Seven Soldiers of Victory
Les
Seven Soldiers of Victory, c'est une équipe de super-héros de DC Comics, créée au début des années 40 et composée au départ de Green Arrow, Speedy, Star-Spangled Kid, Stripesy, Shining Knight, Vigilante et Crimson Avenger. Au fil des décennies, l'équipe réapparaîtra ici et là, changeant de membres et d'origine au gré des crises dimensionnelles. Elle restera toutefois très secondaire, n'acquérant jamais la notoriété et l'aura de la JLA ou de la JSA par exemple. Puis au milieu des années 2000, Grant Morrison s'en mêle. Il fait ce qu'il adore faire : s'emparer de personnages et de concepts plus ou moins tombés dans l'oubli et les réécrire à sa sauce.
Une nouvelle version de l'équipe apparaît donc, pour affronter une terrible menace : les Sheeda (extraterrestres ? fées maléfiques ? autre chose ?), de terrifiants envahisseurs venus pour "moissonner" la Terre et détruire l'humanité. La principale originalité du projet, c'est que, hormis un numéro d'intro et un numéro de conclusion, il n'y a pas de série
Seven Soldiers of Victory à proprement parler, mais sept mini-séries de quatre épisodes, chacune consacrée à un des protagonistes. Protagonistes qui, s'ils affrontent une menace commune, ne se rencontrent jamais (à deux ou trois exceptions près, où des personnages se croisent vite fait le temps d'une case) et ne forment jamais de véritable équipe. Par contre on retrouve quelques antagonistes et personnages secondaires dans plusieurs histoires, et les événements d'une série peuvent avoir des conséquences dans une autre.
Shining Knight : ce n'est pas le Shining Knight de l'Âge d'or, mais un nouveau personnage utilisant le même concept. Ystin est un jeune chevalier à la court du roi Arthur originel, en 8000 avant JC. Lorsque les Sheeda envahissent Camelot, il doit fuir pour survivre et se retrouve transporté à Los Angeles, à notre époque, avec son cheval ailé Vanguard. Le choc des cultures est compliqué, et Ystin doit en plus faire face encore une fois aux Sheeda, et notamment au chevalier Galahad, possédé et quasi zombifié. C'est excellent, c'est ma série favorite parmi les sept. Ystin est un personnage intéressant, le scénario est réussi et les illustrations de Simone Bianchi magnifiques.
Manhattan Guardian : là encore, ce n'est le Guardian de l'Âge d'or, créé par Jack Kirby et Joe Simon, qui est le héros de cette histoire, mais un nouveau personnage. Jake Jordan est un ex-flic dépressif depuis qu’il a tué un innocent par erreur. Pour remonter la pente il accepte un nouveau boulot : devenir journaliste/super-héros pour le Manhattan Guardian, un journal indépendant qui s’intéresse aux affaires les plus mystérieuses. Sans pouvoirs, équipé d’un casque doré, d’un bouclier et d’une matraque, il va combattre des pirates dans le métro new-yorkais, des androïdes dans un parc d’attraction et, évidemment, les Sheeda. C’est la série la plus street level du lot, de l’action non stop joliment illustrée par Cameron Stewart.
Zatanna : elle est sûrement la plus connue parmi les sept. Le personnage existe depuis les années 60, a toujours été présent dans les comics, est apparu dans plusieurs séries télé (
Batman,
Smallville,
La Nouvelle Ligue des Justiciers,
Teen Titans Go…) Magicienne sur scène le jour, super-héroïne la nuit, sa maîtrise de la magie est immense, elle peut virtuellement tout faire, tant que ça arrange les scénaristes et qu’elle prononce ses formules magiques à l’envers : si elle veut transformer quelqu’un en crapaud, elle doit dire « duaparc ne iot-emrofsnart », ce qui est toujours marrant pour le lecteur. On la retrouve ici traumatisée par une invocation ratée qui a causé de nombreuses morts, elle n’a plus confiance en elle et semble avoir perdu ses pouvoirs. Malgré tout, elle prend sous son aile une adolescente qui paraît avoir des affinités avec la magie et un lien avec les Sheeda. La mini-série est très bonne, j’adore Zatanna, et Morrison l’utilise très bien, se faisant plaisir en faisant intervenir nombre de personnages obscurs de DC Comics liés à la magie : Phantom Stranger, Zatara, le docteur 13, Ibis ou encore Cassandra Craft. Les illustrations de Ryan Sook sont superbes.
Klarion : Klarion the Witch Boy a été créé par Jack Kirby en 1973. C’est un enfant issu d’une autre dimension, pratiquant la magie noire. Il a d’abord été l’adversaire d’Etrigan le Démon, puis a par la suite fait de multiples apparitions, parfois en tant que super-vilain, parfois en tant qu’anti-héros. Morrison réécrit à sa façon le personnage de Kirby, et nous présente sa vie dans sa dimension d’origine (en fait une communauté souterraine composée des descendants de Puritains issus de la colonie perdue de Roanoke) avant qu’il ne découvre le monde moderne. Cette communauté, et donc Klarion, sont directement liés aux Sheeda et le jeune sorcier va devoir choisir à qui offrir sa loyauté. Les illustrations de Frazer Irving sont très bien, l’histoire aussi.
Mister Miracle : c’est le troisième Mister Miracle, Shilo Norman, qui est le héros de cette série. Il est un artiste de l’évasion riche et célèbre, connu pour échapper à n’importe quel piège. Il se retrouve malgré lui au milieu d’une guerre entre les New Gods et Darkseid et ses alliés, tous incarnés sur Terre dans des corps humains. Darkseid qui a fait alliance avec, je vous le donne en mille, les Sheeda. C’est, de loin, la série la moins bonne du lot. Habituellement je suis client de tout ce qui tourne autour de Mister Miracle (même si je préfère Scott Free dans le rôle), des New Gods, d’Apokolips, etc. Mais là c’est inintéressant, finalement très peu lié à l’intrigue principale, et dessins sont très moyens, malgré trois illustrateurs différents.
Bulleteer : après une expérience scientifique ratée de son mari, qui coûte la vie de ce dernier, Alix Harrower acquiert une peau en métal indestructible et une force surhumaine. Problème, elle n’a pas vraiment envie d’être une super-héroïne. Elle évoluera entre conventions de super-héros ringards et oubliés et milieu du porno fétichiste des jeunes femmes à super-pouvoirs, avant de découvrir qu’elle est liée à une incarnation précédente des Seven Soldiers. Yannick Paquette fait du très bon boulot aux illustrations, et le personnage de Bulleteer est excellent.
Frankenstein : oui oui, c’est bien la créature du roman de Mary Shelley, qui parcourt l’univers DC en affrontant les Sheeda dans un lycée américain et sur Mars, en se bastonnant contre des vaches zombies et en étant engagé par le S.H.A.D.E., une organisation secrète. C’est marrant, très gore (belles illustrations de Doug Mahnke), mais pas passionnant. La série la plus faible avec Mister Miracle.
J’ai lu tout ça dans une édition de Panini Comics en quatre tomes parus en 2007 et 2008 et présentant les numéros dans l’ordre chronologique de leur sortie, on passe donc d’une série à l’autre, c’est pas toujours évident à suivre mais ça permet de repérer plus facilement les liens entre les histoires. Je sais pas si la série a été rééditée par Urban Comics. C’est inégal, parfois un peu confus, avec des références obscures au passé de l’univers DC, c’est Grant Morrison quoi. Malgré tout la lecture est vraiment intéressante et surprenante, avec ces sept histoires aux ambiances très différentes, qui se répondent et finissent par former un seul récit.