J'ai terminé hier ma... dixième ? (je crois) partie dans ma campagne Marvel Heroic Roleplaying.
Cette campagne consiste à adapter la série de comics de Marvel comics qui forme ensemble une longue histoire/intrigue, soit
Messiah CompleX,
Messiah War et
Angels & Demons, joués pour le moment
Ma première difficulté est d'adapter le rythme et la manière de raconter d'un comics à un format jeu de rôle. De ce côté là, la mécanique de Marvel Heroic est assez spécifique avec son découpage en scène d'Action et de Transition, groupées en Actes (cela a un impact mécanique dans le jeu).
Dans ma manière de préparer les scénarios, ce découpage est quelque chose qui est devenu central. J'insiste sur son importance car ce découpage conditionne la manière dont le Doom Pool va évoluer et/ou sera utilisé, l'attrition des ressources des personnages et leur capacité à endurer les conflits.
La mécanique de Marvel Heroic Roleplaying apporte ici un effet difficile (pour moi) à deviner initialement mais qui s'est révélé assez intéressant (ou encombrant si vous n'aimez pas). Par exemple, si vous alternez de manière stricte scène d'Action et de Transition, vous obtenez une partie où les personnages, en règle générale, restent efficaces tout au long du jeu, les transitions leur permettant de purger le stress accumulé lors de la scène d'Action précédente.
Toutefois, si vous voulez créer de la tension et un phénomène d'usure, il suffit d'enchaîner deux scènes d'Action sans Transition (deux, ou plus...). Le stress accumulé ne se purge plus aussi facilement (voire pas du tout) à part pour les personnages dont la résistance au stress est leur thème qui est alors renforcé.
La gestion du Doom Pool est aussi liée à l'enchaînement et la nature des scènes. Le Doom Pool peut servir comme réserve de "dés-bonus" (pour faire simple) pour les PNJs mais va aussi servir de difficulté générale face aux actions des joueurs.
En conséquence, le MJ peut (devrait ?) gérer son Doom Pool pour le faire peser sur le jeu au moment où il veut amener de l'intensité, ou de la difficulté.
Ceci suppose avoir une idée de ce qu'on veut, donc d'anticiper, ce qui renvoie à la préparation ou au moins une idée assez claire de "la fin" de chaque Acte.
Plus clairement, si un Doom Pool élevé est effectivement un avantage pour les PNJs lors de combats, mes joueurs ont aussi vite réalisé qu'il devenait en outre un problème sérieux dans les tests hors combat. En effet, lors de ces tests, le pool assemblé par le joueur est généralement moindre (les superhéros ont souvent des pouvoirs variés pour la baston mais sont moins équipés pour l'enquête ou l'interaction et ont souvent des pools plus restreints).
On a fini par rire de ce phénomène de difficulté lié au Doom Pool en caricaturant "à force de voir le Doom Pool monter, tu rates même quand tu dois lacer tes godasses".
Mais pour revenir à la préparation des parties, en ayant le Doom Pool en tête lors du choix de l'enchaînement des scènes, on peut "préparer le terrain" pour une situation tendue. Ainsi, si on case une scène d'Action (où on lance typiquement plus souvent les dés, ce qui statistiquement fait monter plus souvent/facilement le Doom Pool) suivi par un test contre le Doom Pool avec un enjeu notable, les joueurs se retrouvent avec une difficulté assez élevée. Si on néglige cet aspect, le désamorçage de bombe à la dernière seconde peut être d'une facilité déconcertante (Doom Pool faible).
Évidemment, cela marche aussi dans l'autre sens. Et après une scène d'Action où les joueurs et leurs adversaires ont sorti les tripes, le Doom Pool est peut être tellement bas que les actions contre ce Doom Pool sont triviales. Et c'est pas plus mal.
J'ai ainsi eu un cas en jouant Messiah War où le groupe a souffert face à Stryfe mais, ayant dû vider le Doom Pool pour faire tenir ce PNJ seul face à quatre héros, le reste (qui se jouait contre le Doom Pool), fut de la rigolade.
Par ailleurs, pour la gestion de la difficulté, le système de jeu n'ayant pas d'absolu (pas de "et là, il est totalement invulnérable à cette attaque"), il est difficile de créer une situation où un unique PNJ va tenir face à un groupe de joueurs.
Souvent, on peut se contenter de gonfler certaines carac' clefs de la mécanique de jeu pour qu'un PNJ soit franchement dur à abattre (une haute défense, un blindage puissant, une immunité à ci ou ça un sac de points de vie, les méthodes varient). Dans Marvel Heroic Roleplaying, certains SFX (des usages de pouvoirs) permettent de temporairement ignorer telle ou telle chose ou de se remettre d'un problème mais sont liés au Doom Pool.
Mais, face à la puissance de feu d'un groupe de joueurs, presque n'importe quel PNJ va se faire éclater en une passe ou deux. Un Doom Pool, même élevé, n'y suffira pas et va fondre à une vitesse hyperluminique.
Afin de créer des situations "délicates" et/ou les personnages sont mis en danger/ont du mal, il vaut sans doute mieux abandonner la facilité du "PNJ intuable" parce que c'est mécaniquement difficile à mettre en application.
Les situations où les joueurs eurent des difficultés furent celles où le groupe n'arriva pas tout entier en situation de combat avec une cible ou deux bien identifiées et bien en face. Dit autrement, la création de scènes d'Action où les joueurs doivent courir derrière plusieurs lièvres à la fois (diviser leurs efforts, ce qui a aussi un impact sur le dé d'Affiliation des personnages, le dé Team/Buddy/Solo) et multiplier les adversaires de puissance équivalentes et pas "le gros méchant et ses sbires qui font tapisserie".
Car si Marvel Heroic permet une forme de gestion des ennemis par paquet, ceux-ci ne sont pour autant pas nécessairement une menace suffisante à côté du "grand méchant", et vous aurez toutes les chances que le groupe entier se focalise sur la seule réelle menace. Et elle ne va généralement pas tenir (hors cas très particuliers)
Ainsi, hier, malgré la mise en scène, le "grand méchant" Bastion, pourtant assez puissant "sur le papier", a été dégagé en moins d'un round. Car la menace qu'il représentait dépassait largement tout ce qu'il y avait autour.
Bien que le groupe se soit divisé en deux pour courir derrière deux lièvres, les trois personnages restant ont pu éliminer le méchant facilement. Facilement, ce qui ne veut pas dire sans le payer, y a du Plot Point qui a été dépensé.
Sur ce cas précis, j'avais parié sur une division en trois des ressources des joueurs mais ils ont atteint un premier lièvre (trop) rapidement et n'ont plus eu alors que deux lièvres à attraper.
Le système d'expérience est particulier. Pour nos parties, je reste sur le simple achat de ressources supplémentaire et pas, jamais, sur la progression/augmentation des capacités propres du personnage. Dit autrement, les persos ne deviennent jamais plus fort mais ils élargissent leurs appuis parmi les PNJs. Aucun joueur ne s'en est plaint.
Par contre, cela suppose avant la partie d'avoir anticipé, préparé quelles sont ces ressources "débloquables" (le jeu utilise le terme "unlock"). Ensuite, le principe des unlocks finit par manquer de variété quand on accumule les parties. Quelle différence entre l'aide d'une équipe du SHIELD accordant Combat d8 comme ressource par rapport à, imaginons, la présence de Black Widow à vos côtés qui vous accorde... euh... Combat d8 ?
Donc sur les premières parties, c'est sympa. Après, les joueurs commencèrent à réduire les "unlocks" à leur bénéfice mécanique (ils ne débloquent/achètent plus une équipe du SHIELD mais une ressource Combat d8). Je commence du coup à élargir, développer du côté des "unlocks" et de ce qu'ils accordent.
Marvel Heroic Roleplaying est un bon système, qui permet de jouer rapidement et sans trop de jargon technique, à un jeu de superhéros. Il offre d'autre part une mécanique de gestion de l'effort, des paris et des choix lors des tirages de dés, une dynamique en jeu.
J'ai aussi eu des joueurs venus jouer ponctuellement et qui ont vite pigé le système (jamais eu besoin de réexpliquer en cours de partie).
Je trouve que le jeu demande une préparation bien meilleure des parties, côté MJ. On peut certes venir à la table avec une vague idée, broder au fur et à mesure et ça marchera, d'autant plus si vous êtes familier de la mécanique interne du jeu.
Mais je crois que le jeu y gagne (voire demande) avec une solide préparation, un enchaînement choisi des scènes afin de fluidifier la partie ou bien de provoquer une sensation "d'en chier" chez les joueurs, avec la gestion du Doom Pool à l'esprit.
Une dizaine de parties donc et le système reste toujours solide, sympa à jouer, fluide, simple mais avec une certaine profondeur technique
si on veut s'y intéresser (mais qu'on peut parfaitement ignorer, ce qui est d'ailleurs le cas dans mes parties, les joueurs utilisant essentiellement la mécanique "de base").
Le système est bigrement efficace pour des parties ponctuelles. On arrive à la table de jeu, on choisit son personnage dans ceux disponibles, il est déjà prêt donc y a pas de création de perso et on commence à jouer direct. Éventuellement, on achète des unlocks sympa en cours de jeu.
En campagne, le système souffre un peu. Les éléments "débloqués", ces unlocks, n'ont pas vocation à persister. Mais si ils ne le font pas, pourquoi investir des points d'expérience dedans ? Surtout si à côté et comme les règles le proposent, vous pourriez augmenter un de vos pouvoirs ou acheter une nouvelle spécialité. Car, là, vous gardez le bénéfice, toujours, et complètement.
On s'en sort dans ma campagne car elle est conduite (mécaniquement) comme une suite de parties ponctuelles liées thématiquement. Les éléments "débloqués" lors d'une partie sont perdus et l'expérience ne sert à qu'en racheter de nouveaux pour cette partie en cours (en sachant qu'ils seront perdus aussi) car les pesonnages ne peuvent pas (à dessein) faire monter leurs capacités propres.
Mais pour des MJs qui veulent une gestion plus intégrée de leur campagne, avec une persistance des avantages acquis ou comment les perdre, cela peut poser problème (on peut aussi ignorer cela, laisser les unlocks d'une partie à l'autre, cela conduit les personnages a avoir de vastes ressources à termes mais si c'est l'effet voulu, pourquoi pas ?)
Voilà... maintenant, j'ai Nation X à adapter pour début 2016.