Ca y est, j'ai enfin pu me plonger dans le recueil Sous un Ciel de Sang écrit par l'un des maîtres du milieu rôliste francophone. Composé de trois scénarios conséquents (entre 30 et 60 pages denses chacun), et de douze trames (2 pages chacune), ce supplément fait partie de la nouvelle gamme de l'AdC : La France des Années Folles.
Si je devais résumer mon avis en un un seul mot à la fin de ma lecture, ça serait sans hésiter : jubilatoire.
Sous un Ciel de Sang
Commençons par le plat de résistance. Plat qui donne son nom au recueil d'ailleurs. C'est original, complexe, parfaitement présenté, agréable voir même passionnant à la lecture, avec des personnalités croustillantes, et des passages qui fleurent bon les scènes d'anthologie (notamment le final...).
Bref, le genre de scénario rare qui vous ferait jalouser vos joueurs. Vous savez ces vernis qui auront la chance d'y jouer... Enfin bon, j'exagère. On sait vous et moi que la maîtrise nous donne des plaisirs différents, mais pas moins forts pour autant.
Mais revenons en arrière, au tout début du recueil. Après avoir lu l'introduction non dénuée d'humour, j'ai eu la bonne idée de commencer par les cinq personnages pré-tirés. Excellente présentation rendant chacun d'entre eux original, mature, crédible et vivant. Même la forme change par rapport à ce qu'on a l'habitude de voir...
Si l'on peut jouer théoriquement sans (le scénario tient compte des deux possibilités), l'histoire a été clairement pensée et travaillée pour ces personnages là, leurs personnalités, leurs historiques, leur équipement, et notamment leurs contacts.
Nous n'avons pas affaire ici à des roues de secours (qui a dit remplissage ?) comme c'est la plupart du temps le cas... Toutes gammes confondues.
Décomposé en cinq "séquences" qui peuvent se mélanger selon les directions suivies par les joueurs et vos propres décisions, c'est donc clairement un scénario ouvert, demandant une certaine préparation en amont (il faut bien mémoriser l'essentiel), et de solides facultés d'improvisation en cours de jeu.
Au niveau des aides de jeu, rien à dire sur la présentation, SD nous a habitué à un haut niveau de qualité. Au niveau des textes je soulignerai en particulier les articles de presse... Mettant en avant la mentalité de l'époque, révoltants par moments, stimulant le PJ, en un mot : excellents. Bien que suffisants, je regrette juste qu'il n'y en ait pas plus tant ils sont bien ficelés. Très bonne idée que la double écriture des articles de presse (pour le MJ passages entre les lignes écrits en italique donnant des informations complémentaires non dévoilées sciemment ou pas par les journalistes).
Ténèbres au Cœur de la Montagne
J'ai attaqué ce deuxième scénario avec un brin d'appréhension. Quoi de plus normal après une bonne claque ? Bon, avouons le de suite, pour le prix d'une je m'en suis pris deux...
Je vois déjà venir les plus sceptiques... Vous allez croire que je touche des coms (même pas en rêve), que j'achète sans réfléchir, ou que je suis un pote de « l'entité multicéphale » ayant créé la "chose" (je n'ai pas cet honneur).
Ok, jusque là j'appréciais beaucoup les scénarios de Tristan, mais je serai plutôt du genre à exiger plus quand j'aime que le contraire. Ici, plus ma lecture du supplément avançait, et plus je devenais mordu...
Revenons à nos moutons auvergnats. Tout comme pour le premier scénario, j'ai attaqué la lecture par la fin, autrement dit par les pré-tirés.
La satisfaction fut à nouveau au rendez-vous : même s'ils sont moins surprenants que le premier groupe, on découvre leurs motivations, on pressent les histoires parallèles qui vont se nouer entre eux, et là aussi ils s'imbriquent parfaitement dans le scénario. Toutefois l'adaptation a un autre groupe serait cette fois plus simple : contrairement à ceux du premier scénario où les compétences spéciales, les équipements et les contacts étaient cruciaux, ici seules les motivations de départ sont essentielles via les liens familiaux ou sentimentaux.
Précision en passant : autant le premier scénario est délicat à transposer dans un autre cadre, autant celui-ci est l'est facilement si la France des années folles n'est pas votre tasse de thé. Sans compter que comme pour le premier, des conseils pertinents sont donnés pour y parvenir.
Et on attaque le scénario de 40 pages... En dehors du cadre (l'Auvergne des années 20), ça démarre de manière relativement classique : un groupe de proches des PJ disparaît. Les investigateurs débarquent dans un vase clos composé d'une région reculée et d'une batterie de PNJ savoureux.
Dans un premier temps, pour rendre intéressante la découverte de la localité où se déroule l'essentiel de l'enquête, il faut interpréter pas mal de PNJ en les différenciant suffisamment. Jusque là, malgré la curiosité motivante, ça reste relativement classique. Si ce n'est que le cadre imaginaire s'inspire de l'Averoigne médiévale de Clark Ashton Smith (là je deviens faible...), mixable mentalement avec les décors et l'ambiance du film « Le Pacte des Loups » (non, je n'ai pas parlé de kung-fu), et qu'au vu de la belle brochette de protagonistes, on ne peut s'empêcher de s'imaginer interpréter les uns et les autres...
Au fur et à mesure en avançant dans la lecture, l'intrigue, l'humour - petits zestes qui rendent les PNJ crédibles -, et notamment l'horreur - de moins en moins en filigrane - m'ont emporté.
Ensuite la machine se met en marche...
Pour autant, au milieu de tous ces outils, Tristan n'oublie pas le lecteur en amont : on ne s'ennuie pas un instant et ça c'est un plus fort appréciable.
Un bémol ? Non, aucun... Bon, ok, juste un pour pinailler : dans un cadre fermé où tout interlocuteur est un suspect potentiel, j'aurai aimé que l'intégralité des PNJ soit fournie avec une photo de façon à les présenter à mes joueurs en évitant tout méta-game. Ceci dit les principaux en disposent, ainsi que la plupart des secondaires. Il me suffira de compléter.
Le Drame de la Fosse 5
Scénario le plus court du recueil (30 pages), c'était celui dont le thème m'inspirait le moins, bien que le principe m'intriguait (scénario double jouable par deux équipes de joueurs en parallèle, ou deux équipes de PJ).
Ici les pré-tirés sont cruciaux : les huis-clos sont construits autour d'eux, et sans, l'intrigue perdrait clairement en intérêt. Seul « hic » (logique) : pas de PJ féminins.
Côté cadre, tout comme pour le second scénario, le changement est réalisable assez facilement également.
Finalement ce "doublé" est non seulement parfaitement bien construit (au vu des précédents rien de surprenant), mais surtout il donne furieusement envie de le faire jouer !
Dossiers historiques
Douze trames d'aventures sur près de 30 pages. Avec du travail, ou des capacités d'improvisation hors norme, on a la douze aventures qui peuvent se révéler fort intéressantes. De quoi jouer en France pendant plusieurs séances.
Évidemment j'aurai aimé les voir détaillées avec maestria par Tristan, mais on serait passé à un pavé de 600 pages...
Conclusion
Que dire de plus ? C'est le seul supplément de SD que j'ai dévoré de bout en bout en étant stimulé par le plaisir de la lecture plutôt que par la nécessité. Ces scénarios font partie des meilleurs que j'ai lu de l'AdC, ni plus ni moins.
Qui plus est, bien que possédant depuis sa sortie le mythique "Les Années Folles", la France de cette époque ne m'attirait pas plus que ça jusque là. Il en va tout autrement aujourd'hui, et si je n’avais les Masques sur le feu actuellement, je m'y attellerai en ce moment même...
Merci Tristan pour ce menu de fin gourmet
Note Grog : 5/5