Bonne lecture à tous.
Journal de Flemeth
Jour 1 : Mâtines du printemps 2046
Aujourd'hui c'est le départ. Pour la première fois de ma vie, je vais quitter Rhosgobel et la terre de mon peuple. J'ai décidé de me rendre dans la ville bardide d'Esgaroth, la cité lacustre. C'est un long voyage non dépourvu de dangers malgré le retour de la paix en ces terres mais il n'y a que dans cette cité marchande que je trouverai les herbes des marais dont j'ai entendu parler. Je dois étudier par moi-même si je veux progresser. Je ne crois pas pouvoir tirer davantage du vieux Radagast. Il est sage, à sa manière, mais tenter d'extirper la connaissance du Magicien est comme de puiser l'eau de source à pleine main. Elle glisse et seules quelques gouttes peuvent être sauvées.
Pour ce voyage, je pars avec Kalderic et son ami elfe, Edennil. On aperçoit rarement les Elfes car ils sont réticents à se mêler aux hommes. Mais celui-ci se montre amical et curieux. A la vérité, ils forment un bien étrange duo, le messager Béornide et l'Elfe vert. Joyeux, souriants, courageux et toujours prêts à s’arrêter pour partager ce qu'ils ont (repas, connaissance, plaisanteries d'un goût douteux…) avec le passant. Jamais je n'ai vu hommes plus empressés à l'idée d'aider son prochain. On en viendrait presque à espérer pour l'avenir de l'humanité. Malgré tout, il me faut considérer la possibilité que cet altruisme poussé ne soit rien d'autre qu'une forme encore inconnue de déficience mentale. J’essaierai de documenter ces cas dans de futures entrées de ce journal à l'avenir.
Jour 24 ? : Crépuscule
Je ne suis pas certaine du décompte. Un voyage comme celui-ci, en plus d'être épuisant, fait perdre la notion du temps. Guidé par Kalderic, nous avons voyagé comme dans un rêve, tranquillement et sans incident aucun, une routine un peu monotone s'installant au fil des bivouacs. Tellement que je n'ai rien trouvé à écrire dans ces pages pendant ces trois semaines de marche. Mais le voyage tire à sa fin. Nous voici à Esgaroth, la ville lacustre.
Dés demain, j'irai faire les quelques emplettes qui m'amènent…
Jour 25: Crépuscule
Quelle horreur! Cette ville pue ! L'odeur du limon et de la sueur humaine es absolument partout ! Comment des hommes, des femmes, des familles entières peuvent-elles supporter de vivre si agglutinées ? Les gens grouillent sur ces pilotis comme des vers tentant d'user le bois jusqu'à ce qu'il rompe ! Et je préfère ne pas parler des regards salaces et des mains baladeuses que j'ai dû endurer.
La bonne nouvelle, c'est que j'ai trouvé sur les étals d'une vieille marchande moins voleuse que la plupart de ses congénères quelques pieds des plantes qui m’intéressent. C'était cher, très cher, comme je m'y attendais, surtout la mandragore noire, excellente pour endormir la douleur mais délicate à doser. Mais je n'ai pas vraiment le choix. Étonnamment j'ai trouvé quelques feuilles de « feuille du roi », une plante que Radagast qualifie de souveraine, à un prix bien plus modique. Je me demande bien pourquoi…
De retour à l'auberge, je n'ai qu'une hâte : quitter la promiscuité de la ville.
Jour 27 Fin d'après midi
Nous avons enfin quitté cette ville et ses odeurs immondes. Mes compagnons m'ont convaincue de nous rendre à Dale, la capitale du Royaume des Bardides. Après l'expérience d'Esgaroth, j'avoue ne guère être empressée de visiter une nouvelle cité. Néanmoins, je me suis laissée convaincre car mes deux souriants compagnons sont tout excités à l'idée d'assister à la première réunion « historique » du Conseil du Nord. Difficile de refuser quoi ce soit à un tel enthousiasme. De plus, mon père avait des amis à Dale, une famille marchande honnête, aussi incroyable que cela puisse sembler. Peut-être pourrai-je les saluer ?
Nous voilà donc embarqués sur ce bateau où nous avons vogué toute la journée. Nous allons bientôt accoster à l'auberge des Écailles du Dragon où nous passerons la nuit. Depuis ce matin, je dois supporter les concours d'énigme stupides des deux bateliers avec mes compagnons et surtout, SURTOUT le harcèlement incessant d'un gosse de 10 ans dont la mère, une marchande vêtue plutôt richement, ne croit visiblement pas aux vertus du respect d'autrui et de la discrétion. La logorrhée de ce gamin me fait penser à ce couple de pies pailleuses insupportables cet automne près de ma fenêtre...Je me demande s'il me reste encore de cette poudre ?
La patience et la gentillesse dont font preuve mes compagnons, et notamment Kalderic, à son égard sont pratiquement aussi horripilantes que les babillages incessants du gosse.
J'essaie de m'isoler avec ce carnet mais j'ignore combien de temps je réussirai à échapper à ces nuisibles…
Je m’arrête là car il semble que nous arrivons à l'auberge...
Jour 28, au creux de la nuit
La nuit a sans doute été la plus dangereuse et horrible depuis la mort de Papa.
L'auberge a été attaquée par de gobelins et des ouargues. J'ai pu sauver un survivant laissé pour mort mais tous les autres occupants des lieux ont été enlevés. Pendant que les bateliers et les marchands évacuaient le blessé vers Dale (en alertant les autorités j'espère), nous avons pris en chasse les agresseurs et leurs prisonniers. J'y ai bien réfléchi et il ne s'agit pas vraiment d'héroïsme. Après tout, il n'y a personne d'autre. Qui laisserait des êtres humains aux mains de cette vermine ? Certainement pas Edennil, dont la haine pour ces créatures est d'une force un peu effrayante. C'est à un rythme effréné qu'il s'est lancé à leurs trousses.
Au moment où j'écris, nous venons de réchapper d'une embuscade. Quatre gobelins et un ouargue ont été éliminés et nous sommes tous indemnes mais un peu fatigués. Je profite de ce court repos avant que nous reprenions la poursuite pour écrire ces lignes. Il est temps de dormir un peu...