LES ROUTES DE LA SOIE
Peter Frankopan
Les routes de la soie ou l’histoire du cœur du monde se livre à une tentative assez rare, à ma connaissance, à l’heure actuelle. Au lieu de proposer un livre extrêmement précis sur un sujet assez restreint ou une période définie (comme le Moyen Âge, même), ce livre propose de dresser les grandes lignes de l’histoire du Moyen-orient, vu par les yeux de l’occident.
La Route de la soie est, certainement, l’une des routes mondiales les plus anciennes et les plus fréquentées depuis l’avènement de la civilisation. Après avoir dressé une présentation géographique à l’aube de la civilisation, Peter Frankopan développe les raisons du commerce sur cet axe : d’abord, la recherche de la soie de Chine, mais aussi des épices, des objets de luxe de l’artisanat ou des premières manufactures chinoises, l’importance des royaumes perses. Il continue en parlant des invasions grecques, tout d’abord, avec l’épopée d’Alexandre le Grand, puis de l’axe de développement de Rome, qui se tourne assez rapidement vers l’Orient et ses richesses, persuadé qu’il y a plus à gagner dans ces zones que dans celles du nord et de l’est du Rhin et du Danube. Puis vient le temps des religions, puisque cette zone géographique a été la plus riche à ce niveau, par l’émergence du judaïsme, du christianisme puis de l’Islam, sans parler de religions (quasiment) disparues, comme le Zoroastrisme et le manichéisme. C’est aussi l’endroit de la rencontre de religions différentes, comme les religions hindoues, le bouddhisme…
Frankopan s’intéresse ensuite à la fois à la façon dont l’Europe va se construire, en partie sur les richesses récupérées en orient puis aux Amériques, les mouvements colonialistes, la traite des esclaves et la richesse qu’elle a généré, avant que la région ne devienne essentielle pour l’Europe puis les Etats-unis pour les réserves naturelles de gaz et de pétrole, avant de s’arrêter sur une photographie de la zone géographique en 2014.
Pour un survol, c’est un survol intéressant. Orienté par la vue de l’historien, nécessairement, qui rend justice à l’Angleterre en rappelant à quel point elle a réussi, en quelques décennies, à se mettre le monde entier à dos. Il pointe les incompréhensions, les différences culturelles mal appréciées, les certitudes et les combats d’arrière garde qui ont entrainé une si violente différentiation entre l’Occident et l’Orient.
Satisfaisant ? Oui et non. En offrant une vision orientée, on se retrouve nécessairement à devoir se positionner et à ne pas accepter purement et simplement le positionnement de l’auteur sur tous les points, même si son angle d’approche, la colonisation et l’exploitation de zones riches au détriment des populations qui y vivent pour assurer le développement des pays européens puis des Etats-unis, est intéressante et argumentée. Voir comment, au nom de la protection de certains états, ont été générées des sources de conflits sans fins et la radicalisation d’une partie du monde éclaire l’actualité et les événements récents. Malgré tout, je trouve que l’auteur va trop loin dans cette analyse et tente de rejeter toutes les fautes sur l’Europe orientale et les Etats-Unis, omettant certains autres intérêts de nations aussi puissantes mais peut être moins faciles à critiquer, comme par exemple la Russie ou la Chine. Il analyse l’invasion russe de 2014 d’événements, de conflits internes, refusant de voir grandir l’impérialisme russe qui n’a rien à envier aux nations plus occidentales.
Mais il est bon de pouvoir critiquer ce livre, puisque cela amène à se forger sa propre opinion sans reprendre trop fidèlement celle de l’auteur. C’est donc un livre de découverte de l’histoire du centre du monde qui a son intérêt.
En tout cas, pour des rôlistes, c'est une mine d'informations et d'inspiration pour des campagnes politiques. Le comportement des uns et des autres est à retenir, utiliser, développer, notamment sur la première moitié du livre : le devenir des empires, les guerres de succession, les changements de régime, la façon dont les religions s'implantent, l'idée que la divinité est plus forte car elle favorise un peuple sur un autre...