Macbesse a écrit : ↑mer. mars 20, 2024 9:56 pm
Ensuite, se pose la question du coût écologique. J'ai lu qu'une requête représentait un litre d'eau, ça me semble une curieuse façon de compter mais c'est une question à creuser.
L'enjeu écologique est énorme. L'impact environnemental du numérique est déjà très significatif, et il est en croissance (voir par exemple
ce document de l'ARCEP). Je travaille dans le secteur du numérique depuis bientôt 25 ans, et depuis trois ans je me focalise de plus en plus sur le sujet du numérique responsable.
Cette croissance de l'impact du numérique est fortement alimentée par le boum de l'IA, à la fois à cause du nombre d'utilisateurs qui s'y mettent, et par l'accroissement du nombre de paramètres des modèles, à chaque génération: en gros, plus un modèle est puissant, plus il manipule de paramètres, et plus la puissance de calcul nécessaire pour l'alimenter est importante.
Qui dit puissance de calcul dit serveurs et réseaux, donc du matériel à produire, de l'énergie à consommer, de l'eau pour refroidir, etc. La seule fabrication d'un ordinateur de 2 kilos nécessite 1,5 tonnes d'eau (voir cet
article de l'ADEME). Les datacenters utilisent également de l'eau à l'usage, pour refroidir. C'est pour ça que ramener le coût d'une requête IA à une consommation d'eau est pertinente.
Quand on parle d'impact environnemental, en général on tente donc de faire des analyses multi-critères et ce sur l'ensemble du cycle de vie:
- multi-critère, c'est prendre en compte le dégagement de CO2 (et de ses impacts sur le réchauffement climatique), l'eau, l'énergie primaire (qui est limitée pour sa partie énergie fossile), les terres rares (qui deviennent de plus en plus coûteuses à extraire), etc.
- l'ensemble du cycle de vie c'est tenir compte de la fabrication des équipements, de la phase d'entrainement (pour l'IA), de la phase d'utilisation, du fait que les serveurs et terminaux utilisés ont une fin de vie fortement polluantes (on recycle très mal les équipements numériques, en partie par manque d'efficacité des filières, en partie à cause des limites physiques, en partie à cause du manque de rentabilité des opérations), etc.
Si vous voulez mieux comprendre ça, vous pouvez vous inscrire à des
ateliers de Fresque du Numérique, qui permettent de comprendre ces impacts, d'avoir quelques ordres de grandeur, et d'identifier les actions individuelles et collectives que nous pouvons mettre en place pour un usage plus responsable du numérique. Il y a des ateliers citoyens gratuits organisés sur toute la France et au-delà.
Le calcul de l'impact écologique de l'IA est encore en train de mûrir, le chiffre d'une requête qui représente 1l d'eau me parait démesuré. Une des études disponibles sur Chat-GPT dit plutôt 25 à 50 questions pour 0,5L d'eau (voir
cet article qui donne ses sources). Mais ça va augmenter puisque les modèles se complexifient. Et ça va se démultiplier par le nombre de requêtes.
La question que ça pose, au-delà des questions d'éthique sur le droit des artistes et auteurs, c'est donc de savoir faire un usage raisonné de l'IA, en sachant estimer si la valeur ajoutée dégagée contrebalance le coût environnemental (et on pourrait rajouter le coût humain et sociétal). A terme (et on parle pas d'un siècle, mais d'un horizon de 20 à 50 ans), on va devoir faire des choix sur nos usages du numérique et sans doute renoncer à tout ce qui n'est pas indispensable.
La réponse dans le domaine du jeu de rôle me parait clair. J'aime notre loisir, mais ce n'est qu'un loisir. Faire appel à l'IA pour ça est une absurdité.