Re: Synthèse d'images (Dall-E, Imagen, Midjourney, StableDiffusion, etc.)
Publié : sam. mars 18, 2023 10:23 am
C'est exactement ça. Le droit, c'est juste du droit, et il a clairement des limites : la pratique effective. En même temps, peut-on reprocher aux rédacteurs du Code de la propriété intellectuelle et de la Convention de Berne de 1886 de n'avoir pas prévu le développement de l'Intelligence Artificielle utilisée à des fins génératives ?
Je ne suis pas totalement aligné avec ces deux affirmations. Le droit de la propriété littéraire et artistique tel que nous le connaissons en France s'est montré jusqu'ici éminemment flexible et efficace pour appréhender beaucoup de nouveaux supports, inconnus en 1880. Ce sont les modèles d'exploitation pratique qui sont désormais, sinon obsolètes, du moins inadaptés parce qu'ils ont été détournés par la pratique. Beaumarchais voulait, avec sa proposition de réforme, protéger l'auteur contre les éditeurs parce qu'il était confronté à des abus de la part de professionnels de l'édition en tant qu'auteur de théâtre. Les acteurs qui abusent du droit existent toujours, mais ils doivent plier leur abus aux règles du CPI. Est-ce que je suis pour le renforcement de la protection des auteurs ? Oui, totalement. Notamment en posant une règle très simple, pour les oeuvres audiovisuelles, de caducité automatique des cessions de droit exclusives en cas de non-exploitation d'une oeuvre par un cessionnaire ou concessionnaire au-delà d'une certaine durée.Fabien_Lyraud a écrit : ↑sam. mars 18, 2023 8:27 amC'est surtout le modèle de la propriété intellectuelle tel qu'il existe aujourd'hui qui est obsoléte. Une œuvre dès qu'elle est communiquée au public, la société se l'approprie. Ce qui veut dire que c'est difficile de maintenir un modèle créé au 18éme siècle. Il faut le faire évoluer. Les artistes doivent être partie rémunéré par la société ( l'état, les collectivités...) avec une rente financée par un impôt sur le marché de l'art ( rien qu'en France plusieurs milliards par an).Le combat des graphistes contre les modèles entrainés sur leurs œuvres est perdu d'avance.
Le débat sera tranché sur le plan légal quand il y aura une décision de justice sur le sujet. Pour l'instant, c'est mon avis doctrinal en tant que professionnel du droit d'auteur / droit de l'informatique qui vaut ce qu'il vaut (et qui se base sur une hypothèse peut-être fausse si j'en crois le message de @Rui plus haut). Cependant, il se base sur le principe général du droit d'auteur en France (et un peu selon la Convention de Berne qui s'en inspire en plus light) selon lequel l'auteur dispose du monopole des droits sur son oeuvre, et que tout usage d'une oeuvre qui n'a pas expressément été autorisé par écrit par son auteur est en principe interdit (sauf évidemment dans le cercle de famille, mais là, évidemment, on est sur une exception particulière). D'ailleurs, autant je suis immédiatement passé sur le droit patrimonial pour asséner l'affirmation selon laquelle il faudrait les droits énumérés dans mon message cité, autant la question soulève également des problématiques liées au droit moral.
En effet, on sait que l'IA générant une image est capable de reproduire la "patte" d'un artiste. Or, qu'est-ce que la "patte" ? Est-ce un élément patrimonial ? Je ne le pense pas. La "patte" me semble plutôt (mais je n'ai pas été voir la jurisprudence parce qu'on est samedi matin et que j'ai la flemme) relever d'un démembrement du droit moral, et surtout le droit à la paternité (et peut-être le droit au respect de l'oeuvre). Pourquoi ?
Parce que le droit à la paternité représente juridiquement le lien indéfectible entre l'auteur et son/ses oeuvres. Or, en créant des oeuvres qui ne sont pas celles de l'auteur mais présentent ses marqueurs de paternité, l'outil IA "dilue" ces marqueurs de paternité et remet en cause la possibilité pour l'auteur de revendiquer ses propres oeuvres sur la base de ces mêmes marqueurs. Le raisonnement est comparable sur le droit moral au respect de l'oeuvre.
Yusei a écrit : Si on veut empêcher les IA d'apprendre à partir d'images sous copyright, mais continuer à autoriser les humains à le faire, il va falloir préciser la différence entre les deux d'une manière claire.
(Je n'ai rien contre l'idée, par ailleurs, même si comme je le disais plus haut je ne pense pas que ça résolve la question de l'obsolescence)
En ce qui concerne cette différence, j'ai commencé d'écrire une licence de logiciel libre à copyleft qui visait à régler cette question (dans le contexte de cockpit et de l'usage du code publié pour fournir du code généré). J'ai mis en pause ces travaux complémentaires le temps de me consacrer à Ultime Vengeance 3D parce que bon, y'a des trucs importants quand même.
A priori, non, tant que tu ne signes pas "Picasso" : c'est un pastiche, et ça reste en principe autorisé parce qu'il s'agit ici d'une oeuvre originale, à savoir une représentation de ton chat, faite de tes propres mains et avec ton propre cerveau - et que tu ne cherches par à refaire / copier quelque chose de préexistant. C'est juste "dans le style cubiste de Picasso", mais tu n'as pas fait une copie servile.Qui Revient de Loin a écrit : ↑sam. mars 18, 2023 9:50 am Question : si je dessine mon chat à la manière de Picasso (que j'ai étudié en art plastique au collège et dont je m’inspire avec google image ; j'ignore si Picasso et ses ayant-droit ont autorisé tout cela), que je signe de mon nom et que je vend ensuite mon dessin de "chat cubique bleu", je suis en dehors des clous de la propriété intellectuelle ?
Ramentu a écrit : ↑sam. mars 18, 2023 9:57 am
100% d'accord avec toi.
Si moi, humain, passe des centaines d'heures à analyser les œuvres disponibles en ligne de multiples artistes anciens et contemporains, puis à partir d'une page blanche et d'une idée, crée une œuvre originale mais clairement inspirée de mes études (technique, style, motifs, ...) , grâce aux connections nouvelles que l'étude à créées dans mon cerveau, c'est légitime ? (tant que je ne reproduit pas trop fidèlement une œuvre spécifique, bien sur !)
Si une machine fait de même, c'est mal ?
Pas si facile à trancher ! Il faut aborder les concepts d'intelligence, d'émotion, d'acte créateur, ... mais on quitte le domaine du légal pour rentrer dans la philosophie.
J'ai répondu pour le pastiche.
Mais ce n'est pas la même chose avec une IA, parce que l'IA n'est pas sujet de droit : elle n'a pas la capacité juridique et ne peut pas exercer de droits, y compris de droits d'auteur.
En outre même à supposer que les machines aient des droits, la machine n'ayant pas de conscience a priori, et donc va générer une image qui n'a pas d'auteur conscient. Comme le droit d'auteur requiert un auteur pour qu'il y ait des droits dessus, eh ben... L'image est sans droits.
En revanche ceux qui ont été curateurs du corpus d'entraînement sont a priori des humains qui ont pris des décisions relatives aux oeuvres utilisées dans le corpus, qui ne leur appartiennent pas.