Libéré, délivré : faut-il un mouvement du JDR ouvert ?
Publié : mar. févr. 14, 2023 4:02 pm
Disclaimer : Bon, ça devait être un post pour ouvrir la discussion mais dans mon enthousiasme ça tourné à l'article Frankenstein à partir de mes divers notes... mais n'hésitez pas à réagir, à contredire ce que j'ai écrit, à compléter, à éclairer !
Cette réflexion fait suite à nos échanges sur les fils :
EDIT : je vois que le copier-coller à fait sauter les appels de note... Vous pouvez donc lire la version googledoc avec celles-ci là : https://docs.google.com/document/d/10va ... sp=sharing
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Autour des années 2000, alors que l’Âge noir du JDR se finissait, est né le jeu de rôle libre, en particulier à travers des licences ludiques libres telles que l’Open Game License (OGL) de Wizards of the Coast. Plus de 20 ans plus tard, alors que le JDR a connu sa Renaissance et son Âge d’argent, l’OGL connaît une crise qui révèle les limites du mouvement du libre au sein du JDR.
Pour rappel, la culture libre est basée sur 4 libertés (les exemples sont de moi, et peut-être discutables) :
L’ombre de l’ORC
Si la question du contenu libre s'est beaucoup focalisée sur les règles de jeu, l’aspect “lore” est aussi en enjeux.
Tout d’abord, certaines règles sont indissociables d’un certain lore, comme les créatures, les sortilèges, les peuples des personnages, ce que les SRD de D&D en OGL permettait de gérer.
Mais d’autres aspects du lore, particulièrement ceux indépendants des mécaniques de jeu comme les lieux, les PNJ, les organisations, etc. sont le plus souvent non versés dans l’OGC (et sont protégeables/protégés par le droit d’auteur ou le droit des marques commerciales). Or ces aspects sont nécessaires pour la création de scénarios qui ne soient pas génériques et qui s’appuient sur et exploitent les spécificités d’un jeu ; pour des backgrounds de personnages ; pour des suppléments de contexte ; pour des parties en public qui se déroulent dans l’univers officiel du jeu ; pour du cosplay ; etc.
Il y a d’ailleurs eu des jeux qui ont libéré leur univers en utilisant les Creatives commons comme Eclipse Phase (2009), ou d’autres expérimentations de licence comme Theonosis, an open fantasy setting (2010) avec l’Open Setting Licence.
S’inspirer de la fan fiction ?
Imaginons que j'ai créé deux œuvres, une trilogie à succès : Qui, Revient & De loin, et un jeu pour jouer dans l'univers de cette saga : Le Monde Qui revient de Loin -Ze RPG.
Cette réflexion fait suite à nos échanges sur les fils :
- OneDnD et évolution de la license OGL https://www.casusno.fr/viewtopic.php?t=41503
- OneDnD et OGL, topic 1.2 to bring them all and in darkness... https://www.casusno.fr/viewtopic.php?t=41545
EDIT : je vois que le copier-coller à fait sauter les appels de note... Vous pouvez donc lire la version googledoc avec celles-ci là : https://docs.google.com/document/d/10va ... sp=sharing
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Autour des années 2000, alors que l’Âge noir du JDR se finissait, est né le jeu de rôle libre, en particulier à travers des licences ludiques libres telles que l’Open Game License (OGL) de Wizards of the Coast. Plus de 20 ans plus tard, alors que le JDR a connu sa Renaissance et son Âge d’argent, l’OGL connaît une crise qui révèle les limites du mouvement du libre au sein du JDR.
Pour rappel, la culture libre est basée sur 4 libertés (les exemples sont de moi, et peut-être discutables) :
- la liberté d'utiliser l'œuvre pour tous les usages : créer des personnages, créer des aventures, créer des créatures, des objets, des lieux, des règles, choisir ses règles, jouer, jouer en public, en streaming, diffuser des parties, etc.
- la liberté de copier et de diffuser des copies (aider son voisin) : des feuilles de personnages, d’aides de jeu, de règles, de suppléments (du simple monstre ou sort à l’ouvrage entier), de jeux complets, etc.
- la liberté de l'étudier (s'aider soi-même) : bibliographie et sources d’inspiration, notes d’intention et/ou de game design pour le JDR ? builds de personnages ?
- la liberté de modifier et de diffuser des copies de l'œuvre résultante (aider sa communauté) : créer et publier des aventures, créer du matériel de jeu compatible, traduire, hacker/reskinner un jeu, créer de nouveaux jeux et matériels de jeu non compatibles, etc.
La création de l’Open Game Licence (OGL) en 2000 fut un succès qui permit la création d’un très important matériel de jeu compatible avec le système d20 et D&D, mais aussi d’autres jeux sans rapport avec Donjons & Dragons (D&D) tels que Diaspora - hard science-fiction role-playing with Fate (2009), motorisé par Fate mais sous OGL.
Ce mouvement d’ouverture du jeu de rôle fut une nouveauté, même si, par rapport au strict droit de la propriété intellectuelle ou à des licences ultérieures (Creatives Commons en 2002), l’OGL 1.0a est moins ouverte (interdiction de mention de compatibilité, mécaniques de jeu non protégeables dans le droit).
Mais alors que l’OGL requiert d’identifier et de signaler clairement le contenu relevant de l’Open Game Content (OGC) -libre et diffusé sous licence en partage à l’identique- et ce qui relève de la propriété intellectuelle (protégé par le droit d’auteur, les marques déposées, etc.), il a été constaté deux défauts :
- le non respect de ce devoir -ce qui constitue une brèche de la licence OGL- constaté souvent, avec une simple insertion du texte de la licence dans les ouvrages de JDR,
- la non utilisation de l’OGC, hormis pour utiliser et signaler l’OGC des SRD initiaux (SRD 3.5 et SRD 5.1) de D&D. (Même s’il existe des auteurs ayant au contraire déclaré toute leur création en OGC, comme avec Épée & Sorcellerie 2).
L'exemple de Castel & Crusades : Tout est propriété de l'éditeur, sauf la licence OGL.
En outre, la crise de l’OGL de décembre 2022-janvier 2023, quand WOTC a voulu révoquer la version 1.0a de l’OGL pour imposer une nouvelle version beaucoup moins ouverte (et coûteuse), a montré plusieurs problèmes à cette licence :
- elle n'est peut-être pas irrévocable,
- le devenir des œuvres basées sur le SRD 3.5 de D&D, qui demeure sous la licence OGL 1.0a,
- le devenir de la “galaxie de l’Open Game Content” licenciée sous l’OGL 1.0a et qui dépasse de beaucoup le SRD 5.1 de D&D mis en licence Creative Commons CC BY.
- elle demeure sous licence OGL 1.0a,
- elle ne peut être réutilisée sans la licence OGL sauf accord explicite des titulaires des droits (qui peuvent être nombreux, difficiles à identifier et recontacter parfois 20 ans après),
- elle ne peut être relicenciée (par exemple sous CC ou la futur ORC) que par les auteurs originaux, s'ils disposent encore des droits patrimoniaux (il y a une subtilité additionnelle sur le partage éventuel des droits si c'est une œuvre à plusieurs titulaires : l'unanimité est en principe nécessaire sauf si les titulaires des droits se sont organisés autrement).
En revanche, si ces jeux avaient identifié leurs parties en OGC avec une licence Créative Commons comme CC BY-SA (attribution, partage aux conditions identiques), ces parties seraient toujours utilisables, quels que soient les choix de WOTC et des ayants droits des parties OGC.
Enfin, certains cas de figure n’ont pas été prévu ou mal adressé, que ce soit pour des usages anciens (création de scénarios de jeux officiels, spécifique à ces jeux) comme nouveaux (actual play, streaming, table virtuelle, voire blockchain, cryptomonnaie et jeton non fongible/NFT…).
Les craintesL’ombre de l’ORC
Outre la révocabilité de l’OGL 1.0a et ses effets sur les œuvres basées sur le SD 3.5 de D&D (qui, contrairement au SRD 5.1, n’a pas été double-licencié aussi en CC BY) et la galaxie de l’OGC, il peut y avoir des questionnements sur la licence en cours de développement “Open RPG Creative” (ORC), et notamment son traitement du contenu libre, tant dans son extension que dans son degré de liberté (degré de copyleft ? droits concernés ?), sa compatibilité avec des licences éprouvées juridiquement et par le temps, etc.
La licence ORC pourrait générer les mêmes problèmes que l’OGL : refus de la mention de compatibilité (autorisée pourtant en droit US et français), contenu ludique "libre" mais dans un cadre fermé, restriction de ce contenu libre, etc.
Un SRD 5.1 non viralLe double licenciement du SRD 5.1 de D&D sous OGL 1.0a et CC BY risque de réduire la production et la diffusion de contenus ouverts car la CC BY -contrairement à l’OGL- n’impose pas de partage des nouvelles créations dans des conditions identiques, permettant ainsi aux nouvelles oeuvres d’être intégralement protégées par le droit d’auteur, rendant impossible d’en utiliser autre chose que les principes des mécaniques de jeu (non protégeables par le droit d’auteur).
Des systèmes ouverts dans des univers fermésSi la question du contenu libre s'est beaucoup focalisée sur les règles de jeu, l’aspect “lore” est aussi en enjeux.
Tout d’abord, certaines règles sont indissociables d’un certain lore, comme les créatures, les sortilèges, les peuples des personnages, ce que les SRD de D&D en OGL permettait de gérer.
Mais d’autres aspects du lore, particulièrement ceux indépendants des mécaniques de jeu comme les lieux, les PNJ, les organisations, etc. sont le plus souvent non versés dans l’OGC (et sont protégeables/protégés par le droit d’auteur ou le droit des marques commerciales). Or ces aspects sont nécessaires pour la création de scénarios qui ne soient pas génériques et qui s’appuient sur et exploitent les spécificités d’un jeu ; pour des backgrounds de personnages ; pour des suppléments de contexte ; pour des parties en public qui se déroulent dans l’univers officiel du jeu ; pour du cosplay ; etc.
Il y a d’ailleurs eu des jeux qui ont libéré leur univers en utilisant les Creatives commons comme Eclipse Phase (2009), ou d’autres expérimentations de licence comme Theonosis, an open fantasy setting (2010) avec l’Open Setting Licence.
S’inspirer de la fan fiction ?
C'est une problématique dans le milieu de la fan fiction, qui dans le monde américain utilise en grande partie le fair use -non présent en France-, qui recoupe la problématique des scénarios d’aventures spécifiques à l’univers d’un jeu.
Certains auteurs et autrices indiquent sur leur site internet ou dans leurs œuvres des conditions autorisant la fan fiction, tels que :
- l’autorisation ou l'interdiction explicite, enregistrée dans les plateforme de fandom,
- une utilisation non commerciale et à usage personnel (Anne McAffrey),
- l’utilisation d'une licence type CC BY-NC, BY-NC-SA (Mercedes Lackey),
- des mentions obligatoires (“Tous les personnages; la marque X ; sont la propriété de Y” ; “Une fan production/création non-officielle de Z”; etc.) (Neil Gaiman),
- le contenu pornographique interdit, la recommandation de préserver le jeune public de contenu adulte (Anne McAffrey),
- la cohérence avec l’univers,
- l’absence de responsabilité des ayant-droits,
- une éventuelle tentative de protection mutuelle en cas de sessions de droit (pour un film, etc.) (Anne McAffrey),
- la possibilité pour les ayant-droits de changer n’importe quand ces conditions,
- etc.
Imaginons que j'ai créé deux œuvres, une trilogie à succès : Qui, Revient & De loin, et un jeu pour jouer dans l'univers de cette saga : Le Monde Qui revient de Loin -Ze RPG.
Je veux ouvrir un max mon univers pour permettre à des tiers de créer des fan fictions, des nouvelles, des scénarios et campagnes, des suppléments, des règles optionnelles pour mon jeu, des jeux compatibles et des jeux non compatibles soit avec un système différent dans le même univers, soit sans rapport mais reprenant quelques-uns de mes mécanismes.
Pour cela, je publie un SRD de mon système de jeu, que je diffuse sous licence CC BY-SA ou TGCM, et une encyclopédie (sous forme de PDF, de wiki ou autre), diffusée sous licence CC BY-(NC)-SA (mais peut-être sans certaines informations nécessaires à la suite de ma saga : l'héroïne, la super-vilaine, l'animal trognon et le MacGuffin). En revanche, mon jeu et mes romans sont strictement protégés par le droit d'auteur, on ne peut donc ni les copier, ni les plagier, ni les vendre sans mon autorisation.
Exemples d’encyclopédie d'univers :- la fondation SCP, en en CC BY-SA 3.0 https://fr.wikipedia.org/wiki/Fondation_SCP
- Wiki encyclopédique en CC BY-SA 3.0 Unported sur l’univers de Lovecraft (dans le domaine public depuis 2008 dans l’Union européenne) : https://lovecraft.fandom.com/wiki/Main_Page
- Univers de Robert E. Howard (Conan) (dans le domaine public depuis 2006 dans l’Union européenne, mais il y a des dispositions complexes dans ce cas...).
C'est du boulot (publier des romans, un jeu, un SRD et une encyclopédie) mais c'est peut-être une solution à certaines problématiques ?
Au-delà du système et de l’univers ?Peut-être faudrait-il aussi s’intéresser à des logiciels libres d’aide de jeu ou de VTT, aux plans de figurines pour impression libre, à des encyclopédies libres traitant des jeux, des univers, du milieu du JDR, des concepts du JDR, etc. ?