Re: [cinEtic] Tentative de système ludico-narratif générique
Publié : lun. juin 14, 2010 6:43 am
On a fini de jouer l'épisode 3 dimanche dernier, en voici donc le compte-rendu.
Les Grottes
Joué en deux séances, cet épisode regroupait :
"Cancrela" – Camille Séquin, le bosco
"Grondarch" – Bernal Diaz del Equedo, sergent d'armes
Geoffrey – Arthus "le Diacre", maître-charpentier
(voir l'épisode 1) et deux "nouveaux" personnages :
Vincent - Robert Le Chemin, ou Roberto Loachamin, chirurgien
Personnage sympathique mais difficile à cerner, le chirurgien de bord est semble-t-il un galien d'origine palatine de culture vaguement réformiste : en réalité, ces distinctions lui importe bien moins que l'humanisme et la science. Atteint de paludisme, il fait périodiquement des crises spectaculaires.
"Argentarbre" – Lamoyapalani dit "Sourire", éclaireur opalin.
Petit type rondouillard et constamment joyeux, parlant un galique limité, cet indigène des îles Opalines a rencontré Camille le bosco lors d'un ancien voyage, est devenu son ami et a rejoint l'équipage du capitaine De Brédan. Pisteur habile et chasseur à la discrétion proverbiale, il a l'énervante habitude d'apparaître et de disparaître quand on s'y attend le moins.
Il nous manquait un cinquième joueur pour cet épisode, et comme Céline avait envie de rejouer, on lui a proposé d'incarner "Sourire", ce qui la changeait pas mal du redouté Sam le Sombre en terme de roleplay.
Le deuxième jour après le naufrage,
alors que l'expédition menée par d'Espantes vient de partir vers le Pic du Fanal, Camille le bosco et le sergent Diaz rassemble leur propre troupe : l'éclaireur "Sourire", Arthus, le chirurgien Le Chemin et les fantassins William Auguste de Montarlier dit "l'Héritier" -le jeune escrimeur galien- et Dorothéa "la Noroise" (une arquebusière aussi dure que jolie). Équipés d'un peu de matériel d'escalade (l'autre équipe a presque tout raflé), de vivres pour trois jours, de lances, de sabres, d'arcs (plus deux pistolets et un peu de poudre) et de pas mal d'éclairage, ils partent en début de matinée pour les grottes qui bordent la cascade, à trois heures de marche vers le nord-ouest.
Leur mission est triple : si l'objectif principal est d'inspecter les deux grottes encore non-explorées pour voir s'il serait possible d'y établir un campement plus viable que celui de la jungle (où les blessés et les malades commencent à s'accumuler de manière inquiétante pendant que les fourmis bouffent les réserves de nourriture et que la pourriture guettent le matériel), Corte-Real espère également qu'ils trouveront un passage vers le plateau et a très spécifiquement chargé le médecin de trouver un remède pour le capitaine (sinon ça va chauffer pour son matricule). Tous ses autres patients devront se contenter des soins des religieuses en attendant : les priorités du Second sont très claires et, parce qu'il soupçonne LeChemin d'être au mieux "incompétent", il lui a fait savoir qu'il répondait désormais de la santé du capitaine sur sa propre vie.
Suivant à nouveau les berges de la rivière en se gardant des crocodiles qui y paressent, le groupe avance depuis plus d'une heure, Robert LeChemin pénétrant ponctuellement dans l'épaisseur de la jungle à la recherche de plantes médicinales, malgré les consignes du sergent. Lors d'une de ces incursions pour farfouiller dans les buissons, il se retrouve soudain face à un tricorex : le chirurgien tente d'abord de reculer prudemment, mais découvre très vite que plusieurs autres créatures lui ont coupé la retraite. En fait, il y en a toute une bande (qui, comme toujours, sont attirés par toute la bonne viande bipède qui trainaille dans la jungle en faisant un boucan d'enfer) et, malgré les ordres du sergent, l'équipe se disperse au premier cri du chirurgien : Sourire contourne discrètement l'arc en main, Arthus fonce distribuer des coups de masse aux "poules à dents", Dorothéa sort son pistolet pour tenter de couvrir la retraite du charpentier, William s'avance un peu au hasard dans la jungle alors (ou "parce") qu'il n'a rien vu, Diaz et Camille restent sur la berge à chercher une bonne cible en tentant de coordonner ce bordel. Après que les créatures aient écopé de quelques gnons, quelques flèches et un coup de feu avant de s'être elles-mêmes organisées (la viande bipède est assez imprévisible), elles s'éparpillent dans les fourrés pour se regrouper. De leur côté, les explorateurs rassemblés sur la rive comptent quelques blessures légères et décident (enfin) d'agir de manière un tantinet disciplinée : désormais, le groupe avancera avec une avant-garde, une arrière garde, les armes prêtes et la défense expresse de sortir des rangs.
[En théorie, la voie vers la cascade a été "ouverte" lors de la première expédition aux grottes et les personnages peuvent donc l'emprunter presque sans risque en faisant simplement un petit jet de déplacement pour mesurer la fatigue globale, mais puisque le toubib prenait des risques inconsidérés malgré les ordres de Diaz, j'en ai profité pour leur rappeler la différence entre une expédition et une promenade...]
A un rythme plus que prudent, les tricorex les accompagnant à distance, ils atteignent finalement les falaises et la cascade pour une halte-déjeuner, se relayant pour monter la garde. [Les joueurs commencent à utiliser régulièrement la règle permettant de libérer de la Fatigue par une scène de repos/repas/glandouille, généralement une petite discussion roleplay sans dépense d'Énergie mais souvent accompagnée de Réactions.] Sa ration à peine avalée, Sourire "disparaît" pour une petite reconnaissance discrète : évitant soigneusement la jungle où rôdent toujours les méchants poulets, glissant de rocher en rocher, il dépasse la "grotte de la Merdaille" (celle où une colonie de chauves-souris a déposé une épaisse couche de guano) et commence à chercher des traces à l'entrée des deux autres cavernes, chacune éloignée de la précédente de quelques centaines de pas :
-la première semble habitée par quelque chose qui doit ressembler à un petit ours et abandonne des carcasses nettoyées dans les environs (notamment des squelettes qui pourraient bien être des tricorex, en plus petit).
-un petit ruisselet s'écoule de la seconde, dont l'entrée est plus étroite et semble étrangement vierge de toute trace animale : aucune créature ne semble en sortir ni s'en approcher, bien qu'elle ait l'air praticable. Il est vrai qu'une odeur vaguement "sauvage" s'en exhale.
L'endroit est en tous cas séparé de la jungle par un large pierrier, aisément défendable, alimenté en eau douce et pourrait constituer une excellente base-arrière... si les grottes sont praticables, bien sûr.
Lorsque le groupe y revient au complet, c'est évidemment beaucoup moins discrètement et l'expédition dérange cette fois une scène intéressante : une espèce d'ours court sur pattes traîne vers sa caverne le corps d'un jeune tricorex qu'il défend des griffes et des dents contre le reste de sa "famille". Les tricorex "adultes" décampent à l'arrivée des humains et, après avoir grogné à l'attention des explorateurs, l'ours fini de rapporter sa proie à ses petits qui grognent et jappent depuis l'entrée de la grotte pour saluer l'arrivée du dîner (pour ceux qui ont lu l'épisode 2, c'est évidemment une famille de "bouffe-tout"). Considérant qu'il serait mal venu de se fâcher avec la seule espèce locale qui semble plus agressive que les "poules à dents", cette seconde caverne est rapidement classée comme "inhabitable" et on passe naturellement à la suite...
La troisième grotte s'ouvre par un long boyau débouchant sur une grande salle vaguement ovale orientée est-ouest : peut-être 60 ou 80 pas dans sa plus grande longueur, en pente légère, des piliers de pierre et des stalagmites un peu partout mais -surtout- une large étendue d'eau claire profonde de peut-être un mètre où nagent des protées et de tout petits poissons blêmes, tapissée d'une sorte de mousse bleu pâle légèrement luminescente. Le plafond, très haut et très irrégulier, est hérissé de stalactites et se perd dans la pénombre. A l'autre bout de la caverne s'ouvre deux autres couloirs, au nord-ouest et au sud-ouest. Si le premier semble n'être rien d'autre qu'une haute faille étroite encombrée d'éboulis, le ruisselet qui alimente l'étang arrive par le couloir sud, que parcours aussi un petit courant d'air chargé d'une déplaisante odeur de... chien mouillé ?
Alors que l'équipe dépose son matériel et discute de ses options, l'Héritier pousse un cri d'effroi : il vient d'apercevoir dans l'ombre la plus grosse araignée qu'il ait jamais vu. Pendant que ses camarades ricanent, Diaz s'informe : "Grosse comment, ta bébête ? _Heu... le corps comme deux poings et les pattes qui dépasseraient d'une grande assiette, sergent. _Ha ouais, quand-même..." Les ricanements nettement refroidis par cette annonce, on allume une lanterne et quelques torches supplémentaires pour y voir un peu plus clair et, en effet, une arachnide roussâtre de presque une coudée de diamètre est surprise par la lumière avant de se carapater dans une anfractuosité.
De son côté, Sourire s'est avancé dans le couloir sud-ouest, dont la forte pente et le cours d'eau indiquent qu'il rejoint probablement le plateau, lorsque sa torche révèle un nid de ces déplaisantes araignées : agrippées les unes aux autres dans un creux entre des stalactites, au moins une dizaine d'entre elles s'éveillent et s'éparpillent pour fuir la lumière. Surpris (et pas franchement rassuré), l'Opalin agite sa torche et sent avec effroi l'une des bestioles lui tomber dessus. Il s'en débarrasse vivement, déguerpit et rejoint le gros de la troupe pour prévenir son ami "Cami' Bosso" qu'il y a plein de méchantes araignées dans le boyau. En dehors de Dorothéa (que les araignées n'inquiètent pas particulièrement), le reste des aventuriers n'en mène pas large non plus : si se sont les arachnides qui tiennent les animaux de la jungle à distance de la grotte, c'est qu'elles sont sans doute dangereuses, et il semble y en avoir un sacré paquet à rôder dans les ombres.
Robert LeChemin, qui trouvait malin d'effrayer le Diacre en lui jouant "la petite bête qui monte" dans le dos manque d'ailleurs de se prendre un bon coup de la masse du charpentier. L'équipe ayant un peu de mal à se mettre d'accord sur un plan commun, elle fini par se disperser en deux groupes : LeChemin (qui est très motivé pour atteindre le plateau et trouver un remède), Camille et Dorothéa exploreront le passage sud-ouest pendant que les quatre autres installeront une garde minimale à l'entrée de la caverne (l'Héritier est désigné, vu qu'il préfère apparemment rester le plus près possible de l'extérieur) pendant que Sourire et Arthus soufflent un peu et que le sergent envisage vaguement d'aller voir où mène l'autre tunnel...
Ils sont d'ailleurs encore en train d'en discuter lorsque l'Héritier arrive en chancelant par le boyau d'entrée, réussit à balbutier "sergent, je crois qu'on a un probl..." et s'écroule face contre terre, une méchante fléchette plantée dans le cou. [Même dans un système qui récompense le roleplay, des fois, le MJ se lasse des bavardages.]
Immédiatement, c'est le branle-bas de combat, arc et pistolet se pointent vers le couloir d'entrée, Arthus saisit l'Héritier inanimé et le traîne hors du passage tout en dégageant sa fidèle masse... lorsque un groupe d'indigènes agressifs déboulent dans la caverne : à peu près nus, tatoués de grands aplats noirs, mêlant aux hommes quelques femmes musclées, ils sont une 15aine et brandissent des arcs, des lances et des casse-têtes. Alors que l'affrontement semble inévitable, Arthus le Diacre dégaine sa bible et, fort de sa foi inébranlable, admoneste les sauvages. Sa voix vibrante résonne dans la caverne, son sermon irradie la détermination et -incroyablement- les indigènes se figent, impressionnés.
Après un moment de flottement, un jeune sauvage assez énervé qui semble être le chef (il porte en parure des dents et des plumes de Tricorex) commence à leur crier des sons incompréhensibles et à faire de grands gestes un peu plus éloquents... mais les aventuriers n'ont pas très envie de lâcher leurs armes pour autant. Des hommes s'avancent vers eux pour se saisir de leurs armes, le jeune chef des sauvages continuant de crier sur le Diacre, qui le sermonne en retour. Si Sourire se laisse finalement arracher son arc des mains et Arthus pose sa masse en signe de bonne foi, Diaz n'a pas l'habitude de se rendre et fait des difficultés... Il reçoit un coup de poing, le rend et lorsque son adversaire lève son casse-tête sur lui, le sergent dégaine son pistolet et l'abat sur place : stupeur générale ! Confusion chez les insulaires, dissension chez les explorateurs (c'est que le Diacre, notamment, croyait vraiment à des pourparlers), le jeune chef lève sa massue et... le Diacre lui saute dessus, le saisit par le cou et le prend en otage ! Sourire esquive un adversaire, bondit et ramasse son arc pendant que le sergent tente de tenir les autres en respect rapière et pistolet (vide) en main. Sur ordre du sergent, l'Opalin ramasse William toujours inconscient et les membres de l'expédition reculent prudemment vers la partie sud-ouest de la grotte où l'élévation de terrain, l'essentiel du matériel et quelques gros rochers pourraient fournir un début de défense.
Les sauvages continuent d'avancer en brandissant leurs armes mais, entre leur camarade foudroyé par l'étrange arme-tonnerre et leur chef pris en otage, il ne se décident pas à donner l'assaut. L'otage se débat d'ailleurs sans parvenir à se dégager des solides bras du charpentier qui l'étranglent de plus en plus et, quand son visage commence à virer au violet sous les tatouages faciaux, le Diacre lui laisse reprendre juste assez d'air pour montrer à tous que s'il pourrait aisément le tuer, il pourrait aussi ne pas le faire... Tous les combattants se jaugent, Sourire dépose l'Héritier derrière un roc et encoche une flèche, personne ne se résoud à attaquer...
[Bien que ne maîtrisant pas encore complètement le système pour la plupart, les joueurs ont déjà intégré la liberté d'action que leur offre les règles et annoncent régulièrement des tentatives variées en jetant des regards interrogateurs au MJ qui, après leur avoir confirmé que "oui, c'est possible", leur explique "comment". En l'occurrence, dans cette scène, nous avons utilisé plein d'options de Duel :
-les Sauvages étaient au départ traité comme un groupe relativement indéfini (puisqu'ils n'étaient pas vraiment "décomptés" et qu'il pouvaient y en avoir d'autre dans le tunnel) dont je détachais au besoin un adversaire individualisé (par exemple le jeune chef ou celui qui a échangé des gnons avec le sergent)
-le sermon du Diacre était techniquement une "attaque psychologique", fonctionnant comme un "tir de suppression" ou une attaque d'intimidation : les dommages psychologiques contre le groupe d'indigènes (Échelle 2, donc divisés par 2 mais assorti d'un bonus pour l'aplomb du Diacre) réduisent d'autant le pool des attaquants, mais ce genre de dommages se régénèrent vite si les combattants ont un meneur. Dans notre cas, l'attaque fût telle que tout le groupe a vu sa Mise réduite de presque la moitié d'entrée de jeu, et a suffi à briser l'attaque prévue : comme les PJ eux n'avaient prévu que de se défendre, ça a produit un beau mexican stand-off !
-le bref échange de coups entre le sergent et l'indigène venu le désarmer a été réglé en Duel individuel, mais si le sauvage n'attaquait pas à fond, le sergent lui a misé entre "Initiative" pour placer son attaque avant que la massue ne frappe et en "Attaque" pour tirer quasiment à bout portant contre un type qui n'avait quasiment pas de défense : blam, mort sur le coup.
-la prise du Diacre sur le chef était une "manœuvre offensive" : Arthus avait la priorité et réparti sa mise entre l'attaque et une grosse manœuvre et, l'attaque ayant porté, les points de manœuvre immobilisé autant de points chez l'adversaire (au départ, c'était donc une "immobilisation"). A chaque tour, le jeune homme luttait avec ce qui lui restait de mise pour échapper au charpentier, mais celui-ci défendait pour garder sa prise et attaquait pour étrangler, infligeant des dommages "choc" en cascade qui, en trois tours, ont amené le sauvage au bord de l'inconscience (au delà, ça fait des blessures). Au passage, le Diacre a ainsi neutralisé le leadership des indigènes et ceux-ci étaient plus ou moins réduits à l'expectative tactique : si les PJ avaient foncé dans le tas ou commis une grosse faute, ils auraient peut-être agi mais là, ils n'arrivaient pas à prendre une décision.
-lorsqu'ils ont commencé à reculer, c'était notamment dans l'espoir de conquérir une position défensive : défaussant une partie de leur mise pour se déplacer, les PJ voulaient gagner une zone du terrain qui leur offre quelques jetons de bonus pour la défense. Mais finalement, les négociations ont repris avant qu'ils y parviennent...
Enfin, j'ai jugé que c'était le bon moment pour un cliffhanger et nous sommes alors passé à la scène occupant le reste du groupe.]
Dans le tunnel sud-ouest, Camille, Dorothéa et LeChemin progressent péniblement : le boyau encombré de rochers monte en suivant des tours et détours infinis, les cailloux humides roulent fréquemment sous leur pas, de grosses araignées jaillissent inopinément des recoins pour fuir la lueur des torches et quand on ne dérape sur la mousse humide c'est le ruisselet qui produit dans les crevasses des bassins spécialement traîtres et glissants. Le chirurgien commence à fatiguer et s'il n'y avait le courant d'air persistant, on commencerait sérieusement à douter d'atteindre la surface... lorsque un terrible rugissement fait résonner le conduit.
Les aventuriers se consultent du regard, mais le bosco en a plus que marre des tergiversations et ordonne d'avancer. Marchant en tête dans l'étroit couloir rocheux, il aperçoit d'ailleurs la lumière du jour à quelques distances quand le rugissement retentit pour la deuxième fois, encore plus fort : plus de doute, il y a droit devant une grosse bête en colère. Prudemment, l'ascension continue et l'on distingue bientôt une sorte de puits de lumière... immédiatement bouché par une grosse forme velue qui, pressant une large patte griffue dans le tunnel, tente d'atteindre notre vaillant maître d'équipage ! Refusant de se laisser impressionner, il dégaine son sabre et engage le combat contre les griffes furieuses qui raclent les parois en arrachant à la pierre des grincements et des éclats. [L'ami "Cancrela" vient donc d'engager le combat contre une créature d'Échelle 2 qui, vu l'étroitesse du boyau, ne peut lui opposer qu'une seule patte, Échelle 1, patte qui mise au départ tout en attaque. Il faut dire que "Camille le bosco" a de la tension à récupérer et la Réaction "Impulsif".]
Évitant les attaques du monstre, Camille parvient à lui asséner quelques coups de sabre mais manquant lui-même de recul, il ne parvient pas à percer efficacement la peau épaisse de la créature. Quand une griffe fini pourtant par le blesser, le bosco se baisse pour laisser Dorothéa tirer un coup de pistolet dans l'énorme patte qui se retire immédiatement, la bête toute entière reculant dans sa grotte. A sa suite, Camille jaillit du tunnel le sabre en avant pour découvrir un puits grossièrement circulaire de quelques 15 pas de large où le ruisseau a formé une large flaque à côté de laquelle, sur une petite éminence, s'entasse des carcasses animales. Au milieu de cet espèce de "cage" naturelle, une sorte de croisement entre un crocodile et un énorme chien puant lui fait face (voir l'illustration page précédente). [Une fois Camille à découvert, évidemment, la bête peut utiliser entièrement sa mise et, bien qu'elle ait été blessée, l'Échelle joue nettement en sa faveur en termes de dommages et protection ; voir posts précédents.]
Misant largement sur l'attaque, Camille engage le fauve au corps à corps, esquivant de peu les attaques du monstre estropié. Le maître d'équipage manque d'ailleurs d'être coupé en deux par une morsure lorsque Dorothéa décharge à nouveau son pistolet dans l'œil de la bête (elle n'a pas eu le temps de charger une balle dans le canon, mais elle produit quand-même une flamme et une sérieuse détonation contre lesquelles la bête n'a pas de défense). Profitant de l'occasion, Camille plante de toute ses forces son sabre d'abordage dans le flanc du monstre qui rugit de douleur et recule, avant qu'un second coup de sabre frappant la gorge ne le mette définitivement hors de combat. Il s'écroule en gémissant, manquant au passage d'écraser le bosco au fond du bassin où un sang épais se mêle à l'eau sale... (Pour mémoire, l'animal sera par la suite baptisé "cerberus cavernis", vulgairement appelé "gros chien jaune".)
Les rugissements et l'écho du combat ont résonné jusque dans la grande salle où les hommes du sergent et les indigènes se font toujours face, mais lorsque l'étang se teinte soudain d'écarlate, le reste de résolution des sauvages vacille. Une des femmes s'avance alors en criant et, forçant un de ses compagnons à baisser son arc, montre sa lance au Diacre et la dépose au sol. Assez "hommasse", les seins nus, elle porte de larges tatouages sombres et semble avoir un certain ascendant sur le reste du groupe. Par ailleurs, elle parait se préoccuper plus que les autres de la santé de l'otage.
Après avoir consulté ses amis, Arthus relâche le jeune chef qui s'écroule à terre en cherchant son souffle. Diaz rengaine alors ostensiblement son pistolet (toujours déchargé) et baisse la pointe de sa rapière jusqu'au sol, Sourire garde une flèche encochée mais relâche la corde de son arc. Les indigènes, toujours méfiant, baissent eux-mêmes progressivement les armes et Bernal Diaz entreprend de leur expliquer la situation : s'aidant des croquis de son fameux carnet de voyage, alors que le Diacre confectionne un petit bateau en papier pour ne pas être en reste et que l'éclaireur opalin mérite son surnom de son mieux ["Sourire Communicatif" est vraiment un de ses Talents sociaux], à force de mime (le charpentier promène son petit bateau sur l'étang, où le sang disparaît rapidement) et de dessins, ils parviennent à faire comprendre à la jeune femme qu'ils sont venus sur cette île dans un grand bateau qui s'est brisé à l'arrivée (Arthus écrase le bateau contre un pilier) et qu'il faut maintenant réparer (Arthus lisse le navire en papier et lui redonne à peu près forme) pour pouvoir repartir.
[Certes, ça fait un peu redite de l'épisode 2, mais je vais pas brimer un usage rigolo du talent "Dessin".]
La jeune femme lève un sourcil qui semble dire "On avait bien compris, ouais, on est pas débiles non plus..." et leur répond des gestes et de la voix que tout c'est très bien, mais qu'ici c'est chez eux et qu'il faudrait voir à se barrer de leurs cavernes, maintenant. Diaz insiste sur le fait que, dès qu'ils auront le bois nécessaire au renflouement de leur navire, ils pourront même se barrer de leur île, et la femme paraît traduire cet échange aux autres guerriers qui affichent des mines perplexes. Un dialogue s'engage entre elle et le jeune chef qui reprend enfin son souffle, alors que l'Héritier sort de sa torpeur en grommelant. Le Diacre fini même par offrir une pelle à la jeune femme, les indigènes semblant assez intrigués par cet outil étrange, d'autant que le charpentier a bien du mal à en démontrer l'usage sur un terrain essentiellement rocheux.
Dans le puits du "cerberus", LeChemin examine les carcasses en grande partie putréfiées et observe que le puits n'a que deux issues, celle par laquelle ils sont arrivés et un second tunnel à hauteur d'homme d'où le ruisseau s'écoule en une petite cascade, tous deux bien trop étroits pour laisser passer le monstre : soit il a été jeté dans le puits par le haut, soit il a été enfermé ici lorsqu'il était beaucoup plus petit. Dans tous les cas, on l'a manifestement nourri depuis en jetant dans le puits de gros animaux laineux.
Camille jette alors un œil vers la lumière où il distingue un peu de végétation et, surtout, un homme armé d'un arc. Il n'a pas le temps de se jeter de côté qu'une longue flèche lui perce profondément l'épaule. Saisissant l'arc que le maître d'équipage avait laissé dans le tunnel, Dorothéa riposte au jugé pour couvrir le repli de ses deux compagnons.
Quelques flèches ricochent encore sur les rochers pendant que les aventuriers palabre (!) pour savoir s'il vaut mieux rebrousser chemin ou foncer pour atteindre l'autre tunnel, le chirurgien extrait la flèche et y pose un bandage temporaire pendant que Dorothéa tente à nouveau de recharger son pistolet. Avant qu'ils n'aient pris une décision, des cris de guerre et les bruits d'une cavalcade leur parviennent du tunnel suivant et le trio entreprend de rebrousser chemin en quatrième vitesse.
La poursuite s'engage dans le boyau accidenté et des flèches rebondissent autour des explorateurs, qui tâchent principalement de ne pas se briser une jambe dans leur précipitation. Malgré leur avance initiale et l'étroitesse du passage qui bénéficie au groupe le moins nombreux, il s'en faut de peu qu'ils ne soient rattrapés avant d'avoir atteint la grande salle : dès qu'ils y entrevoient la lueur des lanternes, LeChemin s'écrie "A l'aide ! On est poursuivis par des sauvages !".
[On a appliqué ici les règles de poursuite, c'est à dire un Duel de déplacement où tout le monde fonce dans le même sens (ça marche aussi pour les courses de vitesse) : la mise d'attaque représente la vitesse de chacun, la défense permet d'éviter de se planter (que ce soit de finir dans le décor en ratant un virage ou de trébucher sur un rocher traître), la manœuvre permet comme toujours de pourrir la vie de l'adversaire et l'avance des poursuivis est représentée par des jetons "bonus" : si les attaques/accélérations des poursuivants parviennent à la soustraire entièrement aux poursuivis, c'est que ces derniers ont été rattrapés. Généralement, on engage alors une série de manœuvres offensives et défensives pour reprendre de l'avance ou stopper les fuyards. Dans notre cas, les 2 PJ en tête et queue de colonne faisaient chacun un jet, le premier limitant le dernier : ainsi, si le chirurgien trainait ils freinaient tout le monde, mais Camille pouvait se faire choper même si LeChemin maintenait sa propre avance.]
En bas, on les a bien sûr entendu arriver et, si le premier réflexe de tout le monde a été de re-sortir les armes, la jeune femme indigène tente d'une part de contenir ses guerriers et Diaz ordonne de son côté de tourner clairement la défense vers les ennemis en provenance du boyau.
En débouchant dans la grande salle, le chirurgien perd quelques instants à considérer avec perplexité le groupe de sauvages qui s'y trouve déjà, Dorothéa se met immédiatement à couvert derrière un rocher pour finir d'armer son pistolet et Camille fait volte-face pour cueillir de son sabre le premier primitif qui voudrait en sortir... Même l'Héritier, encore chancelant, a dégainé son épée, quoiqu'il ne sache pas vraiment vers qui la pointer.
Dans la confusion générale, le sergent et la jeune sauvageonne tente chacun de reprendre la maîtrise de leurs hommes pour éviter le combat et les explorateurs se rassemblent en un bloc compact. Des indigènes furieux sortent à leur tour du boyau et se déploient de part et d'autres, lançant des cris et des questions à ceux de leurs semblables qui occupent déjà les lieux, la cheftaine tentant encore de temporiser. Elle semble presque parvenir à ramener le calme, jusqu'à ce qu'un grand costaud -presque entièrement tatoué d'aplats noirs et les oreilles percées d'ergots de tricorex- n'émerge du tunnel en brandissant un grand gourdin plat hérissé de silex.
L'autorité de celui-ci a l'air de surclasser celle de la jeune femme et, après avoir échangé quelques mots avec elle par dessus le bordel ambiant, il commence à donner des ordres : les indigènes reprennent à peu près tous leur posture d'attaque et commencent à pousser les explorateurs vers le tunnel nord-ouest. Nos héros tentent bien de renouer le dialogue, mais échouent lamentablement et, comme ça a l'air d'une issue possible à la situation, Diaz ordonne un repli en bon ordre vers le passage inexploré et, fermant lui-même la marche avec le Diacre, ils ramassent le matériel et s'engagent dans ce nouveau boyau, Sourire et Camille en tête.
A peine ont-ils constaté qu'on ne les suivait pas qu'ils entendent une série de chocs violents sur la roche, immédiatement suivis du fracas d'un éboulement : hoquetant dans la poussière, se protégeant d'une nuée de grosses araignées qui s'enfuient vers les hauteurs ténébreuses du tunnel, ils comprennent que les sauvages viennent de faire en partie écrouler la galerie pour les empêcher de faire demi-tour. Quelques instants plus tard, un second grondement ébranle les grottes, qui indique sûrement un autre éboulement volontaire quelque part.
Puisqu'il ne leur reste plus qu'à avancer, ils progressent en file indienne dans le couloir exigu et, lorsque Camille débouche enfin dans une salle plus grande, il découvre non seulement que Sourire a disparu [c'est l'une des Réactions de l'Opalin : être soudain "absent" quand on a besoin de lui ; plus ça fait chier les autres ou plus ça le prive d'actions importantes, plus il récupère de Tension] mais qu'ils ont atterris dans la deuxième caverne qu'ils ont vu de l'extérieur en début d'après-midi. La galerie désormais condamnée s'ouvre en effet en haut d'un long pierrier qui descend en s'élargissant vers l'est jusqu'à l'ouverture et, à côté d'eux, à la pointe ouest de cette longue grotte conique, une anfractuosité semble s'enfoncer profondément dans la montagne. Un peu en contre bas, sur une élévation qui se trouve à mi-chemin entre nos explorateurs et la sortie, Maman-ours et ses petits grognent à leur attention depuis leur tanière : "Ah les vaches, ils nous ont poussé vers la grotte des bouffe-tout !".
Un des oursons s'avancent d'ailleurs en grognant vers le groupe mais, que ce soit à cause du nombre ou de la puissante odeur de sang du "cerberus" dont est encore couvert le bosco, il rejoint fissa sa maman et, quoique sans cesser de grogner et de rugir des menaces, les "bouffe-tout" laissent passer sans les attaquer les humains qui se content largement de regagner la jungle.
De son côté, Sourire s'est évidemment faufilé dans le boyau qui monte vers l'ouest et, après avoir constaté qu'il était praticable à condition de ramper et d'escalader régulièrement, il rebrousse chemin et rejoint au pas de course ses compagnons à la sortie de la grotte, un ourson plus agressif que les autres l'ayant brièvement pris en chasse.
Finalement, après bien des mésaventures, toutes sortes de blessures et des tentatives avortées d'exploration, de combat et de pourparlers, l'expédition est revenue crevée son point de départ. A vue de nez, il leur reste une heure, peut-être une heure et demi de jour, ce qui est un peu court pour rejoindre le campement et personne n'a très envie de croiser des tricorex la nuit dans la jungle (quoiqu'on discute un moment pour savoir si les "poules à dents" se couchent "à l'heure des poules" ). On convient donc de regagner la troisième grotte, où il y a au moins la possibilité de se défendre et une source d'eau douce... Sur ce dernier point, le médecin est d'ailleurs plutôt circonspect : entre les carcasses en décomposition dans le puits du cerbère et les propres déjections de celui-ci, il est tout à fait surprenant que l'eau de l'étang soit aussi claire dans la grande salle... Il y a là quelque chose de bizarre et LeChemin déconseille aux autres de boire l'eau du lac souterrain avant qu'il ne l'ait examiné de très près.
En tous cas, l'expédition se réfugie pour la nuit dans la grande caverne où les mousses bleues dispensent une vague une lueur à travers l'étendue d'eau : les deux tunnels, vers le puits et la grotte des ours, sont maintenant bouchés par des éboulis (quoique qu'avec les outils en leur possession et vue l'ampleur finalement modestes des éboulement, le Diacre pense qu'on devrait pouvoir dégager la galerie sud en quelques heures de travail et celle vers la grotte aux ours en quelques dizaines de minutes, si on le voulait). On allume un maigre feu, on souffle un peu, on se restaure, on panse ses plaies et on poste cette fois un guetteur à l'extrémité intérieure du couloir qui mène à la jungle : "demain, il fera jour" et l'expédition tentera de trouver un autre moyen d'atteindre le plateau, en évitant les monstres et les sauvages belliqueux.
[La première séance s'est conclue là-dessus et, comme ça commence à faire un très long message, la suite arrive dans un second post...
Comme vous pouvez l'imaginer, les joueurs étaient un peu véreux, mais heureusement motivés pour rejouer au plus vite, ce qui fût fait.]
Les Grottes
Joué en deux séances, cet épisode regroupait :
"Cancrela" – Camille Séquin, le bosco
"Grondarch" – Bernal Diaz del Equedo, sergent d'armes
Geoffrey – Arthus "le Diacre", maître-charpentier
(voir l'épisode 1) et deux "nouveaux" personnages :
Vincent - Robert Le Chemin, ou Roberto Loachamin, chirurgien
Personnage sympathique mais difficile à cerner, le chirurgien de bord est semble-t-il un galien d'origine palatine de culture vaguement réformiste : en réalité, ces distinctions lui importe bien moins que l'humanisme et la science. Atteint de paludisme, il fait périodiquement des crises spectaculaires.
"Argentarbre" – Lamoyapalani dit "Sourire", éclaireur opalin.
Petit type rondouillard et constamment joyeux, parlant un galique limité, cet indigène des îles Opalines a rencontré Camille le bosco lors d'un ancien voyage, est devenu son ami et a rejoint l'équipage du capitaine De Brédan. Pisteur habile et chasseur à la discrétion proverbiale, il a l'énervante habitude d'apparaître et de disparaître quand on s'y attend le moins.
Il nous manquait un cinquième joueur pour cet épisode, et comme Céline avait envie de rejouer, on lui a proposé d'incarner "Sourire", ce qui la changeait pas mal du redouté Sam le Sombre en terme de roleplay.
Le deuxième jour après le naufrage,
alors que l'expédition menée par d'Espantes vient de partir vers le Pic du Fanal, Camille le bosco et le sergent Diaz rassemble leur propre troupe : l'éclaireur "Sourire", Arthus, le chirurgien Le Chemin et les fantassins William Auguste de Montarlier dit "l'Héritier" -le jeune escrimeur galien- et Dorothéa "la Noroise" (une arquebusière aussi dure que jolie). Équipés d'un peu de matériel d'escalade (l'autre équipe a presque tout raflé), de vivres pour trois jours, de lances, de sabres, d'arcs (plus deux pistolets et un peu de poudre) et de pas mal d'éclairage, ils partent en début de matinée pour les grottes qui bordent la cascade, à trois heures de marche vers le nord-ouest.
Leur mission est triple : si l'objectif principal est d'inspecter les deux grottes encore non-explorées pour voir s'il serait possible d'y établir un campement plus viable que celui de la jungle (où les blessés et les malades commencent à s'accumuler de manière inquiétante pendant que les fourmis bouffent les réserves de nourriture et que la pourriture guettent le matériel), Corte-Real espère également qu'ils trouveront un passage vers le plateau et a très spécifiquement chargé le médecin de trouver un remède pour le capitaine (sinon ça va chauffer pour son matricule). Tous ses autres patients devront se contenter des soins des religieuses en attendant : les priorités du Second sont très claires et, parce qu'il soupçonne LeChemin d'être au mieux "incompétent", il lui a fait savoir qu'il répondait désormais de la santé du capitaine sur sa propre vie.
Suivant à nouveau les berges de la rivière en se gardant des crocodiles qui y paressent, le groupe avance depuis plus d'une heure, Robert LeChemin pénétrant ponctuellement dans l'épaisseur de la jungle à la recherche de plantes médicinales, malgré les consignes du sergent. Lors d'une de ces incursions pour farfouiller dans les buissons, il se retrouve soudain face à un tricorex : le chirurgien tente d'abord de reculer prudemment, mais découvre très vite que plusieurs autres créatures lui ont coupé la retraite. En fait, il y en a toute une bande (qui, comme toujours, sont attirés par toute la bonne viande bipède qui trainaille dans la jungle en faisant un boucan d'enfer) et, malgré les ordres du sergent, l'équipe se disperse au premier cri du chirurgien : Sourire contourne discrètement l'arc en main, Arthus fonce distribuer des coups de masse aux "poules à dents", Dorothéa sort son pistolet pour tenter de couvrir la retraite du charpentier, William s'avance un peu au hasard dans la jungle alors (ou "parce") qu'il n'a rien vu, Diaz et Camille restent sur la berge à chercher une bonne cible en tentant de coordonner ce bordel. Après que les créatures aient écopé de quelques gnons, quelques flèches et un coup de feu avant de s'être elles-mêmes organisées (la viande bipède est assez imprévisible), elles s'éparpillent dans les fourrés pour se regrouper. De leur côté, les explorateurs rassemblés sur la rive comptent quelques blessures légères et décident (enfin) d'agir de manière un tantinet disciplinée : désormais, le groupe avancera avec une avant-garde, une arrière garde, les armes prêtes et la défense expresse de sortir des rangs.
[En théorie, la voie vers la cascade a été "ouverte" lors de la première expédition aux grottes et les personnages peuvent donc l'emprunter presque sans risque en faisant simplement un petit jet de déplacement pour mesurer la fatigue globale, mais puisque le toubib prenait des risques inconsidérés malgré les ordres de Diaz, j'en ai profité pour leur rappeler la différence entre une expédition et une promenade...]
A un rythme plus que prudent, les tricorex les accompagnant à distance, ils atteignent finalement les falaises et la cascade pour une halte-déjeuner, se relayant pour monter la garde. [Les joueurs commencent à utiliser régulièrement la règle permettant de libérer de la Fatigue par une scène de repos/repas/glandouille, généralement une petite discussion roleplay sans dépense d'Énergie mais souvent accompagnée de Réactions.] Sa ration à peine avalée, Sourire "disparaît" pour une petite reconnaissance discrète : évitant soigneusement la jungle où rôdent toujours les méchants poulets, glissant de rocher en rocher, il dépasse la "grotte de la Merdaille" (celle où une colonie de chauves-souris a déposé une épaisse couche de guano) et commence à chercher des traces à l'entrée des deux autres cavernes, chacune éloignée de la précédente de quelques centaines de pas :
-la première semble habitée par quelque chose qui doit ressembler à un petit ours et abandonne des carcasses nettoyées dans les environs (notamment des squelettes qui pourraient bien être des tricorex, en plus petit).
-un petit ruisselet s'écoule de la seconde, dont l'entrée est plus étroite et semble étrangement vierge de toute trace animale : aucune créature ne semble en sortir ni s'en approcher, bien qu'elle ait l'air praticable. Il est vrai qu'une odeur vaguement "sauvage" s'en exhale.
L'endroit est en tous cas séparé de la jungle par un large pierrier, aisément défendable, alimenté en eau douce et pourrait constituer une excellente base-arrière... si les grottes sont praticables, bien sûr.
Lorsque le groupe y revient au complet, c'est évidemment beaucoup moins discrètement et l'expédition dérange cette fois une scène intéressante : une espèce d'ours court sur pattes traîne vers sa caverne le corps d'un jeune tricorex qu'il défend des griffes et des dents contre le reste de sa "famille". Les tricorex "adultes" décampent à l'arrivée des humains et, après avoir grogné à l'attention des explorateurs, l'ours fini de rapporter sa proie à ses petits qui grognent et jappent depuis l'entrée de la grotte pour saluer l'arrivée du dîner (pour ceux qui ont lu l'épisode 2, c'est évidemment une famille de "bouffe-tout"). Considérant qu'il serait mal venu de se fâcher avec la seule espèce locale qui semble plus agressive que les "poules à dents", cette seconde caverne est rapidement classée comme "inhabitable" et on passe naturellement à la suite...
La troisième grotte s'ouvre par un long boyau débouchant sur une grande salle vaguement ovale orientée est-ouest : peut-être 60 ou 80 pas dans sa plus grande longueur, en pente légère, des piliers de pierre et des stalagmites un peu partout mais -surtout- une large étendue d'eau claire profonde de peut-être un mètre où nagent des protées et de tout petits poissons blêmes, tapissée d'une sorte de mousse bleu pâle légèrement luminescente. Le plafond, très haut et très irrégulier, est hérissé de stalactites et se perd dans la pénombre. A l'autre bout de la caverne s'ouvre deux autres couloirs, au nord-ouest et au sud-ouest. Si le premier semble n'être rien d'autre qu'une haute faille étroite encombrée d'éboulis, le ruisselet qui alimente l'étang arrive par le couloir sud, que parcours aussi un petit courant d'air chargé d'une déplaisante odeur de... chien mouillé ?
Alors que l'équipe dépose son matériel et discute de ses options, l'Héritier pousse un cri d'effroi : il vient d'apercevoir dans l'ombre la plus grosse araignée qu'il ait jamais vu. Pendant que ses camarades ricanent, Diaz s'informe : "Grosse comment, ta bébête ? _Heu... le corps comme deux poings et les pattes qui dépasseraient d'une grande assiette, sergent. _Ha ouais, quand-même..." Les ricanements nettement refroidis par cette annonce, on allume une lanterne et quelques torches supplémentaires pour y voir un peu plus clair et, en effet, une arachnide roussâtre de presque une coudée de diamètre est surprise par la lumière avant de se carapater dans une anfractuosité.
De son côté, Sourire s'est avancé dans le couloir sud-ouest, dont la forte pente et le cours d'eau indiquent qu'il rejoint probablement le plateau, lorsque sa torche révèle un nid de ces déplaisantes araignées : agrippées les unes aux autres dans un creux entre des stalactites, au moins une dizaine d'entre elles s'éveillent et s'éparpillent pour fuir la lumière. Surpris (et pas franchement rassuré), l'Opalin agite sa torche et sent avec effroi l'une des bestioles lui tomber dessus. Il s'en débarrasse vivement, déguerpit et rejoint le gros de la troupe pour prévenir son ami "Cami' Bosso" qu'il y a plein de méchantes araignées dans le boyau. En dehors de Dorothéa (que les araignées n'inquiètent pas particulièrement), le reste des aventuriers n'en mène pas large non plus : si se sont les arachnides qui tiennent les animaux de la jungle à distance de la grotte, c'est qu'elles sont sans doute dangereuses, et il semble y en avoir un sacré paquet à rôder dans les ombres.
Robert LeChemin, qui trouvait malin d'effrayer le Diacre en lui jouant "la petite bête qui monte" dans le dos manque d'ailleurs de se prendre un bon coup de la masse du charpentier. L'équipe ayant un peu de mal à se mettre d'accord sur un plan commun, elle fini par se disperser en deux groupes : LeChemin (qui est très motivé pour atteindre le plateau et trouver un remède), Camille et Dorothéa exploreront le passage sud-ouest pendant que les quatre autres installeront une garde minimale à l'entrée de la caverne (l'Héritier est désigné, vu qu'il préfère apparemment rester le plus près possible de l'extérieur) pendant que Sourire et Arthus soufflent un peu et que le sergent envisage vaguement d'aller voir où mène l'autre tunnel...
Ils sont d'ailleurs encore en train d'en discuter lorsque l'Héritier arrive en chancelant par le boyau d'entrée, réussit à balbutier "sergent, je crois qu'on a un probl..." et s'écroule face contre terre, une méchante fléchette plantée dans le cou. [Même dans un système qui récompense le roleplay, des fois, le MJ se lasse des bavardages.]
Immédiatement, c'est le branle-bas de combat, arc et pistolet se pointent vers le couloir d'entrée, Arthus saisit l'Héritier inanimé et le traîne hors du passage tout en dégageant sa fidèle masse... lorsque un groupe d'indigènes agressifs déboulent dans la caverne : à peu près nus, tatoués de grands aplats noirs, mêlant aux hommes quelques femmes musclées, ils sont une 15aine et brandissent des arcs, des lances et des casse-têtes. Alors que l'affrontement semble inévitable, Arthus le Diacre dégaine sa bible et, fort de sa foi inébranlable, admoneste les sauvages. Sa voix vibrante résonne dans la caverne, son sermon irradie la détermination et -incroyablement- les indigènes se figent, impressionnés.
Après un moment de flottement, un jeune sauvage assez énervé qui semble être le chef (il porte en parure des dents et des plumes de Tricorex) commence à leur crier des sons incompréhensibles et à faire de grands gestes un peu plus éloquents... mais les aventuriers n'ont pas très envie de lâcher leurs armes pour autant. Des hommes s'avancent vers eux pour se saisir de leurs armes, le jeune chef des sauvages continuant de crier sur le Diacre, qui le sermonne en retour. Si Sourire se laisse finalement arracher son arc des mains et Arthus pose sa masse en signe de bonne foi, Diaz n'a pas l'habitude de se rendre et fait des difficultés... Il reçoit un coup de poing, le rend et lorsque son adversaire lève son casse-tête sur lui, le sergent dégaine son pistolet et l'abat sur place : stupeur générale ! Confusion chez les insulaires, dissension chez les explorateurs (c'est que le Diacre, notamment, croyait vraiment à des pourparlers), le jeune chef lève sa massue et... le Diacre lui saute dessus, le saisit par le cou et le prend en otage ! Sourire esquive un adversaire, bondit et ramasse son arc pendant que le sergent tente de tenir les autres en respect rapière et pistolet (vide) en main. Sur ordre du sergent, l'Opalin ramasse William toujours inconscient et les membres de l'expédition reculent prudemment vers la partie sud-ouest de la grotte où l'élévation de terrain, l'essentiel du matériel et quelques gros rochers pourraient fournir un début de défense.
Les sauvages continuent d'avancer en brandissant leurs armes mais, entre leur camarade foudroyé par l'étrange arme-tonnerre et leur chef pris en otage, il ne se décident pas à donner l'assaut. L'otage se débat d'ailleurs sans parvenir à se dégager des solides bras du charpentier qui l'étranglent de plus en plus et, quand son visage commence à virer au violet sous les tatouages faciaux, le Diacre lui laisse reprendre juste assez d'air pour montrer à tous que s'il pourrait aisément le tuer, il pourrait aussi ne pas le faire... Tous les combattants se jaugent, Sourire dépose l'Héritier derrière un roc et encoche une flèche, personne ne se résoud à attaquer...
[Bien que ne maîtrisant pas encore complètement le système pour la plupart, les joueurs ont déjà intégré la liberté d'action que leur offre les règles et annoncent régulièrement des tentatives variées en jetant des regards interrogateurs au MJ qui, après leur avoir confirmé que "oui, c'est possible", leur explique "comment". En l'occurrence, dans cette scène, nous avons utilisé plein d'options de Duel :
-les Sauvages étaient au départ traité comme un groupe relativement indéfini (puisqu'ils n'étaient pas vraiment "décomptés" et qu'il pouvaient y en avoir d'autre dans le tunnel) dont je détachais au besoin un adversaire individualisé (par exemple le jeune chef ou celui qui a échangé des gnons avec le sergent)
-le sermon du Diacre était techniquement une "attaque psychologique", fonctionnant comme un "tir de suppression" ou une attaque d'intimidation : les dommages psychologiques contre le groupe d'indigènes (Échelle 2, donc divisés par 2 mais assorti d'un bonus pour l'aplomb du Diacre) réduisent d'autant le pool des attaquants, mais ce genre de dommages se régénèrent vite si les combattants ont un meneur. Dans notre cas, l'attaque fût telle que tout le groupe a vu sa Mise réduite de presque la moitié d'entrée de jeu, et a suffi à briser l'attaque prévue : comme les PJ eux n'avaient prévu que de se défendre, ça a produit un beau mexican stand-off !
-le bref échange de coups entre le sergent et l'indigène venu le désarmer a été réglé en Duel individuel, mais si le sauvage n'attaquait pas à fond, le sergent lui a misé entre "Initiative" pour placer son attaque avant que la massue ne frappe et en "Attaque" pour tirer quasiment à bout portant contre un type qui n'avait quasiment pas de défense : blam, mort sur le coup.
-la prise du Diacre sur le chef était une "manœuvre offensive" : Arthus avait la priorité et réparti sa mise entre l'attaque et une grosse manœuvre et, l'attaque ayant porté, les points de manœuvre immobilisé autant de points chez l'adversaire (au départ, c'était donc une "immobilisation"). A chaque tour, le jeune homme luttait avec ce qui lui restait de mise pour échapper au charpentier, mais celui-ci défendait pour garder sa prise et attaquait pour étrangler, infligeant des dommages "choc" en cascade qui, en trois tours, ont amené le sauvage au bord de l'inconscience (au delà, ça fait des blessures). Au passage, le Diacre a ainsi neutralisé le leadership des indigènes et ceux-ci étaient plus ou moins réduits à l'expectative tactique : si les PJ avaient foncé dans le tas ou commis une grosse faute, ils auraient peut-être agi mais là, ils n'arrivaient pas à prendre une décision.
-lorsqu'ils ont commencé à reculer, c'était notamment dans l'espoir de conquérir une position défensive : défaussant une partie de leur mise pour se déplacer, les PJ voulaient gagner une zone du terrain qui leur offre quelques jetons de bonus pour la défense. Mais finalement, les négociations ont repris avant qu'ils y parviennent...
Enfin, j'ai jugé que c'était le bon moment pour un cliffhanger et nous sommes alors passé à la scène occupant le reste du groupe.]
Dans le tunnel sud-ouest, Camille, Dorothéa et LeChemin progressent péniblement : le boyau encombré de rochers monte en suivant des tours et détours infinis, les cailloux humides roulent fréquemment sous leur pas, de grosses araignées jaillissent inopinément des recoins pour fuir la lueur des torches et quand on ne dérape sur la mousse humide c'est le ruisselet qui produit dans les crevasses des bassins spécialement traîtres et glissants. Le chirurgien commence à fatiguer et s'il n'y avait le courant d'air persistant, on commencerait sérieusement à douter d'atteindre la surface... lorsque un terrible rugissement fait résonner le conduit.
Les aventuriers se consultent du regard, mais le bosco en a plus que marre des tergiversations et ordonne d'avancer. Marchant en tête dans l'étroit couloir rocheux, il aperçoit d'ailleurs la lumière du jour à quelques distances quand le rugissement retentit pour la deuxième fois, encore plus fort : plus de doute, il y a droit devant une grosse bête en colère. Prudemment, l'ascension continue et l'on distingue bientôt une sorte de puits de lumière... immédiatement bouché par une grosse forme velue qui, pressant une large patte griffue dans le tunnel, tente d'atteindre notre vaillant maître d'équipage ! Refusant de se laisser impressionner, il dégaine son sabre et engage le combat contre les griffes furieuses qui raclent les parois en arrachant à la pierre des grincements et des éclats. [L'ami "Cancrela" vient donc d'engager le combat contre une créature d'Échelle 2 qui, vu l'étroitesse du boyau, ne peut lui opposer qu'une seule patte, Échelle 1, patte qui mise au départ tout en attaque. Il faut dire que "Camille le bosco" a de la tension à récupérer et la Réaction "Impulsif".]
Évitant les attaques du monstre, Camille parvient à lui asséner quelques coups de sabre mais manquant lui-même de recul, il ne parvient pas à percer efficacement la peau épaisse de la créature. Quand une griffe fini pourtant par le blesser, le bosco se baisse pour laisser Dorothéa tirer un coup de pistolet dans l'énorme patte qui se retire immédiatement, la bête toute entière reculant dans sa grotte. A sa suite, Camille jaillit du tunnel le sabre en avant pour découvrir un puits grossièrement circulaire de quelques 15 pas de large où le ruisseau a formé une large flaque à côté de laquelle, sur une petite éminence, s'entasse des carcasses animales. Au milieu de cet espèce de "cage" naturelle, une sorte de croisement entre un crocodile et un énorme chien puant lui fait face (voir l'illustration page précédente). [Une fois Camille à découvert, évidemment, la bête peut utiliser entièrement sa mise et, bien qu'elle ait été blessée, l'Échelle joue nettement en sa faveur en termes de dommages et protection ; voir posts précédents.]
Misant largement sur l'attaque, Camille engage le fauve au corps à corps, esquivant de peu les attaques du monstre estropié. Le maître d'équipage manque d'ailleurs d'être coupé en deux par une morsure lorsque Dorothéa décharge à nouveau son pistolet dans l'œil de la bête (elle n'a pas eu le temps de charger une balle dans le canon, mais elle produit quand-même une flamme et une sérieuse détonation contre lesquelles la bête n'a pas de défense). Profitant de l'occasion, Camille plante de toute ses forces son sabre d'abordage dans le flanc du monstre qui rugit de douleur et recule, avant qu'un second coup de sabre frappant la gorge ne le mette définitivement hors de combat. Il s'écroule en gémissant, manquant au passage d'écraser le bosco au fond du bassin où un sang épais se mêle à l'eau sale... (Pour mémoire, l'animal sera par la suite baptisé "cerberus cavernis", vulgairement appelé "gros chien jaune".)
Les rugissements et l'écho du combat ont résonné jusque dans la grande salle où les hommes du sergent et les indigènes se font toujours face, mais lorsque l'étang se teinte soudain d'écarlate, le reste de résolution des sauvages vacille. Une des femmes s'avance alors en criant et, forçant un de ses compagnons à baisser son arc, montre sa lance au Diacre et la dépose au sol. Assez "hommasse", les seins nus, elle porte de larges tatouages sombres et semble avoir un certain ascendant sur le reste du groupe. Par ailleurs, elle parait se préoccuper plus que les autres de la santé de l'otage.
Après avoir consulté ses amis, Arthus relâche le jeune chef qui s'écroule à terre en cherchant son souffle. Diaz rengaine alors ostensiblement son pistolet (toujours déchargé) et baisse la pointe de sa rapière jusqu'au sol, Sourire garde une flèche encochée mais relâche la corde de son arc. Les indigènes, toujours méfiant, baissent eux-mêmes progressivement les armes et Bernal Diaz entreprend de leur expliquer la situation : s'aidant des croquis de son fameux carnet de voyage, alors que le Diacre confectionne un petit bateau en papier pour ne pas être en reste et que l'éclaireur opalin mérite son surnom de son mieux ["Sourire Communicatif" est vraiment un de ses Talents sociaux], à force de mime (le charpentier promène son petit bateau sur l'étang, où le sang disparaît rapidement) et de dessins, ils parviennent à faire comprendre à la jeune femme qu'ils sont venus sur cette île dans un grand bateau qui s'est brisé à l'arrivée (Arthus écrase le bateau contre un pilier) et qu'il faut maintenant réparer (Arthus lisse le navire en papier et lui redonne à peu près forme) pour pouvoir repartir.
[Certes, ça fait un peu redite de l'épisode 2, mais je vais pas brimer un usage rigolo du talent "Dessin".]
La jeune femme lève un sourcil qui semble dire "On avait bien compris, ouais, on est pas débiles non plus..." et leur répond des gestes et de la voix que tout c'est très bien, mais qu'ici c'est chez eux et qu'il faudrait voir à se barrer de leurs cavernes, maintenant. Diaz insiste sur le fait que, dès qu'ils auront le bois nécessaire au renflouement de leur navire, ils pourront même se barrer de leur île, et la femme paraît traduire cet échange aux autres guerriers qui affichent des mines perplexes. Un dialogue s'engage entre elle et le jeune chef qui reprend enfin son souffle, alors que l'Héritier sort de sa torpeur en grommelant. Le Diacre fini même par offrir une pelle à la jeune femme, les indigènes semblant assez intrigués par cet outil étrange, d'autant que le charpentier a bien du mal à en démontrer l'usage sur un terrain essentiellement rocheux.
Dans le puits du "cerberus", LeChemin examine les carcasses en grande partie putréfiées et observe que le puits n'a que deux issues, celle par laquelle ils sont arrivés et un second tunnel à hauteur d'homme d'où le ruisseau s'écoule en une petite cascade, tous deux bien trop étroits pour laisser passer le monstre : soit il a été jeté dans le puits par le haut, soit il a été enfermé ici lorsqu'il était beaucoup plus petit. Dans tous les cas, on l'a manifestement nourri depuis en jetant dans le puits de gros animaux laineux.
Camille jette alors un œil vers la lumière où il distingue un peu de végétation et, surtout, un homme armé d'un arc. Il n'a pas le temps de se jeter de côté qu'une longue flèche lui perce profondément l'épaule. Saisissant l'arc que le maître d'équipage avait laissé dans le tunnel, Dorothéa riposte au jugé pour couvrir le repli de ses deux compagnons.
Quelques flèches ricochent encore sur les rochers pendant que les aventuriers palabre (!) pour savoir s'il vaut mieux rebrousser chemin ou foncer pour atteindre l'autre tunnel, le chirurgien extrait la flèche et y pose un bandage temporaire pendant que Dorothéa tente à nouveau de recharger son pistolet. Avant qu'ils n'aient pris une décision, des cris de guerre et les bruits d'une cavalcade leur parviennent du tunnel suivant et le trio entreprend de rebrousser chemin en quatrième vitesse.
La poursuite s'engage dans le boyau accidenté et des flèches rebondissent autour des explorateurs, qui tâchent principalement de ne pas se briser une jambe dans leur précipitation. Malgré leur avance initiale et l'étroitesse du passage qui bénéficie au groupe le moins nombreux, il s'en faut de peu qu'ils ne soient rattrapés avant d'avoir atteint la grande salle : dès qu'ils y entrevoient la lueur des lanternes, LeChemin s'écrie "A l'aide ! On est poursuivis par des sauvages !".
[On a appliqué ici les règles de poursuite, c'est à dire un Duel de déplacement où tout le monde fonce dans le même sens (ça marche aussi pour les courses de vitesse) : la mise d'attaque représente la vitesse de chacun, la défense permet d'éviter de se planter (que ce soit de finir dans le décor en ratant un virage ou de trébucher sur un rocher traître), la manœuvre permet comme toujours de pourrir la vie de l'adversaire et l'avance des poursuivis est représentée par des jetons "bonus" : si les attaques/accélérations des poursuivants parviennent à la soustraire entièrement aux poursuivis, c'est que ces derniers ont été rattrapés. Généralement, on engage alors une série de manœuvres offensives et défensives pour reprendre de l'avance ou stopper les fuyards. Dans notre cas, les 2 PJ en tête et queue de colonne faisaient chacun un jet, le premier limitant le dernier : ainsi, si le chirurgien trainait ils freinaient tout le monde, mais Camille pouvait se faire choper même si LeChemin maintenait sa propre avance.]
En bas, on les a bien sûr entendu arriver et, si le premier réflexe de tout le monde a été de re-sortir les armes, la jeune femme indigène tente d'une part de contenir ses guerriers et Diaz ordonne de son côté de tourner clairement la défense vers les ennemis en provenance du boyau.
En débouchant dans la grande salle, le chirurgien perd quelques instants à considérer avec perplexité le groupe de sauvages qui s'y trouve déjà, Dorothéa se met immédiatement à couvert derrière un rocher pour finir d'armer son pistolet et Camille fait volte-face pour cueillir de son sabre le premier primitif qui voudrait en sortir... Même l'Héritier, encore chancelant, a dégainé son épée, quoiqu'il ne sache pas vraiment vers qui la pointer.
Dans la confusion générale, le sergent et la jeune sauvageonne tente chacun de reprendre la maîtrise de leurs hommes pour éviter le combat et les explorateurs se rassemblent en un bloc compact. Des indigènes furieux sortent à leur tour du boyau et se déploient de part et d'autres, lançant des cris et des questions à ceux de leurs semblables qui occupent déjà les lieux, la cheftaine tentant encore de temporiser. Elle semble presque parvenir à ramener le calme, jusqu'à ce qu'un grand costaud -presque entièrement tatoué d'aplats noirs et les oreilles percées d'ergots de tricorex- n'émerge du tunnel en brandissant un grand gourdin plat hérissé de silex.
L'autorité de celui-ci a l'air de surclasser celle de la jeune femme et, après avoir échangé quelques mots avec elle par dessus le bordel ambiant, il commence à donner des ordres : les indigènes reprennent à peu près tous leur posture d'attaque et commencent à pousser les explorateurs vers le tunnel nord-ouest. Nos héros tentent bien de renouer le dialogue, mais échouent lamentablement et, comme ça a l'air d'une issue possible à la situation, Diaz ordonne un repli en bon ordre vers le passage inexploré et, fermant lui-même la marche avec le Diacre, ils ramassent le matériel et s'engagent dans ce nouveau boyau, Sourire et Camille en tête.
A peine ont-ils constaté qu'on ne les suivait pas qu'ils entendent une série de chocs violents sur la roche, immédiatement suivis du fracas d'un éboulement : hoquetant dans la poussière, se protégeant d'une nuée de grosses araignées qui s'enfuient vers les hauteurs ténébreuses du tunnel, ils comprennent que les sauvages viennent de faire en partie écrouler la galerie pour les empêcher de faire demi-tour. Quelques instants plus tard, un second grondement ébranle les grottes, qui indique sûrement un autre éboulement volontaire quelque part.
Puisqu'il ne leur reste plus qu'à avancer, ils progressent en file indienne dans le couloir exigu et, lorsque Camille débouche enfin dans une salle plus grande, il découvre non seulement que Sourire a disparu [c'est l'une des Réactions de l'Opalin : être soudain "absent" quand on a besoin de lui ; plus ça fait chier les autres ou plus ça le prive d'actions importantes, plus il récupère de Tension] mais qu'ils ont atterris dans la deuxième caverne qu'ils ont vu de l'extérieur en début d'après-midi. La galerie désormais condamnée s'ouvre en effet en haut d'un long pierrier qui descend en s'élargissant vers l'est jusqu'à l'ouverture et, à côté d'eux, à la pointe ouest de cette longue grotte conique, une anfractuosité semble s'enfoncer profondément dans la montagne. Un peu en contre bas, sur une élévation qui se trouve à mi-chemin entre nos explorateurs et la sortie, Maman-ours et ses petits grognent à leur attention depuis leur tanière : "Ah les vaches, ils nous ont poussé vers la grotte des bouffe-tout !".
Un des oursons s'avancent d'ailleurs en grognant vers le groupe mais, que ce soit à cause du nombre ou de la puissante odeur de sang du "cerberus" dont est encore couvert le bosco, il rejoint fissa sa maman et, quoique sans cesser de grogner et de rugir des menaces, les "bouffe-tout" laissent passer sans les attaquer les humains qui se content largement de regagner la jungle.
De son côté, Sourire s'est évidemment faufilé dans le boyau qui monte vers l'ouest et, après avoir constaté qu'il était praticable à condition de ramper et d'escalader régulièrement, il rebrousse chemin et rejoint au pas de course ses compagnons à la sortie de la grotte, un ourson plus agressif que les autres l'ayant brièvement pris en chasse.
Finalement, après bien des mésaventures, toutes sortes de blessures et des tentatives avortées d'exploration, de combat et de pourparlers, l'expédition est revenue crevée son point de départ. A vue de nez, il leur reste une heure, peut-être une heure et demi de jour, ce qui est un peu court pour rejoindre le campement et personne n'a très envie de croiser des tricorex la nuit dans la jungle (quoiqu'on discute un moment pour savoir si les "poules à dents" se couchent "à l'heure des poules" ). On convient donc de regagner la troisième grotte, où il y a au moins la possibilité de se défendre et une source d'eau douce... Sur ce dernier point, le médecin est d'ailleurs plutôt circonspect : entre les carcasses en décomposition dans le puits du cerbère et les propres déjections de celui-ci, il est tout à fait surprenant que l'eau de l'étang soit aussi claire dans la grande salle... Il y a là quelque chose de bizarre et LeChemin déconseille aux autres de boire l'eau du lac souterrain avant qu'il ne l'ait examiné de très près.
En tous cas, l'expédition se réfugie pour la nuit dans la grande caverne où les mousses bleues dispensent une vague une lueur à travers l'étendue d'eau : les deux tunnels, vers le puits et la grotte des ours, sont maintenant bouchés par des éboulis (quoique qu'avec les outils en leur possession et vue l'ampleur finalement modestes des éboulement, le Diacre pense qu'on devrait pouvoir dégager la galerie sud en quelques heures de travail et celle vers la grotte aux ours en quelques dizaines de minutes, si on le voulait). On allume un maigre feu, on souffle un peu, on se restaure, on panse ses plaies et on poste cette fois un guetteur à l'extrémité intérieure du couloir qui mène à la jungle : "demain, il fera jour" et l'expédition tentera de trouver un autre moyen d'atteindre le plateau, en évitant les monstres et les sauvages belliqueux.
[La première séance s'est conclue là-dessus et, comme ça commence à faire un très long message, la suite arrive dans un second post...
Comme vous pouvez l'imaginer, les joueurs étaient un peu véreux, mais heureusement motivés pour rejouer au plus vite, ce qui fût fait.]