible bras du canard. A l’ombre des frondaisons, un long trait d’eau paisible est cerné de roselières, couru d’araignées d’eau zigzagant entre de vieilles souches et quelques nappes de lentilles d’eau.
 
Le Scriptorium hésite. Les berges n’ont l’air guère stables, et  frère Isidore décide de questionner les canards du coin. Evidemment, seul lui comprend ce qu’il dit, son don étant imaginaire, mais les canards curieux se rapprochent temporairement avant d’être effrayés par l’agitation douteuse du frère. Tous constatent alors que leurs croupions sont fort dégarnis, et Isidore émet l’hypothèse que quelqu’un se sert de leurs plumes pour écrire…
 
C’est le moment où la barque tangue violemment sous l’effet d’un choc - frère Fulbert protège désespérément le Bestiaire alors que Célestine maîtrise l’embarcation d’une main de maître. Une grosse bête semble glisser silencieusement sous les eaux…
 
Isidore reprend son investigation, et découvre alors d’étranges traces au fond de l’eau, qui mène à une sente bien cachée au milieu des roseaux. La fine équipe débarque péniblement et patauge au milieu de la boue et des moustiques - sœur Célestine en écrase quelques uns avec le précieux manuscrit, sous le regard outré de Fulbert (qui prend un point de fièvre). Remontant les traces, ils finissent par découvrir une tanière dans la berge. Isidore se défroque alors pour y pénétrer, tandis que Fulbert tente de cacher tant de chair exposée à la vue de Célestine, en s’interposant.
 
A quatre pattes dans la boue, Isidore finit par découvrir un étrange nid de joncs. Il est entouré de coquilles remplies de restes d’encre, de plumes de canards brisées et usées, ainsi que d’un étrange dessin tracé sur un nénuphar : un coquillage ouvert sous la Lune, munie d’une perle. Chassant quelques écrevisses qui habitent l’endroit, Isidore investigue sans rien trouver de plus.
 
Les trois comparses se retrouvent enfin à l’extérieur, et se décident à consulter les notes de l’abbé et de l’abbesse [une aide de jeu sur les étrangetés de la vallée]. Ils conviennent, à l’aide des indices retrouvés, qu’une huître semble bien impliquée. Or les notes en situent une à la source de Diane, un étang situé non loin. Décision est prise de s’y rendre…
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Corvos
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Corvos »

Le projet est vraiment cool et ce premier CR est très sympa :)
Bonne continuation pour tout ça :)
Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Corvos a écrit : sam. sept. 23, 2023 8:38 pm Le projet est vraiment cool et ce premier CR est très sympa :)
Bonne continuation pour tout ça :)

Merci ! Je trouve l'exercice du compte rendu pas évident (du moins quand on veut le partager et pas juste s'en servir pour suivre le scénar et ses intrigues), je suis assez admiratif de ce qu'on voit sur cette section du fofo pour avoir hésité à poster.

Pour la petite histoire le scénario est inspiré de deux éléments. Il y a la vision médiévale du Homard et de l’Huître donnée par M. Pastoureau dans son Bestiaire ainsi que d’une anecdote bien postérieure mais dans l’esprit : deux harengs portant d’étranges caractères « gothiques » furent pêchés au large de la Norvège en 1587, suscitant l’émerveillement. Ils furent envoyés dans une université pour être étudiés, et finirent par être dépêchés au roi du Danemark. On les considéra comme des signes funestes envoyés par le ciel, et la mort du monarque cinq mois plus tard « confirma » les croyants dans leur hypothèse.
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Corvos
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Corvos »

Je pense que tu devrais totalement incorporer ces infos dans un préambule du CR et surtout dans la version finale du scénario pour aider le futur MJ à s'accaparer le tout, quitte à recopier la vision de Pastoureau (sans doute tombé dans le domaine publique) et l'anecdote détaillée parce que même si ça ne donne aucune clef pour le scénario en lui-même ça permet bien de voir où trouver la matière et comment la travailler pour obtenir un bon scénar. Je trouverai ça génial d'avoir une page de note sur l'inspiration et comment elle a été travaillée pour arriver au scénario. Bien plus utile qu'une vague liste d'inspiration qu'on te crache bien souvent à la gueule sans t'expliquer quoi y chercher. :)

Ces anecdotes compilées pourraient même servir à une fantastique table de création de scénario (pour ceux que tu ne vas pas développer) et mettre à l'amende bien des générateurs de scénarios trop générique, à mon avis.

Je le redis encore, excellent boulot et j'espère voir des lapins armés bientôt mis à l'honneur. C'est mes préférés :D
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Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

J'ai mis le paragraphe explicatif en question dans le scénario - indispensable à mon sens pour que le MJ comprenne le contexte de tout ça et puisse le donner aux PJs en temps voulu. :) Tu as raison, j'ajouterai un résumé des deux protagonistes tiré du bestiaire de Pastoureau pour donner plus de billes.
J'hésite à écrire plus toutefois car je ne suis pas médiéviste et je ne veux pas prétendre à l'étiquette historique, qui ouvre la porte à de nombreuses (et souvent légitimes) critiques. En revanche donner les outils pour aller vérifier et se renseigner, mille fois oui ! :) 

Je consigne de côté chaque anecdote croustillante que je trouve, pour nourrir de futurs scénarios, il y a de quoi faire...

Lapins, chiens, grylles et malacomorphes (créatures habitant des coquilles d'escargots) seront ou ont déjà été à l'honneur. Il y a quatre scénarios d'écrits pour le moment où j'essaye de faire tourner le projecteur.

Merci beaucoup pour tes commentaires, ça m'aide à rester motivé dans un projet au long cours. <3
 
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XO de Vorcen
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par XO de Vorcen »

Alors ne présente pas comme historique mais d'inspiration historique. Petite encart ou paragraphe au début : "cette histoire s'inspire de.. du bestiaire de ... "
Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

XO de Vorcen a écrit : dim. sept. 24, 2023 2:50 pm Alors ne présente pas comme historique mais d'inspiration historique. Petite encart ou paragraphe au début : "cette histoire s'inspire de.. du bestiaire de ... "
Oui, tout à fait. C'est une réserve dont je ne me priverai pas. :)
 
Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Deuxième et dernière session de ce qui devait être un petit intermède pour reprendre contact avec les règles et l'esprit du jeu avant le prochain gros scénario.

Nous reprenons le cours de l’aventure alors que le Scriptorium patauge encore dans le bras du Canard. S’étant fait une opinion et l’heure du déjeuner approchant, ils décident de rentrer au monastère. Ils ramènent donc la barque à Grenaudin, occupé à vider du poisson sous l'œil attentif et gourmand d’Herbert (un cochon porte manuscrit, pour rappel). Le pêcheur renouvelle ses inquiétudes, alors que les trois compères remontent les coteaux vers le double clocher qui marque leur clôture.
 
Sur place frère Barthélémy s’est enfin remis de ses maux de ventre, et tente de reprendre sa place pendant le déjeuner. Hélas au moment où il entre dans le réfectoire ce n’est pas la désirable lecture d’une épître il entend, mais une cacophonie chaotique : frère Ugolin est en train de poursuivre frère Abelart en le pinçant de toute part, alors que frère Cosme se roule sur la table en chantant “Pince-mi ! Pince-moi!” et que soeur Léontina (connue pour fuire le réfectoire de Notre-Dame de l’Encrier pour celui de Sainte-Garde) a mordu férocement Frère Lambert au postérieur et en semble inséparable. Les autres membres de la communauté tente vainement de maîtriser la situation, alors que le frère prieur est catastrophé. 
 
Les membres du Scriptorium se rappellent en déglutissant qu’ils ont laissé tous les poissons “marqués” derrière eux, en cuisine…
 
Frère Fulbert décide de prendre les choses en main. Il est après tout le circateur de cette communauté, son légitime surveillant. Sa voix de stentor éclate en ordre sous la voûte et la moitié de la communauté se fige immédiatement. Seule sœur Léontina continue à mordre férocement le pauvre Lambert, désormais au visage rouge vermillon. Chacun s’emploie à l’arracher à sa proie, et dans un claquement sec de dents le pauvre moine mordu est enfin libéré.
 
Le frère prieur remercie Fulbert pour son intervention, non sans s’interroger sur la situation. Troublé, il ne prête pas attention à ce qu’il fait, et accepte volontiers l’assiette de bouillon fumant que lui tend soeur Célestine. Tout en le sirotant il écoute le rapport que lui dresse frère Isidore, jusqu’à ce que ses joues se mettent à rosir et ses yeux à se dilater. Il demande alors au frère de se tourner pour mieux lui indiquer la direction du bras du canard et, telle une vipère, se détend alors pour pincer le postérieur du malheureux. Frère Bathélémy intervient promptement et, tapotant le prieur de sa grande louche de fer, il arrive à le ramener à la raison.
 
Confus, le prieur décide d’emmener tout le monde en pénitence, à l’exception du Scriptorium qui a sauvé la situation. Il charge le bon Fulbert d’élucider cette histoire au plus vite, et la petite bande, renforcée de Barthélémy, se rend donc à la source de Diane.
 
La source est connue des érudits comme le site d’un ancien temple païen, du fait de quelques vieilles pierres et dédicaces latines présentes sur place. Pour les gens du coin elle est tout simplement la “Source de la Lua”, la Lune. Elle se trouve non loin de la confluence, et une vingtaine de minutes suffisent au petit groupe pour la rejoindre, non sans s’être préparé avant deux baluchons de “collations” et avoir emmené le Bestiaire.
 
Le groupe est accueilli par l’envol majestueux d’un héron. Un étang s’allonge paresseusement au pied d’une source glougloutante cernée de pierres moussues. Chacun se met à prospecter à sa manière. Le fond de l’écran n’est guère visible, et frère Isidore se met à faire le tour de l’endroit en retroussant sa coule aux genoux et pataugeant allègrement. Il découvre dans le sol mou de la berge de nombreuses traces d’animaux, dont celles d’un “gros chien”. De son côté frère Fulbert et frère Barthélémy inspectent la source elle-même et découvrent, enfouies sous la mousse, quelques vieilles dédicaces latines. Les anciens y font référence à “LUNA” et à la “VENATIO”. Plus prosaïque encore, ils trouvent un graffiti représentant un phallus doté de pinces, provoquant un commentaire de frère Fulbert sur la dépravation des antiques. Frère Isidore ne peut s’empêcher de souligner que certains frères dessinent des choses similaires, ce à quoi le circateur répond par un interrogatoire plus serré… hélas Isidore ne se rappelle plus vraiment qui à fait quoi…
 
Devant le faible résultat de leur investigation le Scriptorium redouble de méthode. Célestine compose un morceau de luth aux grotesques oisels, qu’elle suspecte d’être impliqués, Barthélémy fouille les berges suivi par un Herbert curieux, tandis que Isidore interpelle grenouilles et nénuphars et que frère Fulbert décide de prendre de la hauteur pour observer l’étang et grimpe dans un arbre.
 
C’est cette scène étrange que vient interrompre le visage furibond d’une femme jaillissant des fourrés. Couronnée d’un chapeau aux couleurs passées et brochées de nombreux hameçons, elle s’en prend au Scriptorium dont le chahut fait “fuir les poissons à des lieues à la ronde”. Frère Fulbert argue qu’ils passent un moment de “spiritualité” ensemble, mais la pêcheuse ne manque pas de lui rappeler qu’il serait mieux à l’église que perché dans un arbre pour y arriver. Elle étrille tout le monde à tour de rôle, mais le Scriptorium ne manque pas de relever qu’elle affirme que “de jour il ne se passe rien ici” mais que la nuit semble plus…agitée.
 
Après que Marguerite, la pêcheuse, ait fini par quitter les lieux non sans maugréer sur les “cinglés du monastère”, l’équipe décide de s’installer ici pour la nuit et prépare un feu de camp.
 
Au loin les bruits de l’homme s’éteignent doucement. Plus de marteau qui frappe dans les villages, plus d’échos des bateliers qui se hèlent sur la rivière, mais quelques aboiements solitaires qui saluent le coucher du Soleil dans un ciel incendié de gueules.
 
Et puis, timide, vient le chant d’une grenouille qui appelle la nuit. Le ciel se couvre peu à peu de Sables, et à chaque rainette qui se joint à la chorale une nouvelle étoile apparaît dans les nuées.
 
Lentement leur ballet scintillant se met en place, reflété sur les eaux calmes de l’étang. Tout juste un poisson ose-t’il, de temps en temps, gober une lumière et troubler son reflet d’une série d’ondes tremblantes.
 
Au coin du feu l’équipe se nourrit du fruit de leur pêche, alors que sœur Célestine entame la balade qu’elle a composé. Ses notes s’envolent gaiement en suivant les escarbilles du feu, jusqu’à la touche finale. Un long hurlement de chien ou de loup résonne alors dans la distance, semant l’effroi chez hommes et cochon. Le silence s’étend un peu avant que la nature ne se fasse à nouveau entendre.
 
L’étang est une scène vide piquée du reflet des étoiles. Sur ses berges on entend un public patient vaquer à ses occupations. Sous le couvert des fougères on remue l’humus du bec ou du nez, on se faufile à l’abri du feuillage, on renifle, on stridule, on coasse, on couine. A l’écoute de ce petit peuple la nuit semble sans fin, jusqu’à ce qu’enfin les cloches du monastère viennent sonner mâtines avec de longues notes graves.
 
Un pinceau de lumière argentée glisse alors sur la source pétillante, couronnée de vieilles pierres romaines. Lentement il éclaire l’étang alors que dans le ciel apparaît, triomphante, la Lune en berceau d’argent.
 
Là où porte son reflet, une bulle vient à éclater à la surface, rapidement suivie d’un chapelet complet. L’eau se met à bouillonner, à se soulever et enfin à se dérober sous la forme ronde et généreuse qui en émerge. Ruisselante, une large coquille ivoire et argent trône maintenant sous la lumière et commence à lentement s’ouvrir, révélant un éclat de lumière nacrée : une perle prodigieuse.

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Frère Isidore et Célestine contemple l’Huître, alors que frère Fulbert et frère Barthélémy sont surpris par un lourd piétinement dans les sous-bois. Ecartant les fougères, un gros chien roux laisse tomber le charme qui protège sa véritable nature pour apparaître sous la forme d’une large bête azur à la gueule de dogue et à la queue de poissons : sans nul doute un homard !

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Claquant des pattes à la manière de pinces en se dressant sur son séant, le Homard exulte devant les “Tondus et la coiffée”. Son plan crustacéen, consistant à écrire ses plus beaux poèmes pour attirer l’Huître, lui aura permis d’attirer l’attention du Scriptorium puis de le suivre jusqu’à l’objet de son désir. Éclatant d’un rire menaçant, il ordonne à Fulbert et à Barthélémy de s’écarter pour le laisser s’emparer du précieux coquillage. 
 
Fulbert décide alors, selon une logique imparable, de frotter violemment la tonsure de frère Barthélémy afin que sa brillance égale celle de l’Huître. Ainsi le grotesque sera t-il fasciné et pourra t-il être enluminé !
 
La foire d’empoigne qui s’en suit ne sera pas dans les annales officielles de l’Ordre. Barthélémy, habitué à manipuler de lourds gigots en cuisine, s’empare de l’outrancier Fulbert et commence à lui poncer le crâne de la même façon, dans une scène surréaliste de frottage réciproque.
 
Que ce soit du à ce spectacle improbable ou au fait que le Homard a maintenant une vue directe sur l’Huître, le grotesque semble bien fasciné par la situation.
 
De leur côté Célestine et Isidore doivent choisir quel grotesque enluminer : l’Huître a l’air inoffensive alors que le homard sème le chaos dans la rivière. Ce sera donc lui qui retournera dans le Bestiaire ! Isidore choisit la couleur sinople alors que Célestine s’empare de l’azur, et tout deux tracent et colorient à grand train alors que le grotesque semble immobilisé. Si tout l’azur se détache bien du Homard pour retourner dans le Bestiaire, en une magnifique traînée de pigments, il n’est rien du sinople et le grotesque se met alors à s’extirper de sa torpeur.
 
Invectivant le Scriptorium pour son audace, il les menace de son implacable vengeance avant d’entamer une danse fatale. Sautillant d’une patte sur l’autre en agitant ses “bras” au-dessus de la tête, il se met à chanter “Pince-mi ! Pince-moi!” d’une voix éraillée mais hypnotique. 
 
Les membres du Scriptorium sont subjugués par une telle démonstration, mais arrivent à puiser dans leur réserve d’encre féerique pour repousser l'irrésistible envie qui monte…à une exception. Alors que tous se consultant du regard pour évaluer la situation, frère Isidore ne répond qu’en se mettant à sautiller d’une jambe sur l’autre puis en sautant sur Fulbert pour le pincer de toutes parts. Une nouvelle mêlée s’en suit, tandis que soeur Célestine et frère Barthélémy reprennent les pinceaux : considérant la nature brutale du grotesque ils décident tout deux de choisir de peindre en Gueules. Les derniers pigments qui maintenaient l’image du Homard s’effritent alors et disparaissent en un tourbillon sonore et coloré dans le Bestiaire, qui se referme en un “clap”. Au même moment l’Huître disparaît dans les eaux au fracas d’un “plouf” homérique. Les remous apaisés ne laissent plus voir que le reflet de la Lune…
 
Epilogue
 
Le calme revient sur l’Esperluette, et la communauté ne craindra plus les poissons étranges ou les indigestions et pinceries - au moins pour un temps. La rumeur continuera bien de parler d’une lumière étrange, la nuit dans les marais et les rivières de la vallée…
 
Par ailleurs les membres du Scriptorium ont réussi à récupérer, à la disparition du Homard, un objet féerique - une sorte de serre-tête avec des antennes de crustacé - et un nouveau pouvoir de plumes, hérité du grotesque vaincu. Enfin chacun a un nouveau surnom, à la fois fait d’arme et quolibet, qui servira de mot clé bonus au personnage.
 
Frère Barthélémy sera “Cire-crâne”, en souvenir du ponçage de la tonsure de frère Fulbert.
 
Soeur Célestine sera “Sept d’un coup”, en référence aux moustiques qu’elle a écrasé avec le Bestiaire.
 
Frère Fulbert sera “Prêcheur perché”, pour immortaliser la scène où il a échangé avec Marguerite la pécheuse.
 
Frère Isidore, pour ses multiples méfaits, sera “Pince-fesses”.
 
Le Scriptorium est loin d’avoir fini ses mésaventures : alors que le chapitre général se réunit un page arrive en pleine assemblée. La poitrine frappée des armes de Sifflemerle, il annonce que la baronne souhaite récompenser l’abbaye au tournoi des trois merles. Il semblerait aussi qu’elle ait besoin d’une aide “particulière”...
Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Nous avons commencé un nouveau scénario, plus sérieux, plus long (beaucoup plus...) la semaine dernière. A l'aide des notes des joueurs et de mes propres textes, je vais tenter de vous en faire le retour ici. Je repose d'abord très rapidement quelques éléments généraux sur le groupe et l'univers, mais n'hésitez pas à aller sur la page FB ou l'insta pour retrouver quelques infos plus larges. Ou à me poser des questions ici ou sur le fil dans création et technique.

Le Scriptorium
 Quatre personnages, forts habiles aux travaux de plumes, ont provoqué par maladresse (et frime, irresponsabilité, et ivresse prononcée) la libération d’innombrables créatures féériques captives d’un mystérieux manuscrit, le Bestiaire. Grotesques dessinés dans les marges, enluminures en pleine page, toutes se sont échappées dans la vallée et sèment le désordre parmi les vulgaires. Par convention ce groupe de personnages sera désigné ensuite sous le nom de “Scriptorium”.
 Sa mission : retrouver et enluminer Grotesques et Majeures dans le Bestiaire avant le retour du père Abbé et de la mère Abbesse de leur voyage à Rome. 

 Frère Isidore est un éternel apprenti du Scriptorium, où il se consacre surtout à tracer des lignes et tailler des plumes. Son véritable talent semble plutôt s’exprimer au jardin, où il cultive les simples. Sa passion pour la nature ne s’arrête pas là, puisqu’il est convaincu de pouvoir parler aux animaux et aux plantes.

 Frère Barthélémy est expert à la préparation des encres - matières précieuses, pigments fascinants qu’il mélange à des liants pour obtenir le liquide précieux. Hélas son enthousiasme est tel qu’il ajoute parfois ces précieux composants - entre autre chose - à la cuisine du monastère, dont il assure souvent la charge.

 Soeur Célestine pourvoit le Scriptorium en pigments quand elle ne remplit pas, pour son plus grand plaisir, quelques corvées aux petites écuries de la double-abbaye. Quoique d’un caractère taquin (on se rappellera qu’elle tendit une écuelle de poisson-fou au frère prieur) elle est une joyeuse compagnonne, qui aime à chanter et danser en toutes occasions. Un peu trop, peut-être.

 Frère Fulbert est, au sein du Scriptorium, la Réglure. Tout à son caractère rigoureux, il est en charge de vérifier la conformité des réglures de chaque page copiée, et en particulier celle du pauvre Isidore. Il exerce, dans la même idée, la charge de circateur au sein de Sainte-Garde et surveille à ce titre le comportement de ses frères. Il est, comme on s’en doute, un moralisateur compulsif.

 La présentation ne serait pas tout à fait complète sans Herbert : jeune et vigoureux cochon, il est le porteur du Bestiaire, glissé dans un précieux étui de cuir harnaché sur son dos. La bête est têtue mais intelligente, et aimée de frère Isidore et Barthélémy - alors que frère Fulbert voit d’un mauvais œil cette affection et insiste régulièrement pour qu’il soit transformé en jambonneau.
 
Chapitre général
 Au début de chaque scénario les membres de l’ordre de Saint-Luc se réunissent en une large assemblée, où sont débattus les problèmes de la communauté : le chapitre général. Depuis le départ du père Abbé et de la mère Abbesse il rassemble les sœurs de Notre-Dame de l’Encrier et les frères de Sainte-Garde en une large et joyeuse cohue.
 Pour les joueurs et les joueuses il est une double occasion : 
  • Au début du chapitre chacun peut “battre sa coulpe” et déclarer changer son péché ou son excentricité - c’est un ajustement qui permet de faire évoluer son personnage ou de changer un trait devenu pesant ou répétitif.
  • S’en suit un jeu de carte “de chauffe” où ils vont tirer à tour de rôles des cartes, et broder une situation devant le chapitre qu’ils ont découvertes et résolues. Plus ils tirent de cartes et plus ils peuvent gagner de points “d’encre” pour la suite. Mais chaque nouveau tirage augmente les chances de tirer une carte “grotesque” qui leur fait gagner de la mauvaise encre. A titre d’exemple, les joueurs ont tiré pour cette session : “Dans les collines” et “Enseigner la grammaire”; puis “Un vieux mystérieux” et “Enluminer les marges”; et enfin “Au chaud dans le Scriptorium” et “Enluminer une majuscule. Ce petit jeu permet de briser la glace et de faire vivre la double abbaye et ses habitants par des historiettes.
 Le tournoi des trois merles
 Lors d’une précédente aventure, les trois compères et commère ont déjoué une Majeure fort voleuse - la Grande Jacasse. Parmi ses trésors se trouvait la couronne de la baronne de Sifflemerle, qui lui fut donc restituée.
 Il semble que la baronne n’ait pas oublié, et à la fin du précédent chapitre général un de ses pages s’est présenté à la communauté, pour annoncer qu’une délégation était invitée au tournoi qui prend place dans sa bonne cité de Sifflemerle. Plus discrètement, il fut suggéré que les talents d’investigateurs…spéciaux… des moines et moniales de Saint-Luc pourraient être sollicités.

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 Le banquet des amours
 Après une courte préparation, les membres du Scriptorium rejoignent la bonne cité de Sifflemerle, au Sud de la vallée. Ceinte de remparts, enrichie par les taxes prélevées sur son pont-neuf, elle ne cède en prospérité qu’à Saint-Cavare, le siège du diocèse et de l’austère Monseigneur Orderic.
 Le manoir de la baronne lui-même a perdu plusieurs de ses attributs militaires pour gagner une façade gothique flambante barrée d’un bel escalier d’apparat. Il mène directement à la grande salle, où nous retrouvons nos personnages en plein milieu d’un banquet fastueux, destiné à ouvrir les festivités du tournoi.
 [texte d’intro, sur fond de https://www.youtube.com/watch?v=5Zah4VWPiNE ]
 
« La grande salle du château fait peu à peu silence, alors que couteaux et coupes sont posés sur la table, et que les convives laissent mourir leurs derniers échanges dans un murmure. A pas feutrés, un échanson circule derrière la table d’honneur et remplit de grenat une procession de verres irisés. Indifférent aux premiers accords de la trobairitz qui s’est avancé, un lévrier de la baronne mâchonne jalousement un os.
 
Bientôt une voix claire, douce comme le velours, emporte l’auditoire vers des paysages tendres et amers. Les regards se fixent peu à peu, alors que chacun se pénètre lentement de ces vers mélancoliques.
 
[Lue par la joueuse de Célestine] “Le sujet de mes chants sera pénible et douloureux. Hélas ! j'ai à me plaindre de celui dont je suis la tendre amie ; je l'aime plus que chose qui soit au monde; mais auprès de lui, rien ne me sert, ni merci, ni courtoisie, ni ma beauté, ni mon mérite, ni mon esprit. Je suis trompée, je suis trahie comme si j'avais commis quelque faute envers lui.”
 
Les mots s’envolent langoureusement vers la voûte de pierre, accompagnés des escarbilles pétillantes crachées par le feu. Sous leur charme la baronne de Sifflemerle, songeuse, appuie son doux visage sur ses mains serrées. Son confesseur, Valérien, semble tourner en lui-même, contemplant quelque paysage connu de lui seul. Dame Estelle, à la robe constellée d’étoiles, affiche un sourire bienheureux, à peine troublé par le passage d’une larme douce.
 
[Lue par la joueuse de Célestine] “Ce qui du moins me console, c'est que je ne vous manquai jamais en rien, ô cher ami, dans aucune circonstance ! Je vous ai toujours aimé, je vous aime encore plus que Seguin n'aima Valence. Oui, je me complais à penser que je vous surpasse en tendresse, ô cher ami! comme vous me surpassez en brillantes qualités. Mais quoi ! Vos discours et vos manières sont sévères envers moi, tandis que toutes les autres personnes trouvent en vous tant de bontés et de politesse !”
 
Le chevalier Amaury, aux joues rosies par le vin, semble tendu par les vers, alors que le regard de Dame Clotilde est perdu sur la trobairitz. Enfin les derniers mots s’envolent et le silence ouaté est bientôt brisé par les applaudissements délicats de la baronne Isabeau de Malicorne – suivi de ceux de la salle.

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 Frère Fulbert remarque, pendant ce morceau, que la troubadour semble mettre une émotion particulière à son interprétation. Son regard se perd à plusieurs reprises vers la table, sans que le bon circateur arrive à savoir exactement qui il vise.
 
La baronne reprend alors la parole pour demander à l’assemblée ce qu’est l’amour. 
 
Dame Estelle, la soeur de la baronne, parle d’un amour qui ne peut être qu’universel.
 
Le chevalier Gaston, à l’accent zozottant, parle de loyauté et de ce qu’on éprouve à l’attention de sa famille et de ses amis.
 
Le chevalier Amaury parle du feu qui lui ronge les entrailles devant des formes pleines et généreuses.
 
Isidore et Célestine donnent une réponse à la mesure de leur fonction. C’est Frère Fulbert qui s’illustre en montant sur une petite escabelle pour rappeler les règles de Saint-Luc et parler de l’amour de Dieu. La chose avait l’air très docte, et a laissé le temps à Frère Isidore de manger goulument le faisan farci servi ce jour-là.
 
Le repas reprend après que la baronne ait souhaité à l’assemblée de trouver l’amour qui lui convient - et celui du Seigneur.
 
Le père Valérien, son confesseur, profite alors de la reprise du repas pour entreprendre le Scriptorium de problèmes récents. Non sans une certaine gêne il parle d'événements étranges et l’Ordre de Saint-Luc étant réputé…à part… il a pensé que ses membres pourraient être utiles à la cause.
 
Surpassant son embarras, Il leur rapporte que des gens perdent la mémoire au sein de la Cour. Même les hommes de Dieu sont touchés. Lui-même avait oublié l’existence de tous les pauvres qui se trouvent dans l’hospice qu’il gère pour la baronne, il y a deux semaines de cela. Il pense d’ailleurs avoir oublié une journée en particulier. Il convie les personnages à visiter la place, une ancienne basilique romane, située derrière l’Eglise Saint-Romain du Pont.
 
Toujours selon lui, Dame Brunilde aurait oublié l’existence d’un fiancé… qui serait récemment décédé. Pareillement, d’autres personnes lui ont confié des trous de mémoire, oublis de personne ou de moments. Il a bien sûr recommandé le port de médailles de Sainte Rita, et moult prières… mais rien n’y fait et ces étranges phénomènes se poursuivent.
 
Enfin Il évoque le sort de Jeanne et Humbert, deux serviteurs punis pour des erreurs de service. Leur bastonnade n’aurait pas été justifiée selon lui, et la situation lui semble proche de “l’épidémie de perte de mémoire”, pour reprendre l’expression de sœur Célestine. 
 
Le confesseur demande l’aide du Scriptorium au nom de la baronne  pour mener l’enquête et remédier à cette situation gênante et saugrenue. Frère Fulbert accepte au nom de toute la délégation, au grand soulagement du père Valérien.
 
Le repas continue alors que les plats défilent et que la plupart des invités commentent les festivités à venir. Célestine en profite pour aller voir Béatritz, la trobairitz, et parler musique. L’interprète a toutefois remisé sa harpe dans son étui, mais les deux femmes se promettent de prendre un moment pendant le tournoi pour jouer un morceau ensemble.
 
Frère Isidore traîne quant à lui avec les pages, les échansons et les servantes en fin de soirée pour glaner quelques rumeurs. Un énorme poisson aurait été vu près de la ville d’Egalière ! Scandale : les sournois marchands de Saint Cavare auraient fait graver de fausses pièces de mesure, pour remplacer les vraies pendant la nuit !
La soirée tire à sa fin, et la baronne finit par se retirer. Demain le tournoi va commencer, ainsi que l’enquête du Scriptorium…
 
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Inspirations
Comme demandés précédemment, voilà quelques inspis pour cette première scène :  
  • La chanson est de Béatritz de Dia. Comtesse de Die, trobairitz, elle vécu au XII°, soit grosso 150 ans avant la période qu’on joue. Par clin d’oeil, la PNJ qui l’interprète porte le même prénom. C’est un choix fait pour appuyer le thème du scénario - l’amour - et le cadre de l’univers - une vallée fictive quelque part entre Provence et Dauphiné. 
  • Le banquet s’inspire très librement du “Banquet de Platon” avec ses évocations de différents type d’amour - la philia, la storgê, éros… Les petites déclinaisons faites par les PNJs doivent servir d’exemple aux PJs devant une question plus déstabilisante pour eux que lutter un gros troll : qu’est ce que l’amour ?
Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Le plan du manoir, qui va aider à suivre dans les prochaines séances :

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Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Le Scriptorium commence à investiguer le manoir d'une manière...inhabituelle, impliquant des pâtés croûtes et une opération discrète, avant de reprendre sur un ton plus sérieux.

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C'est la deuxième (et grosse session IRL) du Tournoi des merles, et je vous l'ai mis en page en PDF, avec quelques inspis en liens interactifs.

C'est PAR ICI.

Vous pouvez retrouver également la première session sur le même format PAR LA.
 
Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Ma mise en page est tout à fait amateure, je prendrai un pro si le projet devient viable à terme. :)
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Nouvelle séance la semaine dernière. Je repasse sur un format plus classique de CR, j'ai l'impression que le PDF ralentit plus l'accès qu'autre chose...

Lors du précédent épisode, compères et commère ont entendu un surprenant lai de la part de la trouvère, Béatritz : elle chantait un triangle amoureux mettant en scène des protagonistes étonnement proches de ce qu’ils étaient en train de découvrir : une dame habile à tisser les souvenirs, trompée par un Lyon féroce, lui-même séduit par une Pie rusée. Même Gaston de Cerfeuil, l’étrange chevalier aux armoiries à double carotte, semblait concerné.

Le Scriptorium s’est bien sûr piqué de décoder tout cela, non sans avant régler deux épineuses questions : arriver les premiers à l’étal de Jeanne la Bouchère, qui fait les meilleures saucisses de la ville, et rencontrer le sieur Béranger, frère de Béatritz. Ils ont en effet accepté de rédiger un poème à son attention, pour le compte de Gaston.

Ils arrivent à peine à temps au marché où l’étal de Jeanne est pris d’assaut. Isidore et Barthélémy sont mis hors de combat par les matrones qui font la queue devant mais Célestine, usant de sa Passion, arrive à se faufiler et met la main sur sept saucisses d’un coup. Las ! Elle découvre avec stupéfaction qu’il s’agit de vits bien gigotant. L’équipe décide alors de filer la bouchère, pour découvrir qu’elle a trouvé un arbre à vits, une marginalia sur laquelle elle fait sa fortune…

Cela fait, ils font un crochet vers l’hôtel du pont où réside Béranger. Ils découvrent une riche demeure et sont reçus auprès du maître. Celui-ci n’est pas seul, et alors que le bon Isidore annonce vouloir quelques informations sur sa sœur, l’invité resté en retrait se dévoile : il ne s’agit ni plus ni moins que de Monseigneur Orderic, l’évêque de la vallée ! Béatritz est sa sœur, le mouton noir de la famille et il est manifestement fort fâché que les turbulents moines et moniales et Saint-Luc s’y intéressent. Après les avoir morigéné, il annonce qu’il enverra directement son missi dominici, le père Jules, enquêter sur cette histoire. Le dominicain n’est pas le meilleurs amis du Scriptorium…
Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Nouvelle séance du Bestiaire hier. Le Scriptorium cherche à démasquer les marginalia de Sifflemerle et comprendre ce qui provoque cette épidémie d'amnésies.

Toujours centré sur l'essentiel, frère Barthélémy et frère Isidore ont décidé qu'ils pourraient aider Gaston de Cerfeuil à séduire Béatritz en lui offrant un beau gâteau à la carotte 🥕 .  Bien résolus à le cuisiner eux-mêmes, les deux compères font quelques emplettes et se dirigent ensuite vers les cuisines du château.
Hélas, c'est là même qu'il y a deux nuits ils se sont introduits en douce pour manger du pâté croûte dans les réserves et provoquer ainsi une rixe avec le cuisinier, un homme de puissante stature et de fort caractère.
A leur arrivée c'est le coup de feu : toute la maisonnée est en train de préparer le repas de midi et Petit Pois, le cuistot, dirige sa batterie de cuisine comme un général au milieu de son armée. Commis et cuisinières courent en tout sens, alors qu'il brandit sa louche 🥄  (tordue précédemment sur le crâne d'Isidore) comme un bâton de commandement.
Quand le chef reconnaît les deux moines les mots se mettent à voler bas " Demi-Coq ! Gâte-soupe ! Chapon ! " Avec un fort accent occitan il admoneste les deux voleurs. Même avec leurs plates excuses il refuse de leur prêter sa cuisine, le sanctuaire sacré de ses miracles culinaires. Seul un vrai cuisinier, capable de lui apprendre quelque chose, aurait son estime. Isidore se lance sur cette perche, et les deux comparses promettent de relever le défi, en cuisinant ici-même une merveille.🌟
Petit Pois finit par accepter, en menaçant de préparer leur cochon 🐷  à la broche s'il est déçu (NdMJ : Cochon qui est devenu un animal cher au groupe...).
Isidore s'offre comme commis à Barthélémy, qui remonte ses manches et attrape fermement son couteau de cuisine...

Pendant ce temps, Célestine et Fulbert décident de réinterroger Dame Clotilde, au château. En effet, un valet et une femme de chambre ont perdu connaissance près de son couloir et Isidore a tantôt repéré chez elle deux mouchoirs brodés représentant ces exactes scènes : en recoupant avec la chanson qu'ils ont entendu la veille ils pensent que Clotilde tisse les souvenirs...
Fulbert, très docte, lui présente donc de but en blanc ses conclusions. La dame, très sereine, l'écoute tout en brodant sur un cadre et en lui posant quelques questions. Tout autour d'elle s'accumulent pelotes et fuseaux, tapisseries et broderies 🧵 ... Célestine se tend alors que Clotilde semble s'inquiéter pour le bonheur de Fulbert : il aurait bien trop de soucis avec cette enquête. Ses mains se mettent alors à bouger à une vitesse surnaturelle, et des éclairs de couleurs sinoples, gueules, azur et or pétillent et jaillissent en étincelles de son cadre🪡 . Quelques instants plus tard les deux camarades se retrouvent dans le couloir, sonné, en ayant tout oublié de leur entretien, des témoignages des deux valets et des broderies mêmes...

Pendant ce temps Barthélémy et Isidore se sont déchaînés, utilisant même de l'encre féerique pour réussir un double gastel aux panés et aux carottes. Alors qu'ils le sortent du four, tous constatent la perfection de leur plat - sa croûte délicate, sa ressemblance à la double abbaye, le fumet exquis dégagé... Seul Petit Pois garde encore un peu de défiance - c'est qu'il a en déjà goûté, des mets magnifiques au goût de 💩 !
Il coupe avec précaution une tranche et l'introduit lentement en bouche. Il titube sous le choc, alors que son esprit est aspiré vers des paradis gustatifs insoupçonnés ! L'homme est convaincu, et donne une accolade vigoureuse à Barthélémy et Isidore. Tout est pardonné ! Désormais ils seront les bienvenus dans ses cuisines.

Compères et commère se retrouvent dans la grande salle du château et échangent sur leurs trouvailles  et la nouvelle amnésie de Fulbert et Célestine. Après un échange surréaliste, le sévère Fulbert convient qu'il lui est arrivé quelque chose, et la Célestine fulmine à l'idée d'avoir été roulé dans la farine. Ils doivent toutefois reprendre leur esprit, car tout le monde commence à rentrer du tournoi pour le repas - nobles et bourgeois, chevaliers aux épais hématomes ou coquet en velours, chacun prend place autour des tables. 🍖
C'est l'occasion que saisit notre équipe pour une dernière rencontre : le chevalier Gaston de Cerfeuil, chevalier de Garenne est là, et le Scriptorium l'a lui aussi dans le collimateur. N'a t-il pas une double carotte sur son bouclier ? Un lapin n'est il pas cité dans le poème de Béatritz ? Les bons moines et moniales prennent prétexte du poème qu'ils ont rédigé pour lui pour l'interroger.

Image[/img]Image[/img]Image

Avec un léger zozotement, le chevalier se prête au jeu. Il leur parle de la conduite brutale et déloyale de Guy Coraillon, sur la lice, et tout porte à croire qu'il le tient en basse estime. Il se prend bien sûr d'intérêt pour le poème rédigé pour lui par Fulbert, quoiqu'il ne manque pas de s'interroger sur le fait que des rimes à base de carottes ne suffisent pas à charmer la dame. Selon lui, en terre de Garenne, la seule évocation de ces légumes parfaits suffit à enchanter la gente féminine, et le chevalier s'égare à conseiller leur usage à frère Isidore, si un jour il veut avoir une "riche portée".
Le Scriptorium lui donne rendez-vous le soir même, pour l'aider à déclamer son poème à Dame Béatritz et, secrètement, en espérant peut être l'enluminer le soir-même... Ce projet divise toutefois le groupe : sœur Célestine ne manque pas de faire remarquer que Gaston semble assez dissert sur le Lion, qu'il est lettré (il leur a parlé des romans arthuriens), et honnête - il a refusé de répondre à une de leur question, invoquant ses serments de fidélité, plutôt que de tenter de les enfumer. Enfin tous le trouvent plutôt sympathiques. Moines et moniales cédèront-ils à ce brave lapin ? La réponse à la prochaine séance. 🐰
Schmill
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Re: [CR] Le Bestiaire

Message par Schmill »

Après une trêve de deux mois, un peu compliquée par les vacances, la reprise, etc. nous sommes enfin de retour sur ce scénario du Bestiaire. :)

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🏰 Nous sommes dans la haute salle du château de Sifflemerle, et les membres du Scriptorium argumentent à bâtons rompus pour tenter de démêler l’écheveau de l’intrigue et les paroles du chant de Béatritz. Qui est la Dame ? Qui est Laudine ? S’agit-il de la même personne ? Le Lyon est-il bien Guy de Coraillon ? Quel est le rôle de Béatritz ? Les cervelles chauffent, jusqu’au moment où compères et commère décident d’investiguer un peu plus avant.

Tout autour les nobles invités prennent un peu de temps pour se délasser, regroupés en petits cercles de discussion, jouant aux dés, ou vidant une dernière coupe de vin d’Auxerre. Parmi eux le père Valérien écoute avec compassion dame Berthilde, qui semble lui raconter quelques désarrois.

Frère Fulbert les rejoint et l’interroge sur Guy de Coraillon. Personne ne sait vraiment qui l’a fait chevalier. Il a présenté des gages, ce n’est pas un vassal de la baronne. Selon le confesseur de la baronne, il est la “nouveauté” de ce tournoi et ne serait jamais venu au château avant. L’écclésiastique interrompt ses explications, surpris par un nouvel arrivant. En se retournant les membres du Scriptorium reconnaissent le père Jules, l’un des trois Dominicains envoyés par Monseigneur Orderic pour retrouver sa crosse, lors d’une autre aventure.
Il interroge immédiatement les personnages sur l’objet de leur discussion, mais Isidore et Fulbert arrive à faire diversion, avec l’aide laborieuse du père Valérien, manifestement mal à l’aise.
Il félicite le Père Jules pour sa nomination au titre d’official - juge du diocèse - grâce à son passé de chasseur de Vaudois, des hérétiques qui s’étaient implantés dans le Lyonnais. Ce dernier acquiesce et prend congé, non sans mettre en garde discrètement le Scriptorium : l'évêque leur a demandé de se tenir à carreau de sa sœur, la trobairitz Béatritz.

A nouveau entre eux, les enlumineurs reprennent leurs échanges. Le soir même ils ont rendez-vous avec Gaston, mais ils doivent profiter de l’après-midi pour continuer leur enquête. L’idée est émise de visiter les appartements de Dame Clotilde la prochaine fois qu’elle assistera au banquet. Au final frère Barthélémy et frère Isidore décident de surveiller Jeanne la Bouchère dans l’espoir de retrouver l’arbre à vits, dont elle tire les “saucisses” vendues sur le marché. De leur côté Frère Fulbert et Sœur Célestine décident d’aller à la joute des vilains, qui doit déjà battre son plein. Arrivés sur place ils découvrent une plaine bruyante de multiples jeux : tir à la corde entre équipes chamarrées, scènes de mystères rejouant le bannissement de la Taraque, ou joutes de paysans montés sur les épaules les uns des autres, alors que partout on cuit saucisses et on tire le vin. Récoltant les rumeurs, ils découvrent que Guy de Coraillon n’a pas de suzerain connu, et qu’il vient d’une contrée inconnue. Après avoir trouvé sa tente près de la lice, sœur Célestine y pénètre en catimini pendant que Fulbert fait diversion par son prêche. ELle n’y découvre quelques sacs de voyages qui trainent par-là, remplis d’affaires de campement et d’un peu d’argenterie. Rien qui ne serait utile à un chevalier en arme. Apparemment Guy ne dort pas sur place, ne reste pas en ville, et part vers le sud après chaque joute, en direction de Verchenans et des routes qui mènent à l’auberge des trois corbins.


🍴 De leur côté Isidore et Barthélémy découvrent qu’une silhouette noire les suit. Les deux sagaces enquêteurs décident d’un plan. Il serait fâcheux qu’un Dominicain les surprenne en train de jouer avec des saucisses phalliques. Après avoir acheté du vin et deux belles miches de pain, ils font demi-tour et partent en direction de l’hospice Saint-Jean. Ils donnent alors leur achat aux bonnes œuvres des sœurs de Sainte-Procule, ravies de cet événement. Ils proposent de préparer un goûter dans ce qui fait office de cuisine, l’ancienne sacristie. Ce qu’ils font avec force diligence… avant de sortir discrètement par la porte de derrière. Ayant semé leur poursuivant, ils repartent alors du côté de la maison de Jeanne la bouchère. Une petite enquête de voisinage révèle qu’elle se carapate chaque soir par la porte Ouest de la ville… Son concurrent direct, ruiné par ses saucisses miraculeuses, pense qu’elle a un amant, mais il a été rossé par les cousins de l’énergique bouchère en la suivant et n’a pu en apprendre plus.

Revenue au château, sœur Célestine recopie avec application l’enluminure de la Grande Jacasse. Elle a manifestement un plan. Les autres membres de l’équipe ne tardent pas à revenir et, tous ensemble, ils se préparent pour partir au rendez-vous avec Gaston.
Chouquette et Herbert restent dans la chambrée. Frère Fulbert porte le Bestiaire dans une besace, frère Barthélémy prend son gastel aux carottes dans une autre besace, sœur Célestine prend son luth.
Frère Isidore décide quand à lui de faire le guet, non sans intuition, car à peine la colonne de Saint-Luc sortie de sa chambrée pour aller au rendez-vous, un des domestiques les dévisage les moines et file dans les escaliers, suivi de près par Isidore. Arrivée dans la haute salle, il vient chuchoter à l’oreille du père Jules, qui se frotte les mains. Mais Isidore se précipite sur lui pour lui demander d’être entendu en confession, lui faisant miroiter de croustillantes délations. Le Dominicain, tenté, décide de l’écouter.

💞 Dans le jardin des simples, la tête d’un Gaston apprêté surgit d’un buisson. Sur un ton zozottant, il explique qu’il a préparé un terrier pour dissimuler ses souffleurs, a apporté de magnifiques carottes qu’il souhaite offrir à sa dulcinée. Selon un protocole traditionnel (pour lui) il veut lancer chaque carotte sur le balcon pour ponctuer ses vers. Devant les airs hésitants de Célestine, Fulbert et Barthélémy, il propose de tout jeter en même temps à la fin - le fameux bouquet final. Le Scriptorium tente de lui expliquer les usages “normaux” avec beaucoup de peine, tandis que les deux moines repèrent du coin de l’oeil deux intrus dans le jardin : la coiffe étoilée de dame Estelle dépasse d’un buisson et, plus loin, Chouquette observe la scène comme une petite souris.
Au détour de la conversation, Gaston confirme qu’il est au service de Dame Clotilde, depuis longtemps. Les personnages n’ont pas le temps d’en apprendre plus, car une silhouette féminine s’approche de la fenêtre.
Frère Fulbert souffle alors les vers au brave Gaston pendant que Célestine l’accompagne des quelques accords mélodieux égrenés sur son luth. Le chevalier de Garenne déclame les vers avec enthousiasme, mais non sans difficulté. A mi-chemin il commence à faire tourner son bouquet de carottes pour le lancer sur le balcon (ou en pleine figure de Béatritz) mais Barthélémy l’en empêche à temps.

Sous pression, Gaston ne peut s’empêcher de boulotter le beau gastel au panais et carottes, avant de conclure son dernier vers. Dame Estelle surgit alors des buissons et applaudit à tout rompre, rejoint par Chouquette qui applaudit à son tour.
Du haut de la fenêtre, probablement amusé par la scène, viennent à leur tour à pleuvoir applaudissements enjoués et rire cristallin. Un mouchoir de soie tombe lentement du balcon, pour finir sur le visage d’un Gaston désorienté mais fort content. Estelle vient le féliciter chaleureusement, et le Scriptorium note avec attention qu’elle dit « Un chevalier normal n’aurait pas fait mieux. » Gaston est désormais redevable au Scriptorium, qui voit là une nouvelle victoire.

De l'autre côté il est trop tard pour le père Jules : il ne pourra surprendre la fine équipe en train de déclamer de la poésie à la sœur de l’évêque. Tout juste a t-il réussi à faire confesser à Isidore un pêché de gourmandise, à apprendre qu’un “Herbert” les aidait (il s'agit du cochon...), et à tenter de faire peur au courageux jardinier. La nuit ne fait toutefois que commencer, et bien des révélations pourraient encore attendre les personnages…
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