Ce samedi nous avons donc joué l'épisode 2 de l'Archipel Mystérieux, mené par Guillaume :
"le Pic du Fanal"
Étaient présents :
Nina -
Gunilla klint, mousse, vigie et désormais éclaireuse noroise.
Archiviste -
Lars Petersen, cartographe (et infirmier) norois.
et les 2 nouveaux joueurs :
Argentarbre -
Sam le Sombre, pirate des Opalines
Un Frère de la Côte, un dur, un vrai, un tatoué. Originaire des Îles Opalines, il s'y est forgé une solide réputation de cruauté, comme second du redouté pirate norois Grotte Pier. Introduit clandestinement dans l'expédition à l'escale des Îles Médianes, certains disent pour fuir son ancien équipage, capturé, il a négocié sa vie au prix d'informations uniques : le cap des Îles du Ponant, où il prétend avoir un jour fait escale par accident.
[Note technique - Jusqu'ici, Sam est un des deux seuls personnages à subir le poids d'un "Fardeau", en l'occurrence : "Paria". Pourchassé par son ancien équipage, mis aux fers sur la Fogosa, toujours en but à la défiance des naufragés, tout le monde le déteste et tout le monde sent à quel point il est dangereux. Car, en compensation, ce perso a été conçu avec un élément de plus que les autres, ce qui lui permet d'être à la fois un marin accompli, un combattant aguerri, un boucanier/éclaireur assez remarquable et un menteur très correct.]
Wenlock -
Malco Corrado Berengua, Chevalier d'Espantes et lieutenant d'infanterie palatin.
Quoique qu'il eut rappelé lors de cet épisode combien il était inculte, bourrin et imbus de lui-même, le Chevalier n'en reste pas moins un chef de guerre à la fois teigneux, expérimenté, charismatique et légitimement redouté en cas d'escarmouche. Ça ne l'empêche pas d'être un connard, mais ça compense pas mal.
Préparatifs
Le deuxième soir après le naufrage, le Capitaine en Second Diovo Corte-Real ayant refusé l'usage des chaloupes à l'expédition vers le futur "Pic du fanal" (arguant qu'elles sont plus utiles à pêcher sur la lagune pour nourrir les naufragés), Berengua d'Espantes (après avoir râlé) se lance dans la préparation d'une expédition à pied qui, à vue de nez, devrait prendre au moins quatre jours. Les objectifs sont clairs :
1)-atteindre le sommet du pic, à plus de 10 lieues par la plage, et haut d'environ 40m au-dessus du niveau de la mer (donc 2-3 fois plus haut que les falaises qui bloquent le passage vers l'ouest), établir de là une carte générale de l'île et des alentours, tenter de repérer la Vaga Grande dont on est toujours sans nouvelles et dresser un fanal pour que le galion puisse -espérons-le- retrouver les naufragés,
2)-trouver des arbres dignes d'être abattus pour réparer le bordé percé et le safran faussé de la Fogosa,
3)-si les repérages de Petersen son fiables et qu'une déclivité permet de contourner les falaises et d'atteindre les hauts-plateaux par le nord, chercher une route de retour plus courte et profiter du matos d'escalade pour installer par le haut une "descente" du côté de la cascade.
Comme le pic a l'air bien raide et qu'il ne s'agit plus d'une petite reconnaissance façon "rentrés pour dîner", le Chevalier décide qu'en dehors de l'indispensable Petersen, il n'emmènera que des gens qui connaissent la jungle, savent se battre et grimper... mais évidemment, il va devoir composer avec les compétences disponibles et les volontaires.
Ce seront :
-la naturaliste noroise Beletje Vanderbur (jugée sensiblement plus aventureuse que son botaniste d'époux, et très capable de grimper comme elle l'a maintes fois prouvé dans les haubans de
la Fogosa "pour se dégourdir les jambes"),
-la jeune Gunilla qui à force d'insistance (et parce qu'elle s'est montrée presque aussi intrépide que lui lors de la reconnaissance vers la cascade) a convaincu le chevalier qu'elle sait manier le couteau et grimper comme personne,
-l'éclaireur nègre Epiphane (finalement pas joué, suite à l'absence impromptue d'un joueur mais) qui a déjà prouvé ses qualités de pisteurs et d'arbalétrier,
-le pirate Sam le Sombre, puisqu'on manque d'éclaireur, que Maître Kyijborg (le cupide représentant de l'armateur) insiste pour qu'on le libère depuis qu'il lui a fait miroiter des rivières d'émeraudes, qu'il sait se battre, grimper et prétend connaître le coin,
-les fantassins (palatins, le Chevalier fait dans la "préférence nationale") Rambaldo la Fiotte (puisqu'il paraît qu'il fait peur aux Tricorex), Quiroga le Berger (parce que le Chevalier compte sur lui pour égorger le pirate sans sourciller, si besoin) et Paolo le Borgne (un lancier qui raconte à tout le monde la «fameuse bataille de San Modesto» où il a perdu son œil, et que personne n'arrive jamais à situer),
-les corsaires palatins Dario (un wannabe-guerrier qui traîne toujours avec les fantassins), Dionisio (une petite teigne qui aime jouer des sales tours au pauvre Wouter Vanderbur) et le boucanier Onesimo, dit "Mamaraccho" ("gribouillage", vu qu'il est couvert des tatouages ramenés de chaque port qu'il a visité), un costaud qui sait manier un sabre.
[Pour varier un peu les profils au sein de l'équipage, et parce que toutes les "Activités" (les éléments de constructions de perso qui corresponde en gros au métier) comportent 2 Domaines, Guillaume et moi avons distingué trois catégories de marins : les "matelots" (marins-artisans), les "corsaires" (marins-combattants) et les "boucaniers" (marins-voleurs/éclaireurs). Ça n'empêche pas de diversifier : ainsi, Sam le Sombre est techniquement un "corsaire" avec un Domaine supplémentaire de boucanier, Gunilla est un "matelot" avec des Talents de voleur et qui commence à développer des aptitudes d'éclaireur, le Bosco est un "corsaire" expérimenté avec des talents linguistiques et sociaux... Les PNJ, évidemment ont un peu tendance à être plus "basiques", mais si des joueurs veulent les incarner, ils pourront toujours les customiser.
Étrangement, les 4 marins morts jusqu'ici -en mer ou à terre- étaient tous des corsaires, Dario et Dionisio sont donc les deux derniers.]
Soit 12 personnes, qui devront porter en plus de la nourriture et de l'eau pour 4 jours tout le matériel d'escalade (des tas de cordes, des piolets, des coins, des maillets), des lanternes, une toile de tente (mais pas les piquets, pour alléger), des armes pour tout le monde (au moins un sabre en guise de machette), le matos de cartographie (réduit au minimum), quelques outils (on envisage de fabriquer des échelles, parce que si on doit grimper des fagots sur un pic vertical sur sa plus haute moitié...), des arcs et arbalètes mais aucune arquebuse (trop lourd, trop encombrant et on manque de poudre).
On se lève au premier point du jour, d'Espantes a fait réveillé Diaz pour l'aider à assurer le harnachement de tout le monde
(jet de préparation pour moins subir le poids et faire moins de bruit plus tard) et, malgré les réticences de Wouter Vanderbur -inquiet de laisser partir "seule" sa «Petite Orchidée d'Amour», l'expédition s'avance sur la plage avant que le soleil ne soit complètement levé, la rivière aisément franchie à son embouchure.
La meilleure façon de marcher
Epiphane et Gunilla ouvrent la marche, l'un surveillant la lisière de la jungle, l'autre les crabes géants qui pullulent sur le rivage. Si les fantassins et éclaireurs sont sérieusement armés mais chargés au minimum pour être prêts à réagir, les marins croulent un peu sous le bardât.
La progression dans le sable humide (la marée vient de se retirer) est longue et fatigante, sans doute bien trop prudente
(presque tout le monde a bloqué des points en "action latente" pour rester sur ses gardes : si la question se pose, ce seront sur ces pions-là que se feront les jets de vigilance ou le premier jet de défense, en cas d'ennuis ou d'attaque surprise) Beletje court partout pour soulever un caillou, taquiner un crabe ou se blesser sur un coquillage (on sent bien qu'elle va être un boulet) et lorsque vers midi un sale petit crachin détrempe encore la plage, le groupe n'a parcouru que le tiers de la distance.
Aussi, le Chevalier (qui lui ne porte rien mais râle sur les autres) décide-t-il qu'après une courte pause sous les palmiers pour laisser passer l'averse et manger un morceau (Petersen, décidément plein de ressources, a quand-même le temps de trouver quelques plantes médicinales), il est temps d'accélérer le mouvement si on veut être en vue du pic avant la nuit : rudoyant les traînards, donnant la cadence au son de la "Marche de la Reine" (l'hymne des partisans de la défunte reine Cordélia durant la guerre des deux trônes), il prend la tête de la colonne et impose avec ses fantassins un rythme de "marche forcée" qui, tout l'après-midi, sous le soleil qui recommence à cogner, va rattraper le retard au prix d'une fatigue accrue.
[Techniquement, il prend sur lui d'imposer le rythme : misant au max sur un jet de Physique+Athlétique+Commandement, il va transmettre à chaque membre du groupe (Échelle 2) un bonus de marche équivalent à la moitié de sa Marge de réussite. Évidemment, ça lui coûte aussi pas mal d'Énergie.]
Il reste une petite demi-heure de jour lorsque, complètement lessivée, la troupe fait halte à la lisière de la jungle, à hauteur du pic : il faut encore pourtant dresser le bivouac, tailler des piquets pour la tente, se nettoyer et se soigner les pieds (Berengua insiste : "Les pieds sont l'objet des soins les plus attentifs du soldat ! Un fantassin boiteux n'attend plus que la mort !"), allumer un petit feu avec un peu de charbon emporté du campement, préparer un vague rata et distribuer les tours de garde.
[Tout ne va pas sans heurts, bien sûr, vu que face à d'Espantes, Gunilla multiplie les "indisciplines" (c'est sa principale Réaction, suivie par "Grossièreté") et que Sam le Sombre possède à la fois "Susceptibilité" et "Provocation Gratuite" : avec "Autoritaire" et "Ombrageux" en face, le pirate et le chevalier ont failli en venir aux mains plusieurs fois). Toute l'expédition sera d'ailleurs ponctué par les nombreuses prises de bec de ces trois là.]
La tente est finalement montée à la lanterne et un peu n'importe comment, le camp est moins que sécurisé... On fera avec.
La première nuit
Bien qu'ils soient eux-mêmes complètement claqués, Épiphane et le Chevalier prennent le premier tour de veille, en étant modérément attentifs il faut l'avouer (tout le monde a pris entre 3 et 5 points de Fatigue dans la journée, plus les actions pour dresser le camp, et il ne leur reste plus trop d'Énergie à investir en Vigilance, surtout que Berengua insiste pour graisser ses armes chaque soir, à cause de l'humidité ambiante... et vu ce qu'il trimballe, ça prend un moment).
Lorsqu'il est temps d'aller chercher les deux gardes suivants, ils aperçoivent au fond de la tente une forme quadrupède qui, dans l'indifférence complète des dormeurs, est en train de farfouiller dans leurs provisions : connaissant le meilleur moyen d'intervenir et de donner l'alarme d'un seul geste, le Chevalier dégaine son pistolet et, à travers l'obscurité de la tente encombrée, tire sur l'intrus. Blam !
Après un bref instant de totale confusion, une lanterne enfin allumée, on découvre une espèce de gros chien mal foutu (techniquement, un truc entre le glouton et le diable de Tasmanie), un trou sanglant dans le poitrail (non mais), agonisant au milieu des reliefs de poisson séché et de fruits bouillis : la moitié des vivres de l'expédition a été dévorée ou détruite. La bestiole, baptisée "bouffe-tout" par Petersen (qui s'évertue à nommer presque tout ce qui passe malgré sa Réaction "Manque total d'imagination", ce qui nous a déjà donné la "colline Primo" vue que c'était la première, la plante "kipik" quand il a trouvé une espèce de broméliacée désinfectante -qui risque de sauver la vie à nombre des blessés qui attendent au camp de base- et donc le "bouffe-tout"), est promptement égorgée en guise de représailles, suspendue à un arbre pour y être saignée et un piège installé en dessous (des fois que), puis la nuit et la garde reprennent leur cours.
Le lendemain,
il est devenu évident que la mission ne peut pas continuer sur les seuls vivres restants, il est donc décidé de prendre quelques heures pour cuire le "bouffe-tout" (et le crabe géant qui s'est laissé prendre au piège), rassembler des fruits et des racines comestibles sous la direction de Beletje, Épiphane et Sam le Sombre, pendant que Petersen continue de chercher des plantes médicinales, vue la pénurie de médicaments au campement.
Finalement, en milieu de matinée, l'équipe -qui commence à se démerder pas trop mal dans la jungle- a ramassé de quoi nourrir l'expédition pendant une journée de plus et si l'on peut à ce point se nourrir sur le pays, il devient raisonnable de repartir vers le pic. L'équipée se paye une lieue de jungle bien pentue en seulement 3 heures, grâce aux efforts de ses éclaireurs
[techniquement, ils ouvrent la marche et tracent la piste selon le même système que lorsque Berengua imposait le rythme de marche, distribuant leurs MR additionnées aux copains, mais en plus ils sont chargés de repérer les dangers (serpents, éboulements, scorpions, scolopendres, singes...), et se crèvent d'autant plus à la tâche].
Il est bien plus de midi lorsque, à force de grimpette dans la jungle, l'expédition atteint le pied de son objectif principal : le pic. Bien qu'ayant repéré à la longue vue une voie possible par la face ouest, le Chevalier ordonne qu'un groupe (de PNJ) fasse le tour du pic (qui est plutôt étroit) pour reconnaître le terrain, pendant que Gunilla, Épiphane, Sam et lui se préparent à l'escalade des 20m à peu près verticaux qui restent à franchir. Le groupe de reconnaissance revient bientôt annoncer que Beletje Vanderbur a découvert "des statuettes en bois" installée dans la roche ! Damned, des sauvages !
Rejointe par les autres, la scientifique leur montre en effet les statuettes funéraires installées dans les niches taillées dans la face ouest du pic, dont les 5 ou 6 premiers mètres de hauteur sont plus ou moins aménagés et praticables : voilà qui va grandement faciliter l'escalade, même si à mi-hauteur de ce côté là, il y a un entablement en dévers qui sera sans doute difficile à passer. Épiphane confirme que l'endroit est fréquenté, et l'était même très récemment : certaines empreintes de pieds-nus sont tellement fraîches qu'un groupe d'indigènes devait être présent lors de leur arrivée, et aura filé discrètement.
On décide de prendre des mesures préventives : pendant que Petersen, Beletje, Onesimo et Rambaldo la Fiotte sont chargés de monter un bivouac et de rassembler du bois pour le fanal (voire un peu de nourriture supplémentaire), les fantassins et corsaires restant sont placés en sentinelles pour protéger tant le campement naissant que la montée par le "cimetière".
L'escalade
Gunilla étant apparemment la plus agile, elle sera premier de cordée (son job est d'ouvrir la voie en plaçant chaque fois que c'est possible des coins de fer où poser un tour mort de sa corde pour faciliter l'ascension des autres : comme d'habitude, c'est celui qui taille la route pour les autres qui va fatiguer le plus, mais elle est volontaire), suivie par Épiphane (chargé d'assurer Guni), Sam le Sombre et d'Espantes, qui emporte avec lui ses armes (une épée et un pistolet chargé à grenaille, on sait jamais) et le rab de corde (on grimpe avec deux fois la longueur, afin d'installer une voie à peu près praticable pour les moins sportifs, comme Petersen). On utilise tous des piolets (Avantage 1) et la difficulté est moindre pour ceux qui suivent, mais ça va déjà pas être une partie de plaisir pour les alpinistes amateurs ...
[Techniquement, personne n'a vraiment le Talent "Escalade", on se débrouille en ajoutant Agilité, Athlétisme ou des trucs du même genre à nos domaines "Physique", produisant des Mises Max entre 9 et 12 (piolets compris).
Le MJ a géré ça comme une simple distance à parcourir à coups de jets de difficulté variable : chaque fois qu'on réussi un jet d'escalade, un point de Marge = 1m de progression. Suivant la zone où ça nous place, la difficulté va du simple (Diff.8 ) au franchement raide (14 pour passer le surplomb) en passant par le "piégeux qui dérape" (12). Évidemment, on risque de prendre pas mal de Fatigue au passage et si on rate, on a droit à un unique jet de réflexes avant de dévisser complètement, auquel cas y a plus qu'à espérer que le suivant sur la cordée arrive à nous retenir (sinon, les dommages sont à peu près égaux à la hauteur en mètres, autrement dit passé 10-12 mètres, en jungle, avec un soigneur sans grand équipement, c'est la mort assurée). Et comme on avait pas fait de jets de repérage sur cette voie là, on a découvert tout ça au fur et à mesure, ce qui s'est avéré moyennement prudent, notamment parce qu'on a réalisé en cours de route qu'on en était peut-être même pas capables...]
Les 5 premiers mètres sont assez vite et assez facilement franchis, malgré les protestations superstitieuses du pirate (qui pense qu'à profaner un cimetière, on sera tous maudits) et l'engueulade qui s'ensuit lorsque le Chevalier balance sciemment les statuettes hors de leur niche "pour faire de la place" (et énerver le pirate, au mépris total des considérations ethnographiques de Lars et Beletje), manquant au passage d'assommer Onésimo qui cherchait du petit bois au pied de la falaise.
On est vite attaqués par les petits oiseaux piailleurs au cri puissant et suraigu qui nichent là (baptisés "Oiseaux-Alarmes", ou "bipbip", par le cartographe), mais un bon coup de grenaille tiré par Berengua rappelle vite à chacun sa place dans la chaîne alimentaire.
Dès qu'on quitte la zone "aménagée", ça se corse assez vite, surtout pour Gunilla qui a plus de boulot que les autres et se cogne la plus grosse difficulté. Elle va d'ailleurs rapidement commencer à peiner, à rater des jets et même chuter en tentant de passer le surplomb : rattrapée de justesse par Épiphane, lui-même vite claqué, elle sort de la voie pour laisser passer le pirate et le chevalier qui, en plein concours de bite, ont décider de passer l'obstacle à leur manière, c'est à dire misant respectivement sur son agilité féline pour le premier, et sur la seule force des bras pour le second. Si le pirate passe du premier coup (quoique pas facilement), le chevalier se retrouve finalement accroché par ses seuls doigts, sans assurance (le dernier de cordée qui double, évidemment...), au bord d'un dévers, 10 m au dessus de la jungle, le Frère de la Côte debout au dessus de lui :
«Alors Chevalier, on peine ?
_Gnnnnnnnn...
_Vous savez qu'il ne faudrait pas grand-chose pour que vous tombiez, là ?
_Grmmmmmmmgnx !
_Un petit coup de main peut-être ?
_Gnnnnnnnne t'emmerde, pffflibustier de gfond de cale...»
Dans un ultime effort de ses petits bras musclés (finalement aidé par le surcroit de motivation produit par les provocations du pirate), Berengua d'Espantes parvient à se hisser sur l'entablement, souffle un peu, et selon sa bonne habitude, se tourne vers les suivants pour gueuler : «Alors quoi merde ? Vous dormez là, ou vous apprivoisez les p'tits z'oiseaux ?» Le Pirate ricane. Si Épiphane parvient à son tour sur la plateforme de pierre, il est clair que la petite Gunilla n'y arrivera pas : trop petite, trop crevée (surtout qu'elle a pris sur elle une grosse part de la fatigue de la jungle) ou pas si fortiche qu'elle le prétendait. Berengua décide de la hisser avec l'aide d'Épiphane (ce qui est assez vite fait, vu le poids-plume), et de réorganiser la cordée : il va prendre la tête, assuré par le Nègre (mais retenir le poids d'un costaud de 85 kg assez con pour grimper armé, ce sera pas de la tarte), suivi par Gunilla. La corde supplémentaire est laissée sur l'entablement pour être hissée ensuite et on repart. Aux trois quarts de la hauteur, Berengua manque de dévisser mais est sauvé par ses célèbres réflexes, se retrouve coincé, rattrapé par la cordée (qui profite copieusement de cette occasion de lui rendre les injures et les humiliations subies depuis deux jours), repart, retrouve le rythme et, à sa grande joie, est le premier à atteindre le sommet : complètement lessivé, il prend quand-même le temps de tirer son épée pour beugler un défi à l'île toute entière («Alors là, bravo la discrétion ! Si les sauvages viennent nous chercher des noises, on saura de qui ça nous vient !» commente le pirate).
Une fois tout le monde arrivés sur le plateau pentu qui sert de sommet (et après avoir convaincu le chevalier de laisser tomber sa tentative suicidaire de grimper sans assurance l'aiguille de 3m qui forme "le vrai sommet"), les alpinistes prennent le temps de se reposer dans la brise fraîche en regardant le paysage : une petite vallée s'étend au nord et à l'ouest jusqu'à un autre promontoire dépassant de la jungle, sur ce qui semble bien être l'autre côte, au sud-ouest la jungle monte progressivement à l'assaut du massif montagneux assez élevé, plein sud on peut voir les falaises et la lagune où s'est échouée
la Fogosa. On dirait bien, aussi, que quelques fumées s'élèvent dans la plaine, plus loin au nord sur la côte.
Pour confirmer tout ça, on fait monter Petersen avec sa longue vue, son octant et ses carnets : la seconde corde est arrimée au sommet, jetée en bas et avec une corde pour s'appuyer en plus d'être hissé par Berengua (décidément d'humeur à s'user les biceps), il parvient assez aisément au sommet.
Il en profite pour leur montrer sa nouvelle découverte médicinale : la "tige kiplane", une sorte de sauge sans doute vaguement hallucinogène qui possède surtout des propriétés antalgiques et anesthésiques impressionnantes : c'est le chirurgien Lechemin qui va être content !
Les sauvages !
[Encore une énorme réussite au jet de cartographie/observation, Lars Petersen peut donc obtenir de son belvédère 10 informations de son choix sur la topographie de l'île ou les machins qui gambadent dans la vallée.]
A la longue vue, le cartographe commence par se pencher sur le cas des fumées et repère non seulement un village de huttes à 3 ou 4 lieues en bord de mer, qui semble pas mal s'agiter, mais aussi un second, plus loin au nord-ouest. Le premier village, qui est aussi le plus gros, compte peut-être 20 ou 25 huttes, capables d'héberger chacune 6 ou 7 personnes (on compte donc environ 150 sauvages, probablement pas plus d'un tiers de combattants, ça fait quand-même 50 gus capables de nous tomber sur le groin d'ici la nuit). Ils ne semblent pas y avoir d'élevage ni d'agriculture, bien que des espèces de moutons à longs cous (de là où on est, on dirait des lamas) semblent paîtrent benoîtement dans la plaine, quand les tricorex ne les bouffent pas (?).
La partie sud-ouest de l'île est clairement occupée par un volcan qui doit culminer à plus de 2000m et, le temps étant assez clair, Petersen parvient même à distinguer une masse sombre sur l'horizon, apparemment une terre assez vaste, à peut-être 40 ou 50 milles marins par nord-nord-est.
Les hauts-plateaux ont l'air praticables, en tous cas suffisamment pour rentrer par là et descendre en rappel aux abords de la cascade découverte l'avant-veille, sans doute pas loin des grottes que l'autre expédition doit être en train d'explorer.
Non seulement ça se présente bien, mais on dirait que la végétation change sensiblement dans la plaine nord-ouest, car aux abords d'une pairie de ce qui ressemble à de hauts ajoncs, Petersen a l'impression de distinguer une ligne d'arbres à feuilles caduques, assez droits, peut-être exploitables pour le bordé. Tant qu'il regarde par là, il lui semble aussi que des gens s'avancent depuis le village dans la direction du pic : un comité d'accueil ?
La mission n'est pourtant pas terminée : tant qu'il reste un peu plus d'une heure de jour, on hisse le bois ramassé et séché par les autres sur un petit feu de charbon, on y ajoute des feuilles de palmes pour que ça fume bien et on démarre un fort beau fanal qui devrait être visible à plusieurs dizaines de milles.
Petersen est laissé au sommet pour préciser ses cartes et voir s'il peut repérer la Vaga Grande (malheureusement toujours invisible), les autres redescendent pour participer à "l'accueil" des sauvages.
Quoique retardés par Beletje qui veut absolument jeter un œil à ce qui est manifestement le terrier d'un grosse bête (Berengua ordonne au borgne d'attaquer le trou avec une perche, lui-même attendant la bête pistolet en main : après que la perche ait été brisé et rongé, un nouveau bouffe-tout émerge pour nous faire connaître sa façon de penser, mais se prend une balle en pleine tête, une bonne chose de faite), les guerriers, marins et éclaireurs sont organisés en deux groupes : des guetteurs vont s'embusquer au sud-ouest du pic, sur la piste vers le cimetière, pour y attendre les indigènes, alors qu'un second groupe de réserve restera pour garder le bivouac et les civils, à 100m de là. Devant l'imminence d'une attaque, Sam le Sombre réclame un sabre pour se défendre : d'un côté, personne n'a envie de le savoir armé, d'un autre il est vrai que si des sauvages cannibales ou n'importe quoi du genre décide de donner l'assaut, un bon guerrier de plus ne sera pas du luxe. Finalement, on lui confie un sabre et, dès qu'on se désintéresse de lui une seconde, il disparaît avec. Pas question de lui courir après, pourtant : on verra ça plus tard si la question se pose (en fait, il s'avèrera que le pirate est parti dormir dans un arbre à quelques distances du bivouac, pour ne pas être inquiété en cas d'attaque).
L'attente commence, Berengua en profite pour se faire un petit somme (la journée à été dure) mais, rapidement, il est réveillé par la Fiotte : Épiphane signale qu'un petit groupe d'indigènes est en train de se glisser vers le bivouac, après avoir habilement contourné l'embuscade. Comme le chevalier et l'escrimeur se font eux-mêmes repérés en tentant de leur barrer le chemin, d'Espantes décide d'y aller franco : il sort des buissons et, l'épée à la main mais sans menace excessive, s'avance vers les sauvages en faisant des gestes à peu près amicaux : apparemment pas rassurés devant les fantassins casqués et armés d'acier, les indigènes se carapatent à toute vitesse. Ah bon.
Considérant que la menace a été très sur-évaluée, le chevalier se contente de doubler la garde (4 hommes en permanence autour du camp) et va finir sa nuit dans la tente avec un morceau de "tige kiplane" contre la gencive, suivant l'exemple de Petersen (qui voulait tester sa découverte). Ils passeront ainsi une excellente nuit, la première depuis le naufrage (mais on a la gueule un peu pâteuse le lendemain).
Malgré les inquiétudes des autres, aucune attaque ne survient dans le noir et, au petit déjeuner, Petersen propose d'aller au-devant des sauvages avec quelques cadeaux (de la viande de bouffe-tout et des piolets en fer, par exemple), de s'excuser platement pour le dérangement de leurs sépultures ancestrales et de leur expliquer qu'on a juste besoin d'abattre quelques arbres pour réparer et se tirer de cette île. Le Chevalier est plutôt d'avis de les "conquérir" et en d'en faire un protectorat, mais accepte que ce fût pacifiquement, aussi la troupe presque complète (on a laissé que deux hommes au bivouac, Dionisio et le Borgne) descend-elle vers la vallée pour regarder ces fameux arbres de plus près et parlementer avec les villageois.
En chemin, on jette un œil aux arbres déjà repérés (qui nous ont l'air pas mal du tout), on abat un des "moutons" dans l'idée de gonfler un peu nos offrandes et, à quelques distances du village, on voit venir à nous une troupe d'une 30aine d'hommes et de
femmes en armes ("Sangre de Puta, traverser tout l'océan pour tomber sur des indigènes
réformistes !").
Comme l'entrée en matière du Chevalier ("Holà, braves péons, je vous conquière !") n'a pas l'air de leur plaire beaucoup, Lars Petersen décide de prendre en main la diplomatie : à l'aide de petits dessins et d'accessoires variés (dont une branche prélevée sur un des arbres en question), il leur explique qu'on est venu en paix («Mais n'importe quoi, on est là pour les conquérir ! _Chevalier, je m'excuse mais vous n'aidez pas, là.») dans une grande pirogue un peu cassée, qu'on a besoin d'arbres pour la réparer et qu'ensuite, promis, on se tire. On en profite pour déposer nos cadeaux à leurs pieds (il y a quand même du bouffe-tout bien grillé, accompagné de sa tête pour situer sa provenance, un mouton-débile fraîchement abattu et un beau piolet brillant).
Réponse, mêlant cris et gestuelle pas claire : «C'est chez nous ici, barrez-vous avec vos jambes (?!) ou ça va chier.»
Réponse d'infanterie : les combattants, armes prêtes, se déploient sur une belle ligne face aux indigènes, la consigne étant d'en abattre un maximum au premier faux-mouvement, juste histoire de ramener le nombre à des proportions gérables. Mais c'est surtout l'attitude aussi agressive que détendues de quelques-uns des "blancs" (dont Sam le Sombre, Quiroga et d'Espantes, qui affichent un air très "venez-y, bandes d'emplumés, ça va pas faire un pli") et le look très "coloré" de la Fiotte qui motivent finalement les indigènes à négocier : en fait, ils veulent bien nous laisser les arbres contre des piolets et Gunilla, parce qu'elle a l'air vierge. Ah.
Comme celle-ci n'est pas du tout motivée par l'offre (depuis l'histoire du Pic, elle couve plutôt Épiphane du regard), on leur explique que c'est la femme du Chef-qui-explose-les-bouffe-tout-avec-son-arme-tonnerre et qu'il faudrait voir à pas abuser, non plus.
Ils demandent si on aurait pas d'autres femmes (apparemment, Beletje ne les intéresse pas, on les comprend un peu) et bien que Sam et d'Espantes proposent innocemment de leur refiler les bonnes sœurs réformistes, ça fini par se régler sur l'outillage : Petersen marchande jusqu'à obtenir 1 piolet en bon acier pour 2 arbres abattus, tente de leur expliquer qu'on reviendra couper/charger et payer dans trois jours et on promet que, oui-oui, ensuite on se barre de chez eux. Sur ce, on laisse la barbaque et on repart pour les 3 heures de marche qui nous attendent jusqu'au campement...
Le troisième soir, il faut le dire, c'est plutôt "relâche" : les trois objectifs principaux sont emballés-pesés dans les délais, on pense pas que les indigènes viendront nous faire suer pendant qu'on campe dans leur cimetière, finalement, on a des vivres (et la certitude d'en trouver aisément dans la plaine si besoin), des plantes médicinales en bonus et on pense rentrer assez tranquillement le lendemain en passant par les hauts-plateaux. Certes, la
Vaga Grande est toujours invisible mais on se prend à penser que notre beau fanal aura été vu de loin et que, si ça se trouve, les secours sont déjà en route.
Au final la seule ombrette au tableau, c'est cet imbécile de Dionisio qui a bouffé une baie qu'il aurait pas du et qui, après avoir beaucoup vomi, tient à peine sur ses jambes : comme Petersen déclare que ça devrait aller mieux le lendemain, on attend l'aube à garde réduite (deux hommes), couchés sur les lauriers du devoir accompli et drapés dans l'espoir d'une amélioration prochaine de la situation.
Le retour
Levée à l'aurore, l'expédition remballe son bivouac avec un certain enthousiasme (sauf Dionisio, toujours patraque) et se prépare à voyager plutôt léger : on abandonne les "piquets de tente" improvisés et on laisse les deux cordes qui pendent du sommet du pic, camouflées dans le rocher de la façade est et, si on soustrait encore la nourriture consommée, on rentre nettement plus légers qu'on était partis : l'essentiel de la marche se fera certes dans les nuées d'insectes qui encombrent les prairies mais ce n'est plus ni du sable ni de la jungle, il faut beau, assez frais, il n'a pas l'air de devoir dracher tout de suite... Après quelques heures de balade, le chevalier ne remet le groupe à marche forcée que parce que ça canalise les deux scientifiques norois, qui sinon bavardent et soulèvent le moindre caillou pour prendre des notes sur les saloperies qui en sortent.
L'humeur reste à peu près au beau fixe, malgré Dionisio qui ralenti l'avancée de la colonne et qu'on fini par coller avec le Borgne, pour former une arrière garde pas trop nulle et le faire avancer, mais rien n'y fait : il traîne constamment à l'arrière du groupe et, franchement, considérant qu'il n'est plus tout seul, on s'en préoccupe pas fort.
Jusqu'à ce qu'un hurlement nous fasse tous nous retourner : Dionisio et Paolo le Borgne ont disparu. Gné ?
Lorsqu'on voit bondir une espèce de tricorex beige par-dessus les hautes herbes, on comprend qu'on a été trop négligent et on dégaine les armes. Berengua remonte la colonne au pas de charge, immédiatement suivi par Sam le Sombre (qui a toujours son sabre) et Rambaldo la Fiotte ; Quiroga, Dario et Onesimo se déploient pendant que les arbalétriers (Petersen et Épiphane) cherchent une solution de tir ; Gunilla cavale dans les herbes mais hésite entre "rester cachée pour lancer un couteau sur la première bête qu'elle verra" et "rester cachée tout court". Quand on arrive au contact, 7 ou 8 poules à dents sont en train de déchiqueter Dionisio et harcèlent Paolo qui, quoi qu'au sol, tente de les contenir de grands moulinets de sa lance.
Le premier choc disperse les tricorex et les force à se réorganiser, Sam et le chevalier se jettent ardemment dans la mêlée (
il faudra quelques points d'histoire pour compenser le peu de pions investis en défense), sont vite rejoints par les 4 autres guerriers et, si on encaisse bien quelques blessures légères dans la courte mêlée qui s'ensuit, c'est encore Petersen qui aura eu le plus chaud quand une bestiole bondit des hautes herbes pour se jeter sur lui : il a juste le temps de lui décocher un carreau en plein poitrail et la bête atterri sur lui (blarf), le plaquant au sol sous 80 livres agonisantes de plumes et de griffes acérées. On en tue encore trois ou quatre et ils se carapatent, le Chevalier grenaillant le train d'un des fuyards pendant que le pirate passe ses nerfs en torturant atrocement celui auquel il a coupé une patte avant qu'il ne dégage.
On manque d'ailleurs encore de perdre Gunilla, toujours indisciplinée, qui était partie chercher la bestiole qui s'était pris son couteau dans le crâne et avait continuer de courir sur 30 ou 40 pas avant de s'écrouler : quand elle arrive pour reprendre son arme, le tricorex est beaucoup moins mort que prévu et, bien que très mal en point, agite encore ses griffes dans tous les sens. On le décapite, on rassemble l'équipe complètement dispersée dans les hautes herbes, on prélève quelques trophées en se disant que ça pourra épater les indigènes (leur chef porte des plumes de tricorex) et on se préoccupe de soigner le Borgne : pour Dionisio, par contre, il n'y a rien d'autre à faire que d'emballer et de ramener son corps. Sam trouve qu'on se charge inutilement et qu'on ferait aussi bien de le laisser là, mais les autres n'ont pas l'intention d'abandonner le corps d'un des leurs aux bêtes sauvages ! (Au passage, Dionisio était un "corsaire", qui sont définitivement maudits.)
On improvise donc un traineau, on re-réparti les bagages pour que ceux qui le tirent n'aient rien à porter et on se remet en route d'un bon pas, vu qu'avec tout ça il ne nous reste pas beaucoup plus d'une heure de jour pour atteindre la cascade, encore distante d'au moins une lieue, et descendre les falaises si on trouve le reste des copains près des grottes (sinon, on préfèrera passer la nuit en haut des falaises que de se cogner la descente rien que pour le plaisir d'aller se paumer dans la jungle, vu qu'il est clair qu'on atteindra pas le camp de base avant la nuit s'il est toujours aux abords de la plage).
Le soleil est déjà bas sur l'horizon lorsque l'expédition commence à entendre la cascade : y trouvera-t-on le reste du contingent ré-installé ? Nous le serons après le prochain épisode : "les Grottes" !
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