Chapitre 5 - La toile souterraine
Joueureuses présent·e·s : François, Jean, Marion, N, Pierrot.
Dans une cave humide et sombre, qu'un unique pilier de pierre habillait en son centre, un humanoïde frêle à la peau blanchâtre essuyait le front suintant d'un humain attaché au mur.
"J'ai soif, s'il te plaît" demanda-t-il, implorant la personne qui le retenait captif.
"Bien sûr, bois !" et le geôlier porta à ses lèvres un bol d'eau de pluie récupéré sur les toits.
"J'ai mal, j'ai tellement mal si tu savais...
- Je sais, je sais, répondit l'albinos les dents serrées. Mais j'ai bon espoir. J'ai une piste. Ses liens qui te retiennent ne seront bientôt qu'un mauvais souvenir..."
Il s'éloigne du prisonnier et monte l'escalier de bois. L'ambrien ne voit guère plus dans cette pièce obscure, hormis les deux orbites luisantes du crâne qui fait face à lui et semble sonder son âme.
Dans la matinée du 14 Serliéla, jour de Terre, Kvarek et Karla ont été rejoints par Bartolom dans les rues d’Yndaros. Les retrouvailles sont de courte durée, car iels sont attaqué·e·s par quatre membres du clan Karohar, à la recherche de la chasseuse de têtes. Bartolom arrive à comprendre dans le peu d’échanges proférés que Karla serait une meurtrière aux yeux de leurs adversaires. Les assaillants sont vite défaits, et c’est l’occasion d’accompagner la patrouille qui s’occupera des lieux pour visiter la Garde, comme souhaité initialement.
Le trio n’apprend pas grand chose, à part que les masques ont été donnés aux Vandales, ainsi qu’une somme mesurée, pour faire du raffut au niveau de l’établissement de Kumuma. La visite chez Grondel n’est pas pour autant annulée.
Du côté de l’immeuble, Balourd et Fénya explorent une dizaine de mètres du tunnel révélé plus tôt, avant d’entendre un cri de panique : un incendie s’est déclenché dans les étages. Les deux remontent dard-dard et apprennent que Korim et Cyan se cacheraient peut-être là où le feu a débuté. Sauf qu’en grimpant l’escalier, l’ogre et la gobeline croise un intrus encapuchonné.
Un combat difficile s’engage dans la cage d’escalier, puis l’incendiaire supposé prend la fuite vers une fenêtre menant dans la cour extérieure. C’était sans compter sur Niha, qui s'était faite discrète jusqu'ici, et qui accueille de ses lames fines le fuyard. Rien sur lui n’indique son origine et ses motivations, et les deux autres personnes qui l’accompagnaient initialement ont pris la poudre d’escampette depuis longtemps. Quant aux enfants, plus de peur que de mal, et Kumuma est rassuré que les deux n’aient rien.
Chez Grondel, le mage, le mercenaire et l’arbalétrière font chou blanc. En effet, le commerçant n’a jamais vendu de masques similaires à ceux vus sur la tête des importuns bagarreurs. Les trois comparses retournent donc dans les taudis pour retrouver les autres, et apprennent ce qui s’est déroulé en leur absence. Le groupe est persuadé que ce qui se cache dans ce tunnel est au cœur des convoitises du moment, et iels attendent la nuit tombée pour mettre leur plan en branle.
Niha et Kori, à contre-cœur de sa maîtresse Fénya, restent en arrière, afin de surveiller et protéger Kumuma et son fils. L’avancée est difficile dans ces boyaux parfois naturels, parfois ouvragés. Lorsqu’iels se trouvent à une intersection, iels décident de suivre un des chemins, se promettant de visiter le second si l’occasion se présente plus tard. À un moment, iels découvrent une large alcôve dans laquelle sont disposés trois sarcophages anciens. Leurs occupants sont morts depuis longtemps, et les épées à deux mains trouvées à l’intérieur feront de bons matériaux pour Balourd.
Plus loin enfin, après près une bonne heure et demie de marche éprouvante pour les nerfs et la vue, les cinq aventurier·e·s découvrent une imposante caverne qu’une lumière blanche diaphane éclaire. Entre les quelques piliers de granits, le sol est jonché de cadavres desséchés d’araignées et de guerriers humains et, au beau milieu, irradiant de cette lueur fantomatique, le corps sans vie mais prêt à renaître d’une Shelob.
Bartolom n’y réfléchit pas deux fois et entame les hostilités d’une
Cascade de soufre. Alors, sortant de part et d’autres, des dizaines d’araignées grandes comme des chiens voire des loups s’approchent du groupe. Kvarek, Balourd et Fénya encadrent le mage alors qu’il fait pleuvoir le feu sur la carcasse dont la respiration déclenche des frissons chez toustes. Karla élimine de ses carreaux les arachnides trop proches.
Soudain, alors que la coquille de chitine semble prête à rompre, le forgeron tente une percée vers la sortie. Les autres lui emboîtent le pas, sauf Fenya, qui récupère sur place une vieille lance emballée dans de la soie qui semblait plantée dans une partie du corps de la Shelob éteinte. Une folle course dans les tunnels s’engagent.
Mû par l’instinct, l’ogre repère un pilier de bois fragilisé par le temps et le frappe de ton son poids. Le passage commence à s’effondrer derrière lui, trop rapidement sûrement, car au moment où le groupe atteint une intersection, Balourd est enseveli sous les gravas et la pierre. Seule une main émerge des décombres, et les autres mettront près de deux heures à déblayer prudemment pour laisser le façonneur d’armes émerger.
Après avoir reçu des soins sommaires prodigués par Bartolom, l’ogre et ses nouveaux compagnon·e·s émergent des couloirs souterrains pour tomber nez à nez avec une silhouette noire et dissimulée, dans le même accoutrement que le pyromane du matin. L’immeuble a été attaqué pendant leur absence. La rage s’empare du nain et de la barbare, qui avancent méthodiquement en faisant pleuvoir coups de haches et carreaux sanglants. Malheureusement, tous les intrus ont beau périr, c’est avec amertume qu’iels constatent l’assassinat froid et lâche de Kumuma.
Fénya et Balourd s’inquiètent pour Korim, et constatent l’absence de Niha et Kori la femelle hibou. Elles seront retrouvées, avec l’enfant, caché·e·s dans une ruelle sombre non loin, et blessées sévèrement toutes les deux. Le jeune garçon est éloigné au mieux de la pièce principale où le corps sans vie de son père se trouve, et Balourd et Kvarek font leur possible pour le réconforter.
La Garde est appelée, et Haktor l’ami du nain arrive aussi rapidement que possible. Lui-même semble affecter par l’acte sauvage qui a mis fin aux jours de Kumuma. Un des attaquants est identifié comme un fils de noble de seconde classe. Le caporal explique qu’il fera au mieux pour identifier les commanditaires, et qu’ils paieront très cher ce qu’il s’est produit. Il explique cependant qu’il ne peut fermer les yeux sur la découverte dans la cave, ce à quoi Bartolom ajoute qu’un rapport à l’Ordo Magica est prévu.
Au lendemain matin, le jour d'Eau n’a jamais aussi bien été approprié qu’en ce moment de deuil, où la plupart pleure le brave ami des artisans. Balourd est fortement blessé, et il va devoir s’économiser pendant plusieurs semaines avant de pouvoir reprendre des activités aussi intenses que celles des derniers jours. Haktor confiera les résultats rapides de l’enquête au mercenaire nain dans les jours qui suivent.
Ulstano, un noble de basse extraction comme ses autres recrues, a fondé une secte morbide autour de la vénération des araignées, et il était persuadé que ce que les explorateurices ont trouvé dans les tunnels existait bel et bien. C’est pourquoi il avait cherché par tous les moyens à acquérir cette propriété, car il était persuadé qu’elle était l’une des entrées vers les souterrains sous Yndaros.
Le caporal expliquera également qu’en l’absence de famille directe, et sur requête du Monastère, Korim serait envoyé au sud rejoindre Sœur Lestra, avec une bourse constituée de l’argent de la vente de l’immeuble aux enchères et d’une amende issue des biens du cultiste. La mise en vente est prévue pour le 22 Serlélia et, en temps que contacts les plus proches de cette affaire, le quintette est approché par Goldä, un ménestrel officiellement, un chef de gang barbare officieusement, et Erp Dungail, un marchand. S’il était anciennement intéressé, Jérok Kalatra se sera finalement retiré de l’affaire, probablement par crainte de la présence de Kvarek et l’aura que sa famille porte.
Karla et Fénya, le duo le plus improbable pour ce genre de discussion, assurera la négociation avec Goldä. En échange de la lance trouvée par la gobeline, qu’il prétend être l’arme emblématique de son clan disparu, il propose d’acquérir la propriété, financer les frais de l’expédition et offrir les services d’une érudite - une “fille aux yeux de verres” dit-il exactement - et de deux de ses hommes de main. En échange, il récupèrera les trois quarts des richesses que le groupe trouvera.
Le marché est conclu, la vente se fait mais plusieurs semaines se passent avant que le tunnel de la cave, obstrué sur demande de l’Ordo Magica, soit de nouveau accessible. Morangal, le mois des Ténèbres, est donc bien entamé quand Bartolom, Fénya, Karla et Kvarek partent avec leurs trois accompagnateurices. L’expédition sera courte, une grosse journée à peine, mais dans la grande salle qu’iels trouveront - potentiellement une ancienne église ou autre chapelle - de nombreux objets de valeurs seront découverts. Le groupe récupère une part non négligeable malgré la somme considérable initialement récoltée.
Alors que la fin du mois s’annonce, Niha approche Fénya et évoque avec elle le pendentif récupéré dans les biens volés de la caravane des Titans. Dans celui-ci, la changeline a trouvé une note évoquant une certaine
Ménandra, et elle se dit que ce serait peut-être un indice pour un trésor à dénicher en Davokar. Les deux femmes malicieuses conviennent d’aller à Fort-Chardon et d’essayer d’y obtenir plus d’informations voire, peut-être, y préparer une chasse aux trésors.
Bartolom de son côté en a terminé avec son apprentissage à la tour de l’Ordo Magica. Fidèle à ses désirs initiaux, il souhaite lui aussi aller au nord afin de rejoindre un ancien ami de son maître en Albérétor, le dénommé Vernam, aujourd’hui précepteur. Pour ce qui est de Kvarek, sa famille lui confie la tâche de s’approcher des membres restants de la famille Merotzak qui auraient trouvé refuge à Fort-Chardon également. Enfin, Karla et Balourd décident de suivre le mouvement, l’une en quête d’opportunités de primes, l’autre pour renouer avec ses racines.
Le départ se fera le 25 Morangal, avec six jours de marche en prévision.
"Tiens Bartolom, l'armure est prête !" annonça l'ogre forgeron en assénant un dernier coup de marteau sur l'acier travaillé.
Avant de quitter Yndaros pour Fort-Chardon, le mage avait commandé à son nouveau compagnon une cuirasse de métal qui pouvait accueillir un Serviteur de Flammes.
"Merci beaucoup. C'est de la belle ouvrage messire Balourd.
- Trêve de messire pour mes grandes mains Bartolom, rétorque l'ogre, accompagnant la parole d'une claque dans le dos de l'érudit maigrelet. Tâche donc de l'apprécier à sa juste valeur. Comptes-tu lui donner un nom ?
- Oui, j'y ai pensé. Ce sera la surprise, quand vous le verrez à mes côtés. Je dois d'abord réunir mes affaires à la tour de l'Ordo Magica, puis j'accomplirai le rituel pour lui donner naissance. Je vous dis à demain, à toi et autres Balourd !"
Et le mage quitte la forge empruntée par l'artisan. Sur le chemin, alors que le métal façonné pèse lourd sur ses bras malgré l'emploi d'une brouette, il esquisse un sourire amusé. Barboq ! Peu commun comme nom pour un servant d'acier habité par les flammes, mais il n'avait pas trouvé idée plus plaisante.