[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

VAMPIRES DE MORINIE

Premier test d'un scénario où l'on joue des vampires clochards dans un convoi de réfugiés !

Jeu : Arbre, clochards magnifiques dans les forêts hantées de Millevaux

Joué le 16/10/2015 au Festival de l'Oeil Glauque

Personnages : Silvius, El Gato, Nath', Garrick, Swann


Image
crédits : αnnα, Bushman.K, Heo2035, lanchongzi, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Contexte :

La Morinie, au nord, sous la pluie. Marais, forêts, villages, ports. Vous êtes des maudits, vous portez l'empreinte des vampires, des buveurs de sang. Et cette condition n'a rien de l'idéal romantique que vous auriez pu imaginer. Tiraillé par une faim surnaturelle, soumis à la putréfaction, terrorisés par la lumière, vous êtes des parias parmi les parias. Les acteurs d'une pièce de théâtre en décomposition où le décor ne vous survivra pas. Et l'espoir ?

Situation initiale : Les clochards sont à Calais, dans un bidonville de réfugiés qui fuient un fléau et veulent prendre la mer pour se rendre en Angleterre. Ils viennent de se faire mordre par un vampire qui les a ensuite abandonnés par leur sort. Ils se transforment donc à leur tour en vampire sans personne pour leur expliquer les affres de leur nouvelle conditions.


L'histoire :

Ils sont cinq. Silvius, la quarantaine, médecin, des grosses lunettes rafistolées. El Gato, le gitan, moitié saltimbanque, moitié flambeur. Nath', les yeux cachés par un chèche. Garrick, le borgne, un de ses yeux n'est plus qu'un trou, une partie du visage brûlé, toujours avec son couteau. Swann la gueuse, vingt-cinq, trente ans, un jean, un vieux pull, une écharpe qui lui cache le visage.

D'abord il y a eu la Chienlit. Une sorte de peste noire, avec une période d'incubation, puis une période de maladie très brève, où l'on pourrissait littéralement sur pied. L'épidémie a atteint le pays. Et alors il y a eu l'Ost. Une armée de chevaliers, souvent en armure médiévale, mais parfois avec un peu de techno, des masques à gaz, des combis NBC, des lance-flammes. Ils étaient là pour éradiquer la Chienlit. Et pour procéder, ils ont massacré toute la population, hommes, femmes, enfants. Comme tout le monde était susceptible d'incuber, ils tuaient tout le monde.

Alors ils ont fui, juste à six. Oui, ils avaient un autre camarade avec eux. Ils étaient plus rapides et plus efficaces pour fuir que les gros convois, que les familles. Ils n'avaient aucun éclopé à attendre. Ils attendaient jamais personne. Ils ont traversé les forêts marécageuses de Morinie. Ils sont arrivés à Calais, la ville portuaire à moitié engloutie sous les eaux et comme les autres réfugiés. L'espoir de tous, c'était de prendre la mer, gagner l'Angleterre. Mais on les a parqués dans un quartier pauvre reconverti en camp. Un bidonville. Avec des palissades, des barbelés et des gardes autour, pour qu'aucun réfugié, potentiellement infecté, ne puisse sortir en ville. Les gens de Calais avaient aussi peur des malades que l'Ost. Les six se sont installés un campement de fortune dans un coin désert du bidonville, en attendant de trouver une solution.

Et cette nuit, à leur campement, un type les a attaqués. Il les a tous mordus au cou, ça a fait vachement mal et après ça a fait vachement drôle. Quand ils ont vus qu'ils s'acharnaient sur leur sixième camarade, ils ont fait ce qu'ils ont l'habitude de faire. Ils ont fui. Sans sauver leur copain. Dans ce groupe, on attend jamais les pattes folles.

Ils ont couru au campement principal. Il y avait des tentes et des maisons faites dans des tunnels de tôle, et des montagnes de sacs poubelles et des braseros. Tout de suite, la lumière des braseros a commencé à leur faire mal.
Ils ont fait du barouf, et ça a réveillé un peu de monde. Des gosses se sont mis à brailler, ça faisait que les mères sortaient des tentes. Un gars est sorti d'une tente, un grand type en marcel avec une grosse boucle d'oreille, des favoris, une moustache. Il a interpellé El Gato le gitan, comme quoi il y lui devait gros au jeu, il lui devait une chose bien précise. Bien sûr, El Gato avait pas de quoi payer sa dette. Alors l'homme à la boucle d'oreille lui a pris son chat Gaspard, un persan à moitié pelé, mais El Gato avait l'air d'y tenir. Il a tenu Gaspard au-dessus du brasero et il a donné El Gato 24 h pour ramener son dû, sinon Gaspard finirait en méchoui.

Une vieille hindu, petite bonne femme au visage parcheminé, avec des petites bésicles, un troisième oeil et une chaîne en or entre l'oreille et la narine, s'est approchée de Nath'. Elle voulait lui vendre à manger, elle lui tendait une marmite de ragout d'où dépassaient des queues de rats. Nath' a refusé d'un air dégoûté. Il faut dire qu'il est végétarien. Cela va lui rendre les choses compliquées pour plus tard. Nath' commence à se sentir tout chose là où le vampire l'a mordu. Silvius, qui a été médecin dans une vie antérieure, regarde la plaie. C'est en train de nécroser. Nath' cache la blessure avec son chèche, qui commence à éponger le sang. Il faudrait pouvoir soigner ça. Silvius pourrait le faire, mais il aurait besoin d'un bloc chirurgical, un truc clean. Ni la maladrerie du bidonville ni le dispensaire des pauvres de Calais ne peuvent fournir un tel service, il faudrait carrément avoir accès à l'Hôtel-Dieu réservé aux notables de Calais. Nath' est herboriste, il a une autre idée. Il faudrait récupérer de la mandragore, qui pousse aux pieds des pendus. Cela tombe bien, il y a des gibets juste en face du bidonville. Dès qu'un réfugié s'échappe dans Calais et commet le moindre larcin, les gardes de la ville le pendent juste en face de la palissade, bien en vue des réfugiés, pour l'exemple. Le seul truc, c'est qu'il va falloir sortir pour y accéder.

La vieille hindu va voir Swann, et lui demande si elle va bien. Swann la rabroue et la vieille commence à trouver qu'elle est bizarre. Elle a l'air de penser qu'elle a la Chienlit. Elle demande à Swann ce qu'elle va lui donner pour qu'elle ne cafte pas à tout le monde. El Gato rapplique alors. Il prétend avoir déjà couché avec Swann. Il crache alors au visage de la vieille aux yeux de tous et lui lance en catimini : "Si tu prétends qu'elle est malade, alors toi aussi tu l'es maintenant !". La vieille hindu passe son doigt sous les dents en signe de malédiction, et déguerpit. Apparemment, ils viennent de s'en faire une sérieuse ennemie.

El Gato explique à ses camarades qu'il ne peut pas payer Boucle d'Oreille et qu'il veut récupérer Gaspard. Comprenant qu'il est devenu un vampire, il a dans l'idée de boire le sang du chat au lieu du sang d'humain. De la sorte, il pense récupérer la vision nocturne du chat. Avec eux, il imagine un subterfuge.

El Gato se représente au milieu des réfugiés pour faire diversion. Il sort son violon et joue un air gitan. Sa chanson parle de l'amour d'un frère pour sa sœur. Et de l'enfant qu'ils ont eu ensemble.

Pendant ce temps, Garrick et Swann se glissent dans la tente de Boucle d'Oreille. Pendu au faîte de la tente, une cage où est enfermé le chat Gaspard, qui feule. Boucle d'Oreille est étendu sur sa couchette, nu, il étreint une fiole qui contient un liquide sans couleur, fluide, vivant. Un liquide qui attise la soif de Garrick, cette soif qui le taraude depuis l'attaque du vampire. Un autre homme dort nu aux côtés de Boucle d'Oreille, un bras reposé sur sur le corps de son amant, c'est Mario, son homme de main.

Garrick sort son couteau. Il égorge Boucle d'Oreille et lui arrache la fiole. Quand il voit le sang, ça lui fait une sacré envie, un truc violent, un truc en rapport avec sa soif, toute sèche et douloureuse, dans la gorge et dans le corps. Mais c'est pas le moment de flancher. Il sait qu'il ne pourra pas résister une deuxième fois à la vue du sang, mais là il peut encore, alors il ressort de la tente avec Swann qui emporte la cage. Mario se réveille, il gueule comme un fou à la vue de Boucle d'Oreille. Ceux qui sont en train d'écouter la chanson d'El Gato tournent la tête !

Mario sort de la tente, et déjà Pedro, le deuxième homme de main, court vers eux. Silvius, qui montait la garde, assomme Mario. Il passe le doigt sur la goutte de sang qui perle, là où il l'a frappé. Comme les autres, il a compris qu'ils étaient des vampires, et que s'ils ne se nourrissaient pas dans les 24 heures, ils allaient tomber dans le coma. Il se lèche le doigt sous l'impulsion d'une envie étrange... Le sang a un goût dégueulasse, ferreux, acide, chaud, c'est infect. Mais ça le nourrit, ça calme un peu sa faim qui le tend de partout. Sauf qu'en buvant le sang, il boit un des derniers souvenirs de Mario. Il boit la dette qu'El Gato a envers le clan de Boucle d'Oreille, dont fait partie Mario. Maintenant, il croit que c'est à lui qu'El Gato a promis quelque chose après avoir perdu au jeu, qu'il lui a promis une fiole d'antidote de la Chienlit (ce qu'El Gato n'a pas bien sûr). Maintenant, c'est Silvius qui devra tuer Gaspard dans les 24 h si El Gato ne ramène pas son dû.

Tous se barrent et arrivent à échapper aux réfugiés en fureur, mais El Gato oublie son violon sur place, et avec il oublie la chanson qu'il contient, et qui racontait un fait réel de sa vie. Comme El Gato avait sur lui une lame du Tarot de l'Oubli, il utilise la lame pour se rappeler de sa soeur quand même. La carte part en poussière mais au moins, ce souvenir n'a pas été perdu pour de bon.

Ils cherchent un endroit où personne ira les chercher, et élisent domicile derrière le talus où sont installés les latrines du bidonville, une gigantesque fosse à merde. Là, y'a que les rats pour leur tenir compagnie. La fiole de Garrick intéresse tout le monde, tout le monde veut y goûter, mais y'en a que pour une personne. El Gato propose de jouer aux cartes qui aura le droit de la boire, et bien sûr il les bat avec son jeu de cartes truqué. Il boit le contenu fiole, un liquide conscient (il n'aura pas l'occasion de l'apprendre, mais c'est de l'orgone), qui sort du bocal dès qu'on l'ouvre, cherchant la bouche. C'est complètement orgasmique, ça lui fait revivre les sensations liées au meilleur souvenir de sa vie, en l’occurrence quand il a fait l'amour avec sa soeur. Mais les autres gars finissent par comprendre qu'El Gato a triché. Ils ne peuvent pas le prouver car la triche était trop habile, mais ils le savent.

Maintenant, il faut trouver une astuce pour sortir vers les échafauds, rapport à la mandragore. Ils passent devant la maladrerie, qui est plus un parc à quarantaine qu'une infirmerie. Tous les réfugiés qui ne se sentent pas bien sont susceptibles d'avoir la Chienlit, alors les autres réfugiés les parquent là quarante jours, sans soins, ils leur jettent juste à bouffer de temps en temps. Si par miracle ils ont survécu, ils peuvent sortir.

Swann voit un malade la fixer derrière les barrières en bois. Un type au visage enroulé dans des bandelettes. Cela lui flanque une peur bleue, Swann déteste quand les gens cachent leur visage, ça lui rappelle les hommes masqués de l'Ost, et aussi le vampire qui les a mordus, qui se cachait le visage pour dissimuler ses crocs. Swann panique à fond, et s'échappe du bidonville par un trou dans la palissade. Les autres ne le suivent pas, car ils savent que les gardes s'en prennent à vue aux réfugiés pris en flagrant délit d'évasion.

Ils vont plutôt voir les gardes postés à l'entrée du bidonville, quatre hommes d'armes commandés par une femme, postés autour de braseros. Silvius vante ses qualités de médecin, il dit qu'il peut s'occuper de leurs petits bobos. Les gardes lui ouvrent la barrière de bois, il les entraîne vite fait loin de la lumière atroce des braseros, sous prétexte que cette lumière fausse son diagnostic. Garrick, Nath' et El Gato en profitent pour se barrer à l'extérieur, ni vu ni connu. Quand il a fini de s'occuper des petits bobos des gardes, la cheffe des gardes lui propose le gîte pour la nuit, ce que Silvius s'empresse d'accepter. Mais elle veut qu'en échange, il soigne son père qui est malade et reclus dans la maison... ça ne sent pas bon, mais Silvius accepte quand même.

El Gato, Nath' et Garrick longent les palissades du bidonville en direction des gibets. Mais El Gato aperçoit une grande baraque sur pilotis. Il y a des lumières rouges aux fenêtres qui clignotent grâce à un système de lampes à bascule. El Gato comprend que ça signifie deux choses : que c'est un bordel, et que c'est un tripot. Il ne peut résister ni à l'un ni à l'autre, il fausse compagnie aux autres pour s'y rendre.
A l'intérieur, c'est pas du haut de gamme. Tentures moisies, clientèle avinée, les prostitués et prostituées arpentent les lieux tous nus. Pas de fioritures. El Gato repère aussitôt la table de jeu où l'on mise le plus gros aux cartes, elle l'attire comme un aimant. Parmi les parieurs, il y a un barbu avec un manteau et un chapeau pointu à larges bords en roseau. Ce fichu coupeur de joncs. Il mise une fiole qui contient un antidote contre la Chienlit, de quoi guérir une personne. Il y a la Mère Maquerelle, une dame énorme avec un décolleté plongeant et une gros grain de beauté sur le sein. Elle est maquillée comme une voiture volée et agite un éventail qui a connu des jours meilleurs. Elle mise sa meilleure gagneuse. Elle désigne une femme nue qui parcourt la maison close. C'est la sœur d'El Gato ! La troisième joueuse, c'est une gitane avec un fichu rouge sur la tête. C'est la mère d'El Gato ! Elle lui dit qu'il n'aurait pas dû venir ici, visiblement elle le déteste. Et comme mise... Elle mise un tout jeune enfant. L'enfant de l'inceste.

Garrick se sépare de Nath' pour aller à la recherche de Swann. Nath' arrive donc seul à l'échafaud. Il sait que s'il mange la mandragore qui pousse sous un pendu, il va récupérer la dette du pendu, alors il se dirige vers le pendu qui lui semble le plus innocent, un jeune enfant. La scène est vraiment morbide, tous les pendus sont nus et face aux bidonvilles, contemplant les campements des réfugiés. L'enfanceau a été pendu à la même hauteur qu'un adulte, c'est comme s'il lévitait au-dessus des planches du gibet. Du sang et des fluides vitaux en dégouttent, et dans la flaque au-dessus a poussé la mandragore. La plante a l'aspect d'un sexe d'enfant. Nath' est dégoûté, il hésite. En humant la mandragore, il apprend la dette de l'enfant. L'enfant avait promis de rentrer chez ses parents dans la nuit. S'il mange la mandragore, il sera obligé de repasser toutes les nuits chez les parents de cet enfant. Un engagement qui compliquerait terriblement sa vie d'errance.

Nath' essaye alors plutôt de trouver la mandragore la plus belle. La fleur la plus belle, il la trouve sous le cadavre d'une femme, elle aussi était belle d'ailleurs. Il hume la mandragore, et voici la dette que cette femme a : c'était une chasseuse de vampires. Elle devait capturer un vampire, mort ou vif, et le ramener à un de ses contacts de l'Ost : il y en a un dans le bidonville, et un dans la ville de Calais. Nath' pense ne pas avoir le choix : il mange la mandragore la plus belle, et contracte alors la dette de cette femme. Il se dit qu'ils n'auront plus qu'à retrouver celui qu'ils appellent "le maître", celui qui les a mordus. Au passage, ils pourront toujours le cuisiner pour qu'il leur enseigne comment gérer leur condition vampirique. Le jour est presque levé, déjà les premières lueurs lui brûlent les yeux. Il faut qu'il se couche totalement à l'abri de la lumière du jour. Il n'a pas d'autre choix que de se cacher sous les planches de l'échafaud. Il va donc passer la journée en compagnie des morts, et les morts vont lui parler et lui arracher ses noirs secrets.

Quand Swann est sorti du bidonville par le trou, elle est arrivé dans un coin de petites baraques de pêche en bois, le sol c'était que de la gadoue. Le temps qu'elle reprenne ses esprits, un gros type en ciré jaune s'est présenté à elle. Il lui a demandé ce qu'elle lui donnerait pour pas qu'il dénonce son évasion aux gardes. Swann lui a dit en gros d'aller se faire mettre, alors le gros type en ciré a sorti un surin. C'est là que Garrick est arrivé, et il a pas réfléchi plus loin, il a sauté sur le gros type ciré, toute gueule et crocs dégueulasses dehors, il s'est farci la jugulaire du type, son sang avait un goût infect, mais au moins ça avait un goût, au moins on se sentait vivant en faisant à ça, et il a récolté le dernier souvenir de ce type, et du coup, il sait qu'il va être obligé à son tour de demander quelque chose à Swann, sinon il sera obligé de la dénoncer aux gardes. Il est tenté un temps de le vider entièrement de son sang, mais une fois qu'il en a bu deux litres, il sent que ce serait dangereux d'aller plus loin, alors il relâche sa pression. Swann se jette alors sur la gorge du type et le finit. Elle aussi elle aspire un souvenir, mais pas un souvenir du type en ciré, un souvenir de Garrick comme il est passé dessus avant elle. Le souvenir de Garrick qu'elle aspire, c'est qu'elle se souvient avoir tué ses propres parents. Alors, l'image s'impose dans l'esprit de Swann qu'elle aussi elle a tué ses propres parents. Au début, elle se dit que ce n'est pas possible, vu que ses parents ont été tués par l'Ost, sous ses yeux, et c'est même pour ça qu'elle a peur des gens masqués. Puis tout s'éclaire, c'est comme une montée écœurante, elle réalise que c'est bien elle qui les a tués, parce qu'ils étaient susceptibles d'être contaminés, et parce qu'elle faisait partie de l'Ost. Et qu'elle en fait toujours partie. Le contact de Nath' au sein du bidonville au sujet de la capture d'un vampire, c'est elle-même, Swann !

Ils veulent trouver un endroit où passer la journée, ils avisent une petite cahute, mais ils découvrent une femme en train d'y dormir. Ils sont fatigués de mordre et ne veulent pas récupérer encore un souvenir, alors ils s'enterrent dans la boue, sous le cadavre du gros type en ciré. Ils vont donc passer la journée en compagnie d'un mort, et ce mort va leur parler et leur arracher leurs noirs secrets.

La cheffe des gardes amène Silvius dans sa demeure, c'est juste une maison en bois, pas tellement plus aisée que la moyenne, sauf qu'elle a des combles. Elle dit qu'elle le laisse là, elle doit retourner faire la relève des gardes, elle reviendra dans une heure, quand le soleil sera levé. D'ici là, il faut que Silvius ausculte son père qui est dans la chambre, derrière. Il pourra se coucher après, la cheffe ira demander à son père quel est le diagnostic. Et elle plante là Silvius. Silvius s'approche de la chambre du père, ça sent le fauve, le vieux a pas dû sortir de là depuis quinze jours, ça daube carrément. On entend bzzzt, bzzzt, les mouches. Il ose quand même rentrer dans la chambre, le vieux dit un truc, et là la porte se referme derrière Silvius dans un claquement. Il respire les miasmes de la chambre à pleins poumons, et là il comprend qu'il vient de contracter la Chienlit. Putain, il est un vampire et il va pourrir sur pied de la Chienlit si on ne fait rien, si cet enfoiré d'El Gato ne ramène pas le remède qu'il a promis. Silvius se barre par la fenêtre sans demander son reste, il se planque sous les pilotis de la maison et s'apprête à passer la journée enterré là. Or, le vieux va crever dans la journée. Il va donc passer la journée en compagnie d'un mort, et ce mort va lui parler et lui arracher ses noirs secrets.

El Gato ne peut déjà pas résister à l'appel du jeu, mais là, il y a vraiment trop sur la table. Il s'installe donc à la table, et comme il ne possède rien de valeur, il joue sa propre personne comme mise. Le croupier arrive avec un jeu de cartes, c'est un nain en costard fripé, il lui manque deux doigts, coupés bien nets, signe qu'il a payé pour quelques conneries dans son passé. Le nain utilise le jeu de cartes du tripot et commence à le battre sous leurs yeux. Mais la gitane insiste pour qu'on joue plus gros, qu'on utilise un jeu de cartes du tarot de l'oubli. ça ne change rien aux règles du jeu, sauf qu'on perd des souvenirs quand on abat des cartes. Plus exactement, celui qui gagne va perdre gros en terme de mémoire. Mais en échange, celui qui gagne ne remporte pas la mise d'un autre comme c'était prévu, mais la mise de deux autres. Tout le monde accepte le risque. Y compris El Gato.

Il finit par avoir en main exactement le jeu qu'il lui faut pour gagner. Mais il sait qu'il va alors perdre un souvenir précieux : il est seul à avoir vu le visage du "maître", le vampire qui les a mordus, le seul qui pourrait leur donner des informations sur leur condition vampirique, celui que Nath' voulait capturer pour payer sa dette de mandragore. Mais El Gato n'hésite pas un seul instant, il abat son jeu et perd le souvenir, et gagne deux mises. Ses concurrents sont atterrés, lessivés. El Gato a le choix entre son fils, sa sœur et le remède contre la Chienlit. Il choisit... le remède et sa sœur.

La Mère Maquerelle lui offre une chambre où il peut étrenner son cadeau. Mais El Gato refuse de voir sa sœur, il a trop peur d'être tenté de la mordre. Il dit à la Mère Maquerelle qu'il lui rend sa liberté, et qu'il utilisera juste sa chambre pour dormir, avec interdiction qu'on le dérange sous le moindre prétexte...


Feuilles de personnages :

Concept de groupe : unis par le traumatisme de l'attaque par un vampire et de l'abandon de leur camarade. Branche commune : Mémoire

N : feuilles ajoutées en cours de jeu

Silvius
Viande
Tatouages de mes affinités passées
Crâne
Réservé
Silvus
Matériel
Matériel de soins
Couteau de chasse
N Médocs
Cœur
sportif, forte endurance
Entrailles
Ex-médecin
Mémoire
Je pleure mes amours passées
Monde
branche morte

El Gato
Viande
bras couverts de tatouages
agile comme un serpent
Crâne
Objectif d'abandon : jouer à des jeux de plus en plus extrêmes.
Soif de chair
Matériel
Lames de jonglage
Violon
Jeu de cartes truqué
une lame du tarot de l'oubli (utilisée en cours de jeu)
Cœur
-
Entrailles
branche morte
Mémoire
-
Monde
Gaspard, mon chat
Dette de jeu

Nath'
Viande
Dos grêlé
Sac en bandoulière et vieux manteau style officier
Un oeil bandé
Les cheveux frisés
Très bon grimpeur, assez musclé
Crâne
Amulette de croyance
Herboriste
Sorcier ? capable de droguer
Végétarien
Matériel
Couteau
Cœur
Avait une compagne
Capable de choix qui ne sont pas pragmatiques ou logiques
Entrailles
branche morte
Mémoire
a perdu un.e ami.e et sa famille contre les chevaliers
A déjà tué un membre de l'Ost
Monde
Sa femme / amie était porteuse saine

As de pique (non utilisé)

Garrick
Viande
Cicatrices de brûlures
Crâne
peur de l'hindu
Garrick
Un seul œil
Matériel
Canif
Voix dans la tête
Cœur
Cœur de Mort
Survivre
Violent
Dépôt d'El Gato : un pendentif avec une photo de jeune femme (rappelle le visage de ma mère)
Entrailles
Corps sensible au froid
Mémoire
Violé dans l'enfance
J'ai tué mes parents
Monde
branche morte

Swann
Viande
Légère, agile
Myope : je vois mal quand je regarde à longue distance
Crâne
ne veut respirer qu'à travers son écharpe
Traumatisme si je ne vois pas le visage des gens (Ost portant des masques, vampires)
Matériel
Montre (bracelet noir, cadran argenté)
Longue écharpe en laine bordeaux, un peu élimée, remontée sur mon visage
Couteau de poche
Cœur
réentendre rires et jeux un soir
Identifie Nath' à son frère
Entrailles
branche morte
Mémoire
Swann
Famille massacrée par l'Ost, haine et terreur à leur approche
N C'est moi, le contact de Nath' dans l'Ost
Monde
-


Le joueur de Silvius était le goupil d'El Gato qui était le goupil du joueur de Nath' qui était le goupil de Garrick qui était le goupil de Swann qui était le goupil de Silvius


Commentaires sur le jeu :

La situation de départ part du principe que les personnages sont dans un camp de réfugiés qui fuit un fléau quelconque. On a défini avec les joueur.se.s le concept du groupe (plutôt des individualistes, qui attendent jamais les traînards, et liés en mémoire : le traumatisme de l'attaque par le vampire) et la nature du fléau, en occurrence double : la Chienlit et l'Ost.

En jeu, je me permettais de décrire leurs sensations du corps, uniquement quand elles étaient liées à leur nouvelle conditions vampiriques. Chose que je fais dans d'autres contextes pour la faim, la soif, le froid.

On a dû passer 1 h sur le briefing et la création de personnage (chronométrée à 10 mn), puis 3h de jeu et 1/2 h de debriefing.


Retour des joueurs :

Joueur d'El Gato :
+ L'ambiance est bien, le système passe bien.
+ Le contexte des vampires est compliqué, plus difficile à mettre en œuvre. Ça passe sur une campagne, on n'a pas le temps de l'exploiter en one-shot.
+ Les dilemmes moraux, ça marche bien. Mais j'aurais pas été capable de les mettre en œuvre si j'avais été MJ.
+ Le fait qu'on soit des exclus parmi les exclus, ça devenait difficile de nous challenger d'un point de vue moral (aucune attache).
+ Il faudrait que le MJ propose un post-it à chaque joueur.se, parce que les post-it qu'il a donné lui ont donné la première amorce pour les dilemmes moraux, on sentait la différence entre les joueur.se.s qui avaient demandé des post-it au MJ et ceux qui n'en avaient pas demandé.

Joueuse de Swann :
+ Le Goupil initie des discussions méta même entre les joueur.se.s qui ne sont pas goupils l'un de l'autre :)

Joueur de Garrick :
+ Il y a une part de mystère :)


Retour personnel :

+ Quand j'étais sec sur une idée de prix à payer où sur une impro en général, je retournais un post-it de ma forêt au hasard, et je m'en inspirais. ça a bien fonctionné !


A expérimenter lors du prochain playtest :

+ Écrire sur le guide du joueur que les souvenirs sont une monnaie.
+ Écrire sur le guide de la garde forestière que lors de la description des clochards, chaque clochard doit révéler une de ses feuilles dans la branche commune.
+ Faire des dettes à 24h.
+ Pour amorcer la pompe à dilemmes moraux, proposer toujours au moins un post-it à chaque joueur.se, qui reste libre de le refuser.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] Le Train

A travers la forêt file le train qui convoie les derniers membres de l'humanité. Vers quel but ? Un CR par Astarkan.

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crédits : kikuyumoja, Museu del Ferrocarril de Catalunya, orangeacid, pcgn7, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
Dernière modification par Pikathulhu le mer. mars 02, 2016 8:10 am, modifié 1 fois.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Orlov »

Thom' y a aucun lien qui renvoie vers le CR ! :bierre:
Cryoban a écrit : lun. juin 26, 2023 7:56 am Le vrai problème c'est les gens.

Mildendo aka Capitaine Caverne a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

Je fais confiance à ton imagination pour visualiser que c'était une super partie !

...

J'ai corrigé ;)
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

PENDUS AU-DESSUS DU PENTACLE EN FEU

Encore une situation de départ infernale, une ambiance de folie, mais encore des raideurs dans les règles malgré quelques ajustements !

Jeu : Empreintes & Horlas, derniers grognards des forêts maudites de Millevaux

Joué le 17/10/2015 au Festival de l'Oeil Glauque (Rennes)
Personnages : Bob la Main d'Or, Kazugo, Cerlock le troisième Oeil, Wei Pas Silencieux, Dragule, Gralagar


Image
illustration : Gustave Doré, domaine public


L'histoire :

Black out.

Quand les grognards reprennent leurs esprits, ils sont tous nus, pendus par les pieds à des cordes et saucissonnés au bout des branches d'un grand arbre. D'autres cordes pendent, mais il n'y a plus dessus que des pieds carbonisés et sectionnés au niveau de la cheville. Ils sont pendus au-dessus d'un pentacle en feu ! Autour du pentacle, une assemblée de guerriers tribaux danse et chante en langue putride. Il y a quatre guerriers avec des couteaux, des arcs et des sagaies, un chamane coiffé d'un masque en bois à bec de corbeau, et leur cheffe coiffée d'une parure en plumes de corbeaux. Un homme en capuche lui tend une bourse qui semble pleine d'or. Les cordes sont nouées à l'arbre d'une façon qu'elles se détendent sous le poids des grognards : ils descendent irréversiblement vers les flammes du pentacle. Pendu à côté d'eux, un gros homme joufflu leur crie : "Vous aviez promis de me protéger ! Faites ce pour quoi on vous paye !".

Bob la Main d'Or se balance tant et si bien qu'il arrive à attraper la corde au-dessus avec ses dents. Mais qu'elle n'est pas sa stupeur quand il constate que les branches de l'arbre au-dessus d'eux sont couvertes de toiles et qu'une araignée gigantesque descend vers eux. Elle essaye de le mordre mais Bob la Main d'Or se laisse retomber pour lui échapper. L'araignée tente de lui descendre dessus, mais Wei Pas Silencieux s'agite au bout de sa corde pour la gêner. Le problème, c'est que l'araignée s’agrippe alors sur son dos et lui pond un œuf dans le corps !

Gros Joufflu leur crie : "Arrêtez l'homme à la bourse d'or ! Il a le lotus !". En faisant un effort de mémoire, Cerlock Troisième Œil se rappelle qu'ils recherchaient ce fameux lotus pour le compte de Gros Joufflu et que c'est ça qui les a conduits dans ce panier de crabes.

L'homme à la bourse d'or file vers son cheval Rossinante caché un peu plus loin dans la forêt. Cerlock le Troisième Œil utilise son emprise naturelle pour ordonner au cheval de ne plus bouger. Voyant que son cheval ne lui obéit plus, l'homme à la bourse d'or retourne vers la cheffe lui expliquer son problème, et tous deux filent à pied par un chemin garni de pierres levées noires qui ressemblent à des crocs.

Pour s'amuser, un guerrier lance une sagaie et tranche la corde à laquelle Dragule est suspendu. Dragule tombe dans le feu. Son visage est brûlé au troisième degré. Deux guerriers le tirent du feu, ils le frappent et l'assomment.

Un grognard se balance et pousse l'araignée. Elle tombe dans le feu mais se redresse aussitôt et manœuvre de ses pattes graciles pour éviter le gros des flammes. Kazugo a des serres d'aigle à la place des mains. D'ordinaire, c'est un problème, mais là c'est une chance. Il arrive à trancher les cordes qui le saucissonne et se libère les mains. Bob la Main d'Or est aussi parvenu à se libérer. Ils se balancent et arrivent progressivement à libérer les mains des autres.

Sous leurs têtes, le pentacle commence à briller. Leurs cordes se détendent, ils ont maintenant les cheveux au contact des flammes ! Gros Joufflu braille : "Vous devez refermer le pentacle avant qu'il ne soit trop tard !". Un guerrier tire à l'arc et tranche la corde qui suspend Gralagar, qui tombe dans le feu à son tour. Puis c'est Cerlock Troisième Œil qu'on descend vers le pentacle. Bob la Main d'Or et Wei Pas Silencieux arrivent à monter dans les branches de l'arbre. Ils voient que des toiles d'araignée partent de l'arbre et communiquent avec les cimes des arbres autour... Wei Pas Silencieux remonte Gros Joufflu. Alors que les cordes qui le lient se détendent, on voit alors son torse... qui arbore la marque d'un pentacle gravée au fer rouge !

Bob la Main d'Or utilise l'égrégore du lieu pour faire une prière et aidé par Wei Pas Silencieux, il arrive à refermer le portail qui commençait à s'ouvrir dans le pentacle.

Un guerrier utilise un tison enflammé pour marquer un pentacle sur le torse de Gralagar ! Kazugo parvient à se délier totalement et se laisse tomber à côté du pentacle, mais il se fait aussi attaquer par le guerrier et graver un pentacle sur le torse au fer rouge. L'araignée a réussi à pondre un oeuf dans Dragule et un autre dans Cerlock Troisième Oeil.
Wei Pas Silencieux sent quelque chose lui monter dans la gorge depuis son estomac. Il plonge sa main dans la bouche et en retire une petite araignée qui vient d'éclore ! Et cette petite araignée a son visage ! Écœuré, il jette la bestiole en contrebas, mais elle échappe au feu et file dans la nature.

Deux guerriers attrapent Dragule et l'un d'eux lui ouvre à moitié la gorge avec son couteau. Dragule sent l’hémorragie monter, s'il ne fait rien il est mort ! Il arrache le pagne d'un guerrier et se couvre la gorge avec pour stopper le flux de sang. Gralagar subit le même sort et utilise la même technique pour se sauver la vie.

Depuis la cime de l'arbre, Bob la Main d'Or et Gros Joufflu voient arriver une troupe de cavaliers en armes avec des tabards porteurs d'une croix rouge. Gros Joufflu s'exclame : "Ce sont les Inquisiteurs ! Il faut pas qu'on se fasse prendre par eux !".

Le Chamane Bec de Corbeau s'approche de Cerlock Troisième Œil et chasse l'araignée géante. Il confie discrètement une bourse et un couteau à Cerlock et lui dit : "Je crois qu'ils ont gobé la supercherie, votre rôle s'arrête ici, vous pouvez filer maintenant !". Cerlock accepte les présents, mais il ne sait pas quoi faire de cette information ! Il tente d'agir plusieurs fois, mais les autres grognards, qui s'en méfient désormais, l'en empêchent.

Dragule donne un coup de genou dans les valseuses d'un guerrier et le désarme ; les grognards désarment un autre guerrier nu. Les deux guerriers nus et le chamanes fuient. Les deux guerriers restants se battent avec couteaux et tisonniers, mais ils sont vite débordés, ils fuient à leur tour avant que les Inquisiteurs ne débarquent.

Kazugo utilise le sang qui s'écoule de la blessure de Gralagar pour masquer le pentacle sur son torse et sur celui de Gralagar. Puis il utilise son emprise pour transformer temporairement ses serres de corbeau en mains humaine, juste avant que les cavaliers Inquisiteurs n'arrivent sur place, avec à leur tête le Maître Inquisiteur Torque.

Ils arrivent à expliquer qu'ils sont les victimes d'un rituel sataniste, alors les Inquisiteurs ne les tuent pas sur place mais les embarquent... Sauf Gros Joufflu qui est resté dans l'arbre !

Ils se retrouvent dans les geôles de l'Inquisition. On leur donne à tous un pantalon de détenu. Bob la Main d'Or et Wei Pas Silencieux, qui sont indemnes, sont conduits dans la cellule. Ils y rencontrent leur compagnon d'infortune, un homme très maigre à la barbe qui descend jusqu'au sol. Quand ils entrent, ils cache dans son pantalon une cuiller en bois taillée en pointe. Il leur dit qu'il est retenu ici à tort et qu'ils doivent absolument le faire sortir de là : il connaît le fonctionnement de l'égrégore dans ses moindre détails et peut les aider à le comprendre aussi. Il donne quelques indices, notamment le fait que tout rituel sacré permet de manipuler l'égrégore pour arriver à ses fins. En haut de la cellule, il y a une minuscule grille de soupirail qui donne sur la rue. Un passant se penche jusqu'au sol et passe sa tête devant le soupirail pour leur jeter un sourire sardonique. Il a la tête de Wei Pas Silencieux ! Il lui dit qu'il va bien s'amuser maintenant, et repart. Wei passe quelques heures à déprimer dans sa cellule, ruminant à l'avance tout ce que l'araignée, devenue son clone humain, va pouvoir faire maintenant : piller son compte en banque, ruiner sa réputation, tuer des personnes en usurpant son identité...

Les quatre autres sont conduits à la "laverie" car ils sont couverts de sang. Un moine barbu les asperge avec un baquet d'eau chaude. Quand il asperge Kazugo et Gralagar, ça révèle les scarifications qu'ils se sont fait à la hâte pour recouvrir le pentacle sur leur torse : chacun a maintenant un énorme crucifix ouvragé sur le buste, suffisamment gros pour couvrir le pentacle, c'est-à-dire deux fois plus gros, comme c'est la coutume quand on recouvre un tatouage. Le moine est super impressionné par leur piété expiatrice. "Moi, au bout de cinq coups de fouet, je tombe dans les pommes." Il promet de plaider en leur faveur s'ils ont des soucis avec les inquisiteurs.

Dragule et Gralagar pissent toujours le sang, ils sont conduits à l'infirmerie, ainsi que Cerlock Troisième Œil parce qu'il s'est plaint d'être infecté par un œuf d'araignée géante. Bob la Main d'Or arrive à convaincre ses geôliers d'être conduit à l'infirmerie en tant que volontaire. L'infirmerie est tenue par des nonnes, accompagnées par deux gardes qui veillent à leur sécurité. Cerlock leur confie son histoire d’œuf, elles lui administrent un lavement, qui ne résout en rien le problème ! Gralagar se garde de confier quoi que ce soit sur ses bobos, il profite d'être alité pour sombrer dans un profond sommeil réparateur. Quand il se réveille, une nonne est penchée sur lui et lui murmure sur un ton énigmatique : "J'ai promis de vous faire sortir de là, je ne faillirai pas à ma parole !". Bob la Main d'Or utilise l'égrégore des lieux pour lancer une prière qui tue les œufs d'araignée dans le ventre de ses comparses. Puis il est appelé par les gardes : il est convoqué par le Maître Inquisiteur Torque.

La cellule de Torque est toute propre. Un petit autel ou missels et étoles sont soigneusement empilés. Torque est en prières. A côté, trône une vierge de fer. Torque invite Bob la Main d'Or à embrasser la bague sur sa main puis à parler sans ambages. Bob sent bien que sa vie ne tient qu'à un fil, mais il se sert de sa verve habituelle pour endormir les soupçons du Maître Inquisiteur : les victimes, ce sont bien eux. D'ailleurs, ils sont de fervents chrétiens, ils brûlent de servir l'Inquisition. Torque semble être sensible à ces arguments. Il ne leur rend pas la liberté mais annonce qu'ils feront partie de l'expédition punitive qui va se lancer à la recherche des satanistes au cœur de la forêt. Ils serviront de guide et d'appât...


Personnages :

Bob la main d'or
Artisan
Religion : Christianisme (acquis en cours de route)
Limitation : faux souvenirs
FOR 8 CON 9 DEX 11.8 CLA 16.11 MOR 10.9 EMP 7 EGR 12 MEM 6.2
Mission accomplie : refermer le pentacle 3

Kazugo
Gnome
Limitation : Serres de corbeau à la place des mains
Malédiction : Pentacle sur le torse (acquise en cours de route)
FOR 9.8 CON 10, descendu à 8.8 DEX 11 monté à 14.8 CLA 8.3 MOR 12 EMP 6.4 EGR 7.6 MEM 13.9
Matériel : Arc+flèches (léger), Couteau (léger), pantalon de prisonnier
Mission accomplie : sortir Gralagar de la zone du pentacle

Cerlock le troisième œil
Sorcier
Limitation : inapte au combat au corps à corps
Limitation acquise en cours de route : mains brûlées (difficile de manipuler des objets)
FOR 6.5 CON 7.6 DEX 11 descendu à 10.10 CLA 12.7 MOR 9.4 EMP 13.12 EGR 10.9 MEM 7.6

Wei Pas Silencieux
Maletrait
Limitation : fait peur aux animaux
FOR 8 CON 9 (descendu à 8.8 ) DEX 13.11 CLA 11.8 MOR 12 EMP 10 EGR 6 MEM 7

Dragule
Survivaliste
Limitation : pessimiste (ne fait pas confiance dans les plans) + hémorragie (acquis en cours de route) + brûlé au troisième degré (acquis en cours de route) + Malédiction : œuf d'araignée (acquis en cours de route)
FOR 12.11 CON 13 (descendu à 9.9) DEX 10.10 CLA 11.10 MOR 6.4 EMP 7 EGR 8 MEM 9.8
Matériel récupéré en cours de route : pagne (léger) + sagaie (lourd, allonge)

Gralagar
Guide
Limitation : fuit en cas d'infériorité numérique. Malédiction : pentacle sur le torse
FOR 9.8 CON 10 (descendu à 7.7) DEX 11 CLA 13.11 MOR 6 (descendu à 5.5)
EGR pas encore attribué MEM pas encore attribué
Matériel récupéré en cours de route : pagne (léger) + couteau (léger)


Figurants :
Corde 13
Quatre Guerriers, DEX 10 CON 13 chacun
Araignée géante violeuse d'hommes FOR 15 DEX 15 CON 15
Branches de l'arbre 13
Feu FOR 15 DEX 15
Pentacle EGR 20


Liste des figurants et mystères :

Quatre guerriers tribaux + chamane bec de corbeau + cheffe plumes de corbeau
Araignée géante violeuse d'hommes
Gros joufflu
Homme à la bourse d'or
Cheval Rossinante
Pentacle
Œuf d'araignée
Empêchez le pentacle de s'ouvrir
Gros Joufflu a un pentacle sur le torse
Récupérez le lotus !
Inquisiteurs
Échappez aux Inquisiteurs !
Chamane au chasseur : barre-toi
Chemin Crocs piégé
Inquisiteur Torque
Sortez-moi de cette cellule !
J'ai promis de vous sortir de là
Passage secret dans la cellule


Marelles :

Sommet arbre
I
Corde
I
Pendus
I
Corde
I
Pentacle - Forêt - Forêt
I
Route
I
Route
I
Route
I
Route
I
Route

Salle de question
I
Couloirs -- Laverie
I
Infirmerie

&

Cellules - Couloirs


Règles utilisées :

Depuis le test précédent, qui avait commencé à montrer les limites des règles, j'ai opéré quelques ajustements.
Au début de chaque tour, j'annonce :
+ Un nouvel antagoniste
+ Une nouvelle mission (i.e un figurant demande l'aide des grognards)
+ Un nouveau mystère
+ Un nouvel élément dissimulé (figurant caché, piège, passage secret)
Chaque joueur disposait de trois jetons action par tour. N'importe quel joueur pouvait agir en avançant son jeton action. Si deux joueurs voulaient agir en même temps, le coordinateur les départageait (ici, il y avait un guide, je l'ai bombardé coordinateur tout le temps). Une fois qu'un grognard avait agit, je faisais agir un figurant, puis on repassait au grognard, puis aux figurants, et ainsi de suite. Si un grognard interrompait l'action d'un figurant, je le laissais agir puis j'avais droit à deux actions de figurants à la suite.


Retour des joueurs :

(ça fusait trop vite pour que j'ai le temps de noter qui disait quoi)

+ Le système d'action est bien mais ça décale les actions.
+ C'est bizarre qu'on ait chacun trois actions. Une fois que j'ai fait mes trois actions, je suis inactif pendant un bout de temps.
+ Je ne peux pas jouer un traître si je me fais bloquer toutes mes actions par le coordinateur.
+ En cas d'entraide, les grognards cumulent leurs scores. C'est trop cheaté, par rapport à un bonus de +2, +3. Comme les CAR sont sur une échelle logarithmique (1 c'est le plus mauvais du monde, 2 le meilleur du monde), si on cumule des scores à cinq, on fait exploser le soleil.
+ L'araignée tombe dans le feu, mais elle a une bonne DEX donc elle ne brûle pas : ça m'a paru trop cheaté.
+ J'ai aimé le principe des réserves.
+ C'est bizarre qu'on puisse remonter n'importe quel score avec une mission accomplie. On ne devrait pouvoir remonter que les scores de CAR qui ont servi pour accomplir la mission, avec validation par l'arbitre.
+ Pas ressenti l'effet des classes. On n'a pas utilisé les rituels.
+ Pas ressenti le côté badass des grognards : les attaques avaient un faible taux de réussite. On devrait avoir des bonus plutôt qu'une relance du d20.
+ Les scènes sont trop longues. Les chronométrer en nombre de tours ?
+ Les mystères ne concernent qu'une personne et pas le groupe.
+ L'action de parole devrait être gratuite. [note de Thomas : en principe c'était le cas pour les paroles courtes comme "Qui êtes-vous ?" ou "Aidez-moi !" et pour les paroles entre PJ]


Retour personnel :

L'ambiance de la partie était bonne, grâce à une situation initiale explosive suivie d'un feu roulant d'adversité, et grâce à la bonne humeur et la bonne volonté des joueurs (dont trois étaient des complets débutants). Pour autant, je ne donne pas tort à toutes les remarques émises. Il me semble que le système, malgré les remaniements que j'ai appliqués, montre ses limites. Je m'étais déjà bien éloigné de l'esprit donjon old school, il est temps de m'en affranchir tout à fait, et de repartir à zéro sur tout un tas de règles. Affaire à suivre.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

LES CHEMINS DE COMPOSTELLE / VENISE MORTELLE / AU NORD, SOUS LES ETOILES SILENCIEUSES

Tri-théâtre joué en Carte Rouge, vertige logique à tous les étages où le temps, l'espace, la mémoire, la causalité et l'évolution se confondent. Une ascension du mont Mindfuck par la face Nord et sans oxygène dont ne sort pas indemne.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 15/01/2016 sur google hangout
Personnages : Étienne, Camille/Caméo/Carême, Le boursouflé/Vitello/Vie, Vincenzo


Partie enregistré en deux morceaux : ici et ici

Partie également débriefée sous l'angle du jeu mindfuck à hauteur de joueuse par Eugénie sur le blog JenesuispasMJmais.

Image
crédits : bru_ca, cdw9, thomas hawk, Claudine Lamothe, Rita Willaert, Vincent H, visit finland, licence cc-by-nc & Lewis Hickes, domaine public


Principes de jeu :

Comme lors de Cuisine aux Orgones / Green Void / Le Château des Possibles, on joue une seule aventure, mais on alterne sur trois théâtres, ici Les Chemins de Compostelle, Venise Mortelle et Au Nord, sous les Etoiles Silencieuses.

Il y a en revanche des différences entre les deux parties. Dans la première, on jouait en Carte Blanche, avec des personnes prétirés et une mission à accomplir, on jouait dans l'ordre chronologique (hormis un petit flashback dynamique que je me suis autorisé) et surtout on découpait bien la partie : le premiers tiers de jeu se passait dans le premier théâtre, le deuxième tiers dans le deuxième théâtre, le troisième tiers dans le troisième théâtre.
Dans cette deuxième partie, on joue en Carte Rouge, on crée les personnages à la volée lors des premières instances, on s'autorise à basculer d'un théâtre vers l'autre à tout moment (même plusieurs fois au cours d'une seule instance), et si l'on se sent en jambes, on s'autorise à tenter d'autres expériences mindfucks : flashbacks et flashforwards dynamiques, uchronies intimes, solipsismes, ruptures de la causalité et de la cohérence, personnages et figurants à la réalité douteuse...

Les Chemins de Compostelle :

Des dizaines de chemins partent pour Compostelle, de Métro la capitale souterraine des Terres Franques, Rift la ville coupée en deux par les rives vertigineuses de la Gronde, Axe-en-Vengeance la forteresse du soleil, de Pampelune la farouche enclave basque. Sans parler des bateaux depuis Albion ou Grenade. Tous convergent vers le port christique et sa basilique aux murs de coquillages et à la charpente en carène de bateau.
La passion marche aux côtés de la foi vers Compostelle.

Venise Mortelle :

Depuis plus de deux cent ans, Venise est en cale sèche. Les eaux de la lagune ont déserté les canaux, mettant à jour le bois pétrifié de ses fondations. Sous le Rialto ou le Pont des Soupirs, du sable, de la vase
desséchée. Partout des gondoles et des canots à moteur échoués, inutiles. Venise, qui pensait mourir noyée, agonise de déshydratation.

Au Nord, sous les Étoiles Silencieuses (un théâtre d'Epiphanie) :

Tout au nord se trouve un village dont on dit que c’est le dernier avant les glaces. Les habitants y vivent dans un hiver éternel, la nuit dure dix mois et l’on n’adresse plus ses prières au soleil, trop faible ici pour exaucer les souhaits. Comment survivre entre les deux malédictions de la forêt et
du givre sinon en se réfugiant dans ses obsessions, pour ne surtout pas penser à la limite, là où la forêt s’arrêterait et où habitent les vieilles légendes du passé ?


L'histoire :

Étienne se réveille sous une toile faite en sacs plastiques découpés, l'humidité lui rentre par le dos, il a les omoplates repliées, la pluie bat très fort autour de lui, il croit tenir un souvenir lointain à portée de la main, il se tourne vers l'ouverture et voit une forme, comme un homme engoncé dans un imperméable, avec une grosse ceinture refermée sur ses bourrelets. Étienne pousse un cri.
Il se réveille dans une yourte en terre, où brûle un feu de bouse qui sent très fort. En face de lui, un masque animal qui le contemple, les crocs découverts. Il a toujours cette douleur qui lui engourdit le dos. Un souffle froid perce depuis l'ouverture de la yourte : une chose engoncée dans un costume de paille avec des yeux rougeoyants qui semble percer à travers de lui.
Étienne a un sursaut d'angoisse, et finit par se réveiller dans une cabine, une pièce métallique, il est en panique, il cherche des yeux, est-il encore dans un rêve, est-ce que cette chose croisée dans une vie précédente... Il a oublié ? Il voit une juste table de chevet, avec un verre d'eau. Il hésite à le boire. Il se dirige vers la porte.
Étienne a des souvenirs parasitaires, ce ne sont pas les siens mais ceux d'un parasite horla qui a envahi son corps. Quand il touche ses omoplates pour comprendre quelle douleur lui fait mal à travers les rêves, il sent une grosse bosse sur sa colonne vertébrale qui se déplace pour éviter les palpations. Il veut explorer la mémoire de ce symbiote.
Il passe une chemise sur ses épaules, passe la porte, parcourt quelques couloirs, croise quelques personnes qui semblent le connaître alors qu'il ne reconnaît aucun visage, il sort dehors et tombe sur une grande étendue de sel, entre lui et les clochetons de la ville au loin. Il descend une échelle métallique et se dirige vers la ville.
La douleur de son dos est omniprésente. Elle le rappelle à sa condition de véhicule, il est plus le vaisseau de ce horla qu'un individu vraiment humain.

Il voit la ville au delà du désert, du désert d'arbres devant lui. Il fait froid, la pluie tombe. La ville émerge des cimes des arbres, juste les clochers les plus hauts. Il est proche de Rift, la ville aux deux falaises. Encore beaucoup de chemin avant Compostelle. Derrière lui, il y a juste la petite cabane en sacs poubelles. Un enfant s'approche de lui, il semble sans peur. Il a entre huit et dix ans, il a des vêtements amples, un pull qui a dû appartenir à un adulte, assez déchiré, qui flotte dans le vent qui s'engouffre entre les sapins. Il le regarde avec ses grands yeux : "Je suis perdu, j'ai besoin d'aide.
- Ne traîne pas, allons en ville, nous trouverons quelqu'un pour t'aider. En attendant, laisse moi t'inviter à déjeuner.
- Merci. Je cherche la route vers Compostelle."
La présence de l'enfant n'a pas l'air de surprendre Étienne. L'enfant, Camille, veut qu'Étienne l'aide à traverser le désert d'arbres jusqu'à Compostelle.
"Je me présente, je m'appelle Camille.
- Moi, c'est Étienne. Tu viens d'où ?
- Je ne sais plus en fait.
- Tu n'a pas des parents, tu n'étais pas avec des pèlerins ?
- Si, j'avais des parents, mais je me suis échappé d'eux. Parce qu'ils avaient changé."
Étienne a un mouvement de cou comme s'il avait une douleur à la nuque, il s'étire le bras en direction du dos.
"Changé comment ?
- Ils me reconnaissaient plus.
- Ils ont perdu leurs souvenirs ?
- Oui. C'était pas brusque, des fois ils me reconnaissaient plus. Ils pouvaient être violents, dire des choses horribles, après ils redevenaient comme avant, mais c'était plus possible de continuer avec eux. C'est pour ça que je vais avec Compostelle, là-bas la vie est meilleure."
Étienne a un sourire, navré, condescendant.
"Arrangeons déjà l'ici et maintenant avant de voir si la vie est meilleure après.
- Tu veux que je cherche du bois pour allumer un feu ?
- Oui, ça fera du bien de manger chaud."
Avec inexpérience et maladresse, Camille allume le feu ; Étienne l'observe sans l'aider ni le quitter des yeux.
Étienne sort un morceau de viande d'un sac en jute de la cabane, dernière limite avant intoxication, il installe une grille métallique tirée de ses affaires sur le feu, et commence à griller la viande.
Camille : "Tu feras meilleur la prochaine fois ?
- Si tu ne contentes pas de ce qu'on te donne, tu ne feras pas de vieux os sur la route de Compostelle."
Le paquet de fringues imperméables bouge, la grosse chose avec le chapeau en sort : "ça sent bon dis-donc !"
Étienne se planque derrière le feu.
Le boursouflé : "Quoi ? On invite un gamin et moi je peux pas m'asseoir ?"
Camille : "C'est drôle, ce monsieur me rappelle un cuisinier dont j'ai entendu parler, un gros cuisinier qui s'appelle Vitello."
Le boursouflé : "Connais pas."
Étienne : "T'es du genre à manger, toi ? La même chose que les êtres humains ?"
Le boursouflé : "Sois poli !"
Il relève son chapeau, écarte l'imperméable, c'est à peu près un humain.
Étienne : "Sors de ma cabane, je sais même pas comment tu y es entré."
Il a les membres très maigres et le torse boursouflé.
Étienne : "Dis moi, l'enfant, tu manges ta viande ou tu la donnes à notre invité ?"
L'enfant en mange un peu et laisse une grosse part à l'étranger.
Étienne : "Ou tu vas, l'étranger ?"
Le boursouflé : "Je cherche quelqu'un."
Camille : "Peut-être à Compostelle tu le trouveras, on y trouve toutes les réponses."
Le boursouflé : "Peut-être que je le trouverai avant, sur la route."
Camille murmure à Étienne, il lui demande pourquoi il en dans la forêt. Étienne élude, Camille lui dit : "Si tu as pris le maquis pour fuir la justice, je te dénoncerai pas.
- Peut-être... ou pas. Cela te ferait plaisir que j'en sois ?
- Ce que je veux, c'est que tu me protège, je ne suis qu'un enfant, sans aide je ne survivrai pas.
- Si je suis un proscrit, crois-tu que je te protégerai ?
- Pourquoi pas ?"

Les cuisines sont saturées de passage, des gens ramènent des paniers de poisson frais du marché, enfin frais, plutôt salé, cuit dans le sel où il a vécu. Des mets étranges à base de mousse sont malaxés par des petites mains, des carcasses de choses dont on se demande si ça a pas été humain un jour sont pendues à des crochets. Effervescence totale, Vitello en chef d'orchestre mène le bal. La cuisine s'est suspendue, il a eu... il était pas loin... de retrouver... il a presque partagé un repas avec lui... Étienne... il allait lui demander de lui rendre son hôte. mais il s'est retrouvé dans la cuisine. Les cris reviennent, s'affolent.
Une personne fait irruption au milieu de l'armée de marmitons et de serveurs en livrée, un jeune homme, il a une tenue de courtisan, exubérante, à la fois hidalgo, escrimeur, toréador en habits de satin bariolé, de la dentelle, il est assez beau mais trop fardé, une rapière au fourreau à son flanc. Il amène, accompagné par un laquais qu'il a débauché, un gros morceau de viande, une demi-carcasse de bufflonne. "Tiens, Vitello, c'est une des meilleures bêtes de Sicile, on l'a faite venir exprès pour toi !
- Camille, ça me fait plaisir !
- Tu sais bien que je m'appelle Caméo !"
Une grosse voix :
"Caméo, n'oublie pas de me payer !" Un homme rude fait irruption dans l'escalier, il porte du cuir rongé par le sel, il regarde tout le monde aux alentours.
Vincenzo : "Vitello, j'espère que cette viande saura satisfaire les plus fines gueules de ta table."
Vitello : "Caméo, tu me présentes pas ?"
Caméo : "C'est rien, c'est personne, c'est un type qui me recherche. Maintenant je suis assez grand pour me défendre. Il dégaine sa rapière, monte sur une table, se suspend à un crochet de boucher...
Vitello : "Pas de duel dans ma cuisine !"
Vincenzo : "Je sentais bien un coup fourré ! Tu voulais faire croire que tu t'étais procuré cette viande !"
Caméo : "Moi, je la donne de la part d'Étienne, je sais pas d'où elle vient. Si tu veux t'en prendre à nous, on saura se défendre."
Vincenzo : "On se moque pas de Vincenzo comme ça."
Il toise les gens alentours. Il respecte Vitello et sort de la cuisine en restant dans les alentours afin que sa présence se fasse encore sentir.
Caméo embrasse la barbe de Vitello : "Bravo tu l'as fait fuir avec ta prestance !
- Ne me ramène pas tes aventuriers dans la cuisine ! J'apprécie la viande, les présents, je fais ça pour ton père tu sais, mais ne me ramène pas les aventuriers...
- C'est eux qui me suivent partout. Dans ce monde, on a rien facilement, j'aurai toujours des gens à mes trousses pour me reprendre le peu que j'ai."

La pluie tombe. L'homme à l'imperméable.
Le boursouflé : "Ah bon, ils te poursuivent ?
Étienne : "Elle n'était pas de moi cette viande, tout au plus quelqu'un avec le meme nom ?"
Camille : "Tu crois qu'ils nous recherche dans la forêt, ce type ? Peut-être que dans le tumulte de la ville, il nous retrouvera pas. J'ai entendu qu'elle est coupée en deux par le fleuve, y'a ces maisons et ces clochers et sur le fleuve, la Gronde, y'a ces grands filets dérivants où ils pèchent les poissons, et les bateaux qui partent vers Compostelle..."
Étienne n'a pas quitté le boursouflé au chapeau du regard.
"Que tu te nommes Vitello ou pas, je ne t'aime pas, nous n'avons rien en commun, je ne te dois rien, je ne veux pas te voir. Si tu nous suis, fais-toi discret.
- Très bien, je marcherai sur tes talons, tu me verras pas."
Le boursouflé sait qu'il ne convaincra pas Étienne de lui rendre le horla, mais il compte bien convaincre le horla de lui revenir.

Beaucoup de vent à l’extérieur, la hutte les protège très peu alors qu'ils sont en train de partager cette viande. Le chasseur Vincenzo rentre et toise Étienne. Il regarde la viande, regarde Vitello et Carême. Vincenzo toise Étienne à nouveau :
"Pourquoi manges-tu cette viande gâtée ? Tiens, je viens d'aller en rechercher.
- Laisse, je vais manger cette viande gâtée, on ne va pas gaspiller.
- Tu as encore perdu toute souvenance, je t'ai pourtant répété cent fois que fuir la forêt en allant à un tel endroit n'est pas une chose pour toi. Ici, il fait trop froid pour se maintenir.
- Ce n'est pas une raison pour gaspiller. Si nous tombons à court de provisions, je mourrai pour de bon.
- Tu sais comme tu es précieux, comme tu dois faire attention à toi, tu sais ce que tu transportes. Nous avons eu cette conversation mille fois, tiens bon."

Carême : "Il a raison de monter vers le nord, on est trop proche de la Source, celle tout au nord, derrière le mur de glace.
- C'est certain, on doit y aller. Mais les villageois n'ont pas l'air de...
- Oui, mais on est pas obligé de les écouter !
- Tu as vu sur le chemin, cette tête de loup empaillée, j'ai cru le voir se lécher ses babines..."
Carême lui prend la main, sa main est vieille est ridée, c'est une vieille femme maintenant, ses cheveux gris s'envolent dans le vent. Elle se rapproche du feu car la chaleur s'échappe vite de son corps, ses vêtements en peau de bovin trop amples claquent.
"Mais on est si proche du but, depuis le temps qu'on chemine ensemble, nous aussi on y a droit."
La main d'Étienne est brûlante, il est torse nu, son corps consomme de l'énergie très très vite pour produire de la chaleur.
Le visage de Carême est ridé de vieillesse, d'amour pour Étienne et de toute le temps passé ensemble sur la route : "On sera les premiers à arriver à la Source..."
Le tas de paille dans le coin bouge, une voix en sort : "C'est pas elle qui aurait du le porter jusqu'ici. Toi ou moi, Étienne, mais pas elle."
Étienne se tape le crâne comme si le son n'était que dans sa tête :
" Tais-toi !...
Vincenzo, tu as raison comme d'habitude, je n'aurais pas dû manger cette viande et on n'aurait pas dû aller si loin au nord... Tu as entendu ces voix ?"
Vincenzo : "Ce sont des voix qu'ils nous faut traverser, qu'il nous faut entendre."
Étienne : "Je ne sais pas lequel d'entre vous est réel."
Carême : "Vincenzo, tu dois nous laisser partir maintenant !"
Carême sort un couteau en silex avec une poignée couverte de rubans rouges qui se défont dans le vent.
" Tu dois cesser de nous poursuivre pour un morceau de viande, quelque chose qu'on te devrait, on te doit rien, personne ne devrait jamais rien devoir à personne, tu dois nous laisser notre liberté ; vivre notre rêve.
- Tu dis ça alors que ta chair même est faite de la chair que j'ai tuée ?"
- Si je porte cette chose maintenant, c'est un accident, ce n'est pas volontaire, maintenant c'est comme ça, c'est à moi."
Apparemment, Vincenzo veut que le symbiote porté revienne à Vie, l'homme dans le costume de paille.
Quelque chose émerge des vêtements de Carême, se juche sur ses épaules. Un renard des neiges, blanc, des oreilles de coyote, il les regarde avec un air de duplicité, sa queue est enfouie dans ses vêtements, reliée à sa colonne vertébrale. C'est le symbiote qu'Étienne a abrité fut un temps. Étienne a la tête dans les mains, il transpire comme s'il avait la fièvre. Un soupir s'échappe du tas de paille.
Carême : "Vie, Puisque tu as décidé de ne pas nous laisser en paix, accompagne nous jusqu'à la Source, moi je suis vieille et Étienne perd des forces. Arrivés à la Source, je te rendrai le renard."
Vincenzo : "Soit, nous allons continuer."
Vie : "Cela fait des semaines que tu dis que tu vas rendre le renard..."
Carême : "On est presque arrivés..."
Vie : "Laisse-moi le toucher au moins."
Carême : "Cela te ferait trop mal."
Étienne : "On partira pas avant d'avoir fini la viande !"
Vincenzo : "Reprends des forces, tu en auras besoin."
Carême : "Vie, puisque tu cuisines, mets des mousses de la taïga et du bois odorant dans le feu, pour masquer le goût du faisandé. C'est peut-être notre dernier repas chaud avant longtemps. Faisons au moins semblant de manger un repas de fête."
Vie : "On va faire semblant..."
Un corps très jeune sort de la paille, il fait semblant de mettre des aromates sur la viande.
Étienne : "Comme ça sent bon..."
Le renard fouille dans la besace de Carême, il en sort une poupée gigogne, la déboîte, donne des coups de pattes dans les poupées. Carême danse autour du feu en chantant une vieille berceuse à Étienne, elle lui ébouriffe les cheveux. Étienne reprend l'air en marmonnant, il regarde la viande cuire. Le regard joue avec des poupées comme avec des mondes, avec amusement, curiosité... et cruauté.
La neige continue à tomber. La danse et le chant résonnent avec la neige, et font comme une spirale dans la nuit et le givre autour d'eux, spirale qui semble aussi jouer avec les gigognes.
Étienne : "Vie, reprends avec nous ce refrain.
- J'ai pas le cœur à chanter.
- Alors nous chanterons pour toi."
Carême donne des morceaux de viande au renard, qu'il mange avec délectation, il se cache comme si elle était la seule qu'il autorisait à regarder manger, il fixe les autres avec un air de défi, qui semble dire : "Viens me chercher."
Vincenzo pense que Vie a faim de ce regard malicieux. Une faim terrible.

Vie pousse la peau qui obstrue l'entrée de la yourte, il sort, dehors il pleut. Cela fait quatre jours qu'on marche, qu'il regarde le dos d'Étienne, il est tout près de lui et il n'ose pas encore.

Retour à la yourte. Alors que Vie s'apprête à s'endormir, Carême lui murmure : "Je sais bien que ce que tu veux faire, c'est le manger, comme ce que tu m'as raconté, l'histoire du poisson de vase que tu avais cuisiné quand tu étais enfant, et tu as jamais retrouvé cette saveur, alors tu crois qu'en mangeant le renard tu vas la retrouver... Tu te rends compte du sacrifice que je fais en te le promettant, du sacrifice que ça représente ? Compte tenu de l'importance et du pouvoir de cet animal, toi tu veux juste le manger...
- Oui, mais toi tu ne l'aimes pas comme je l'aime, comme je l'aimerais.
- Tu as raison, tu ne l'aimes pas comme moi je l'aime. Maintenant il est temps de dormir et de rêver."

Étienne : "Allez, Vitello, prête-le moi juste un instant, je te le rendrai après !
- Tu ne peux pas, c'est un champignon, tu ne peux pas le tenir dans tes mains !"
Ils sont dans le couloir d'un palais baroque, le parquet grince, Vitello tient un plat, un poisson de vase gigantesque, cuit et encore vivant, sa bouche bouge encore, Étienne lui tire le bras et le déstabilise.
" S'il te plaît, j'en ai besoin !
- T'en parles comme si c'était une chose... C'est un champignon !
- Je peux être insupportable, tu n'auras qu'une envie, c'est de me le donner !
- Je peux juste te le présenter...
- Oui mais rapidement !"
Étienne tire, le plat tombe, dans un grand fracas !
" T'as gagné, c'est ta faute, si tu avais accepté, on en serait pas là ! Maintenant, qu'est-ce que tu vas faire avec ce poisson ?
- Non... Pas... il était pour le Doge...
- Donne-moi ton champignon et je t'arrange l'affaire.
- Mais je donne pas un champignon..."
Son tablier de cuisinier glisse, sur son flanc il y a un champignon noir comme ceux qui poussent sur les bords des arbres.
Étienne fait semblant de ne pas voir, il s'approche du poisson : "Qu'attends-tu maintenant, ramasse ton désastre, vas sauver les meubles", ça le démange de donner des coups de pied dans le poisson pour l'emmerder plus encore.
Vitello ramasse fébrilement. Étienne veut lui arracher le champignon pendant ce temps.
Caméo débarque : "Que faites-vous ? Étienne, je pensais que tu aurais gardé ton calme, on devait profiter de ce grand repas pour détrousser le Doge, tu as tout flanqué par terre, à cause de cette pulsion..."
Étienne : "Mais non, cet imbécile ne veut pas me prêter le champignon, qui doit me servir pour arriver à mes fins."
Vitello : "Ce n'est pas un simple champignon !"
Caméo : "Tu lui a pris son hôte et tu en veux encore un !"
Étienne : "Mais c'est le même ! C'est le moment où je lui prends son hôte."
Caméo : "Ah, je ne me rendais pas compte... Ma mémoire me joue des tours."
Étienne tire sur le champignon, sans lui il n'a pas de raison d'être. Vitello sent bien que le champignon est attiré par Étienne, mais il retourne son tablier et le recouvre.

Camille et Étienne sont devant le feu.

Étienne saute d'une fenêtre du palais, poursuivi par les gardes. Il se reçoit sur la croûte de sel et s'enfuit vers le désert. C'est ainsi qu'il est devenu un proscrit.

Alors que Vitello se rappelle du poisson de vase qui se trémousse dans le couloir en vagissant comme un lamentin, cela lui rappelle celui d'une espèce plus ancienne et plus rustique qu'il avait récupéré dans la rivière de sel, dans un canal asséché.
Ce cri est démultiplié, le bord de la mer, des dizaines de baleines noires et des morceaux d'iceberg s'échouent les uns contre les autres, dans un fracas de fin du monde.
Carême essaye de retirer Étienne d'un morceau d'iceberg écroulé sur lui. Son corps est très chaud sous les vêtements, comme si le symbiote le faisait brûler. Elle l'a vu s'accroupir au pied d'un sérac, son bras rentrer totalement dans le bloc de glace pure extrêmement froid, le bloc s'était fissuré et lui était tombé dessus.
Carême est plus jeune, elle a la cinquantaine, elle est en panique, avec son couteau elle ouvre tant bien que mal le ventre d'une baleine échouée, qui pousse alors un long brame, Carême se se rend compte avec effroi qu'elle est encore vivante, elle pousse Étienne dans les entrailles de la baleine pour qu'il ne meurt pas de froid sous le choc.
"Tu perds trop de sang, tu mourras si tu gardes le renard..."
Étienne caresse cette boule de fourrure ; il parle à quelqu'un qui n'est pas là.
"Prête-le moi, Vitello, promis je te le rendrai."
Il parle aussi d'endroits dont Carême n'a pas souvenir. Elle lui caresse les cheveux.
" Tu m'as raconté cent fois le moment où tu l'as pris à Vitello, tu me l'as tellement raconté que j'ai l'impression que j'étais là.
- Mais non, je ne l'ai pas pris...
- Tu te rappelles qu'on avait volé le seigneur, on lui avait pris tout son argent. Je m'en rappelais pas au départ, car j'étais pas sûre de t'avoir déjà rencontré..."
Carême sort son collier en argent, une série de sculptures d'animaux en argent, un narval, un renne..., attachés par une longe. C'est précieux au nord, ça rappelle le ciel, la chaleur, les cycles. Étienne égrène les animaux du collier, il sent les rainures du métal creusé, sourit en la regardant sans la voir : "C'est les constellations de ma naissance.
- Donne-moi le renard, sinon Vie va le prendre, le cuisiner, le manger.
- Mais il m'a choisi, tu sais, ce n'est pas moi qui peux te le donner, c'est quelqu'un, j'ai compris ce que Vitello m'a dit, ça ne se donne pas..."
Carême lui arrache en pensant que le renard l'a choisi, ça lui enlève un bon morceau de peau sur l'épaule et du dos, Étienne pousse un cri faible et perd connaissance.
Alors que le renard se fixe sur elle dans une grande douleur, elle sent qu'elle peut perdre connaissance à son tour, elle vide son sac, trie toutes les petites choses qu'ils ont volées, pour pas perdre connaissance, elle ouvre les poupées gigognes, à l'intérieur elle voit Vincenzo, elle essaye de comprendre pourquoi lui aussi les poursuit : "Vincenzo, pourquoi tu nous poursuis à travers les mondes ? Est-ce que tu es mon père, le père que je fuis ?"
Elle se rappelle avoir fui ses parents violents, elle se rappelle leur avoir volé de la viande, et l'avoir partagée avec Étienne en croyant que c'est lui qui lui avait donné. La mémoire c'est comme ces poupées, des souvenirs à l'intérieur des souvenirs, elle a du mal à les démêler, elle essaye de la rassembler, comme ces objets épars, le sang d'Étienne, les entrailles de la baleine, les éclats de glace. Le renard fait le lien entre les mondes, elle apprivoise le renard qui traverse les mondes, passeur de mémoire, passeur de mondes, passeur d'identité. Si quelqu'un venait à le cuire et le manger, cela fairait cuire la réalité. Elle essaye de le comprendre : "Est ce que c'est mon père, est-ce que c'est ma mémoire qui me joue des tours ?" et elle perd connaissance.

On a marché plusieurs jours, la pluie n'en finit pas ; le boursouflé ne la supporte plus, il a beau serrer son imper, fermer son chapeau et le nouer sous son menton, ça dégouline, ça fait froid, mais il reste les yeux fixés sur le dos d'Étienne. Camille lui jette des regards de temps en temps. Étienne fait mine de ne pas le reconnaître ; la pluie trempé le dos de sa chemise, le boursouflé voit la boule se mouvoir, émettre un panache comme s'il faisait s'évaporer la pluie. Le boursouflé a failli le toucher plusieurs fois, il a senti sa chaleur, mais il a pas osé, c'est pas juste, avec lui c'était juste un champignon, alors qu'avec Étienne, ça vit, ça produit de la chaleur, ça lui fait mal, il est jaloux.
Ils marchent à travers la forêt. Camille traîne un gros sac. Il a compris qu'ils n'allaient pas à rift mais qu'ils le fuyaient. Il sort du sac une grosse coupe en or avec des pierreries. Il dit au boursouflé : "C'est bizarre, je pensais avoir rencontré Étienne y'a pas si longtemps, et maintenant j'ai l'impression que je le suis depuis un moment, que j'ai volé l'or de Rift avec lui... Le boursouflé, prends ma part et laisse-nous."
Étienne : "Parle pas au boursouflé."
Le boursouflé : "Je veux pas de ta part, je veux faire le chemin avec vous, jusqu'à Compostelle."
Derrière, une silhouette les suit de loin. Vincenzo ?
Camille : "Étienne, j'ai peur, c'est peut-être mes parents qui me recherchent pour me pendre, me tuer, me punir d'une bêtise que j'aurais faite."
Étienne : "Tes parents ne traîneraient pas sur cette route. Tu es encore un enfant peureux, Camille."
Camille : "Ben, ils traîneraient pas... Si, s'ils me recherchent."
Le boursouflé : "Ils t'ont déjà oublié. On oublie vite, même les enfants."
Camille : "Moi, Étienne, je t'oublierai pas."
Étienne : "Tout le monde oublie tout le monde. Les seules choses qui se souviennent ne sont pas les habitants naturels de cette foret."
Camille : "Mais non Étienne, on va aller à Compostelle, il y a la grande plage avec tous les coquillages, on va se baigner tous les deux, on sera lavés, consolés, nos mémoires arrêteront de pourrir..."
Étienne : "On ne va pas à Compostelle, tu le sais bien. Hein, le boursouflé, tu sais où on va, dis-lui où on va !"
Le boursouflé : "On monte au nord."
Étienne : "Tu connais cette route."
Le boursouflé : "C'est pour ça qu'il me tolère, je la connais, cette route. Mais vous savez quoi, je bouge plus, la route vous la trouverez tous seuls, sauf si tu me promets de me donner le champignon quand on sera arrivés."
Étienne : "Pfff, je te tolère parce que la route est à tout le monde. Mais veux-tu vraiment qu'on se perde dans la forêt ? Alors, tu ne verras plus le champignon..."
Le boursouflé : "Non, non, je vais vous suivre !"
Étienne : "Mais tu ne connais pas la route. Celui qui connait la route s'appelle Vincenzo et il ne te ressemble pas du tout."
Camille : "Peut-être qu'il faut qu'on le recherche ? Que sais-tu sur lui ? C'est un chasseur ?"
Le boursouflé : "Un aventurier."
Étienne : "Moi, tout ce que je sais, c'est qu'il connaît la route qu'on doit prendre."
Camille : "Allez Vitello, on te tolère, dis-nous comment trouver Vincenzo."

La route continue, le boursouflé montre le chemin, Étienne se laisse guider par son instinct, par son symbiote, Camille masque leurs traces pour les dérober à la traque de la milice.

Camille : "Hâtons le pas, parce qu'on est d'accord, le seigneur de la ville de Rift, tu l'as pas juste volé, tu l'as tué."
Étienne : "Tais-toi Camille." La boule dans son dos s'agite comme si elle était en colère. Étienne a l'air mal.
Le boursouflé : "Tu l'as tué ?"
Étienne : "Camille, porte ton sac, et toi le boursouflé, ferme ta gueule, arrête de me faire la morale."
Camille : "Me gronde pas..."
Étienne : "Je te gronde pas tant que tu feras ce que je te dirai."
Camille a une larme d'enfant triste et en colère.
Étienne : "Tu n'es plus un enfant."
Camille : "Pourtant, j'aurais aimé le rester."
Ils reprennent la route.
Chaque pas sur le chemin vers le nord rapproche le boursouflé de sa jeunesse. Il rajeunit à chaque pas.

Étienne a traîné son fardeau sur un long chemin, ça a laissé derrière lui une traînée rouge, puis rose, puis juste un sillon dans le sel de la lagune, jusqu'à une cabane aménagée dans un bateau échoué. Il a tiré le corps à l'intérieur, déshabillé la personne, regardé partout, palpé jusqu'à trouver ce qu'il cherchait, une bosse sur le côté de la cuisse, il a ouvert la cuisse avec un couteau, il en a tiré une bille noire, il la regarde un instant avant de l'approcher de la base de sa nuque, et à ce moment-là le symbiote s'ouvre et dévore la petite bille. Étienne commence à prendre une espèce de toile et à emballer le corps à l'intérieur. Caméo rentre alors dans la cabane.
Étienne : "Tu m'as fais peur !"
Caméo est décoiffé, ses habits de satin sont défraîchis, ses lèvres couvertes de sel.
Caméo : "Vite, les spadassins sont à nos trousses, j'ai tué deux chevaux sous moi pour arriver jusqu'à toi. Je sais pas ou est passé Vitello..."
Vitelloe : "Je suis là !". Il rentre en faisant claquer la porte contre le mur crépi de sel.
A travers la porte, on voit le désert craquelé. On voit des fossiles, des fossiles de poissons de vase, une espèce disparue, celle du poisson que Vitello avait cuisiné dans son enfance.
Vitello : "T'aurais dû m'expliquer, t'as ruiné ma respiration !"
Étienne : "T'avais qu'à me le donner comme je te l'ai demandé ! Tu vois bien qu'il ne t'aime plus ! Arrête de traîner dans mes pattes."
Caméo : "Dis voir Vitello, depuis combien de temps tu laisses pousser ce champi dans tes chair juste dans l'espoir de le manger ? T'as sacrifié combien d'années à cette quête ?
Vitello : "Tout ce que j'ai mangé, je lui ai donné, un jour il me le donnera en retour."
Étienne : "Il ne veut plus de toi, il est parti et tu le sais bien."
Vitello : "C'est faux, tu me l'as volé, t'as pris ma réputation, t'as pris tout ce que j'avais."
Caméo retire les bagues du Doge, chacune permettrait d'acheter une ville.
Caméo : "Tiens prends, et vas t-en refaire une vie."
Étienne : "Prends, tu as de quoi aller en Sicile acheter un élevage de bufflonnes, faire les choses comme tu les entends."
Vitello pleure à gros bouillons. Étienne le gifle, il le regarde dans les yeux. C'est peut etre pas Étienne qui l'a giflé.
Étienne : "Tu devrais prendre la chance qu'on te donne au moment où on te la donne ; ou alors rends-toi utile, aide moi à emballer celui-ci !"
Vitello : "C'est pas juste !"
Étienne : "C'est moche la vie, maintenant emballe-le."
Vitello obéit en reniflant, de longs filets de morve se déposent sur la bâche. Caméo propose à Étienne de rester surveiller, et il propose à Vitello de traîner le corps avec lui pour l'enterrer dans le sel.
Étienne : "L'enterrer, pourquoi l'enterrer ? On va lui donner le trône qu'il mérite !"
il ouvre une porte et dévoile des toilettes de faïence dans un état épouvantable. Voilà, Vitello, aide moi à le mettre sur son trône, il siégera ici tant que le sel le conservera ! Il aurait dû être sur ce trône depuis bien longtemps ! Allez, aide-moi et après on refermera la porte, on laissera les spadassins jouer à cache-cache avec leur monarque encore quelques temps !
Et toi, Vitello, tu devrais me remercier de t'avoir laissé la vie et de te donner une partie du trésor. Caméo, tu as tout mis dans un sac ?"
Caméo : "Oui, c'est bon. Regarde, parmi ce qu'on a volé, cet objet..."
Il tient une poupée gigogne.
Étienne : "Maintenant on va tracer jusqu'à la forêt et intégrer un groupe de pèlerins qui part d'un village en bordure de forêt. Finalement, c'est ce que tu voulais, Caméo, on part à Compostelle. Vitello, qu'est ce que tu fais ?"
Vitello : "Je vous suis si vous m'autorisez."
Étienne : "La route appartient à tout le monde."

La grande salle du palais des Doges, salle de réception immense, plafonds couvert de dorures, avec des fresques de maîtres dans leurs creux, des fenêtres immenses en rosace du style gothique byzantin et ce plancher de marbre qui tremble parce que la lagune tremble sous le palais. C'est comme le tremblement de la réalité, de moins en moins stable.
Caméo et Vitello servent son plat, son grand-oeuvre, tout le monde est costumé, masques de loups, de docteurs de la peste, de belles. Les demoiselles ont ce masque sans ficelle qu'elles tiennent en en gardant la clé dans la bouche, ce qui les empêche de parler. La salle de banquet est dressée, une quantité de mets prodigieuse, le poisson de vase cuit vivant est le clou du spectacle. Au milieu de la salle, le Doge en habits dorés danse, les clavecins jouent une musique baroque de fin du monde, tous les rires... Étienne est proche, mais trop loin pour entendre Caméo murmurer à l'oreille de Vitello :
" Tu sais, je suis désolé en fait d'être attaché à Étienne et pas à toi. En vérité, je suis... Je ne sais pas à qui je suis attaché, à l'homme ou au horla. J'aurais voulu qu'il reste sur toi, c'aurait été plus simple, j'aurais préféré être à tes côtés.
- Petit fourbe ! Vous me l'avez volé, tous les deux ! Ne me prends pas pour un poisson de vase, j'ai de la barbe mais un peu de cervelle, je sais que vous me l'avez volé, tous les deux.
- J'en sais rien, c'est une pulsion, c'est pas moi qui réclame les choses, c'est les choses qui me réclament. Toi, t'as besoin de cuisiner, moi j'ai besoin de voler, tu dois respecter ça."
Caméo exécute une danse avec une courtisane, il l'embrasse sans plaisir, son visage est sans émotion, alors qu'elle se pâme d'amour, il lui arrache son collier et enlève ses bagues sans qu'elle remarque son manège.
Étienne est juste derrière le Doge, à la place de serviteur accordée aux cadets de famille mal en cours pour montrer l'ascendant des familles dominantes. Il découpe ses plats et les met dans son assiette. Arrive le poisson de vase devant le Doge...

Tremblement. Est-ce que c'est la lagune qui fait bouger le sol de marbre, ou est-ce la réalité qui se déplace ?
Le seigneur pique dans le plat avec sa broche, il est rougeaud, les nobles dansent pitoyablement, il croque dans le plat du boursouflé qu'on a empoisonné.
Le boursouflé regarde chacune de ses bouchées...
C'est la meilleure chose que le seigneur ait mangé de sa vie, il bâfre, c'est juste le seigneur de Rift, c'est juste trois grottes et des églises percées dans les falaises pour faire croire que c'est la civilisation, c'est juste un rustaud, il a lâché les couverts, il mange à pleines mains son chef-d’œuvre de saveurs, de fruits et d'épices...
Camille le tout petit serre la main du boursouflé, il comprend à peine ce qui se passe, il regarde le seigneur s'écrouler, rouge mort.
Étienne écarte la foule, il le prend dans ses bras, il l'emmène dans sa chambre convenablement avant de le dépouiller et d'humilier sa dépouille comme à son habitude.

Alors qu'il est en train de plonger le corps du seigneur dans les latrines, Camille le tire de là : "Étienne, dépêche-toi, les milices sont à nos trousses !"
Il a son gros sac d'or et de bijoux.
"Il faut fuir, retourner dans la forêt.
- Bien, allons-y."

Vie les regarde quitter la yourte avec le corps du Shaman et la viande grillée qu'il avait préparée avec tant d'incantations et de chants, avec tout son cœur pour qu'elle soit fondante, pour qu'elle ait le goût du renne vivant, ça s'effondre dans le feu avec les étincelles et les gens du village hurlent à leur tour, puis donnent des alertes dans une langue incompréhensible et Vie essaye de les suivre, il retrouve leurs traces dans la neige jusqu'à une yourte à l'écart du village et il entend la vieille Carême qui dit : "Vie, où est-ce qu'il est ?
- Mais je suis là !"
Il rentre dans la yourte en faisant voler la peau de bête qui secoue la neige à l'intérieur.

A ce moment-là, un homme vient de trouver ses traces dans la neige, avec ses chasseurs ; c'est Shaman Loup avec son grand masque, une tête de loup empaillée avec des coquillages à la place des yeux, sinistre, couvert de hardes noires, il a reconnu les empreintes de ses raquettes : "On les aura. Ils n'auront pas tué Shaman Renne impunément."
Shaman Loup et ses chasseurs se lancent sur la piste.
Vie s'emmitoufle dans son costume de paille et suit les chasseurs en tremblotant. Il suit les chasseurs qui le suivent.

Vie veut rattraper Étienne et Carême qui sont partis sans lui, il essaye de perdre Shaman Loup dans la neige et les rejoindre. S'il se fait tuer par des homme du village, ça va pas l'arranger. Plus il marche, plus son corps rajeunit, son corps devient svelte et endurant.

Étienne et Carême dans la yourte. Au fond de la yourte, il y a ce trou où les gens chient et on refait le feu par-dessus, Étienne a plongé le corps de Shaman Renne dedans la tête la première.
Carême est jeune, elle trente ans : "Partons, partons." C'est vraiment une belle femme, elle lui attrape les mains, l'embrasse sur la bouche : "Partons, Vie va les retenir, ça leur fera un os à ronger, peut-être il peut les retenir longtemps, des années et des années.
- Tu as raison, et peut-être qu'ils le retiendront aussi.
- Oui, il leur servira de bouc émissaire."
Carême sort les poupées gigognes. A travers elles, elle observe Vie qui court et le Shaman Loup à ses trousses : "Étienne, tu vois tout ce que je fais pour toi..." Elle embrasse la poupée gigogne de Vie : "Pardon Vie, on n'a pas le choix..."
Étienne tremble, il est en bras de chemise dans la neige sur le pas de la porte, il voit le costume de paille faire diversion, il s'en retourne, dédaigneux, comme s'il n'existait pas vraiment. Il commence à parler à sa bosse : "Nous somme prêts, allons-y", sa parole est indistincte, il s'est beaucoup affaibli ces derniers jours.

Cela fait quarante ans qu'Étienne et Carême fuient, qu'ils cherchent à échapper à Shaman Loup. Il y a eu les baleines, il y a eu quarante ans pour arriver à cette dernière yourte, où Vie les a enfin retrouvés, mais au bout de ces 40 ans ils sont tout proches du mur de glace.
Vie a voulu perdre les chasseurs, il s'est perdu, ils ont fini par se rendre compte qu'on tournait en rond dans le noir, le cœur de l'hiver, le soleil se levait pas et Shaman Loup a fini par mettre le grappin sur Vie et il a compris qu'il s'était moqué de lui et tout le temps qu'ils avaient marché, il avait rajeuni mais eux ils avaient beaucoup vieilli. Il l'ont mis dans une outre en peau et ils ont dit qu'il allait attendre là le temps que chacun d'entre meurt de vieillesse et il n'a pas vu la lumière pendant tout ce temps.

Si Étienne gâche tout, c'est pour se forcer à avancer. Tous ses meurtres, il ne les fait pas de gaîté de cœur, c'est presque un rituel, auquel il a pris part, un certain rituel, recommencer et recommencer pour avoir la force d'avancer, avoir de nouveaux poursuivants pour avoir la force d'aller plus loin. Il rassemble ses forces pour aller au bout de sa quête, il a presque tout perdu, ses souvenirs visuels, anecdotes, mémoire à quelques semaine, il garde du symbiote des sensations et des choses, des goûts de gibier, de poisson de vase, de vieux champignon, et des goûts plus étranges comme le goût de la chaise humaine, des sensations diffuses, comme mortes, qu'il n'arrive à relier à rien.

Étienne et Carême ont rassemblé leurs forces ; le corps d'Étienne part en chaleur ; il constate les effets du symbiote sur le corps de Carême qui a vieilli, pendant qu'ils marchaient il a compris un peu tout ce que l'enfant a vécu avec lui, sensation diffuse de temps qui passe plus vite, chaque pas inscrit une nouvelle ride sur sa figure, chaque croisement de route imprime une sensation plus douloureuse, c 'est comme s'il voyait le cartilage se flétrir sur les os de sa tête, le petit renard a pris une proportion terrible et bouge de façon juvénile sur le corps de Carême, elle trébuche...
Ils croisent un géant rouge à barbe blanche, d'autres choses, ils entendent des bruits mécaniques qui n'évoquent rien de ce qu'ils ont croisé, les étoiles s'éteignent les unes après les autres, il n'en reste plus qu'une en face, vers le mur de glace. Une rafale emporte le collier de Carême, elle n'a pas le temps de l'en empêcher, elle se rapproche d'Étienne, elle a les cils pleins de givre, les lèvres bleues : "Tire-moi, amène-moi jusqu'au mur de glace, on est tout proches...
- Ne t'inquiète pas, nous arrivons. Prends ça, ça te fera du bien."
Il met dans ses mains la dernière et la plus petite des poupées gigognes, la seule qu'ils n'ont pas égarée en route.
Plus de forêt, juste la neige, immense étendue blanche, désert, gros fossiles couverts de neige, fossiles gigantesques de poissons de vase, grands craquement en dessous d'eux, comme si une banquise se fissurait progressivement.
Carême : "Tu vois, on s'est déjà séparés du monde. Mais est ce qu'on était pas séparés de lui depuis le début, depuis que t'as empoisonné le Doge ?"

Au pied du mur de glace, point noir dans le blanc, un trépied en bois auquel est pendu une outre, en sort un cri de nourrisson. Ils s'approchent, le mur est gigantesque, ils arrivent dans son ombre, le mur cache la dernière étoile, tout est presque noir, juste une légère flammèche scintille comme un fanal, un feu pour signaler le présence du trépied, une lucarne de la taille d'une main, par laquelle la lumière de l'étoile tombe sur le trépied tout en laissant l'outre dans le noir total.
Carême étreint l'outre avec ses doigts osseux et entend les gémissements du bébé à l'intérieur. La paille fait son nid entre la peau de l'outre et la sienne. Étienne ressent une répulsion pour cette outre, qui la renvoie à sa culpabilité. Carême pleure, ses larmes gèlent et lui fendent la peau. "Vie, pardonne-nous..."
Sur son dos, le renard a rajeuni, il est aveugle et sans poils, il couine. Le bébé tend ses petits poings vers le renard avec une avidité joyeuse.

On est au bout du chemin. La douleur d'Étienne le rappelle à sa condition de véhicule. Vie s'approche de son ancien hôte. Enfin ! Si Vie mange le renard, il va manger la réalité. Lui, un petit bébé, comment pourrait-il faire autant de mal ? Étienne n'aurait aucun scrupule, même face à un enfant. Vie a passé des années enfermé à cause d'eux, mais ça en valait la peine !
Carême : "Renard, je t'ai apprivoisé pour que tu traverse les mondes, la mémoire et l'identité avec moi, je ne peux pas laisser faire ça. Vie, je suis désolé, je t'ai fait une promesse, tu es la seule personne que j'ai vraiment aimée, mais je suis condamnée à te trahir..."
Étienne arrache le renard du dos de Carême comme elle le lui avait arraché lorsqu'il n'était plus capable de le porter, il la regarde avec un sourire, un pincement de lèvre, comme pour dire : "Désolé" sans vraiment l'être, la bête dans ses mains devient agressive, elle ouvre sa toute petite gueule de bébé renard, un grondement comme le cri des baleines qui s'écroulent ou les pilotis de Venise qui tremblent le soir où le Doge a été assassiné, il ouvre l'outre et jette le renard à l'intérieur avant de la fermer !
Dans l'outre, d'abord un cri de joie, puis un cri de douleur, puis un hurlement de bête sauvage dans une gorge déchirée !

L'outre bouge encore, du sang en suinte jusque dans la neige. Étienne place l'outre juste devant la lucarne où la lumière frappe la banquise, il regarde le sang par terre, et s'effondre, au bout de ses forces. Son corps creuse un trou dans la neige à force de chaleur jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus une once d'énergie.

Sur la plage de Compostelle.
Frémissement des vagues, sac et ressac, rouleaux qui s'écrasent contre le sable. Devant eux, l'océan à perte de vue comme si le monde s'arrêtait, d'ailleurs le monde s'écroule derrière dans de grandes cataractes, ou se brise contre le mur au loin qui bouche l'horizon. Des milliers de coquillages s'écrasent sur la plage, et ces fossiles de poissons de vase...
Le soleil leur chauffe la peau. Camille est penché sur le corps d'Étienne. Il le traîne, le plonge dans l'eau salée.
Il sait que le boursouflé est derrière lui, mais il n'ose pas le regarder.
On entend les mouettes, il sont arrivés au bord du monde, le sang d'Étienne se mêle à l'eau...
" On y arrive, je te l'avais promis ce bain de mer ! On perdra plus jamais nos souvenirs !"
Les habits de Camille sont trempés, c'est comme un baptême.

Il a une dernière vision.

Il se retourne.

Il est dans un canal asséché de Venise couvert d'une croûte de sel.

Il voit un autre enfant.

C'est Vitello.

Et il voit un poisson de vase

le dévorer.


Feuilles de personnage :

Étienne

Je veux explorer la mémoire du symbiote (Venise : Symbiote)
La douleur me rappelle ma condition de véhicule (Venise : Chair)
Empoisonner le doge demande des moyens surnaturels que je ne possède pas (Venise : Sorcellerie)
J’ai placé sur son trône le monarque de sel (Venise : Venise)
Si je gâche tout, c’est pour me forcer à avancer (Nord : Pulsions)
Je rassemble mes dernières forces pour aller au bout de ma quête (Nord : Pulsions)

Camille / Caméo / Carême

Je veux qu'Étienne m'aide à travers le désert de forêt jusqu'à Compostelle (Venise : Venise, sous-symbole : désert de sel)
Étienne est un proscrit mais je dénoncerai car il me protège (Compostelle : Pulsions, sous-symbole : justice)
J'ai apprivoisé le renard, qui traverse les mondes, la mémoire et l'identité (Au Nord : Nature)
Les milices sont à nos trousses (Compostelle : Brigands, sous-symbole : milices)
Quarante ans à fuir les hommes et à fuir le réel (Au Nord : Société)

Le boursouflé / Vitello / Vie

Je veux retrouver Étienne pour qu'il me rende mon hôte (Venise : Mémoire)
Je convaincrai le horla d'Étienne de me revenir (Compostelle : Horla)
Chaque pas vers le Nord me rapproche de ma jeunesse (Compostelle : Nature)
J'ai passé des années enfermé à cause d'eux (Au Nord : Ténèbres)
non rédigée (Au Nord : Ténèbres)
non rédigée (Au Nord : Troupeaux)

Vincenzo

(barré) Je veux ramener le horla à Vitello (Au Nord : Nature)
Je pense que Vie a faim de ce renard malicieux (Au Nord : Chair)
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

Retour des joueur.se.s :

Joueur de Vincenzo :

J'étais très fatigué de ma semaine. Quand le hangout a lâché et qu'on a mis dix minutes pour redémarrer un nouveau hangout, ça m'a tué, et ensuite je n'ai plus été en état de jouer.
A la lecture des trois théâtres, j'étais serein, je voyais quoi jouer. Le principe de raconter les mêmes histoires dans différents endroits, ça m'allait bien, mais j'ai pas réussi à entrefiler mon personnage, j'avais l'impression de courir après la fiction, sans pouvoir la rattraper, j'avais toujours mes idées un temps trop tard.
Ceci dit, j'ai beaucoup aimé vous suivre en spectateur sur la fin, j'ai surtout regretté d'avoir eu ce gros coup de fatigue.

J'ai eu la sensation d'observer des musiciens qui jouent chacun dans les creux des autres.

Joueuse du Boursouflé / Vitello / Vie :

Hop, un complément de débrief à froid, qui fait peut-être redondance avec ce que j'ai pu dire à chaud (mais je ne me souviens pas de ce que j'ai dit). Je te laisse trier :

- J'ai vraiment beaucoup aimé cette partie parce que c'était une sensation assez inédite pour moi, proche d'un Dragonfly Motel. Mais à part ce jeu-là, ça ne ressemblait à rien d'autre de ce que j'ai pu jouer en jdr. Ça continue de m'ouvrir des portes dans ce qu'il est possible de jouer de ce côté-là, et j'aime vraiment beaucoup cette perspective.

- L'incarnation des personnages était ténue et compliquée pour moi, parce que je n'avais pas d'archétype prédéfini en tête, du coup je jouais plus des situations qu'un personnage. Mais la concentration que demande le mindfuck pour maintenir l'harmonie et la compréhension entre les joueurs a quand même produit pour moi un flow quasiment hypnotique (par la répétition des motifs, des variations de scènes, de personnages, etc.). Bref, une immersion effective et puissante, mais pas dans le personnage.

- C'était une première pour "goûter" mais ça ouvre un territoire assez vaste à explorer qui me fait énormément envie : jouer la juxtaposition de réalités, jouer des passages entre des mondes (rêves gigognes, récits dans des récits, etc.), jouer des scènes "potentielles" plus que "réelles". J'ai très envie de poursuivre l'exploration des possibles et de voir si on peut intensifier le plaisir avec un peu d'entraînement.

Quelques éléments à garder en tête pour la prochaine (j'espère qu'on jouera une prochaine) soit des choses qui ont bien marché, soit des choses qu'on pourrait encore améliorer en tant que joueurs:

- C'est probablement mieux de se mettre d'accord avant sur la façon dont les personnages sont déclinés selon les théâtres : projections d'eux-mêmes, échos d'archétypes, personnages radicalement différents, mêmes personnages, etc.
Rien que se dire qu'on prévoit trois noms différents pour chacun des personnages, ou au contraire qu'on prévoit de garder le même prénom pour nos personnages, ça peut aider à harmoniser la table sur le type de mindfuck.

- Prévoir un (ou des) archétype(s) de personnage : un (ou plusieurs si on décline selon les théâtres) costumes basiques et faciles à endosser, histoire de ne pas avoir à tâtonner de ce côté-là, et garder l'attention et l'inconfort des joueurs centrés sur les switchs, les ruptures de narration.

- Placer des mots-clefs au départ : quand on présente un théâtre, placer un maximum de mots-clefs très marqués, histoire que la simple reprise d'un des mots soit un marqueur de switch. Pour les autres joueurs, ça veut dire prendre au vol les mots-clefs sur la première présentation pour pouvoir les replacer ensuite.

- Prendre le temps : prendre le temps de décrire beaucoup pour être sûr que tout le monde comprend, prendre le temps de récupérer tout le monde avant de re-switcher, prendre le temps de jouer le personnage en incarnation avant de vouloir faire avancer la narration.

- jouer simple : avoir un objectif basique et convergent pour chaque personnage (il veut un truc, moi aussi), des liens très forts aussi entre les pj (quitte à trouver plus tard pourquoi/comment ils en sont arrivés là), des situations claires et basiques (vol, meurtre, fuite, rivalité), histoire que ces éléments-là soit plus faciles à décliner d'un monde à l'autre, et servent d'appui pour jouer les variations de scènes.

- Jouer récurrent : reprendre un maximum de motifs en permanence (ici les poissons, le renard, la pluie, la neige, la nourriture, les seigneurs, les poursuivants, etc.) même en simple décor sans enjeu, reprendre les problématiques des personnages/des situations, rejouer des scènes entières... ça aide à produire l'effet un peu hypnotique et une certaine cohérence même quand la logique est absente.

- Accepter tout ce qui passe : les incompréhensions ont été très rapidement harmonisées parce que le joueur/la joueuse qui était décalé/e se remettait rapidement au diapason des autres, sans chercher à défendre sa vision des scènes. Ce qui a permis de garder un chouette rythme, lent mais constant, où les accrocs étaient rapidement réparés.

Voilà. C'était difficile, mais il y a quelques mois encore je n'aurais pas cru que c'était jouable, alors je suis très contente qu'on l'ait fait, que ça ait plutôt bien marché, et qu'en plus ça m'ait procuré un vrai plaisir. Merci à toi !

(Et je vais proposer aux deux autres joueurs qu'on retente IRL pour que le joueur de Vincenzo ne reste pas sur un abandon.)


Retour personnel :

Le sentiment que m'a donné cette partie, c'est qu'on a tenté l'ascension de l'Everest par la face nord et sans oxygène, qu'on est arrivé au sommet mais qu'on n'est pas ressorti indemnes. Je suis absolument satisfait de l'aventure jouée, on avait dit qu'on jouerait mindfuck, on peut dire que ça le fut, et l'aventure va me rester en tête longtemps. En revanche, on a été loin de jouer en confort. On a perdu un camarade sur le chemin, et on s'est tous pris quelques engelures. On s'était un peu préparés à l'expédition, mais force est de constater qu'on s'était assez préparés pour arriver à planter un drapeau au sommet, on était insuffisamment préparés pour y parvenir sans dommage.

Le joueur de Vincenzo a déclaré forfait au bout d'une heure et demie de jeu, d'abord il a suivi le groupe sans plus rien dire, un phénomène que j'ai vu plusieurs fois avec d'autres joueurs, le personage fantôme, avec des objectifs et des identités toujours mouvants, le joueur dans l'incapacité ou l'involonté de rattrapper les perches qu'on lui tendait, et je parle d'une personne dont je tiens le jeu, notamment quand il est esthétique, en grande estime. Puis il a demandé qu'on le laisse là et qu'on continue sans lui. Certes, la fatigue explique ça, et le fait de jouer en hangout aussi, mais force est de constater que la difficulté de l'expédition était aussi en cause, notamment l'incompréhension entre nous deux : j'étais parti dans l'idée de jouer avec un enchaînement cohérent des situations, quitte à faire des voyages dans le temps (flashbacks et flashforwards dynamiques), alors que lui voyait le passage d'un théâtre vers l'autre comme une déclinaisons d'uchronies intimes, autrement dit qu'on racontait en fait des aventures différentes dans chaque théâtre, trois "et si ?" possibles. C'était deux visions difficilement conciliables, et d'ailleurs si on a réussi à les concilier avec les deux personnes restantes, ce fut par une série de compromis de chaque bord, à la fois sur nos propositions et sur la cohérence. Y'a un moment, j'ai dit : "De toute façon, on n'arrivera pas à rendre tout cohérent".
L'autre incompréhension, ce fut entre moi, qui partait sur un jeu mindfuck mais avec un maintien de la causalité, et le joueur d'Étienne et la joueuse de Vitello qui à mon sens sont partis sur un jeu à la Dragonfly Motel, c'est à dire sans s'attacher excessivement à la causalité. Et en effet, on a presque fait un Dragonfly Motel avec des phrases et des conflits.
L'autre similitude avec Dragonfly Motel, c'est qu'on s'est assez limité sur le méta, on a joué sur l'harmonie. Et il y eut de sacrées réussites dans ce domaine ! Le joueur d'Étienne et la joueuse de Vitello m'ont étonné car ils sont très vite parti dans un jeu typique du théâtre d'improvisation : en faisant des propositions roleplay qui impliquaient un gros twist sur le perso d'en face, en sollicitant beaucoup la capacité du joueur d'en face à dire oui. Quand la joueuse de Vitello énonce que c'est Carême qui a récupéré le symbiote, j'ai été étonné, et j'ai dit oui car le refus de jeu aurait été inélégant et ça m'a emmené vers des choses complètement inattendues. Quand le joueur d'Étienne démarre une scène en disant à Vitello : "Allez, Vitello, prête-le moi juste un instant, je te le rendrai après !", charge à la joueuse de Vitello d'embrayer là-dessus, c'était un sacré numéro d'acrobatie.
Autre acrobatie qui a sacrément sollicité notre capacité à s'harmoniser en tant que groupe, c'était mon concept de personnage à la base ; j'avais prévu dès le départ que j'aurais un âge, une apparence et un genre différent dans chaque théâtre (finalement, je suis allé encore plus loin, puisqu'on s'est aperçu que le temps passait différemment dans le théâtre "Au Nord", et donc Carême y est passé par trois âges différents), mais j'ai omis de l'annoncer aux autres à l'avance, et ça a dû les déstabiliser. Ceci dit, la balle fut reprise au bond, puisque la joueuse de Vitello a largement intégré l'idée d'avoir trois apparences, trois noms et trois âges différents pour chaque théâtre, de même que le symbiote changeait aussi d'apparence et d'âge.
On a aussi éprouvé notre capacité à user du langage symbolique et recycler le langage symbolique des autres joueurs. Le fait que Compostelle soit représenté par la pluie battante, ça vient du joueur d'Étienne, gimmick qu'on a tous repris. Et y'a des tonnes de langage symbolique commun dans toute la partie, ça partait très loin dans les analogies.
On a presque joué une harmonie aveugle. J'entends par là que nos visions de l'aventure étaient sûrement très différentes, divergentes, mais qu'on a continué à jouer malgré ça, s'arrangeant avec nos solipsismes la plupart du temps, faisant un pas de côté pour nous remettre dans la tonalité du groupe quand c'était nécessaire. Y'a eu par exemple, ce moment où je joue Caméo et je rejoins Vitello et Étienne qui se disputent le champignon, et en fait ça heurte la chronologie que je m'étais faite dans ma tête, parce que je pensais avoir fait connaissance avec Étienne qu'après qu'il ait eu le symbiote.

Alors, je suppose qu'on est sans regrets. On est plutôt des joueurs performeurs, on était tous là pour jouer esthétique, on connaissait les risques et on les a pris sans sourciller. Mais à la prochaine expédition, peut-être qu'on se préparera davantage, qu'on se coordonnera davantage. En fait, on aura besoin de déterminer si on se ramène plutôt vers une base solide, avec des segments de causalité inviolables, ou si on contraire on s'oriente sans complexe vers un Dragonfly Motel avec des phrases et des conflits, en lâchant délibérément les amarres de la causalité. Alors peut-être qu'on atteindra à nouveau le sommet sans lâcher personne en route.
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Message par Pikathulhu »

À TABLE !

Changement radical de système, pour une partie nerveuse et gastronomique.

Jeu : Empreintes & Horlas, derniers grognards dans les forêts maudites de Millevaux

Joué le 23/10/2015 sur google hangout
Personnages : Marig la taroticienne, Goji la druidesse blanche

Enregistrement de la partie sur ma chaîne youtube.

Image
crédits : Ai Yundi, par courtoisie


Personnages :

Marig, Taroticienne
Chemise sale, jupe noire, bracelets en ferraille
Limitation : incapacité au tir à l'arc

Goji, Druidesse blanche
Toute jeune, regard fuyant, capuche, cheveux filandreux, treillis, T-shirt noir, bonnet de feutrine vert comme celui d'un lutin
Limitation : suicidaire
Limitation acquise en jeu : poignet en vrac


L'histoire :

Black out.

Quand Goji et Marig reprennent leurs esprits, elles sont dans la salle de banquet d'un château, enchaînées par le cou avec une femme de la noblesse, Lady Orthonde, et la chaîne fixée à une énorme marmite qui mijote sur la cheminée.

Par les fenêtres, on voit la ville. Dans la salle, sur la table de banquet, sous la table, et tout autour, il y a les cadavres de convives qui ont été massacrés, certains d'entre eux ont été en partie dévorés ! Et à côté de la marmite, en guise de cuisinier aiguisant un large couteau, il y a un ogre d'une taille monumentale, avec une gueule bouffie et jaune. Il jette des petits légumes dans la marmite, d'où dépasse un bras humain !

Goji et Marig ne comprennent pas grand chose à la situation, mais elles saisissent aussitôt qu'elles sont prévues au dessert !

Il ne semble pas être possible de fuir par la porte, car un arbre a poussé en travers. Un arbre creux qui vomit de la terre.

Lady Orthonde crie à l'ogre de manger Goji et Marig en premier, Goji lui crache dessus, Marig bloque la tête de Lady Orthonde avec ses chaînes et dit à l'ogre : "elle au moins elle ne se débattra pas !" et Marig s'en défendent, et l'ogre coupe la tête de la noble, qui saute comme un bouchon.

Goji et Marig tirent la marmite afin qu'elle bascule sur l'ogre, mais cela ne lui fait que des dégâts modérés.

Elles se réfugient sous la table, et y trouvent un enfant qui a survécu comme eux. Goji essaye de rentrer en communication avec l'arbre pour les convaincre de les laisser passer, mais cela ne fonctionne pas. Elle constate que l'enfant se concentrer pour perturber son signal : ce gamin n'est pas du tout leur ami en fait !
L'ogre relève le chaudron et lance le corps décapité de la noble dans la marmite, et ça fait des grosses bulles d'égrégore, la chaleur monte : le sacrifice d'une noble n'est jamais neutre en terme de magie.
Marig repère des armes à disposition : un râtelier avec un couteau de cuisine et une broche, contre le mur. Marig convainc Goji de retenter une nouvelle fois de faire basculer le chaudron, mais cette fois-ci Goji lui explique que l'enfant est aussi une menace, et elles font alors tomber le chaudron sur l'enfant sorcier, et l'écrasent. L'ogre a l'air terriblement peiné par la mort de l'enfant, il se rue sur Marig avec son couteau, mais Marig, de roulades en roulades, esquive toutes ses attaques.

Goji retente de soumettre l'arbre en vain. En revanche, elle aperçoit un petit arbre qui pousse à l'autre bout de la salle.

L'ogre range son fusil à aiguisé, il attrape la table et essaye d'écraser Goji avec la table : "Vilaine petite punaise !". Marig tente de dominer l'ogre : "Arrête ! C'est moi ton maître maintenant !". Cela stoppe l'attaque de l'ogre, tellement surpris que cette petite humaine lui donne un ordre.

Au-dessus de leurs têtes, les dalles du plafond se fissurent et des racines en sortent : on dirait que la forêt envahit le château tout entier.


Goji et Marig repèrent les clefs des chaînes, elles sont sur le corps du gamin. Marig s'empare des clefs, l'ogre essaye de les lui reprendre, Marig lance les clefs à Goji, Goji lui lance un os humain qu'elle a récupéré sous la table, Marig s'en sert pour se défendre contre l'ogre, l'ogre ne parvient pas à lui reprendre les clefs mais l’attrape par l'anneau qui lui enserre le cou. Goji lui donne un coup de pied dans les valseuses et il lâche Marig. L'ogre s'empare de la marmite pour frapper Goji avec, Goji monte dans les branches du grand arbre pour lui échapper.

Du bruit vient de la cheminée, quelqu'un est en train de monter dans le conduit en poussant des cris apeurés
Marig s'empare d'un des couteaux du ratelier, et l'ogre récupère la broche

Par la fenêtre, on voit que d'autres arbres vomisseurs de terre sont en train d'envahir la ville.
Les branches de l'arbre poussent et essayent d'écraser Goji contre le plafond, Goji saute sur la tête de l'ogre et l'assomme

L'arbre continue à vomir de la terre, le niveau de terre augmente dangereusement dans la salle, et Goji, qui ne voit la terre comme quelque chose de bienfaisant, ne lutte pas contre l'ensevelissement. L'homme dans la cheminée leur dit qu'il faut contrecarrer cette abomination, la détruire par le feu. Marig se libère de la chaîne, sort Goji de la terre et lui tend les clefs pour qu'elle se libère. L'arbre étend ses branches pour transpercer Marig, Goji s'interpose, elle touche les branches, essaye à nouveau de maîtriser l'arbre, mais en vain, l'arbre frappe Marig de ses branches.

Goji et Marig comprennent que peut-être que la cuisine cannibale est un rituel qui a déclenché cette invasion végétale. Elles avisent une chose qui traîne à la surface de la terre : la tête de la noble, irradiante d'égrégore, puisque les nobles de haute lignée sont gorgés d'égrégore. Marig jette la tête dans le feu pour étouffer l'égrégore et stopper le rituel d'invasion végétale. Elle utilise de l'huile de cuisine pour attiser le feu. Marig monte dans la cheminée. L'homme qui avait grimpé avant elle est assis sur le bord de la cheminée. Marig reconnaît l'homme qui leur avait promis de l'argent pour enquêter sur le chateau. Il essaye de lui faire de la place, mais ce faisant perd l'équilibre et retombe dans la cheminée. Goji est trop mal en point pour tenter de le sauver, alors il tombe dans le feu, et meurt dans un fracas d'os et de chair brûlée. Adieu la paye !

Goji monte à son tour dans la cheminée, elle s'aide de sa mémoire et reproduit les gestes de Marig.


Durée de jeu :

2h15


Agenda de l'arbitre :

+ Cuistot Ogre (antagoniste / ruines / feu) Puissance 3 PV 3
+ Arbre qui vomit de la terre (gardien / forêt / terre) Puissance 3 PV 3
+ Fenêtre trompe l'oeil qui est en fait une rôtissoire (piège / égrégore / feu) Puissance 2
+ Lady Orthonde, veut qu'on les mange en premier. Puissance 2
+ Enfant (sorcier) PV 3
+ Chaudron Puissance 1
+ Dalles du Plafond
+ Bébé arbre
+ Chaud. Puissance 1
+ Invasion de la ville par des arbres cracheurs de terre
+ Une personne monte dans la cheminée
+ Tête
+ Cheminée. Puissance 2
+ Feu. Puissance 3

Points d'adversité : 29 PA / 32


Règles utilisées :

Suite à quelques playtests moins que concluants, j'ai décidé de pas mal rénover les règles, quitte à m'éloigner de l'esprit rétroclone que je recherchais (j'en étais déjà loin, de toutes manière). Je reste sur du jeu tactique, mais j'essaye de travailler sur la fluidité.

En gros, on part sur un hack d'Inflorenza : les personnages accumulent des brouettes de d6 pour chaque action, un dé pour chaque motivation, ressource, handicap adverse, rituel de classe, aide d'un autre personnage, score de mission consommé... et un dé par score de carac : exit les carac en base 20, on part sur une base 3.
Les caracs se doublent de talent, on peut en disposer d'autant que son score de carac, et on les choisit en cours de jeu : la création de perso se confine au choix de la classe et de la carac la plus basse, qui donne une limitation. On a un pool de points à répartir dans les carac au fur et à mesure du jeu.

On jette 6 dés max par action, les 4-5-6 sont des réussites, les 1 sont des dégats de fatigue.

Les monstres ne se définissent plus que par deux scores : la puissance et les points de vie. Si un personnage veut faire un effet contre un monstre (l'assommer, le persuader), il doit faire autant de réussites que sa puissance. Tout écart tempère la réussite : 1 réussite de moins : oui mais, 2 réussites de moins : non mais, etc... Toute réussite excédentaire tape dans les PV du monstre ou accorde des effets supplémentaires. Si un personnage veut blesser le monstre, il lui enlève un PV par réussite.

Le MJ ne jette plus les dés. On joue un grognard, puis un monstre, puis un grognard, puis un monstre. Quand le monstre veut frapper (pour blesser ou produire un effet), un grognard, le grognard doit faire une défense contre la Puissance du monstre, toute réussite amortit l'effet, ou diminue le nombre de dégats encaissés. Mais tout 1 entraîne des dégâts de fatigue sur la défense.

Concernant l'initiative, le MJ détermine un joueur prioritaire qui change à chaque tour. Les joueurs agissent quand ils veulent, mais en cas de litige, c'est le joueur prioritaire qui peut agir, et si ce n'est pas lui qui veut agir, le plus proche joueur à sa gauche voulant agir. Quand un joueur a agi, le MJ fait agir un figurant, et ainsi de suite : le MJ ne fait pas plus d'actions dans un tour que le nombre de PJ. Si deux PJ s'allient pour une action (pour cumuler leurs dés), le deuxième PJ perd son action, mais le MJ ne perd pas l'action correspondante.
Pendant son tour, un personnage a droit à 3 actions, qui peuvent des gestes, des paroles, des déplacements ou des pensées.

Chaque personnage a 6 PV. Quand il encaisse un dégat, il peut choisir de diminuer son score de PV, ou de déflecter ses dégats sur sa carac utilisée pour l'action (perte d'un point de carac), perdre le talent utilisé pour l'action, ou l'équipement utilisé pour l'action.

Une fois par séance, le MJ peut contraindre la limitation d'un personnage.

Le dernier ajout de règle, c'est la table des périls. Les joueurs définissent le péril global au début de l'aventure, puis le MJ fait quatre tirages au début du premier tour, et un tirage supplémentaire à chaque tour : l'idée c'est de réalimenter régulièrement l'aventure en dangers, mystères et opportunités de missions.

Un tirage de péril, c'est 3d6, et on combine le résultat en essayant de rester raccord avec ce qui a été dit avant. ça fait perdre deux minutes à chaque fois, mais ça crée une aventure très riche. Pour que ça soit plus fluide, je vais accorder aux joueurs d'utiliser ce temps de tirage de péril pour mettre à jour leur stratégie.


Table des périls :

1 Mission
2 Passage ou Gardien
3 Challenge de roleplay ou Énigme
4 Piège, surprise, événement inattendu
5 Antagoniste
6 Récompense, révélation, retournement de situation

1 Ruines
2 Forêt
3 Oubli
4 Emprise
5 Égrégore
6 Horlas

1 Eau
2 Feu
3 Air
4 Terre
5 Forêt
6 Mouvement


Notes :

Mission : 1 par partie, doublon interdit
Limitation : 1 fois par partie

Dégats encaissés : 11 pour Marig, 5 pour Goji.

https://archive.org/download/Empreintes ... e%20v6.pdf :


Retour de la joueuse de Marig :

+ J'ai bien aimé.
+ Par rapport aux règles, j'ai pas trouvé ça compliqué, mais du mal à envisager d'utiliser une caractéristique pas en rapport avec l'action. C'est dû à un manque d'imagination, c'est un coup de main à prendre.
+ Sentiment d'être toujours dans l'urgence. J'ai pas pris le temps de jouer la taroticienne mais ça m'a pas manqué plus que ça.


Retour de la joueuse de Goji :

+ J'ai aimé le côté tactique, de réfléchir à la caractéristique à utiliser. Comme j'aime pas créer des persos, j'aime le principe de rajouter les talents au fur et à mesure, ça me rappelle Lady Black Bird.
+ Il faudrait une liste de talents par classe.


Retour personnel :

+ Classes : à rendre plus fun et jouable instantanément. Abandonner l'idée de rituel, juste accorder un dé à chaque fois que le personnage fait un truc raccord à sa classe ?
+ Le fait qu'on puisse indéfiniment convertir un dégât en limitation, est-ce que ça ne risque pas de transformer les personnages en immortels eclopés ? Voir si je dois mettre un quota au nombre de limitations.
+ Accorder un dé quand un personnage utilise une motivation.
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Message par Pikathulhu »

MEMPHIS KARAOKÉ

Test du jeu de Gaël Sacré : L'aventure sans aventure de trois motards losers sur la Route 66

Jeu : Happy Together, par Gaël Sacré, le jeu de rôle du bonheur... à plusieurs.

Joué le 12/03/2016 au festival Terminus Ludi à Rennes

Personnages : Marc Lewis, Fox, Wolf

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crédits : raymondclarkeimages, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


L'histoire :

Trois motards sur la Route 66. Time freeze. La route, large, droite, à perte de vue. Le désert. Les cactus et les boules d'herbe qui roulent. Au loin, les montagnes plates et le soleil couchant. Les camions avec leurs fresques d'indiens, les derniers indiens du monde c'est sur les camions qu'on les voit. Les panneaux indicateurs et les panneaux de publicités pour des diners, des clubs de strip.

Ils s'arrêtent dans un bar country. Wolf grommelle, il déteste la country. Fox au contraire adore. Surtout Johny Cash. Il y a un karaoke, il trépigne, un de ses rêves, c'est de chanter "Solitary Man" de Johny Cash en karaoke. Mais il n'ose pas s'inscrire, comme à chaque fois. Ils charrient Marc Lewis sur son look. Ils l'ont pris sous leur aile, rencontré dans un bar, le mec au bout de sa vie. La nana de ses rêves il l'a eu, il y a trois ans, elle s'appelle Lucy Morgan, et puis elle l'a laissé tombé, maintenant elle est partie il ne sait où en Amérique, mais il connaît quelqu'un qui peut-être peut le renseigner, lui donner un numéro de téléphone, une adresse. Fox et Wolf ont promis de l'aider à la retrouver, et depuis il fait la Route 66 avec eux. Wolf le charrie sur son look, tout maigre avec ses fringues de mécano il ressemble à rien. Il veut le rhabiller avant qu'il retrouve Lucy, sinon ce sera la débandade assurée.

Fox, c'est le grand-frère de Wolf. Enfin sur le papier. Parce qu'en vrai, il se comporte comme un gamin. 1m60, 120 kilos de bonhommie et de filouterie mêlée. Avec des tatouages d'Elvis, de Marilyin, des quatre as enflammés, Fox, vrai motard, chômeur depuis que le monde est monde, entreprend de gagner au poker de quoi payer des fringues classes à Marc Lewis. Comme à chaque fois, Fox est le roi des plans foireux. Il devait ouvrir un bar avec Wolf, sauf qu'il a perdu sa part au poker, et depuis ils sont partis sur la route. Fox espère se refaire à Vegas pour que Wolf puisse enfin ouvrir le bar de ses rêves, un bar heavy metal pour les motards qui sont des vrais hommes, Fox voit déjà la devanture, un guidon de moto avec un crâne de vache, mais Wolf est pas d'accord, il verrait plutôt ça dans les toilettes. Fox revient voir Wolf. Il a perdu sa moto au poker, mais avec la différence il reste assez de quoi payer un cuir à Marc Lewis. Wolf engueule mollement Fox : on avait dit qu'on misait jamais les bécanes, mais il croit Fox quand ce dernier lui dit que les gars ont triché. Wolf croit toujours Fox, c'est comme ça. Wolf, c'est une grande baraque, 1m80, 110 kilos et il lui reste encore assez de muscles pour aller impressionner les cow-boys qui ont ruiné son frangin. On sent un moment l'esprit de bagarre, mais les gars lâchent l'affaire, déclarent la partie nulle et rendent les clefs de la moto.
Finalement, ils trouvent des santiags qui le font, avec des dés enflammés brodés sur les côtés et une pièce de ferraille qui claque sous la semelle, et ça fait une première pièce pour la tenue de Marc Lewis.

Ils reprennent la route le lendemain. Comme Marc Lewis leur a dit qu'il connaissait quelqu'un qui connaissait Lucy sur Memphis, ils ont repris vers Memphis. 300 km de détour, une paille. Fox montre une affiche de rodéo et ils font une halte. C'est un petit rodéo de campagne, limite une kermesse, mais il y a du monde, et tout le monde est habillé en cow-boy bien sûr. Il y a des taureaux mécaniques dans des arènes gonflables pour les gamins, et pour les vrais hommes, on peut s'inscrire pour rester quelques secondes sur le dos d'un cheval. Avec le premier lot, y'a de quoi se faire une super tenue, alors Marc Lewis s'inscrit. Fox et Wolf vont le voir sur les gradins. Fox a tiré deux bières qui étaient sur un comptoir. Il sort son smartphone, un vieux modèle, l'écran est tout pété. Il cherche la fonction vidéo, quand Lucy verra ça, elle sera impressionnée par son gars. Marc arrive en selle, tout le monde a mal d'avance pour lui. Fox choure une corne de brume à un gamin et tonne à qui mieux mieux. Marc reste six secondes en selle. Fox a filmé le début, mais après la caméra bouge trop, on le voit en train de se battre avec le gamin qui veut récupérer sa corne de brume. Marc reçoit "le prix du pied-tendre", c'est le seul étranger à avoir osé s'inscrire face à des broncos timbrés qui font du rodéo depuis leur naissance. Avec, ils lui payent un beau blouson de cow-boy, et une nana du public lui offre son chapeau. C'est pas tout à fait le look qu'espérait Wolf pour Marc, mais faut reconnaître que ça a de la gueule.
Le rodéo est fini et la nuit tombe, ils installent un karaoke géant dans l'arène. Fox est comme un fou. Wolf va l'inscrire. Le mec qui gère ça est un cow-boy avec un chapeau immense et des moustaches en guidon de vélo. Il annonce Fox sur "Solitary Man". Fox ose pas y aller, Wolf et Marc le poussent sur la piste. Il ose pas commencer à chanter, Wolf et Marc l'encouragent, ainsi que quelques gars du public de bonne volonté. Alors Fox chante, il connaît les paroles par coeur, Wolf en sait quelque chose depuis le temps qu'il la chante chez lui quand il squatte sa douche et son canapé, mais la chanson est pas du tout taillée pour sa voix de fausset et bien sûr il chante ulltra faux. Wolf fait les gros yeux à tout le monde, alors les gens finissent par applaudir Fox. Quand il a fini, il est comme un fou, il est persuadé d'avoir épaté la galerie, de pouvoir lancer une carrière dans la chanson.

Ils arrivent à Memphis. Pub pour des casinos, des bars country. Ils se prennent une chambre au motel. Marc est en mode loque humaine. Alors dans son dos, Fox et Wolf vont au bar, ils décident de retrouver le mec qui connaîtrait Lucy, Léo qu'il s'appelle, d'après Marc. Fox n'a plus de forfait, alors ils prennent l'annuaire du bar, la cabine téléphonique, et appellent tous les Léo de Memphis.

Vers trois heures du mat', ils ont un Léo au téléphone, qui leur gueule dessus. Vingt minutes plus tard ils débarquent chez lui, dans une banlieue pavillonnaire de Memphis, au milieu du désert avec les pelouses tout le temps bien arrosées. Ils arrivent chez un gars qui les attend à la terrasse avec sa Winchester. Ils s'embrouillent dix minutes, mais Fox a ramené des bières, alors ils finissent par s'écluser des bierres tous les trois sur la terrasse du gars. C'est pas le bon Léo, mais il leur file son annuaire et son téléphone et ils continuent à appeler des Léo toute la nuit en buvant des bières. Il y a un drapeau confédéré sur la terrasse, Fox croit que c'est le drapeau de l'Australie. Un coyote gueule dans le désert, le gars tire un coup de fusil, on entend plusieurs voisins gueuler.

Le petit matin. Le gars dort sous la table avec son chien et des cadavres de canettes de bière. Un des Léo vient de leur dire qu'il connaît Lucy en effet, qu'ils peuvent aller le voir.

Fox et Wolf remontent en selle, direction un vieux garage au bord du désert, avec plein de carcasses rouillées, à se demander si on répare encore des voitures. Le Léo qui les accueille est un vieux barbu en salopette enduite de cambouis. Il leur sert le café sur une table en plastique au bord de la route. En fait, c'est le père de Lucy. Lucy est une brave en fille. Son problème, c'est qu'elle a toujours eu un faible pour les chiens perdus sans collier. Le gars le plus piteux, c'est le gars qu'elle préférait. C'est sans doute pour ça que Marc Lewis a pu la fréquenter, et puis elle a dû le quitter pour un type plus piteux que lui, y'avait ce type qui vendait des trucs, et ensemble ils sont partis pour s'installer quatre Etats plus loin, et puis après elle a trouvé un autre type, et un autre type. Il pense qu'elle a eu un enfant, avec un black. Maintenant, il ne sait plus où elle habite, mais il a son numéro de téléphone.

Marc est au pieu dans sa chambre de motel. Fox le réveille en plaquant une bière froide sur sa joue. Marc les engueule, alors Wolf monte son lit en cathédrale avec lui encore dessus. Fox pisse dans son lavabo. Marc se lève tant bien que mal, Wolf lui explique leur équipée, puis lui tend le précieux bout de papier avec le numéro de téléphone de peut-être Lucy, et un vieux chewing-gum collé dessus. Wolf reprend le chewing-gum.

Marc compose le numéro en tremblant.

ça sonne

ça sonne

ça décroche


Feuilles de personnage :

Inspiration / Destination : La Route 66

Marc Lewis : homme, 45 ans, 1m80, caucasien, cheveux bruns, accent traînant du Sud, calme (le plus souvent), mécano (répare des vieilles caisses), dessine (tatouages), arbore des tatouages, relation avec les frères Fox et Wolf : reconnaissance, quête : un grand amour ! (elle s'appelle Lucy Morgan). Désir : retrouver les coordonnées de Lucy.

Fox : mâle, 50 ans, 1m60, blanc, cheveux poivre & sel tirant sur le roux/filasse, voix fluette, petite voix, parle du nez, loser de caractère et de profession, art : poker, frère de Wolf, a paumé sa cagnotte au poker, on a ramassé Marc Lewis sur la route. Désir : chanter du Johny Cash en karaoké.

Wolf (son vrai prénom secret, c'est Donald) : masculin, 45 ans, 1m80, 130 kgs, américain, cheveux bruns / grisonnants, barbe, voix rauque, caractère : nounours malgré son air de brute épaisse, profession : ancien videur, art : bricoleur de moto du dimanche, frère de Fox, a pris Marc en pitié. Désir : relooker Marc.


Commentaires :

Au départ, ça s'annonçait compliqué. Les deux gars qui étaient à ma table étaient venus, je pense, plus pour jouer avec moi que jouer au jeu, et j'avais à leur proposer quelque chose de bien différent de mon Millevaux habituel. On était là, trois rôlistes avec de la bouteille, à se proposer entre barbus un jeu qui parle de se refaire Quartier Lointain, Lost in Translation ou Kiki la petite sorcière, j'avoue m'être senti en malaise, comme si je proposais une écoute de Debussy à des métalleux. Plus intello que moi tu meurs, mais j'ai toujours des difficultés des jeux avec une tonalité un peu intello, donc avec Happy Together j'étais un peu dans les mêmes petits souliers que lorsque j'ai proposé Sphynx la semaine d'avant. Et puis les gars montrent de la bonne volonté, surtout que j'ai annoncé une heure de jeu seulement, pour effrayer personne et rester dans les canons de durée préconisés par le jeu. On brainstorme et on part sur l'idée de la Route 66. C'est la première idée donnée au hasard qui rencontre l'intérêt de nous trois, c'est bien loin de ce que j'imagine comme décor pour une partie de Happy Together, mais je préfère jouer la sécurité, alors on part sur cette idée. D'emblée j'interdis l'idée de jouer des mâles alpha à la Sons of Anarchy. On est là pour jouer à Happy Together, pas à un 1%. Alors on s'oriente sur des motards dilettantes, et on arrive sur ce concept de losers un peu lunaires qui taillent la route sans but précis. On établit les quêtes, que je définis comme un objectif du perso sur deux, trois ans, qui lui donne une direction, mais qui ne sera pas accompli pendant la séance, et pour rester dans les clous d'une heure de jeu, j'annonce qu'on ne jouera qu'un seul désir par personne.

Bilan : l'aventure m'a vraiment éclaté. Le joueur de Wolf a dit que c'était le genre de jeu sympa à se faire en soirée avec une bière ou deux dans le nez, ça me confirme dans l'idée que c'est à la fois un bon jeu esthétique et un bon jeu social. Ce côté tranche de vie RPG m'a vraiment surpris et beaucoup plu. Quand a joué la quête des Léo, ça tenait autant de l'instant de grâce que de la contemplation.

Le partage des responsabilités coule tout seul, j'ai sans doute pris davantage la main sur le décor et les figurants que les autres, mais c'était fluide. Cela permet vraiment de continuer le jeu même quand une personne est partie en pause, ainsi toute la quête des Léo on l'a joué pendant que le joueur de Marc était parti s'acheter un sandwish.

Je trouve qu'Happy Together comble un vrai manque dans le paysage rôliste, et pour ça je lui souhaite une bonne continuation. Il y a de vrais parentés avec Les Cordes Sensibles, dont il est le pendant optimiste (je dis ça notamment à cause des qualités à cocher, qui m'évoquent un peu les sentiments dans Les Cordes Sensibles).

Juste un point technique : Dans le jeu, ce sont les autres joueurs qui résolvent le désir d'un personnage, et les règles le présentent seulement comme un fait mécanique. J'ai ressenti le besoin de relier ça à la fiction, alors j'ai précisé que le Désir était des souhaits que le personnage formulait, mais sans être capable de passer le pas eux-mêmes : il faut que les autres personnages les poussent au cul, en faisant à sa place où en le poussant à faire, comme Fox qui a ce Désir de karaoké, mais qui ose pas s'inscrire. Formulé comme ça, je trouve que c'est passé comme une lettre à la poste. Je crois que les jeux esthétiques peuvent se satisfaire d'une cohésion mécanique-fiction faible, néanmoins si on peut la renforcer sans transformer outre mesure la philosophie du jeu, c'est toujours ça de pris pour éviter de laisser à la rue les joueuses et joueurs accros à la cohérence.
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

LE CALENDRIER LAGUNAIRE

Quand Aimé Césaire écrit un scénario de jeu de rôle

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 20/08/15 chez moi.
Personnage : le chercheur de graine

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crédits : bbc world service, dsevilla, lil'stu, RubioBuitrago, smila4, thomas hawk licence creative commons cc-by-nc, costica acsinte domaine public


Théâtre :

Sur son blog Playing D&D with Pornstars, Zack Smith prétend qu'un poème peut suffire pour décrire un setting de jeu de rôle, et pour illustrer sa théorie, il reproduit le poème Le Calendrier Lagunaire d'Aimé Césaire, qui à son sens se suffit à lui-même pour d'écrire un setting d'horreur lovecraftienne aux Antilles.

J'ai décidé de le prendre au mot, et nous avons donc joué Le Calendrier Lagunaire. Nous avons lu le poème avec le joueur, lu les définitions des termes les plus techniques, sélectionné 12 mots du poème (6 par le joueur, 6 par moi) pour constituer un tableau des symboles, et débattu très courtement sur la nature du setting. Concrètement, nous avons établi que cela se passait dans des Antilles fantasmées à la sauce Millevaux, qu'on pouvait citer des termes locaux (Port-au-Prince...), et que tout anachronisme ou incohérence était accepté, attendu que nous n'avions aucun public pour nous lancer des cailloux en cas d'erreur, et que le complexe post-apocalyptique / emprise / égrégore de Millevaux autorise d'emblée tous les anachronismes et les incohérences. Sans apporter plus de détail, nous avons joué. Un petit peu plus tard en jeu, j'ai quand même ajouté un détail que vous devez savoir avant de lire : nous avons établi que tous les habitants du setting étaient noirs par défaut. Il y avait cependant des blancs, mais on le stipulerait le cas échéant.
Et qu'ajouter de plus sinon que Zack Smith avait tellement raison, et que ce fut une des parties les plus étranges et les plus exotiques qu'il m'ait été donné de jouer.

Tableau des symboles
1 Culte
2 Varech
3 Pic
4 Égarés
5 Soif
6 Appartement
7 Embâcle [définition : amas de détritus végétaux, minéraux ou animaux sur le fleuve]
8 Magique
9 Abyssale
10 Blessure
11 Idée
12 Enfer


Le Personnage :

Le chercheur de graine.
Objectif : Ramener une plante qui produit des graines magiques. Elle pousse sous la terre.
Symboles : Culte, Enfer


L'histoire :

Je suis aspirant dans un Culte des Enfers. L'Enfer souterrain, pas l'Enfer de feu. Le Culte vénère aussi le végétal et la germination. Je dois subir mon épreuve initiatique. C'est mon père qui m'a fait entrer dans le Culte. Il m'a dit d'aller voir les anciens du village. Les anciens m'ont dit qu'il fallait emprunter une entrée vers les Enfers qui est à flanc du volcan, et que là-bas on me donnerait mon épreuve.
Je suis allé sur le flanc de basalte en couches, j'ai trouvé un tunnel qui descendait à la verticale. Il y avait des racines qui m'ont servi d'échelle pour arriver jusqu'en bas. Je suis entré dans une caverne. L'air était rare.
Au-dessus de ma tête, il y avait comme une rumeur, celle de l'océan. Alors j'ai compris que j'étais sous les abysses. C'était le premier prodige.
Dans la caverne il y avait une très vieille femme entourée de dizaines de bougies qui brillaient avec l'énergie du désespoir. Elle m'a dit : "Bonjour, je vais t'expliquer ta quête".
La vieille femme m'a dit que je devais trouver une graine quelque part sous la terre. Cette graine, il fallait la ramener au village et la semer, alors toutes les autres graines qui auront été semées pourront germer. C'est la mère de toutes les graines, qui fait germer toutes les autres. Si je ne ramène pas la graine, alors plus rien ne poussera la saison prochaine. Elle me dit que j'ai deux solutions pour trouver la graine. Je peux la trouver quelque part sous la terre, mais aussi je dois savoir qu'il y en a une dans mon cœur. Évidemment, je préfère éviter de me sacrifier, alors je tente la recherche de la graine souterraine. La vieille me dit que pour commencer, je peux aller prendre conseil auprès des anciens, ou je peux aller voir les blancs car ils connaissent beaucoup de choses, mais je préfère m'engager dans le tunnel qui est derrière elle. Je prends une de ces bougies pour m'éclairer. Je m'éloigne dans la galerie, alors la vieille éclate d'un rire sardonique, et souffle toutes ces bougies. Je ne la vois plus.

J'erre un moment dans le royaume souterrain, la galerie n'arrête pas de faire des embranchements, et je me perds. Il fait très chaud, ce qui me paraît anormal vu la profondeur. J'ai très soif. J'entends la rumeur de l'océan au-dessus de ma tête, j'hésite à emprunter certaines galeries qui remontent pour chercher une fuite d'eau, mais finalement je préfère continuer tout droit.

J'arrive dans une caverne éclairée par des bougies. Je suis revenu à mon point de départ. La vieille me dit : "Bonjour, je vais t'expliquer ta quête". Par jeu, je lui répète les mêmes choses que la première fois, et elle me répond les mêmes choses. Quand vient le moment de prendre congé d'elle, je prends une bougie, mais cette fois je remonte à la surface.

Quand je remonte sur le flanc du volcan, celui-ci est entré dans une calme éruption. Une coulée de lave descend paisiblement. Je vois des blancs, ceux que nous appelons les Colons, marcher dans la jungle. Ils sont une dizaine, ils sont minces et grands, ils font quatre mètres de haut. Ils ont la peau très pâle, comme maladives, ils sont vêtus d'uniformes beiges et portent des chapeaux coloniaux très pointus qui accentuent encore leur taille. J'avais entendu parler des Colons, et je savaient qu'ils utilisaient une technologie mystérieuse. Les blancs tiennent des fusils presque aussi longs qu'eux. A leurs côtés, il y a de grands robots marcheurs, des robots en bois de dix mètres de haut avec de longues pattes grêles, surmontés de paniers ombragés qui portent des femmes blanches, toutes aussi grandes que les hommes.

Je vois que les blancs se dirigent vers mon village. Je vais à leur rencontrer. Un blanc m'arrête, il a une moustache blonde et quand il me parle je constate qu'il a des dents de requins. Pointues et découpées en fractales de denticules. Je lui explique que j'ai besoin de leurs connaissances, je leur explique quelle graine je recherche. Le blanc dit que si on peut faire affaire, il nous laissera consulter ses cartes, et j'accepte.

Les blancs m'escortent jusqu'au village. Les marcheurs écrasent les arbres de la jungle sur leur passage, les blancs aussi sont si grands qu'ils sont obligé de dévaster la végétation à la machette pour avancer. Quand nous arrivons, les enfants accourent, étonnés par ce qu'ils voient. Les blancs s'installent comme en pays conquis. Un marcheur écrase même une hutte pour se garer. Je vais voir mon père, car j'ai peur de ne pas savoir lire les cartes. Je le trouve dans sa case. Il y a des poules suspendues à saigner, des bols de riz, de manioc. Ma mère est en train de moudre. Mon père m'explique qu'avant, c'était lui qui devais chercher la graine chaque été, la graine n'était jamais au même endroit, et que maintenant j'étais en âge pour qu'il me transmette sa tâche. Mais il veut bien m'aider pour cette fois, même s'il se méfie des blancs.

C'est le crépuscule. Les blancs nous disent de monter dans un des marcheurs. Du haut du marcheur, on nous lance deux cordes à noeuds et nous grimpons. En haut, c'est la demeure de la cheffe des Colons. Elle s'appelle Adamia. Elle est vêtue de blanc, avec une robe bouffante aux hanches et aux épaules. Elle porte un camé en sautoir autour du cou. Elle a des cheveux en chignon allongé sur les côtés. On voit parfaitement ses dents de requin. Elle a une ceinture de têtes réduites : les têtes des ancêtres d'autres villages, alors nous comprenons que cette femme a un grand pouvoir. Elle nous montre sa carte, qui est une sphère armillaire très complexe. Nous comprenons qu'elle représente non pas notre monde tel qu'il a été exploré, mais notre monde tel qu'il est réellement. Elle trempe une plume dans le sang contenu dans le crâne d'une tête réduite, et annote la carte avec la plume. Nous comprenons qu'elle met à jour l'étendue du territoire qu'elle a conquis. Elle nous laisse regarder la carte, et grâce au savoir de mon père, nous parvenons à voir trois points d'intérêts. Il y a un grand marais qui s'est développé dans une embâcle sur le fleuve, et au milieu de sa végétation, il y a des pépites d'or. Beaucoup d'or. Il y a un réseau de galeries dans la falaise sur la lagune, qui sera bientôt inondée par le mascaret, la brusque remontée du fleuve poussé par la marée. Et enfin, nous voyons où est la graine. Elle est juste dans la caverne où j'ai trouvé la vieille femme. Adamia nous demande si nous avons trouvé la graine. Mon père demande à s'entretenir une minute avec moi avant de répondre. Nous discutons et je propose de berner les blancs, qui semblent convoiter la graine. Je vais les conduire dans les galeries de la lagune, et ils seront noyés par le mascaret. A l'issue de la minute, je dis donc à Adamia que j'ai vu la graine dans les galeries lagunaires, et Adamia nous dit que les Colons m'accompagneront là-bas. Mais elle précise aussi qu'elle ne nous fait pas confiance, et qu'elle veut donc soumettre l'un d'entre eux à un rituel de la magie des blancs, pour tester notre sincérité. Je négocie avec mon père en aparté, et on décide que ce sera moi qui me prêterai au rituel. Adamia verse le sang noir que contient une tête réduite dans un creuset, y rajoute du soufre et le fait chauffer sur une flamme bleue. Elle utilise un couteau cérémoniel avec un manche en ivoire et une lame triangulaire. Manche et lame sont gravés de dessins représentant la création du monde. Elle m'entaille le poignet et s'entaille le sien, et nous versons nos deux sangs dans le creuset, puis elle me dit que nous allons chacun boire au creuset. Je bois en premier.
Je perds connaissance.

Je reprends mes esprits presque aussitôt, mais je comprends que je suis passé dans une autre réalité. Adamia et mon père ne sont plus là. Par la fenêtre, je ne vois plus un ciel de crépuscule, mais un ciel blanc, surnaturel.

Je descends du marcheur, et trouve le village désert. Je marche le long du volcan. Des tuniciers et des coraux ont poussé sur le basalte, comme si la nature était devenue folle.

Je vais sur le bord du fleuve. La marée commence à remonter à travers le fleuve, elle charrie sur le bord des centaines de squelettes d'oiseaux, et les oiseaux vivants s'acharnent sur ces ossements pour y dénicher un lambeau de chair ou un crabe. Je m'enfonce dans les galeries lagunaires. Derrière moi, la marée fluviale est remontée d'un cran, elle a remporté les squelettes d'oiseau et lèche les entrées des galeries. Dans les galeries, je trouve mon père, mais je comprends que ce n'est pas tout à fait mon père, il parle mais il est comme mort. Il m'explique que j'ai une dette envers lui. Chaque année, il a dû subir la quête de la graine, maintenant c'est mon tour, je dois le faire pour l'en décharger. Il s'assure que je ne vais pas me défiler. Je lui demande ce qu'il a fait quand j'ai perdu connaissance. Il dit qu'on est arrivé à ce moment précis. Et qu'il hésite. Il dit qu'Adamia a aussi bu le sang et qu'elle a aussi perdu connaissance. Il hésite entre fuir et tuer Adamia avec son couteau. Je lui dis de fuir, si Adamia est tuée, nous allons avoir des problèmes avec les blancs. Dans les galeries, il y a une autre graine. C'est un corail qui pousse en fractale, sans arrêt, à vue d'oeil. Ses extrémités sont très effilées, et mon père me dit d'y prendre garde car à la moindre piqure je serai empoisonné. C'est une autre graine aussi très puissante, c'est la graine de l'amour, celui qui s'y pique tombe irrémédiablement et désespérément amoureux d'une autre personne. Si on détruit la graine, alors il n'y aura plus d'amour sur cette terre et ce serait aussi une catastrophe. Je veux récolter la graine car j'ai une idée derrière la tête. Mon père me dit qu'il suffit que je la remette dans la terre ou dans l'eau pour qu'elle germe à nouveau de façon aussi spectaculaire.
J'entends la marée fluviale, le mascaret, qui remonte dans les galeries. Je dis à mon père de fuir. Je prends mon temps, prudemment je rampe sous les branches de corail pour ne pas me faire piquer, et je coupe le corail juste à l'endroit où il sort de la graine. La graine que je récolte ressemble à un corail-cerveau. Mais j'ai trop pris mon temps, l'eau remonte jusqu'à moi. Je peux lutter au risque de me blesser et d'agoniser, mais je préfère me laisser emporter. Le fleuve m'immerge et m'emporte dans les galeries, et je perds connaissance.

Quand je me réveille, c'est comme si j'étais sorti du tunnel sur le flanc du volcan. La jungle est couchée et putréfiée. Toutes les plantes sont mortes.Je vois au loin des marcheurs qui progressent vers les autres villages, ils crachent des flammes bleues. Je vais au village. Tout est desséché. Dans la cour, il y a un chien qui gémit près du puits, le puits est à sec. J'entends un ancien qui tousse dans sa hutte, c'est le seul à être resté au village. Je vais le voir. C'est le plus vieux des anciens, il est aveugle, il fait tout noir dans sa hutte et ça sent le fauve. Il met du temps avant de constater que je suis entré. Il m'explique que nous sommes dans un futur où je n'ai pas trouvé la graine, et me rappelle l'importance de ma quête. Je lui dis que je dois trouver Adamia. Il me dit de descendre dans le puits, alors je la trouverai.

Ce que je fais, alors je descends encore dans un autre niveau de réalité.
Une grande, grande plage, que l'océan lèche à perte de vue. J'y trouve Adamia, allongée sur un transat sous un parasol, un serviteur noir l'évente avec une palme. Plus loin, il y a des colons et des marcheurs.
Adamia me dit qu'elle a fait une erreur en faisant le rituel auprès de mon père, mais finalement elle s'étonne qu'il n'en ait pas profité pour la tuer quand elle a perdu connaissance. Je lui dis que nous voulons collaborer avec les blancs. Je demande à Adamia quel intérêt elle a vraiment pour la graine. Elle m'explique que selon elle, la graine donne naissance à toutes les autres graines des espèces de l'île, et qu'elle intéresse les blancs pour leurs recherches. Elle dit qu'en échange elle peut me donner des graines des blancs, qui germent sans l'intervention magique de la mère des graines, c'est ainsi que les blancs sont si prospères. Je lui dis que nous avons besoin de la mère de toutes les graines, que c'est le cycle sacré des saisons, elle dit qu'avec les graines des blancs, nous pourrons nous arracher de ce cycle absurde. Je lui demande de me prouver ce qu'elle avance. Elle ouvre sa main, il y a dans sa paume des graines de céréales, de riz, de manioc. Elle me dit qu'il suffit d'en manger une pour comprendre. Je lui dis d'accord, mais elle doit aussi manger une graine, la graine que je vais lui donner. Elle accepte, elle mange la graine. Elle sent la douleur, et dit : "Qu'est-ce que vous m'avez fait manger... ?". Une larme de sang coule de son oeil. Je vois dans son visage qu'elle vient de sombrer dans un amour fou pour moi. Je mange la graine qu'elle m'a tendue. Je perds connaissance.

Nous nous réveillons tous les deux sur le flanc du volcan. Il n'y a plus de jungle, il n'y a plus que des champs de blé, de riz, de manioc. Maintenant qu'Adamia est liée à moi, je descend dans le tunnel, et elle me suit. J'entre dans la caverne de la vieille, mais Adamia est trop grande pour m'y suivre. Elle passe sa main à l'intérieur, mais elle n'a pas assez d'allonge pour atteindre la vieille, même si je pressens qu'elle pourrait l'atteindre si elle utilisait son couteau.

La vieille, équanime, me répète : "Bonjour, je vais t'expliquer ta quête". Je ne l'écoute pas, je fouille la caverne à la recherche de la graine. Le sol est un sable de basalte, comme de la suie. Je ne trouve rien, la main d'Adamia fouille aussi, sans succès. Finalement, je vois que la vieille est assise sur une sorte de coussin, un coussin frisé. Je lui demande de se pousser, je réalise que ce n'est pas un coussin, mais le crâne d'un homme noir enseveli. Je dégage le sable et l'homme que j'extrais est mon père. Il reprend son souffle. Il dit : "Alors, c'est ainsi, tu m'as trouvé, tu as trouvé la mère de toutes les graines, c'est mon cœur, alors prends le couteau d'Adamia, arraches-le et tu auras achevé ta quête. Je savais que tu devrais en arriver là. Moi-même j'ai dû arracher le cœur de mon propre père, et j'ai dû le refaire chaque année. C'est pour cela que j'ai attendu si longtemps avant de te transmettre ma charge." J'hésite, je pense un moment à me sacrifier moi-même. Adamia m'encourage, elle dit qu'avec la mère de toutes les graines, nous serons des rois, elle sera la reine des îles et je serai le roi. Mon père m'explique que si nous donnons la mère des graines aux blancs et prenons leurs graines en échange, d'abord ils donneront leurs graines pour rien la première année, la deuxième année ils demanderont des services aux noirs, et la troisième année ils les réduiront en esclavage. Adamia me dit que ça ne fait rien, je serai quand même le roi, à ses côtés. Mais je dis que je ne peux résoudre à cet échange, à voir mon peuple réduit en esclavage. Adamia soupire, et abdique : "Puisque je t'aime, je me soumets à ta décision, même si je la désapprouve." Mon père ajoute : "Il y a une autre chose que tu dois savoir. Rien ne prouve que la mère de toutes les graines soit indispensable à la germination des autres graines. C'est peut-être juste une superstition ancestrale, un rite de passage." La vieille me dit que je peux aussi m'enfoncer dans les galeries du royaume souterrain et chercher la graine ailleurs.

Finalement, je fais le pari de la superstition. Je vais remonter sans la graine, et advienne que pourra. Au mieux, si j'ai raison, le village me bannira parce qu'on ne trahit pas une tradition impunément. Au pire...

Avec Adamia, nous nous agrippons aux racines du tunnel et remontons à la surface.

Au-dessus de nos têtes

la sortie du tunnel

une lumière blanche


Playlist :

Miles Davis / On the corner (jazz fusion) passé en simultané avec Earth / 2 : special low frequency version (drone primal)
Deadbeat / Wildlife documentaries (dub)
Que n'ai-je pensé à passer le double album Agartha/Pangea de Miles Davis, jazz-fusion africanisé et dronesque qui aurait tellement tellement collé !

Règles utilisées :

Nous avons joué en Inflorenza Minima, en mode Carte Blanche. J'ai cependant utilisé le tableau des symboles, je tirais un symbole pour moi dès que j'étais en manque d'inspiration, ça me paraissait nécessaire sur un théâtre aussi hermétique.
J'applique la règle des prix à payer invisibles : je ne dis jamais "il y a un prix à payer", je reste dans la fiction quand je présente les conséquences possibles d'une tentative.


Retour du joueur :

+ Le côté techno-chamanique des Colons se prête bien aux niveaux de réalité.
+ On rebondit sur les concepts
+ Les questions [i.e. les prix à payer] se dénouent assez facilement. Il n'y a pas de meilleur choix ; ce sont vraiment des dilemmes.
+ Le poème amène la question du merveilleux qu'on retrouve dans le jeu.
+ On n'avait pas de représentation commune et typée du théâtre, du coup chacun avait son interprétation.
+ En plus du tableau des symboles, on aurait pu faire au préalable, non pas un plan papier, mais une séance de world building en commun.
+ On voit qu'en tant que Confident, tu as des routines qui te permettent de proposer des dilemmes assez spontanément. Pour un Confident débutant en Inflorenza Minima, il faudrait proposer une série de dilemmes-type.


Mon retour personnel :

+ Ce que j'ai vraiment constaté dans ce test, c'est que les perspectives de choix du joueur ne s'arrêtaient pas au choix binaire de payer le prix ou de ne pas le payer, le joueur n'a pas cessé d'élaborer des stratégies ou d'emprunter des voies que je n'avais pas prévues. Je pense que c'est dû au fait que je ne verbalise plus la mécanique, je ne dis plus "il y a un prix à payer", alors le joueur ne sait pas si on est dans un moment de résistance ou pas, le joueur est toujours dans la fiction et jamais dans la mécanique. Le fait d'annoncer une issue possible ouvre le champ des possibles, et le joueur invente encore des voies médianes entre ces possibles. Assurément la séance d'Inflorenza minima la plus satisfaisante du point de vue du positionnement fiction-mécanique !
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Message par Pikathulhu »

PACTES

Première plongée dans le monde labyrinthique des fantômes et des échos. Beaucoup de second degré et aussi des belles images.

Jeu : Ghost/Echo, aventures spectrales par John Harper

Joué le 24/10/2015 au festival Les 24 H du Jeu, Theix, Morbihan
Personnages : le démon, la démone, l'infiltratrice, l'infiltrateur


Image
crédits : Herr Olsen, juliana pozzati, pcgn7, plashing vole, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


L'histoire :

Alors que le démon et la démone pénètrent dans les forêts limbiques pour y exercer leur pillage, ils sont pris en chasse par des spectres hurleurs vêtus de manteaux noirs déchirés.
Ils courent à travers les forêts. Ici, tout est en négatif, les troncs sont noirs, l'obscurité est blanche.
Ils arrivent dans une clairière qui contient la plus grande peur du démon : un petit chat. Le démon perd son sang froid, il carbonise le chat et la forêt avec une boule de feu, et en retour encaisse une brûlure de mana qu'il lui faudra soigner dans les 24 H s'il veut survivre.
Les spectres les rattrapent, et ils demandent des offrandes pour leur laisser la vie sauve. Le démon leur donne l'âme d'un joueur de poker qu'il l'avait gagné : maintenant ce joueur de poker sera son ennemi, et la démone leur donne une précieuse fiole de venin de démon qu'elle avait sur elle.

Les démons tentent d'écouter dans les échos, trame psychique qui colportent les soupirs du passé, mais ils sont remarqués par un spectre qui surveille les échos : le Contrôleur. Ils entendant aussi parler de l'Oracle, qui vivrait dans la montagne de craie.

Le démon souffre de sa brûlure de mana. Les flammes de l'enfer pourraient la guérir. Il tente d'ouvrir un portail vers l'enfer, mais il n'a pas assez de pouvoir, il ouvre un portail qui a juste la taille d'un doigt. Il arrive juste à parler au démon qui est derrière, et qui s'appelle Nostromo. Nostromo accepte de lui passer un peu de flammes par le trou du portail, et ainsi le démon guérit de sa brûlure de mana.

Le démon et la démone déploient leurs ailes et s'envolent jusqu'à la montagne de craie. La montagne surplombe la forêt, elle est blanche, mais comme tout est négatif, elle est certainement faite de basalte et non de craie. Ces ailes ils les ont gagnées en collectant cent âmes en une journée. C'était des âmes de fans de Justin Bieber, qu'ils avaient acheté en donnant à chaque fan un clone de Justin Bieber.
Dans le ciel, la démone est repérée par un faucon, mais elle arrive à se poser in extremis.
Sur la montagne, ils rencontrent l'infiltrateur et l'infiltratrice, deux humains qui fouillent les forêts limbiques à la recherche d'informations, pour le compte d'un mystérieux employeur. Au début, les démons pensent à les détruire, mais finalement ils préfèrent s'allier avec eux, car leur discrétion peut être utile.
Pour tout dire, le démon les connaît, car ils sont obligés de travailler comme infiltrateurs depuis qu'ils ont fait un pacte avec lui.
L'infiltrateur n'est pas à son aise ici, car il a peur de tout ce qui est surnaturel.
L'infiltratrice écoute les échos, et elle entend une voix terrible et détestée : celle de sa mère.
Les échos lui expliquent que ce qu'ils recherchent est gardé par un certain Moloch. Les infiltrateurs sont repérés par le Contrôleur, qui les interpelle. Il s'apprête à les détruire, mais séduit par la beauté de l'infiltratrice, il leur promet la vie sauve s'il obtient une nuit avec elle en échange.
La démone fabrique un clone parfait de l'infiltratrice, et le démon fait un pacte avec le Contrôleur pour obtenir son âme en échange du clone. Le clone, qui a une vraie sensibilité et les mêmes souvenirs que l'infiltratrice, supplie qu'on ne l'asservisse pas, mais démons et infiltrateurs évitent de l'écouter et le livrent au Contrôleur.

Ils se déplacent au désert de sel, là où est censé se trouver ce qu'ils cherchent le plus, d'après les échos. L'entrée du désert de sel est censée être gardée par le terrible Moloch. C'est un cimetière, mais tout est inversé. Les croix tombent du ciel. Des petits chats aussi pleuvent du ciel, le démon les brûle et encaissent de nouvelles brûlures de mana. L'infiltratrice entre dans un caveau, où tout est inversé, et elle est confrontée à Moloch, qui est sa propre mère ! Les autres entrent à la suite, et pour passer dans le désert de sel, ils doivent orchestrer une réconciliation entre l'infiltratrice et sa mère. Ils demandent à l'infiltratrice comment elle pourrait se réconcilier avec sa mère, elle répond : "Je lui pardonnerai tout si elle meurt.". La mère lui fait repréciser : "Si je meurs, alors tu ne me détesteras plus ?". L'infiltratrice confirme. Alors la mère se suicide, et ainsi ils peuvent entrer dans le désert de sel.

Le désert de sel est couvert d'un ciel noir comme du goudron. Il y règne un froid glacial.

Au cœur du désert, il y a leur destination finale : la cathédrale inversée. Seule la crypte émerge du sol, et par là, on accède à la cathédrale, qui est entièrement souterraine. Elle est complètement tête-bêche, les démons volent mais les humains tombent. Des puits de lumière remontent des vitraux, ce qui est aberrant puisque la cathédrale est sur la terre. Sur l'autel, se trouve l'ennemi suprême....

Comme un tremblement de terre...

Sur l'autel, baigné d'une centaine de roses : vêtu d'un sweat à capuche blanc, affublé d'une mèche noire : le spectre de Justin Bieber en personne, période post-ado. Ils se ruent sur lui pour le frapper, Justin réplique d'un "Baby, baby, baby, oooh" qui les envoie valser.
Les démons sont obligés de libérer les clones de Justin Bieber, un par rose, à chaque fois ils libèrent une des précieuses âmes qu'ils avaient achetés, et avec les clones ils parviennent à terrasser Justin, mais ensuite les clones se retournent contre eux, ils chantent à tue-tête, ils font éclater les vitraux, alors les démons et les infiltrateurs les massacrent un par un, dans une orgie de sang et de verre brisé.

Et ensuite, ils peuvent enfin prendre ce qu'il y a de plus précieux et puissant dans les forêts limbiques, le cœur palpitant de Justin Bieber, la seule chose en dehors des démons eux-mêmes qui puisse briser un pacte démonique et libérer un humain prisonnier d'un pacte.

L'infiltrateur prend le cœur... Il pourrait s'en servir pour être libéré de dangereux travail, ne plus être obligé de se rendre dans les forêts limbiques pour le compte d'un patron sans pitié.

Et il tend le cœur à l'infiltratrice.


Commentaires sur le jeu :

Ghost/Echo est plus une esquisse de jeu de rôle qu'un jeu de rôle. L'univers est réduit à une trentaine de mots-clés et à une prémisse-choc : les personnages sont en train de piller les richesses du monde spectral quand ils réalisent qu'ils ont été vendus : des spectres les assaillent. Comment vont-ils se tirer de ce mauvais pas ? Que sont les spectres, que sont les échos ?".
On joue sans feuille de personnage et le système de résolution se résume à une stylisation de l'action "agir face au danger" d'Apocalypse World.

Je voulais le tester dans l'univers de Millevaux en précisant que le monde spectral était les forêts limbiques. Je l'ai proposé sur mon stand de convention, en table ouverte, et j'ai eu d'abord deux personnes (les démons), qui ont dû jouer une demi-heure, avant d'être rejoints par deux autres personnes (les infiltrateurs) et on a continué de jouer une heure, à peu près.

En jouant, j'ai réalisé que le jeu ne se suffit pas du tout à lui-même. Tout reste à inventer sur les propriétés du monde spectral, les contreparties des "agir face au danger" sont loin d'être impactantes (par exemple, agir face au danger de se prendre une blessure, c'est bien gentil, mais en l'absence de feuille de personnage, que signifie une blessure ?). Pour réussir à jouer, j'ai donc patché avec des questions à la Apocalypse World et des dangers qui ne se limitent pas à de la couleur, mais soient réellement impactants, bref des prix à payer comme dans Inflorenza minima.

Les questions à la Apocalypse World ont amené des réponses parfois complètement gonzo, c'est ainsi qu'on s'est retrouvé avec cette histoire de clones de Justin Bieber. A ce stade, j'ai préféré reprendre la balle au bond, et c'est moi-même qui ai amené l'idée que l'ennemi final, c'était Justin Bieber himself.

On a utilisé les tables de mots-clefs, mais assez peu au final. J'avais rajouté des chiffres en face des mots-clefs pour faire des tirages aléatoires, mais finalement en jeu j'ai surtout filé le canon esthétique qui avait émergé, avec la notion de tout inverser, notamment. Les mots-clefs nous ont surtout servi pour déterminer ce qu'étaient les personnages, ici des démons et des infiltrateurs.

Au final, je recommanderais Ghost-Echo pour les MJ expérimentés, qui sont capables de rajouter leurs propres règles et routines à la volée pour que le jeu fonctionne, et qui forts de ce bagage se tournent vers des propositions de jeu minimalistes pour improviser leur propre monde sans la moindre préparation.
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Message par Pikathulhu »

LOURDES

Enseigner la maîtrise d'Inflorenza minima en se mettant à la place de joueur pour guider le meneur en mode tutoriel. Compte-rendu et maîtrise par Huldugarn, avec moi en joueur.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 08/03/2016 sur google hangout
Personnage : Eugène


Image
crédits : Martin Labar, sahiljanata, zoriah, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


L'histoire :

Eugène, Pisse-coing et Mazoute la Chamane-Pute, membres de la communauté de la cimenterie, sont mis en quarantaine par leurs pairs car ils présentent des signes d’infection par la mouffe.

Eugène, qui souhaite trouver un remède à son état, interroge la Chamane-Pute, mais elle est en détresse respiratoire et n’est pas en mesure de l’aider.
Eugène convainc Pisse-coing de venir en aide à la Chaman-Pute, ils dissimulent ses symptômes en se délestant de leur hardes puis proposent de la transporter vers la carrière à la lisière de la forêt, pendant qu’Eugène va réclamer de l’aide à son papy avant leur départ.

Afin de ne pas se faire identifier, il se couvre de sable et ajuste son capuchon.
Aux portes de la cimenterie, il est hélé par des membres de la communauté sortants munis de torches et de carburant, dans l’intention explicite de bouter le feu aux contaminés. Ils sont suivi des proches impuissants et implorants des futures victimes, figure parmi eux le papy d’Eugène.

Eugène va à sa rencontre et se fait reconnaître, il persuade son aîné de l’aider à s’enfuir et ce dernier accepte de le retrouver le soir même lorsqu’il aura échappé à la vigilance de la garde pour les guider vers Lourdes.

Le soir venu, Eugène et le papy rejoignent Pisse-Coing et la Chamane-Pute, ils s’interrogent sur la route à suivre, le papy refuse de passer par la forêt et insiste pour prendre la route mais informe que transporter la Chamane les ralentira et les exposera aux attaques de pillards ; la Chamane, dans un sursaut de vigueur, leur promet que sa présence éloigne les dangers de la forêt et leur assure qu’il s’agit du chemin le plus court.
Eugène prend la décision d’abandonner la Chamane-Pute à son sort, et le petit groupe prends la direction de Lourdes par la route.

Ils parviennent a Lourdes sans encombre. Les vestiges sont envahis de mendiants et loqueteux amputés et difformes qui empestent la crasse et les maladies. Ils apprennent que seuls les pèlerins soumettant une offrande jugée digne de la miséricorde du puissant mage qui officie dans la grotte leur permettra d’accéder à ses services.

Eugène se résout à faire offrande de son papy. Celui-ci proteste et cherche un échappatoire, mais il est déjà conscient que son sacrifice est la clé du salut pour son petit-fils. Il accepte et le service d’ordre s’empare de l’offrande.

Eugène est amené au Chiromancien, il découvre l’envers du décor et apprend que la mouffe ne le tuera pas, mais qu’il se transformera en Horla a l’issue d’une longue souffrance. Pour en guérir, le Chiromancien l’informe qu’une autre affection de son choix lui sera inoculé dans le processus. Eugène accepte et choisi de souffrir d’Alzheimer.

Il quitte la grotte a l’issue d’une manipulation impie qui recouvre son corps de croûtes, le laissant sain de corps, mais plus d’esprit.


Commentaires :

Huldugarn est un joueur de Millevaux de la première heure, il connaît très bien l'univers, en revanche il n'a jamais maîtrisé dedans (et je crois qu'en règle générale, il a très peu maîtrisé, sinon jamais). Il a proposé de présenter le jeu lors d'une démo de deux heures, et il m'a sollicité pour l'aider à développer ses techniques de maîtrise. Il avait déjà un scénario, un genre de bac à sable qui partait du principe que les personnages étaient atteint de la même maladie de la chamane-pute, il avait en tête le décor de la cimenterie et de Lourdes, et du chemin entre les deux avec ses embûches, et les figurants qui peuplaient ces trois zones ainsi que leurs motivations. Nous avons ensemble opté pour Inflorenza minima comme système de jeu.

Les règles trouvables sur le net étaient loin de lui suffire pour maîtriser (et pour cause, il manque des exemples et des conseils de maîtrises complets). Je lui ai proposé qu'on se fasse une partie en ligne sur ce même format de deux heures, avec une particularité : il serait meneur, avec ce scénario qu'il a conçu et m'a donné à lire, et moi je serais joueur, mais tout en étant joueur, je le guiderais sur les choses qu'il aurait à faire en tant que meneur.

Plus exactement, j'ai commencé la partie en créant mon personnage, puis en lui expliquant le principe des prix à payer, et en lui demandant, dans une des premières situations, quel prix j'aurais à payer pour progresser dans mon objectif (en l'occurence, pour maquiller la Chamane-Pute, nous avons dû sacrifier nos habits, cela restait faible, mais l'idée des prix à payer c'est d'en demander souvent jusqu'à faire mouche, arriver au prix à payer qui pose un vrai dilemme moral, ou au moins un dilemme mécanique franc : en l'occurence sacrifier nos habits n'a eu aucune incidence dans l'aventure, donc c'est un prix à payer faible, voire nul.)

Alors qu'on progressait dans le jeu, j'ai déroulé un par un mes conseils de maîtrise de base pour Inflorenza Minima ("enquêter, offrir, reprendre" et "D.E.U.S. Ex. Machina"), en lui demandant à chaque fois, comment il pouvait appliquer le conseil en fonction de la situation. Ainsi, pour "enquêter", j'ai dû lui demander comment il pouvait chercher à en savoir plus sur mon personnage, et il a utilisé Pisse-Coing pour me dire : "Est-ce que tu connais quelqu'un à la cimenterie qui pourrait t'aider ?" et j'ai repondu : "Mon papy, parce qu'il a plein de connaissances et il connaît le chemin pour Lourdes.", et ça ça été générateur d'aventure, ça m'a créé une ressource et une attache qui ont fait à deux reprises l'objet d'un dilemme moral (quand il a fallu choisir entre prendre la route où seul le papy pourrait survivre et celle ou seule la chamane pute pourrait survivre ; et quand j'ai décidé d'offrir mon papy pour guérir de la maladie.)

Huldugarn s'est très bien réapproprié l'univers, il s'en est très bien sorti sans moi pour ça. En revanche, j'ai constaté un problème majeur dans l'application des règles d'Inflorenza minima : il avait tendance à me proposer des dilemmes faibles (choix entre deux solutions toutes deux ne présentant que des avantages et aucun inconvénient ; ou choix entre une solution très pourrie et une solution avantageuse), et quand il me proposait un dilemme moral pertinent (choix entre passer par la forêt avec ses dangers biologiques et par la route avec ses brigands), il avait tendance à casser lui-même le dilemme en validant toutes mes propositions tactiques. Le plus compliqué et le plus intéressant fut donc de l'orienter vers une maîtrise qui fasse fi des bonnes idées tactiques des joueurs (on les contourne ou on les invalide à chaque fois que c'est possible) et aille vers des vrais choix cornéliens. Je pense que c'était lié à son trac de débuter, et aussi au fait que le jeu moral sans concession prôné par Inflorenza minima est une gymnastique qui nécessite un apprentissage.

C'était pour moi une expérience très intéressante sur le partage des responsabilités. Je suis loin de prétendre qu'on était complètement dans le jeu parce que j'abandonnais ma combativité à chaque fois que je proposais à Huldugarn de compliquer la vie de mon personnage, mais j'ai quand même eu un pincement au cœur quand j'ai décidé d'abandonner mon papy, et surtout ça me semble une excellente façon d'enseigner la maîtrise, que j'apprécierais de réitérer avec une nouvelle personne apprentie d'Inflorenza minima, en l'enregistrant cette fois-ci (cela nous avait été impossible pour des raisons techniques).
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Message par Pikathulhu »

LE SECRET DU GRAND CERF BLANC

Trahisons et allégeances dans un Millevaux primal où les hommes ont perdu la raison et où les horlacs font régner l'effroi.

Jeu : Millevaux ; Âge de Pierre, le jeu de rôle du retour à l'état primal, par Michel Poupart.

Joué le 13/02/2016 au festival CLIPP à Le Sourn (Morbihan)
Personnages : Broli, Feu, Cendre, Le Balafré


Image
crédits : Mark Dumont, nessie grace, Travis S, licence cc-by-nc & library of congress, domaine public


Le contexte :

J'ai joué les trois quart du scénario Un amour éternel présent dans le jeu. Il tient place dans le Domaine du Cerf Blanc, une vallée contrôlée par un Dieu Cerf que seul le chamane du Peuple de la Pierre peut voir. Le Peuple de la Pierre bénéficie de sa protection, tandis que le Peuple du Bois, qui rejette l'existence ou l'autorité du Dieu Cerf, survit dans les bordures de la vallée.


L'histoire :

Depuis que le Peuple de la Pierre vit sous la bénédiction du Grand Cerf Blanc, l'hiver n'avait jamais été aussi rude.
Rhag, le guerrier le plus fort de la tribu, le chef du peuple, a fait venir deux hommes de confiance dans sa caverne, la plus grande du domaine. Derrière lieu, à la lumière du feu, dansent les peintures rupestres qui content les chasses de leurs ancêtres. Aux côtés de Rhag, sa femme Dyem, jeune, belle, rousse et leur enfant de cinq ans. Le chef les regarde avec une grande affection. Puis il s'adresse à ceux qu'il a fait venir : Broli, le plus fort guerrier après Rhag, et Feu, le gardien du foyer. Alors que les prédateurs sont rares dans la vallée, un monstrueux ours à trois cornes a fait son apparition. Il a emporté plusieurs chasseurs, seul l'un d'eux est revenu, sous le choc, pour témoigner. Rhag veut qu'ils trouvent et tuent cet ours, alors leur exploit sera peint sur la caverne.

Broli et Feu emportent quelques affaires et se mettent en piste vers le nord, là où l'ours a attaqué la dernière fois. Il y a un mètre de neige, les arbres dépassent à peine et ils sont tous blancs : le paysage est méconnaissable, tous les repères sont faussés. Feu fabrique des semelles en écorce pour marcher sur la neige.

Sur le trajet, Broli perd sa masse qui tombe dans une crevasse. Ils repèrent une aiguille de pierre qui ressemble à la lance d'un géant, et décident de continuer leur route. Ils découvrent une caverne qui pourrait être l'abri de l'ours, mais il y fait trop sombre pour qu'ils voient ce qu'il y a l'intérieur. Ils allument un feu à l'entrée. Un grognement point de l'intérieur, mais ils comprennent que c'est un humain qui imite maladroitement un ours. Ils font cuire de la viande. La personne s'approche alors pour exiger un morceau. C'est une femme, vêtue d'une peau de loup noir, au visage couvert de cendre. Broli songe à la violer, mais avant il essaye d'en savoir plus sur elle. Elle s'appelle Cendre, et elle vient du Peuple du Bois, ceux qui ne reconnaissent pas l'autorité ou même l'existence du Grand Cerf Blanc, et vivent en bordure de la vallée, harcelant de temps à autre les membres du Peuple de la Pierre. Cendre prétend qu'elle était là en éclaireur. Elle leur propose de tuer l'ours et de la faire intégrer le Peuple de la Pierre, où elle pense qu'elle sera mieux nourrie, au de pousser l'ours à massacrer le Peuple de la Pierre et ensuite d'aller avec elle dans le Peuple du Bois pour y être traités comme des héros. Les propositions de Cendre ébranlent leurs convictions. Broli cherche à la sonder, mais au lieu de ça il en tombe amoureux.

Ils retournent à la crevasse pour récupérer la masse de Broli. Broli tend une corde et Feu descend dans la crevasse. Il doit lâcher la corde pour descendre tout au fond et récupérer la masse. Il est alors attaqué par un ver blanc de deux mètre de longs doté d'un sphuncter à crocs. Il arrive in extremis à remonter à la corde alors que déjà une dizaine de chuintements annonce l'arrivée d'autres vers. Tout en le remontant, Broli fait saillir ses muscles pour impressionner Cendre. Il est tellement absorbé par sa parade nuptiale qu'une fois qu'il a remonté Feu, il lâche la corde dans la crevasse.

Ils courent jusqu'aux abords du domaine du Peuple de la Pierre et se cachent dans un bosquet. Broli monte à la cime d'un arbre. Après un peu d'attendre, ils voient venir l'ours à trois cornes : gigantesque ours polaire avec une corne frontale et deux défenses. Ils attendent de voir s'il s'en prend à un membre du Peuple de la Pierre. Justement, Dyem, la femme du chef est dehors à ramasser du bois. L'ours se rue vers elle et ils laissent faire. Il lui avale la tête et secoue son corps comme un jouet, ils laissent faire. Il lui démonte une jambe dans un grand craquement, ils laissent faire. Il arrache ses viscères et joue avec, Broli détourne le regard. Une troupe de guerriers sort des cavernes en courant, Rahg à leur tête. C'est le moment de se faire passer pour des héros. Feu sort de sa cachette et attire l'ours à lui. Il passe sous l'arbre, et Broli saute de la cime et abat sa masse de tout son poids sur le crâne du monstre.

Rahg est ivre de douleur ; mais il est persuadé que Feu et Broli sont arrivés juste à temps. Une des guerrières, Roche, celle qui a le visage gris et creusé et des dreadlocks sur la tête, et qui est promise à épouser Feu, met en doute la bravoure des deux hommes. Feu la défie et Roche laisse tomber l'affaire. Mais elle se refuse désormais à épouser le gardien du foyer.

Ils rentrent au cœur du village ; on fait un grand banquet pour se repaître de la chair de l'ours. Le chamane préside aux cérémonies. Il est vêtu de peaux de bêtes diverses et son visage est masqué par une plaque d'écorce de bouleau, sans ouverture pour les yeux ou la bouche. Il arrache le coeur de l'ours, si plein de force qu'il bat encore. Broli explique aux autres que c'est l'astuce de Feu qui a permis de tuer l'ours, alors le chamane tend le coeur à Feu pour qu'il le mange et s'asperge de son sang, désormais il sera lui aussi reconnu comme guerrier et aura le droit de porter une arme (il en avait déjà une, une dague de silex, mais il n'aura plus besoin de la cacher).
Alors qu'il mange le cœur de l'ours, Feu a une terrible vision. Il se voit dans une forêt étrange, il voit le Grand Cerf Blanc, qui est constitué d'une seule matière blanche, sans aspérité et sans poils, mouvante. Ses bois sont toujours en mouvement. Il a accès à la conscience de l'ours qui lui dit que le Grand Cerf Blanc l'a créé pour mettre à l'épreuve le Peuple de la Pierre.

Feu dit au chamane qu'il a vu le Grand Cerf Blanc. Le chamane fait danser un enfant drogué autour du feu pour distraire le peuple de son absence et entraîne Feu à l'écart dans sa hutte : une construction en terre sans fenêtre. Il s'enferme dedans avec lui, si bien que l'obscurité y est totale. Il parle en changeant de voix tout le temps : impossible de savoir si le chamane est un homme ou une femme. Il lui explique qu'il est interdit de voir le Grand Cerf Blanc si on n'est pas soi-même chamane, mais qu'il peut fermer les yeux si Feu se montre coopératif. Il lui demande de lui expliquer à quoi ressemble le Grand Cerf Blanc. Feu se demande si le chamane a jamais vraiment vu leur dieu en réalité. Le chamane lui propose de devenir son apprenti. Il pourra faire bien des choses de chamane, sauf voir le Grand Cerf Blanc.
Feu a beaucoup souffert pendant leur mission ; il est mentalement et physiquement affaibli. Le chamane lui offre de faire une purge pour rétablir l'équilibre de ses forces internes. Il le fait danser sur lui-même jusqu'à ce qu'ils entre en transe, et ils se retrouvent alors tous les deux dans les forêts limbiques. Tout est en négatif. Les arbres sont noirs et derrière eux règne une obscurité laiteuse. Feu voit trois femmes rôder dans les parages. Il y a Dyem, en charpie, mais bien vivante. Il y a aussi Cendre d'un autre côté, et Roche, plus loin. Le chamane explique que ce ne sont pas vraiment elles, mais leur esprit, et qu'il faut qu'il se dépêchent de sortir avant d'attirer l'attention des horlacs, les monstres qui hantent les mondes. Mais Feu insiste pour aller parler à Cendre. Elle semble comme hypnotisée et c'est facile de lui faire dire la vérité. Elle leur explique qu'elle comptait nuire au Peuple de la Pierre, par exemple en tuant Rahg ou le chamane, mais qu'elle pourrait changer sa loyauté si on lui faisant une offre généreuse.
Ils se font alors attaquer par un horlac : un sanglier à tête de bombyx. Feu parvient à décapiter le monstre, et il garde sa tête en trophée.

Alors ils reviennent dans la fête. Chamane marie Cendre et Broli, et offre à Cendre le rôle d'Exécutrice : elle aura le droit de porter une arme et sera chargée d'éxécuter tous ceux qui médisent sur le Grand Cerf Blanc et essayent d'entrer en contact avec lui. Cendre et Broli auront aussi le statut de parents : ils pourront veiller sur les enfants du village, et aussi leur confier des tâches.

C'est l'heure des funérailles de Dyem. Rahg est en larmes. En tant que héros de la journée, c'est à Feu qu'il échoit d'allumer le bûcher funéraire. Dyem est allongé sur un radeau de bois placé au bord du lac gelé. Sa tête a été extraite du ventre de l'ours et recousue à son corps, son ventre aussi a été recousu. Elle a un aspect horrible. Alors qu'il penche sa torche sur elle, il la voit ouvrir les yeux et le fixer ! Il met vite le feu au radeau pour que personne d'autre ne voit ça. Les guerriers poussent le radeau au lac, et comme il brûle, il fait fondre la glace et s'avance dans le lac, jusqu'au moment où il coule.

Le lendemain, Rahg convoque Feu et Broli dans sa caverne. Rahg veut braver un interdit du chamane et ramener sa femme bien-aimée du monde des morts. Il leur promet de régner sur le Peuple de la Pierre à ses côtés s'ils lui apportent son aide.

Il faut d'abord récupérer le corps de Dyem. Broli plonge dans les eaux glaciales du lac et aperçoit le cadavre calciné de la femme du chef au milieu de la forêt d'algues. Il le récupère, mais c'est alors qu'il est attaqué par un loutrodon : une loutre géante et carnassière. Il lui donne un coup de poing et arrive à l'étourdir juste assez pour remonter à la surface.

Avec Rahg, ils partent ensuite dans la forêt où vit le sage Sohoro qui pourrait les aider. Ils ont pris Cendre avec eux, Broli l'a mis dans la confidence. C'est une forêt inquiétante de noirs résineux, le sol est sombre et boueux. Le sage vit sous une grosse pierre posée sur deux petites. Il est très maigre, très vieux, très ridé, sa barbe n'est plus que fils blancs, il tousse beaucoup. Il veut bien ramener Dyem à la vie si Rahg promet de tuer le chamane une fois que ce sera fait. Rahg accepte le marché. Alors le sage aspire l'âme de Dyem de ses narines avec une paille, et il souffle l'âme dans une noix percée. Il tend à la noix à Rahg et lui dit qu'ensuite il faudra transférer cette âme dans un nouveau corps. Avant de pouvoir expliquer comment, il se met à tousser très fort. Broli essaye de calmer sa toux en lui tapant dans le dos, mais le vieillard crève. Rahg est désespéré.

Dans cette forêt, il n'y a plus de notion du temps. Difficile même de savoir s'il fait jour ou nuit. Est-ce ici le monde des morts ?
Broli et Cendre s'éloignent pour chasser. Broli veut faire l'amour avec Cendre, mais elle s'y refuse, elle ne veut s'accoupler qu'avec un brave parmi les braves, elle ne s'offrira à lui que s'il accomplit un exploit ; en tuant une bête, un homme ou un monstre très fort, et sans employer la ruse comme il l'a fait avec l'ours.
Ils découvrent une bête qui s'abreuve à un lac. C'est un immense bouc avec des cornes très longues, il est très décharné, on voit tous ses os. Broli charge le monstre et il parvient à lui éclater le crâne. Cendre plaque Broli dans la carcasse du bouc zombie, elle lui arrache ses peaux de bêtes et le prend sous l'ombre de la cage thoracique putride du monstre.
Feu et Rahg sont restés près de la pierre du sage, à veiller le mort. Feu a créé un foyer. Des masses laiteuses sortent de terre dans un bruit de succion, elles portent des béances noires commes des bouches et de yeux et se regroupent autour d'eux pour s'en prendre à leur énergie vitale. Feu arrive à les évaporer à coups de torche enflammée.

De retour à la caverne de Rahg. Rahg a passé une semaine dans un état de dépression lamentable, aux yeux de beaucoup il n'est plus digne d'être le chef. L'un des guerriers, Ourgh, planifie même le moment où il le défiera en combat singulier pour prendre sa place. Mais ce jour, Rahg a retrouvé un peu de sa superbe. Il a convoqué ses fidèles Broli, Feu et Cendre, et aussi le Balafré, le meilleur chasseur de leur peuple. Il y aussi la guérisseuse, une vieillarde au corps nu couvert d'une gangue de terre séchée. Elle leur fait promettre de ne rien dire au Chamane, puis elle dit qu'il a eu une vision du Grand Cerf Blanc, et il lui a dit qu'il était encore possible de retrouver le sage Sohoro, dans les forêts limbiques.

Broli et Feu vont voir le chamane pour savoir comment passer dans les forêts limbiques, au titre que le Balafré veut y revoir sa femme, tuée par un ours. Le chamane leur explique qu'on peut, par exemple, passer par la cage thoracique d'un homme ou d'un gros animal.

Broli poursuit Cendre de ses ardeurs. Mais elle ne s'offrira à lui à nouveau que s'il réédite un exploit martial. Alors Broli plonge dans le lac et au terme d'un combat homérique, en ressort avec le corps du loutrodon.

Le chamane, avec l'aide de feu, évide la carcasse du monstre pour créer une sorte de tunnel vers les forêts limbiques. Il est temps de partir en expédition. Rhag, Ourgh, le Balafré et Cendre les accompagnent, mais pas Broli, en piteux état suite à son combat contre le loutrodon.

Le voyage dans le corps du loutrodon semble durer une éternité. Au bout d'un moment, le tunnel de chair et d'os se divise en plusieurs sections, une par endroit où on peut désirer se rendre. D'abord, ils prennent la section qui conduit à la femme du Balafré. Ils la trouvent installée dans les branches d'un arbre tout blanc que Feu estime être fait de la même matière que le Grand Cerf Blanc, à croire que c'est un de ses avatars. Le Balafré monte dans l'arbre. Sa femme a le visage dépiauté, elle veut l'embrasser, mais le Balafré se refuser à l'embrasser à même la chair. Il sait qu'il ne le reverra plus, il veut juste qu'elle lui dise où est l'ours qui l'a tué. Elle dit qu'il s'agit d'un ours apprivoisé par le Peuple du Bois et dressé à tuer les membres du Peuple de la Pierre. Le Balafré désire maintenant plus que tout se venger du Peuple du Bois. Il manque de combattre Cendre, mais elle lui donne des indications pour trouver l'ours et rappelle sa nouvelle allégeance. Alors le Balafré s'en retourne.
Cendre se sait enceinte des oeuvres de Broli, elle demande au chamane de la conduire à un endroit où elle pourrait voir à quoi ressemble son enfant. Le chamane dit qu'il ne faut plus perdre de temps dans ces forêts limbiques hantées par les horlacs, mais elle insiste. Il prennent une autre jonction et arrivent à une mare souterraine. Cendre plonge la tête sous l'eau et voit son enfant à l'âge de dix ans : c'est une fille au regard décidé, le visage couvert de terre ocre. Elle s'appelle Rouge. Ils sont attaqués par un horlac, un chauve-souris à tête de cheval et à pattes de moustique. Ils arrivent à le tuer, dans un éclat de pus blanc.

Rahg insiste maintenant pour que le chamane les conduise à Sohoro. Ils repartent dans les tunnels de chair et d'os. Feu, qui complotait contre le chef avec Broli depuis un certain temps, explique au chamane qu'il y a un coup à jouer. Alors ils s'enfuient dans les tunnels, abandonnant Rhag et Ourgh, qui ne pourront sans doute jamais sortir par leurs propres moyens. On dira qu'ils se sont entretués, puisqu'Ourgh était un rival notoire de Rahg. Juste avant de sortir, Feu éclate aussi le crâne du chamane.

Avec Broli et Cendre, ils vont maintenant être les seuls à pouvoir prendre en main la destinée du Peuple de la Pierre.


Commentaires sur le jeu :

Le principe du But commun est sympathique. Au début, j'ai proposé aux joueurs "Servir le chef", ce qui m'arrangeait pour qu'on suive le scénario, axé sur le chef et son épouse, mais il s'est avéré que les joueurs ne souhaitaient pas lui prêter allégeance coûte que coûte, et en cours de jeu, avec l'arrivée du joueur du Balafré, le but commun est devenu "trahir le chef".

Michel écrit souvent des scénarios assez linéaires, mais en fait ça s'est avéré un plaisir à maîtriser. Quand on lit ses scénarios, on pourrait aussi bien lire une histoire, donc je suis parti du principe que c'était l'histoire si les persos ne faisaient rien (ou faisaient exactement ce qu'on leur disait de faire). J'ai commencé au tout début, à l'arrivée de l'ours à trois cornes. Quand on lit le scénario, on pourrait croire que l'ours est tué avant que le jeu commence, mais comme l'ensemble du scénario peut être lu comme une histoire au passé, en fait je peux commencer où je veux. Une fois que les personnages sont en place, ça devient une uchronie. Quand les joueurs m'ont annoncé qu'ils voulaient attendre que l'ours à trois cornes aient fait quelques victimes avant de l'attaquer, j'ai usé de cruauté en faisant que sa première victime soit la femme du chef (dans le scénario, la femme du chef est tuée par des membres du peuple du bois) = première uchronie qui met les personnages dans le rôle des méchants.

J'ai joué Âge de Pierre comme un jeu de rôle tactique, et je crois que c'était la meilleure chose à faire. Les joueurs devaient surtout gérer leurs ressources, leurs allégeances, et se préparer un avenir.

Le système de résolution est bien sympathique, c'est une sorte de Ghost/Echo, mais en plus détaillé, et donc qui crée plus de jeu. Le fait que les joueurs aient le choix entre encaisser des pertes ou blessures et perdre des points de vie est intéressant. Au final, ils ont souvent choisi de perdre des points de vie, mais cela se ressent dans le compte-rendu : à un moment, Broli devient injouable, et son joueur endosse alors le rôle de Cendre, ce qui fait d'ailleurs évoluer la situation : on part de Broli qui veut presque violer Cendre, puis qui en devient amoureux, puis qui doit subir une forme de chantage sexuel, puis on joue Cendre qui éprouve de la curiosité pour son nouveau né. On peut arriver à des situations contrastées même avec des personnages très bruts au départ.

J'ai fait une pause en milieu de jeu, où j'ai permis aux joueurs de remonter à 3 pierres bleues + 3 pierres rouges + les pierres grises qu'ils avaient économisées, j'estimais qu'ils avaient fait l'équivalent d'une aventure et qu'ils avaient le temps de prendre du repos avant la révélation de la guérisseuse.

Enfin, jouer dans l'univers de Millevaux avec une couleur âge de pierre donne un cachet formidable aux aventures. Je me suis régalé à déployer cette esthétique.
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Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] Les offrandes de guérison.

Huldugarn nous confie comment s'est déroulé sa première partie de Millevaux, menée avec Inflorenza Minima, avec ses réussites et ses problèmes.

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crédits : Al_HikesAZ, Anita363, julochka, reasonable excuse, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
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Message par Pikathulhu »

LE PÊCHEUR ET LA BALEINE

Une de ces vignettes poignantes qui font le plaisir de jouer à Marins de Bretagne.

Jeu : Marins de Bretagne, un jeu de conte et de rôle dans une Bretagne imaginaire.

Joué le 24/10/2015 au Festival Les 24 H du Jeu à Theix (Morbihan)
Personnages : le pêcheur, la famille, la baleine


Image
illustration : Agénor Le Ruyer, tous droits réservés


L'histoire :

Le pêcheur s'apprête à quitte le port pour aller chasser la baleine.
Sa famille s'y oppose.
"C'est trop risqué, nous avons peur de te perdre.
- Mais je dois vous nourrir.
- Nous ne voulons plus que tu prennes autant de risques pour nous. Nous allons nous débrouiller, tu travailleras la terre, et nous nous trouverons tous des métiers à notre mesure.
- Mais, j'ai besoin d'y aller !
- Alors, puisque c'est ta passion, nous allons te laisser y aller une dernière fois, si tu nous promets que c'est bien la dernière fois.
- Je promets."

Le pêcheur rassemble un équipage de marins qu'il convainc de tenter l'aventure avec lui. Ensemble, ils mènent leur bateau jusqu'aux eaux lointaines et tempétueuses où vit la baleine.
Le combat contre l'animal fait rage. La baleine écrase le bateau et tous les marins se noient, sauf le pêcheur qui arrive à monter à bord d'une chaloupe.

La baleine lui dit :
"Ne me chasse plus. Je veux vivre. Promets-moi que tu ne pêcheras plus."

Et le marin promet, puis il rame, pour rentrer au port, seul.


Temps de jeu :
1/4 d'heure.
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