[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

Macbesse a écrit :Ouaaaaah.

Oui, c'est basique comme réaction, mais ça résume bien.
Merci !
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

MOINS QUARANTE

Faire forfait face aux rudesses du climat

Le Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyres dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 07/12/15 sur google hangout

Personnages :
L'inspecteur, Dragon, Inok, Roche, Nobody


Retrouvez l'enregistrement de partie sur ma chaîne youtube.

Image

crédits images : Travis S, Jasmic, Phil Mclver, Sophus Tromholt, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com, visit finland, Granbergs Nya Aktiebolag, licence cc-by, galeries sur wikipedia commons


Le Théâtre :

Moins Quarante : Hommes, Bêtes et Dieux dans l'enfer glacial du Grand Nord est une création d'Orlov pour le recueil de scénario Le défi des quarante ans du JDR. On s'aventure dans une région éludée dans l'Atlas de Millevaux : la frontière entre l'ancienne Russie et l'ancienne Finlande, autour de Mourmansk, terre désolée, sauvage et fière, territoire des hommes, bêtes et dieux, lieu des nations premières, des grandes chasses millénaires et des pêches industrielles, carrefour des hégémonies et domaine de la mort, du tout Puissant Père Gel et entrée de la mythique Terre Creuse.

Puissamment exotique et pour autant complètement empreint des marqueurs de Millevaux, Moins Quarante est un théâtre qu'il nous était urgent d'arpenter.


L'histoire :

L'Inspecteur

+ (barré) Je veux conserver mon petit pouvoir de fonctionnaire.

Printemps.
Petit fonctionnaire corrompu de l'appareil communiste chinois, je coule des jours mornes à l'entrée du Mur vers la zone de Moins Quarante. Le Parti contrôle cette zone car les sources marines de l'endroit sont un des derniers viviers de nourriture pour la masse prolétaire affamée de l'empire communiste panasiatique. Ici, le Mur n'est plus une barrière mais une frontière, contrôlée par nos douanes. Et dans ces circonstances, il y a toujours du pouvoir et de l'argent à se faire pour ceux comme moi assez malins pour jouer de leurs influence, rançonner et se faire graisser la patte. Mon seul péché mignon, ma seule passion coupable, qui fera ma perte, c'est mon engouement pour les langues, pour le mythe de Babel. C'est ce qui m'a convaincu d'aller me perdre dans ce trou. Parce que c'est dans ce trou qu'échouent tous les peuples et tous les idiomes du monde. Ainsi, j'ai fort à faire avec les migrants pansibériens, Bouriates, Yakoutes et autres Tchoutchkes fuyant la panlèpre et voyant dans Millevaux un genre d'eldorado, se ruant vers elle comme sur une femme à conquérir.

+ Je vais accompagner Roche jusqu'à la Terre Creuse.

Été
J'ai arraché les faveurs d'une femme qui voulait faire passer sa tribu à l'ouest. Roche, une princesse mongole au visage martelé par le vent. Mais c'était une erreur. J'ai cédé devant sa noblesse. Elle m'a dit que dans la zone de Moins Quarante se trouvait l'entrée de la Terre Creuse, et dans la Terre Creuse se trouverait la mère de toutes les langues. Elle m'a dit qu'un fonctionnaire corrompu serait toujours utile pour sa tribu, alors j'ai laissé mon bureau en désordre et je suis partie avec eux.

+ Très mauvaise réputation auprès des membres du Clan.

Automne.
Dans la tribu, j'ai fait connaissance de Dragon, un exilé de l'Alaska, un chasseur illuminé en motoneige. Il m'a dit vouloir gagner la Terre Creuse, domaine des chasses éternelles. Un allié dans ma quête. Alors, j'ai utilisé mes connaissances "théoriques" du terrain pour l'aider à faire une superbe chasse qui allait le faire grimper dans la hiérarchie de la tribu.
Mais il ne m'en a attribué aucun mérite quand il est revenu avec un grand renne rouge. Il est plus difficile d'assoir mon influence ici que dans les alcôves miteuses de la bureaucratie. Ici, je ne suis personne, et pour mes collègues fonctionnaires, je ne suis plus personne non plus, maintenant que j'ai déserté mon poste pour poursuivre une chimère.

Hiver.
La saison est terrible. La tribu essaye de passer cette mauvaise période enfermée dans une prison de glace. Les plus faibles meurent de froid ou de gel, ils se brisent rien qu'en les touchant. Inok, le chef de la Tribu, annonce qu'on se rendra vers le Sud, là où le sol n'est pas gelé toute l'année, là où la tribu pourra survivre de façon pérenne. Je ne suis pas d'accord, mais il est inenvisageable de fuir la tribu ou même de la scinder : si nous ne sommes pas au complet, nous sommes morts. Dragon exige qu'on se rende à la Terre Creuse, la véritable terre promise pour la tribu selon lui, et bien sûr j'appuie cela en sous-main, j'applique les leçons politiques apprises dans les coursives de l'appareil soviétique.

Mais Dragon s'emporte ; il se bat avec Inok, Inok tombe et se brise le crâne sur un pic de sol gelé. La tribu en fait un martyr, elle hisse un portant pour son corps et fera le voyage vers le Sud en son honneur, elle portera son corps comme une bannière. Elle devient la Procession. Nos manoeuvres ont échoué et je me suis fait une solide réputation de langue de vipère.

+ Hélène est mon ennemie.

Été.
Nous vivons des péripéties fabuleuses pour sauver Roche, et la tribu nous abandonne comme on abandonne les traînards.
Nous allons vers le Sud à sa recherche et rencontrons les Marchants, migrants paneuropéens qui viennent de la forêt et la fuient parce que c'est l'enfer. Ils sont plus grands, plus forts, mieux équipés que nous, et pourtant leur terre de vie n'est pas l'eldorado qu'on nous avait vanté. Nous comprenons avec amertume que l'eldorado n'existe pas : nous n'avons plus le choix que de choisir notre enfer.
Une tempête de bois éclate : tornade meurtrière emportant branches et troncs de la forêts toute proche. Nous nous en réfugions avec les Marchants et cette épreuve commune fait que nous sommes adoptés, comme on adopte des chiens errants.
Les marchants nous accueillent. Nous découvrons qu'un de leurs vieux sages est en possession d'une carte, artefact miraculeusement conservé, plastifié, annoté à l'encre, folie de comprendre le territoire.
Hélène est la cheftaine des Marchants. Quarantenaire, blonde, des rides sur le visage comme une écriture rectiligne de dureté.
Les Marchants ont croisé la Procession, mais ça ne m'intéresse pas de les rejoindre, je veux toujours gagner la Terre Creuse.

Automne

Je manœuvre pour qu'on rejoigne la Horde d'Or de l'Ataman-Lama : seule cette hégémonie pansibérienne a les moyens de gagner l'une des mythiques entrées. Cette fois-ci, mes manœuvres fonctionnent et les Marchants font route vers le campement de l'Ataman-Lama. Mais ainsi ils prennent le risque de se faire absorber par la Horde d'Or, qui poursuit l'objectif de faire de la zone de Moins Quarante un domaine de chasses éternelles, et une tête de pont pour l'invasion des forêts fertiles de Millevaux, en somme l'opposé du rêves des Marchants, qui ne rêvent que de franchir le mur, alors que la Horde s'en éloigne de plus en plus. En tuant ainsi le rêve des Marchants, je me fais d'Hélène une puissante ennemie.

+ Je suis le prochain sur la liste des victimes.

Aussi, quand nous arrivons au campement de l'Ataman-Lama, je profite de la disparition de Leife Antikrist Snorri, l'âme damnée de l'Ataman, pour me faire une place au sein des conseillers de l'Ataman. Je retrouve mes aises de fonctionnaire corrompu, même si les yourtes et les chevaux ont remplacé les bureaux et les postes de douane.
Mais je sais qu'à ce poste, il me faudra avoir des yeux derrière le dos, et que bientôt, fatalement, je finira un couteau entre les omoplates, sans doute, d'ailleurs, sans jamais avoir eu la chance de découvrir la Terre Creuse, d'entendre son murmure primordial, la langue putride, la Mère de toutes les langues.


Dragon

+ (barré) Je veux créer mon clan dans la Terre Creuse.

Automne

Exilé de l'Alaska après en avoir tué le dernier ours, je suis un fou. Un fou de chasse. J'ai traversé toute la Sibérie pour gagner la Terre Creuse, la terre des chasses mystiques où le Tout Puissant Père Gel mène ses meilleurs veneurs à la poursuite d'une mégafaune que même la préhistoire n'a jamais connu.
Je suis en fourrures et en motoneige, incohérent, sauvage. Je suis la chasse.
Je suis parvenu au plus proche de mon but. Je suis arrivé dans la zone de Moins Quarante, je suis tout proche. J'ai élu refuge dans la tribu d'Inok, car aussi farouche puissé-je être, je ne peux pas survivre seul : à Moins Quarante, on ne survit qu'en groupe.
C'est l'Automne, dernière et fugace saison de vie, temps de la chasse de tous par tous, pour faire des réserves pour l'hiver. Il me faut chasser un gibier mythique, pour gagner le respect de la tribu. L'inspecteur, étrange gratte-papier qui a sa place ici comme un glacon sur un brasier, me donne des conseils sur les zones de chasse. Au début, je l'ignore, mais après avoir arpenté la taïga en motoneige en tous sens sans succès, je me résigne à aller là où il m'a dit d'aller, et c'est payant : je trouve un tue un Mégaceros, un grand renne rouge, qui va nourrir toute une famille pendant un mois.
La tribu me respecte désormais. Bien sûr, je n'évoque pas l'aide du fonctionnaire : personne n'a besoin de savoir que Goliath a eu besoin de l'aide de David.

+ Le sang noir bout dans mes veines.

Hiver.
Nous sommes prisonniers sous la glace. Et moi, mon sang noir m'ordonne de passer à l'action. Je ne suis pas de ces bêtes molles qui se résignent à l'attente et à la peur. Mon besoin de violence trouve un exutoire dans un conflit avec Inok, le chef de la tribu. Il ne veut pas entendre parler de mes histoires de Terre Creuse. Il ne veut qu'aller vers le sud : à la promesse du vertigineux eden des chasses éternelles et mortelles de la Terre Creuse, il préfère l'éventualité d'une survie modérée dans les pauvres forêts du Sud, une survie de peur, de comptage et de ratiocination. Nous nous affrontons, et je le tue. Par mégarde ? Le sang noir a parlé.
Mais c'était un mauvais calcul. La Tribu en fait un martyr. Si j'y conserve une certaine influence en tant que chef des chasseurs, je dois abandonner l'idée qu'elle gagne la Terre Creuse.

+ Je suis l'amant d'Hélène.

Été.
Après notre passage dans la Terre Creuse, bref mais intense, nous perdons la trace de la Procession mais croisons la route des Marchants. La force d'Hélène me frappe. Nos deux sangs s'attirent, et la fatalité fait son œuvre : nous devenons amants.

Mais mes délires de Terre Creuse m'amènent à laisser les Marchants se rapprocher de la Horde d'Or de l'Ataman-Lama, qui dans sa voracité de troupes, fait de notre équipage un de ses régiments.
Avec Hélène, j'ai le sentiment que si nous restons au sein de la Horde d'Or, nous survivrons, mais pas notre fierté. Notre sang noir se diluera dans cet esprit de civilisation nomade et violente. Nous ne serons plus des grands veneurs partis à la tête de chasse éternelle, la mort courant à nos côtés. Nous ne serons que les têtes anonymes d'une vie de razzias et de terre brûlée. Une vie de confort, une vie de parasites.

Mais une vie sûr, avec Hélène. Alors, un soir, alors que mes bagages étaient faites pour partir à l'horizon, retrouver ma Terre Creuse, je me suis couché dans la yourte avec ma femme, sachant que le lendemain serait le même, et le lendemain, et le lendemain. J'ai rendu forfait devant les rudesses du climat.


Inok (mort)

+ (barré) Je veux aller vers le sud pour trouver un temps clément pour le clan.

Hiver.
Je suis le père de Roche, je suis le chef de cette tribu de chiens et de fous que j'ai emmenés dans mon sillage à travers toute la Sibérie pour fuir le froid, la faim et la panlèpre. Je n'ai pas fait tout ce chemin pour poursuivre des chimères de Terre Creuse et aller droit devant des dangers pire que ceux que nous fuyons. Quand l'insolent Dragon parle, alors que nous claquons tous des dents ensevelis sous la glace, alors qu'une chance sur deux nous sépare de l'éradication, quand il parle de conduire ma tribu dans la Terre Creuse, je crie à la folie ! Seule la mort nous attend là. Si nous avons fait tout ce chemin, si j'ai laissé ma fille, la plus noble des princesses mongoles, sacrifier son honneur pour nous faire franchir le Mur à tous, c'est pour gagner les forêts fertiles du Sud, pour gagner Millevaux, cet éden où il y a de la végétation, où chasses, cueillettes et cultures sont possibles, où le sol n'est pas gelé toute l'année. C'était ça le but de la tribu !
Mais Dragon est une bête enragée. Il n'écoute pas mes arguments. Il me pousse et me brise la tête. Alors je deviens un martyr. Alors c'est désormais mon esprit qui conduit la tribu. Alors ma mort était un petit prix à payer. Pour que la tribu trouve enfin paix et sécurité, dans les forêts du Sud.


Roche

+ Je veux aller faire mes adieux au corps de mon père.

Hiver.
Mon père dit de moi que je suis la plus noble des princesses mongoles. Je veux juste être la plus dure. J'ai fait de grands sacrifices pour la tribu. Je me suis compromis avec l'Inspecteur pour que la tribu franchisse le Mur, c'était comme frayer avec un rat.
Quand mon père est mort, avec Tania ma mère, j'ai conduit la tribu vers le Sud, pour continuer son œuvre. C'est ainsi que procèdent les personnes de mon sang. Nous avançons, sans jamais broncher. Nous franchissons les obstacles, ou ils nous passent au travers.

Printemps.
La tribu est sorti de sous les glaces aux premiers signes du dégel. Avec à notre tête le portant de bois sur lequel gît le corps de mon père, et son esprit tutélaire, nous avons marché vers le sud. Mais le printemps est la saison la plus traître de la zone de Moins Quarante. Le dégel brusque rend les rivières à moitié folles et une coulée m'a emporté. C'est un same, un autochtone, pouilleux, perdu, alcoolique qui a franchi la muraille des eaux pour me sauver. Il m'a plaquée sur une roche qui faisait île au milieu du torrent. J'ai senti sa respiration rauque. J'ai vu que sous sa crasse il y avait toujours un homme. Nos regards se sont croisés. J'ai bien compris tout le désir qu'il avait pour moi, pas le petit désir vaniteux du fonctionnaire, non, un grand torrent de sang noir. Mais il n'a rien fait. Je pense que quelque chose lui a interdit de me toucher. Une morte.

Il m'a sauvée des eaux mais le froid et les mauvais esprits étaient en moi comme le gel est dans les roches les plus dures. J'ai traversé des mois de souffrance et de coma.

Quand je me suis enfin réveillée, j'ai compris que je devais encore ma survie à Nobody, le chamane perdu.
Je lui suis deux fois redevable, c'est plus qu'une princesse mongole doit l'être. Mais avant de l'aider, j'ai une chose à faire. Retrouver la tribu. Dire adieu à mon père.

+ Je veux aider Nobody à trouver une placer dans le camp de l'Ataman.

Quand les Marchants s'éloignent du Sud pour gagner le camp de l'Ataman, je comprends qu'il me sera difficile de m'acquitter de ma dette envers Nobody, et en même temps de retrouver ma tribu. Mais Nobody m'en acquitte. Il me dit qu'il a besoin de régler ses problèmes seuls. Il me dit aussi qu'il est attiré par moi, que c'est son sang noir qui parle, et que si nous restons côte à côté, trop longtemps, nous finirons par accoupler, et ce n'est pas ce qu'il veut, il est là pour retrouver sa vraie famille. Je finis par comprendre. Je ne l'aiderai pas si je le détourne de sa quête. Une princesse mongole doit mettre ses sentiments et sa fierté de côté. Alors je lui fais mes adieux et je pars vers le Sud.

+ J'ai peur de la réaction d'Inok lorsque je verrai son corps.

Me suis-je bien comportée pour mériter la fierté de mon père dans l'au-delà ? Je n'étais pas là quand la Procession a emporté son cœur vers le Sud. Je sais qu'ici-bas, nous pouvons parler aux morts, il suffit de passer du temps avec eux. Que me dira mon père quand je le retrouverai ?

+ Je surmonte ma peur.

Mais alors que je fais mes bagages pour quitter le camp de l'Ataman, je n'ai plus peur. Une personne de mon rang ne doit pas se laisser abuser par la peur. C'est la leçon que je dois retenir de mon père. La peur marche face à nous, et nous ne détournons pas le regard. Je suis prête. Je pars.

+ Celui qui a abusé de moi obtient une place de choix.

Mon seul regret, c'est d'être partie sans ouvrir la gorge du fonctionnaire. Qu'importe. Quelqu'un le fera forcément à ma place. Quant à moi, les tigres ne doivent pas perdre leur temps à chasser les insectes. Le tombeau de mon père m'attend.


Nobody

+ Je veux persuader le clan d'Inok d'atteindre le campement de l'Ataman.

Printemps.
Avant, j'étais le chamane de ma tribu de sames, les vrais habitants de la zone de Moins Quarante. Avant, j'avais des âmes sur qui veiller. J'avais une famille. J'avais une femme et des enfants. Mais c'était avant. C'était avant que nos valeurs soient foulées aux pieds. C'était avant la folie sédentaire. C'était avant l'alcool. C'était avant que je vende toutes mes romances contre de l'alcool. J'ai vendu la mémoire de ma tribu, j'ai vendu l'âme de ma tribu, pour pouvoir me brûler le ventre. J'ai vendu la mémoire de ma famille pour oublier que j'étais un homme. J'ai vendu le visage de ma femme et de mes enfants, j'ai vendu le nom que la nature m'a donné. Maintenant, je suis Nobody.
Il ne me reste qu'un nom : Liki "Antikrist" Snorri, le barde scandinave à qui j'ai vendu mes romances. Cet homme achète la mémoire du monde. Et maintenant, je dois le retrouver pour qu'il me redonne au moins une romance, celle de ma famille. Je dois le retrouver car c'est ma seule chance de retrouver ma femme et mes enfants, dont j'ai oublié jusqu'au visage.

Alors, j'erre, soûl en permanence, dans le sillage du clan d'Inok. Je les suis comme les chiens vagabonds suivent les caravanes, et ils ne me voient pas autrement : un inutile pique-assiette. Mais j'ai besoin d'eux, j'ai besoin qu'une tribu me conduise au campement de l'Ataman-Lama, pour que je puisse retrouver l'âme damnée de l'Ataman, le barde Snorri, pour que je puisse me venger. Je guette la moindre occasion d'obtenir une influence sur la Procession, et je la trouve quand l'inondation emporte Roche, la fille du défunt Inok.

+ J'ai sauvé Roche mais j'ai presque perdu mes habits.

L'eau du torrent est en-dessous de zéro, seul le mouvement l'empêche de geler. Je vois des personnes mourir à son simple contact. Moi-même, depuis que je suis alcoolique, j'ai peur de l'eau, mais je ne réfléchis pas, je n'aurai pas d'autre occasion. Je plonge, et c'est la chaleur de l'alcool, du sang noir, qui m'empêchent de mourir. Je sauve Roche, je la plaque au sol d'un îlot formé au milieu du torrent. Je suis au-dessus d'elle. Le sang noir frappe à mes tempes. Je suis pris d'un violent désir pour cette femme, quelque chose qui n'appartient ni au domaine de la raison, ni au domaine des sentiments. Quelque chose de bestial. Mais je m'accroche. Je repense à ma famille, à ce souvenir de famille, à cet espoir de famille, et je ne passe pas à l'acte. Si j'ai sauvé Roche, c'est pour cette cause, pas pour mon désir. Mon désir a déjà fait trop de mal.

Je reviens à la rive avec elle. On nous enlève nos habits et on nous frictionne. On me passe des habits de sibérien. Je garde mon ancienne tenue de chamane, devenues des loques de vagabond, je les garde en paquet. En revêtant des habits de sibérien, j'ai encore perdu de mon identité.

Mais Roche ne se remet pas. Elle grelotte en permanence, elle ne peut plus parler, elle est dans l'inconscience. Je pense que c'est l'esprit d'Inok. Si je ne la sauve pas, je perds toute chance d'avoir une influence sur la trajectoire de la Procession. Alors, j'implore Tania, la mère de Roche de me laisser exercer mes talents de chamane pour la sauver. Elle pense que je ne suis qu'un vieil alcoolique, pas un vrai chamane, en cela elle a presque raison. Mais Dragon et l'Inspecteur sont de mon côté, alors elle se résigne à me laisser faire.

Je demande à Dragon de me chasser une bête au sang noir. Il me ramène un loup gris.

Avec elle, Dragon et l'Inspecteur, nous rentrons dans leur tente. Roche est étendue au milieu. Nous faisons cuire du bois de bouleau jusqu'à ce que toute la tente soit enfumée. Tania refuse de faire plus sa part au rituel que l'enfumage. Nous poursuivons sous sa surveillance : je bois le sang du loup à même sa gorge, puis je m'asperge de vodka, j'en bois aussi, il me faut être ivre. Laisser monter l'ivresse chamanique du sang noir, succomber au chaos.

Le rituel fonctionne. Avec Dragon et l'Inspecteur, nous réalisons qu'à travers la fumée, les parois de la tente ne sont plus là. Nous sommes dans la Terre Creuse, le sol est plat et la brume bouche l'horizon. Nous suivons une corde tendue à travers la brume, c'est le fil de vie de Roche. Nous la retrouvons, mais elle n'est pas avec Inok comme je le pensais : elle est entourée de Horlas, ce sont eux qui convoitent son esprit. Avec Dragon et l'Inspecteur, nous les affrontons, en rage. Je n'ai plus de pouvoir, il ne me reste que mon sang noir. Je brise ma bouteille de vodka vide pour en faire une arme, et je monte à l'assaut, hurlant, couvert de sang.

Fondu au noir.

+ (barré) Le désir de vengeance est la seule fierté qui me reste.

Été.
Quand nous reprenons nos esprits, la fumée s'estompe dans la tente. Roche pousse un long râle, elle revient à elle. Tania, assommée par la fumée, reprend ses esprits. Le rituel est une réussite. Mais dans la Terre Creuse, le temps ne s'écoule pas comme ici-bas : trois mois ont passé. La Procession ne nous a pas attendu. Du camp, il ne reste que notre tente.

Nous sommes ivres de faim et de soif, nous avons jeûné pendant trois mois !
Dragon ramène un gibier et nous nous ruons vers les abats. Sang noir !
J'enrage, je sens que je deviens vraiment un animal. Seul mon désir de vengeance me guide encore. La vengeance, c'est la seule part d'humanité qui me reste.

+ Je renonce à l'aide de Roche.

Automne.
Nous avons intégré la tribu des Marchants et les avons convaincus de rejoindre le campement de l'Ataman. Je touche au but. Roche insiste pour m'aider, elle dit que je lui ai sauvé deux fois la vie. C'était exactement ce que j'attendais elle, mais je lui rends sa liberté. J'ai trop de désir pour elle pour qu'elle reste à mes côtés plus longtemps. Je veux livrer une dernière bataille contre mon sang noir. Je dois me venger seul.

Je m'approche de la yourte de Snorri. Je fais un dernier rituel : je me plonge la tête la première dans un tonneau de vodka, dussè-je en mourir. Rituel de sang noir. Cela me permet d'atteindre Snorri par la Terre Creuse. J'entre dans la version creuse de sa yourte. Suspendu aux cuirs du sommet de la yourte, je vois toutes les romances que Snorri a volée.
Je sais que Snorri est à ma merci à ce moment précis.
Mais je ne me venge pas. Je dérobe juste la romance de ma famille. Je reprends juste mon visage, et je m'éloigne à pas feutrés, alors que je sens mon corps s'approcher du coma.

Je suis Nobody. Je vais peut-être mourir ce soir. Mais j'ai retrouvé leurs visages.


Règles utilisées :

J'ai testé trois règles nouvelles cette fois-ci.

A. Je trouvais que le théâtre se prêtait bien au temps long, à la saga. J'avais le jeu Saga of the Icelanders en tête. Le théâtre Moins Quarante insiste sur les saisons, et si nous l'avions joué comme à l'ordinaire, je sais qu'on aurait déroulé la fiction sur quelques jours seulement, voire quelques heures. Alors j'ai proposé qu'une saison s'écoule entre chaque instance. Et comme les saisons sont folles dans la zone de Moins Quarante, on n'était pas obligé d'enchaîner les saisons dans l'ordre précis.
Cette règle a très bien fonctionné. Quand les personnages sont sortis de la tente enfumée, une instance avait passé, c'est ce qui nous a amenés à conclure qu'une saison entière était passée pendant le rituel et que la tribu nous avait abandonnés. C'était énorme ! J'avais déjà testé des libertés avec la temporalité avec le théâtre Au cœur de la bataille, mais cette règle des saisons a amené de nouvelles surprises en terme de gameplay !

B. Autre innovation, j'ai testé le jeu en mode Carte Noire. En quelque sorte, c'est du Carte Blanche, mais en Confident tournant : le Confident change à chaque instance. Le Confident ne peut pas être le joueur dont c'est l'instance, et si pendant l'instance, le personnage du Confident prend part au conflit, on change de Confident, ou on joue le conflit sans Confident, les deux étaient possibles, les deux sont arrivés. J'ai refait deux autres tests en Carte Noire et le mode est concluant, il sera proposé dans Inflorenza 2. Il me semble que c'est une bonne transition vers Carte Rouge, mais qu'il a aussi un grand intérêt pour lui-même.

C. Enfin, j'ai verbalisé davantage la règle du forfait (que j'appelais non-objectif pendant le test) : ce qui se passe si le joueur, à l'annonce du contre-objectif (ce que je vais sûrement appeler risque dans Inflorenza 2), se dit que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Nous avons fini en conflit de masse, et le conflit de Dragon avait pour enjeu de partir mener une vie de chasse solitaire aux côtés d'Hélène. Le risque, c'était de se faire massacrer par la horde d'or, qui ne supporte pas les déserteurs. Le joueur de Dragon a préféré prendre le forfait, une vie de confort, une vie sans sang, aux côtés d'Hélène, au sein de la horde d'or. En terme de gameplay, pouvoir choisir le forfait, pouvoir choisir de se coucher, ça apporte des nuances nouvelles. Cela permet d'aborder une chose peu explorée en jeu de rôle à mon sens : la résignation. Certes, la résignation est abordée dès que la mécanique prévoit de se coucher, comme dans Dogs in the Vineyard. Mais dans Dogs, les conflits sont de courte portée. Ici, on était sur un conflit à longue portée, le fait que Dragon fasse forfait le condamnait à une vie aux antipodes de celle dont il rêvait. Ce fut le dernier conflit de la partie, et c'était une excellente fin. Verbaliser le concept de forfait m'a permis de rendre en mécanique ce que j'avais observé lors de mon test de la Moisissure de l'Oubli, des conclusions dans le calme, hors-conflit, où l'on explore autre chose que de la combativité, où l'on explore les territoires surprenants et tristes de la résignation.


Feuilles de personnages :

L'Inspecteur

+ (barré) Je veux conserver mon petit pouvoir de fonctionnaire.
+ Je vais accompagner Roche jusqu'à la Terre Creuse.
+ Très mauvaise réputation auprès des membres du Clan.
+ Hélène est mon ennemie.
+ Je suis le prochain sur la liste des victimes.

Dragon

+ (barré) Je veux créer mon clan dans la Terre Creuse.
+ Le sang noir bout dans mes veines.
+ Je suis l'amant d'Hélène.

Inok (mort)

+ (barré) Je veux aller vers le sud pour trouver un temps clément pour le clan.

Roche (d'abord figurante, ensuite jouée par le joueur d'Inok après la mort d'Inok)

+ Je veux aller faire mes adieux au corps de mon père.
+ Je veux aider Nobody à trouver une placer dans le camp de l'Ataman.
+ J'ai peur de la réaction d'Inok lorsque je verrai son corps.
+ Je surmonte ma peur.
+ Celui qui a abusé de moi obtient une place de choix.


Nobody

+ Je veux persuader le clan d'Inok d'atteindre le campement de l'Ataman.
+ J'ai sauvé Roche mais j'ai presque perdu mes habits.
+ (barré) Le désir de vengeance est la seule fierté qui me reste.
+ Je renonce à l'aide de Roche.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

MANUSCRIT

La découverte du jeu de rôle surréaliste en fractale.

Jeu : Dragonfly Motel, tranches de vie oniriques pour voyageurs imprudents

Joué le 17/06/2015 sur google hangout
Personnages : Ernest ; le vendeur d'aspirateurs.

Image

crédit image : [mi:m], licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


L'histoire :

Ernest est écrivain. Il a peut-être soixante ans, il est alcoolique. Il arrive avec ses valises au Dragonfly Motel, au milieu du désert. Personne. Il appelle. Personne. Il trouve un verre de whisky et la bouteille, comme laissées à dessein sur le comptoir. Il se sert. Il explore les cuisines. Odeurs. Personne. Cela angoisse Ernest.

Dans l'entrée, sonne un téléphone noir. Il répond. C'est sa fiancée. Elle vient lui prêter compagnie. "Mais je t'avais dit de rester à la maison, prendre soin de mon manuscrit !
- C'est arrangé, mon chéri. Ton manuscrit arrive par le prochain train.".
Ernest monte dans sa chambre. Une grande chambre claire avec du carrelage au sol, une baignoire, une grande fenêtre qui donne sur le désert. Il y trouve son manuscrit.

Ernest est assis sur la pente du toit du motel, face au désert. Il boit du whisky. A ses côtés, son amant, c'est pour lui qu'Ernest est venu, et c'est à cause de lui qu'il ne veut pas que sa fiancée le rejoigne. Son amant ne dit rien. Ernest lui demande de parler. L'amant ne répond pas. Juste il le fixe avec ses yeux cillants.

Une longue route à travers les cactus. Ernest est au volant de sa Cadillac bleue. Sa fiancée est avec lui, elle est très jeune, elle a dix-sept ans. Ernest est ivre. Comme pour sortir de ce mauvais rêve, il fonce dans les cactus.

Il se réveille à l'hôpital. En face de lui, un nain, qui lui présente des livres rangés dans un frigo. Il lui offre de manger des livres, il y a du Rimbaud et du Verlaine, notamment. Ernest décline, mais il accepte de déguster un cigare avec le nain.

Un train file à travers le désert. Des hommes en noir fouillent un wagon. Ils trouvent le manuscrit d'Ernest et le mangent. Feuilles qui volent dans le désert.

La fiancée monte dans la chambre pour protéger le manuscrit. Elle est pressée, mais elle met beaucoup de temps à monter les escaliers. Elle appelle à l'aide, mais il n'y a personne dans le motel hormis un vendeur d'aspirateurs. Le vendeur explique que ses aspirateurs servent à aspirer la réalité. Elle lui explique que le manuscrit d'Ernest a une dimension fractale, chaque lettre contient une pièce et chaque pièce contient aussi des mondes. Cela intéresse beaucoup le vendeur d'aspirateurs.

La fiancée est dans la chambre d'Ernest, elle est nue, plongée dans la baignoire remplie d'eau bleue. Elle débat sur le suicide avec le vendeur d'aspirateur. Le vendeur d'aspirateur maintient qu'ils ne sont pas dans la réalité, et la fiancée dit que la seule façon de le savoir est de s'ouvrir les veines. Si c'est un rêve, alors on se réveille. Elle montre la lame du rasoir d'Ernest posée à côté de la baignoire, demande au vendeur de lui passer, mais le vendeur s'y refuse, car si c'est la réalité, alors elle va mourir. La fiancée plonge la tête sous l'eau.

Le vendeur dans sa boutique. Il fait chaud. Une ménagère l'engueule parce que ses aspirateurs n'aspirent pas la poussière. Le vendeur explique que bien sûr, puisqu'ils servent à aspirer la réalité. La ménagère se met encore plus en colère, elle estime que les commerçants doivent vendre des choses utiles, c'est dans l'ordre des choses, pour elle c'est de la folie que de vendre des choses inutiles.

Ernest et le Vendeur sont attablés, dans une cuisine. C'est la cuisine de la maison d'enfance d'Ernest. Ernest explique sa souffrance. Son enfance solitaire, ses parents n'étaient jamais à la maison et il n'avait pas d'amis. Le vendeur trouve irresponsable qu'Ernest transmette sa souffrance à travers ses livres. Ernest dit qu'il a besoin de s'en débarrasser, tant pis si d'autres récoltent sa souffrance en le lisant...

La fiancée et le vendeur sont sur la terrasse du motel. Le désert est inondé, l'eau lèche la terrasse. Ils veulent revenir à la surface de la réalité, et une course effrénée commence.

Ils traversent une tranchée sous les éclats d'obus. Ce sont les souvenirs qu'Ernest a de la guerre. Ils courent au travers du no man's land, face à la mort, à la recherche de la sortie.

Le vendeur et Ernest sont dans la chambre de l'écrivain. Ernest veut explorer plus loin le manuscrit. Il dit que la baignoire est un passage vers un niveau plus profond. Il se met à genoux au pied de la baignoire. Il plonge sa tête sous l'eau.

Il fait des bulles quelques temps.

Puis plus rien.



Commentaires sur le jeu :

C'était le premier test de Dragonfly Motel, il a donné lieu à une réécriture des règles. J'ai demandé au joueur de lire les règles avant le début de la partie, et je lui ai expliqué aussi à l'oral avant qu'on fasse la minute de silence et qu'on entre dans la narration. Mais j'ai eu des difficultés à transmettre au joueur du vendeur le principe de prise de parole. Quand Ernest traverse le motel, et qu'il n'y a personne, que personne répond à ses appels, c'est parce que j'ai commencé à jouer Ernest, comme personnage, et j'attendais que le joueur du vendeur prenne la parole pour jouer un décor ou un personnage et me donne la réplique. Ce qu'il ne faisait pas, parce qu'il pensait que dans ce jeu, on ne pouvait pas se donner la réplique, qu'il fallait attendre qu'un joueur finisse un monologue pour intervenir, qu'un personnage ne pouvait pas interagir avec un décor ou avec un autre personnage. J'ai refait un appel du pied plus prononcé en décrivant l'amant d'Ernest, et en demandant à l'amant de me parler. J'attendais que le joueur du vendeur le fasse parler, en tant que décor ou en tant que personnage, mais il n'en a rien fait. Cela a créé une ambiance flippante qui était sympa en soi, mais clairement il y avait un défaut de compréhension des règles, et comme le jeu interdit le méta à haute voix, et que nos autres possibilités de communication méta étaient limitées, on a pas réussi à se mettre d'accord tout en jouant (dans Dragonfly Motel, on a droit à la communication méta par chuchotis, ce qui était impossible sur un format deux joueurs, et par papiers, ce qu'on pouvait émuler avec le chat d'hangout, mais en moins pratique). On a fait une pause d'une demi-heure pour remettre ça à plat (du coup, j'ai introduit dans les règles la possibilité de demander une pause), et c'est là où j'ai introduit le concept de banc de touche et d'espace de jeu, que j'ai repiqué à Eugénie (blog : Je ne suis pas MJ) qui elle-même l'a importé du théâtre d'improvisation. Avec cette notion de banc de touche et d'espace de jeu, ça a paru plus clair. Si le joueur l'avait compris dès le début, il aurait joué le barman, par exemple.

Sinon, en termes d'ambiance, ça a rejoint mes attentes. Je voulais qu'on joue sans combativité, contrat rempli. Je voulais rompre les chaînes de causalité, contrat rempli. Je voulais une ambiance onirique, poétique, lynchienne, contrat rempli. L'excellente surprise, ça a été la musique. Pour adapter au jeu en ligne le principe de gestion de playlist partagée, on s'envoyait des liens vers des chaînes youtube, bandcamp, myspace... Quand j'entendais parler le joueur du vendeur avec la musique planante dans les écouteurs, ça faisait vraiment comme si j'écoutais du slam. C'était vraiment étrange, unique. Il y a des moments, j'étais vraiment dans une situation de rêve éveillé, sans prendre de substance pour autant.

L'autre satisfaction, c'est de pouvoir mobiliser à la volée des références que je n'aurais pas le réflexe de mobiliser dans d'autres jeux de rôles. Ici, par exemple, j'ai fait un clin d’œil à plusieurs histoires pseudo-autobiographiques d'Ernest Hemingway. Les papiers que me donnaient le joueur du vendeur, comme l'enfance solitaire, m'ont aussi aidé à construire un personnage surprenant, tandis qu'en donnant des papiers au joueur du vendeur, comme l'intérêt pour le manuscrit, ça a permis une convergence (des ruisseaux différents rejoignent la même rivière) sans que cette convergence ne nécessite de grandes négociations méta comme c'est le cas par exemple sur Inflorenza.

Le joueur du vendeur a trouvé le terme juste pour décrire le mode de jeu. Surréaliste. C'était assez vrai, et pour le coup, j'ai remis Clair de Terre d'André Breton dans les conseils de lecture. Bref, une expérience de jeu assez nouvelle pour moi.


Le retour du joueur du vendeur :

Pour moi c'est ok. Ca me parait très bien. Il me reste quelques bribes et détails de souvenirs, mais dans l'ensemble ton texte rend bien l'ambiance de la partie et du jeu en général.
Comme références littéraires, tu peux aussi évoquer le réalisme magique ("... peindre une réalité transfigurée par l'imaginaire et dans laquelle le rationalisme est rejeté"), qui est un terme générique recouvrant pas mal de styles.

Et peut être les romans de Kafka (la Métamorphose) ou de Burroughs (le Festin Nu) ou encore de Gogol (le Nez) et Dostoievsky (le Crocodile), le film Mullholland Drive et la série Twin Peaks.
C'est en tout cas ce à quoi me fait penser l'atmosphère et le ton.

Bref, j'ai beaucoup aimé ce jeu.

Au plaisir d'y rejouer un de ces quatre !
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

DES MURS ET DES BRIQUES

La rencontre de trois souffrances au cœur d'un plat pays de neige et de cendre.

Le Jeu : S'échapper des Faubourgs, cauchemar de poche dans une banlieue hallucinée

Joué le 03/07/15 et le 04/07/15 sur google hangout

Personnages : Sac, Ivanova, Neil


Partie enregistrée en deux sessions : ici et ici.

Image

Crédits image : Travis Gray & State Library Victoria Collections & Tom.Blackie, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


L'histoire :

Sac le sans-abri se réveille dans un quartier de maisons de briques en ruines. Il tombe de la neige et de la cendre. Braseros. Des ombres rôdent. Sac est un ado, il est en loques, il est paumé, mais il est libre.
Il retrouve Ivanova, une grande femme avec les cheveux lâchés sur les épaules, des traits durs, à couper au couteau, des yeux perçants comme des pics à glace. Elle porte un long manteau et une toque russe, de loin on pourrait croire à de la fourrure, mais en réalité c'est une nuée de vers noirs.
Sac l'a un jour sauvé d'une agression qui aurait pu très mal finir pour elle, depuis Ivanova lui offre beaucoup d'argent, des gros chèques, que Sac n'a encore jamais encaissés. Elle lui a offert aussi ses faveurs, mais Sac n'a accepté qu'à contrecœur, comme pour rendre service parce qu'il ressentait le besoin de ne pas cracher sur une main tendue. Il ne sait pas non plus qu'Ivanova trompe avec lui l'ennui qu'elle vit auprès de son riche mari.

Un hôtel de maître, dans un quartier jadis cossu, mais les grandes maisons de brique ont perdu de leur splendeur. La clientèle huppée à fui ces hôtels et désormais ils servent pour abriter des pratiques horribles. Le concierge qui tient cet endroit, est un petit homme résigné, il sait toutes les choses immondes qui ont été commises dans cet hôtel, et pour cause il est hanté par un monstre, l'Araignée, une créature dont les pattes se prolongent dans les couloirs et dans les chambres, et qui pour lancer ses maléfices a besoin d'un focus, et ce focus, c'est le concierge qu'elle tourmente en lui envoyant les pires images de ce qui se passe dans l'hôtel.

Cet hôtel, Ivanova ne veut pas y retourner pour rien au monde.

Une troisième personne les rejoint dans le quartier enneigé. C'est Neil, le grand-frère de Sac. Il a un travail honorable, un beau costume noir et blanc. Son visage est beau mais neutre, hormis ses yeux qui expriment une grande tension intérieure. Il n'est pas dans la misère comme son frère, d'ailleurs il voudrait l'en sortir, mais Sac s'y refuse, il préfère la liberté. "La liberté de mourir !", s'exclame Neil. Ivanova lui fait remarquer que sur le papier, Sac est riche, puisqu'elle lui a fait des chèques. "Encaisse-les et nous pourrons sortir tous les deux des Faubourgs !", fait Neil. Il faut dire que Neil a aussi un problème. Il est accro aux jeux du casino, et il a perdu beaucoup d'argent. Le casino appartient à la mafia russe et la mafia le recherche pour le faire payer ce qu'il doit. Et le parrain de la mafia, c'est Igor, le mari d'Ivanova.
D'ailleurs, Neil et Ivanova se connaissent de vue, pour s'être déjà croisés au casino. A chaque fois, Neil lui a adressé des regards ardents. Il n'a jamais exprimé les sentiments qu'il avait pour elle, mais ses yeux ont tout dit.

La mafia russe a son siège dans une cathédrale. C'était l'ancienne perle de la ville, avec son beffroi et son carillon et toutes ses cloches qui sonnent le tocsin, et ses flèches et ses mats et ses dentelles de pierre, et son horloge astronomique, et son ballet d'automates à chaque fois que sonnait l'heure. Mais l'édifice est couvert de coulées de cendre et de boue, il y a des quais et des dockers et des containers tout contre, la moisissure ronge tout. Dans le beffroi, c'est le siège de la mafia, là où le parrain établit ses plans de domination. L'intérieur de la cathédrale a été reconverti en sauna, où des hommes de la mafia, tatoués des pieds à la tête, prennent de longs bains, entièrement nus. Il y a des filets de sang dans les rigoles qui coulent entre les bassins, et on entend le cri des personnes qu'on torture, dans quelque loge secrète de la cathédrale.

Ivanova propose qu'on aille au restaurant pour détendre l'atmosphère. Sac ouvre la marche, à travers des tranchées et des rues interdites, enneigées, mal fréquentées. Leurs propres ombres les poursuivent. Neil a peur, il ne suit pas, et finalement Sac arrive tout seul au restaurant, qui est en fait le restaurant de l'hôtel de maître où des serveurs compassés servent des bouchées à la reine dont on ne décrira pas le contenu. Les pattes de l'araignée tentent de s'accrocher à lui, et Sac sort alors un bilboquet, que Neil lui avait fabriqué de ses mains quant ils étaient enfants. Et ce dernier fragment d'innocence tue l'araignée. Avant de quitter cet hôtel, il héberge un rat qui avait élu domicile à l'intérieur d'une grosse pomme qu'il avait mangée.
Mais quand il veut sortir de l'hôtel, la carapace de l'araignée morte enfle et obstrue les orifices de la maison de maître, et un liquide chitineux coule et soude portes et fenêtres. Sac est coincé à l'intérieur !

Ivanova et Neil discutent. Pour Ivanova, Sac est le seul qui mérite d'être sauvé dans cette ville. On sent que Neil est jaloux, mais qu'il aime son frère et tient à le protéger. Il dit à Ivanova qu'il a un aveu à lui faire, mais qu'elle ne le verra plus de la même façon ensuite. Ivanova lui répond d'une façon que Neil interprète comme un "d'accord" assorti d'aucune marque d'intérêt. Pour elle, Neil n'est qu'une victime de plus comme elle en a vu défiler tant autour de la mafia, elle n'éprouve pour lui qu'un mélange de mépris et de compassion, pas de l'intérêt. Et Ivanova semble être satisfaite de la vie qu'elle mène. Elle dit qu'elle peut s'offrir tout ce qu'elle veut grâce à son ennuyeux mari. Alors Neil fait : "Finalement, je vous le dirai plus tard, vous avez la tête trop froide pour l'entendre pour le moment. Je vous le dirai quand vous serez en panique."

Le parrain de la mafia est assis dans un bain turc, avec ses hommes de main. Il plonge la tête d'une de ses victimes sous l'eau, puis la ressort un instant pour lui dire : "Je te sortirai la tête de l'eau quand ma femme sera rentrée...". Et il lui replonge la tête sous l'eau. Bulles.

L'usine de bonbons, encore une ancienne attraction de la ville qui a fermé ses portes. On sent toujours l'odeur de chocolat. C'était la plus grande usine de bonbons de la région, mais c'était aussi le repaire d'un médecin fou, qui capturait les enfants et revendait leurs organes au parrain de la mafia, pour lui offrir la jeunesse éternelle. Il a fait mille expériences et tortures sur les enfants. Maintenant, l'usine est remplie d'enfants-zombies, et à leur tête il y a Petrochka, la fille d'Ivanova. Bien sûr, ce n'est plus qu'une coquille vide, un mort-vivant doté de pouvoirs atroces. Avant, c'était la fille adorée d'Ivanova. C'était sa seule raison de vivre, sa seule façon d'oublier tout ce qu'elle avait enduré des années dans l'hôtel de maître, pour en arriver là. Quand Ivanova a demandé au Parrain de faire quelque chose pour qu'elle retrouve Petrochka, il l'a insultée, il l'a battue comme plâtre : "Sale petite ingrate ! Je te donne tout ce dont une femme peut rêver et tu t'inquiète pour cette bâtarde que tu as eue en allant coucher ailleurs ! Tu la reverras jamais !"

Sa décision est prise. Elle se rend à la cathédrale de la mafia. Elle va dans les loges secrètes, là où les hommes de main entreposent les filles qu'ils ont capturées et qu'ils gardent comme esclaves sexuels. Les vers noirs partent de son manteau et vont tuer et asphyxier les hommes de main un par un. Elle trouve son mari dans une des caves secrètes de la cathédrale. Il est nu, le sexe en érection, il cravache une pauvre fille, son truc c'est la torture. Elle achève son mari avec ses derniers vers, et elle lui vole son carnet noir, le carnet qui mentionne toutes les activités, toutes les rançons, toutes les tortures, toutes les victimes, tous les comptes secrets de la mafia, toutes les dettes, le carnet qui porte aussi le nom de Neil, de la dette sur son nom dont il mourra s'il ne s'en acquitte pas.

Et comme elle voit que ça ne lui rend pas sa fille, elle s'effondre en larmes, et chacune de ses larmes devient un nouvel asticot noir...

Neil la retrouve à la cathédrale, il s'est inquiété pour sa sécurité. Si elle est s'en très bien sortie sans lui, elle est maintenant effondrée. Elle n'a plus son manteau, elle est dans une robe de haute couture, un robe à strass un peu vulgaire, une tenue de nouveau riche. Il l'entraîne dans le beffroi, sous le carillon, pour se protéger tous les deux de la menace des containers qui gronde. Ils sont serrés l'un contre l'autre, et il lui avoue son secret. Sac et lui sont des orphelins, ils ont passé leur enfance dans la misère, de familles d'accueil en assistantes sociales. Il s'est juré de sortir de la pauvreté, la pauvreté c'est sa plus grande peur. Il a voulu toucher un gros salaire, alors il s'est inscrit dans la plus chère des écoles de commerce, et pour la payer, il a dû vendre son corps aux souteneurs de l'hôtel de maître. Cela lui a permis d'avoir ce travail si bien payé. Mais s'il gagnait assez pour survivre, il ne gagnait pas assez pour s'enfuir d'ici avec Neil. Alors il a joué aux jeux du casino. La suite, on la connaît.

La carapace de l'hôtel s'effondre sous son propre poids, le liquide noir s'écoule et devient poudre : Sac est maintenant libre.

Une grand magasin construit dans une ancienne halle art nouveau, avec d'immenses piliers et vitraux en fer forgé, des verrières maintenant dégueulasses, et des files de costumes masculins noirs et blancs, très classe, les costumes qu'achetait Neil pour monter dans l'échelle sociale. Maintenant, le magasin est pourri par un dégât des eaux, les costumes sont moisis et boueux. Devant la halle, un petite baraque à frite ambulante, ça sent la gaufre et la barbe-à-papa, on y vend aussi des frites fricadelle et des churros. Celui qui tient cette roulotte, c'est le bon médecin, qui a dû fuir l'usine de bonbons depuis que ses créatures, les enfants zombies, en ont pris le contrôle. Il a un visage infiniment bon et gentil, il tient une pomme d'amour, dans sa blouse il cache des scalpels et d'autres instruments de mort. Il adore attirer les enfants et les ouvrir comme des pochettes-surprises pour en retirer les organes et mettre d'autres choses à l'intérieur. Le bon médecin inspire la confiance et ça sent vraiment bon, déjà un enfant s'approche par l'odeur alléché...

Aux limites de la ville, parmi la neige et les cendres et les bidonvilles, il y a un grand mur de briques qui empêche les habitants de sortir. En haut du mur, on imagine l'extérieur, qui brille, comme une promesse. Le mur est difficile à trouver, en fait ceux qui veulent sortir errent sans jamais le trouver. En plus le mur est gardé par un homme qui tient une arbalète antique. Il a le pouvoir de tirer sur vous non pas un carreau, mais votre plus grande peur.

L'arbalétrier tire en direction de la cathédrale. Des carreaux de boue et de cendre traversent l'édifice de part en part. Neil est touché, et son beau costume disparaît : il est maintenant vêtu d'une toile de jute en lambeaux. Il court auprès d'Ivanova, il est en panique.

Sac passe à l'action. Il s'enfuit de l'hôtel, alors qu'en face, les enfants-zombies sont sortis de l'usine de bonbons pour envahir la ville. Il croise Petrochka, qui fuit les enfants-zombies qui la prennent pour leur reine. Le bon médecin a fait des expériences sur elle, elle est dopée aux hormones et la pauvre enfant a maintenant le corps d'une nageuse est-allemande. Sac renverse un brasero et met le feu dans les ruines où elle s'est réfugiée. Il recueille son dernier souffle : un feu-follet.

Neil et Ivanova sont réfugiés sous le carillon, au milieu des rails et des automates poussiéreux qui ne voient plus la lumière du jour. Ils constatent de loin que Sac est proche du but ; il ne lui reste plus qu'à se rendre à l'échappatoire, tuer l'arbalète, et faire le rituel, alors il sera libre. Ils débattent sur qui devrait l'accompagner, faire le deuxième rituel. Ivanova avoue son amour pour Sac, il est le seul qui peut être sauvé, le seul auprès de qui elle pourrait vivre heureuse. Neil dit qu'il a tout sacrifié pour offrir une meilleure vie pour lui et son frère. Ivanova lui dit : "Regarde ta chance si tu restes ici, regarde ce que je t'ai offert. La place du parrain est libre, et si quelqu'un ici a la force et la volonté de prendre cette place, c'est bien toi." Neil répond : "Ne dis pas n'importe quoi. Tu sais bien ce qui va se passer quand Sac et toi serons partis". Mais quand même il se défait de sa toile de jute, qu'il déteste, pour revêtir un des costumes du Pakhân, du parrain. Le costume est trop ample pour lui.

Il continue à pleuvoir neige et cendre. La cendre provient de la fumée des cheminées de crémation où l'on brûle les morts des faubourgs, morts de plus en plus nombreux suite à une épidémie.
Et résonne encore à travers la ville ce bruit métallique, ce bruit de métal vivant.

A travers la pluie de neige et de cendres funèbres. Ivanova court rejoindre Sac dans le quartier enneigé. "Mon amour, partons ensemble, je ne peux pas vivre sans toi."

Neil libère les esclaves et les victimes enfermés dans les caves de la cathédrale. Tous, à moitiés nus, meurtris, mutilés de corps ou d'esprit, lui demandent ce qu'ils peuvent faire pour montrer leur reconnaissance. Neil, jaloux, dit : "Empêchez Sac d'atteindre l'arbalétrier, il n'est pas de taille à lutter, faites ça pour le protéger de lui-même.". Et tout ce peuple pantelant, ce peuple d'esclaves, se rend à l'échappatoire et construit un nouveau mur avec des briques et du sang pour condamner l'accès par le quartier enneigé.

Neil rejoint Ivanova et Sac. Neil tente à nouveau de plaider sa cause auprès de Sac, mais Sac prétend que Neil ne pense qu'à lui, il annonce son amour pour Ivanova. Ivanova répète à nouveau que Neil saura sans tirer en restant dans les faubourgs. Alors Neil finit par accepter. Il tourne les talons, il tourne le dos à Sac pour lui rendre la décision plus facile.
Il fait un détour en cachette, il passe par des souterrains, et longe un canal sous le ciel gris, on sent une puissante odeur de gaufres qui monte de l'usine à bonbons, mêlée à l'odeur de la crémation car c'est à l'usine de bonbons qu'on brûle les morts. Il va voir le peuple esclave, et leur dit de briser le mur pour laisser passer Sac. Une femme nue, celle que torturait le parrain avant de mourir, soulève une masse aussi lourde qu'elle, et l'abat contre le mur, et l'éclate, brique après brique, après brique, après brique !

Alors l'arbalète tire sur le peuple esclave, et tous ceux qui sont touchés s'élèvent vers le ciel gris, comme au jour du ravissement, il s'élèvent et deviennent légers et fins comme du papier brûlé, s'élèvent, s'élèvent et disparaissent.

Puis Neil se dirige vers le quartier de la Mort, quartier en tout point à celui du mur, là aussi c'est bloqué, et là aussi derrière le mur on croit voir comme une lueur d'espoir.

Alors Sac passe le premier mur, il rencontre enfin l'arbalétrier. Il n'a pas un aspect terrifiant du tout, sauf pour Sac. Installé sur les remparts, c'est un vieil homme assis dans un fauteuil confortable, dans un peignoir de soie, qui fume sa pipe tranquillement. Sac le soulève de son fauteuil et le jette par-dessus le mur. Flaque de sang.

Le moment est venu. Il prend le rat avec douceur, coince sa tête dans sa bouche et serre jusqu'à ce que le rat étouffe. Il allume la pipe avec le feu-follet, puis éteint le feu-follet. Il s'installe sur le fauteuil et fume le tabac. Et disparaît.

Pendant ce temps à la cathédrale, dans le bain turc, un crâne chauve émerge de l'eau. C'est le parrain. Car dans les faubourgs, les salauds ne meurent jamais.

Ivanova va partir, mais avant elle a plusieurs choses à faire. Une gigantesque ombre s'élève, c'est le médecin, son visage est tordu par un sourire dément. Ivanova lance une brique de toutes ses forces, et la brique devient un missile, devient du magma, et s'envole à une hauteur prodigieuse, et fait éclater l'ombre, qui retombe en pluie de papier brûlé. C'est en fini du médecin qui a tué sa Rochka bien-aimée. Elle enlève sa robe de strass maculée de neige et de cendre et s'empare de la blouse du médecin, dont elle fait une robe d'infirmière, immaculée.

Puis il demande à Neil de le suivre, il lui prend la main et ensemble ils vont devant la Cathédrale, et avec des briques ils condamnent l'endroit, chaque brique qu'ils posent se multiplient jusqu'à ce que chaque vitrail, chaque container, chaque beffroi.

Ils reviennent au quartier enneigé. Neil prend ses mains dans ses mains, approche son visage du sien. Il la fixe avec ce même regard ardent qu'il avait au casino. "Tu sais bien ce qu'il adviendra de moi quand tu partiras.". "Oui, j'ai confiance, ça va bien se passer pour toi." Alors Ivanova lui accorde un unique baiser, un passionné baiser d'adieu, et elle s'en va vers le mur.

Elle regarde le plan, et constate que Sac a tenu parole. Il a écrit "tenue d'infirmière". Elle se débarrasse du carnet noir, et tous les noms mentionnés dessus partent en paix. Puis avec sa tenue d'infirmière, elle part s'occuper des derniers survivants du peuple esclave, elle soigne chacun d'eux jusqu'à ce que sa robe soit couverte de sang. Et à son tour, s'échappe des faubourgs.


Les retours des joueurs :

Le joueur de Sac :

+ J'ai beaucoup apprécié.

+ Ce que je recherche, c'est explorer une émotion.

+ Le jeu nous poussait à accepter ce qui était dit, et le réutiliser.

+ Le jeu est freeform sous pas mal d'aspects et ça laisse la place pour la narration.

+ Il est basé sur l'écoute, le recyclage, l'attention.

+ On aurait pu jouer très tactique, mais j'ai le sentiment que le jeu privilégie l'histoire. On basculait en permanence entre le jeu dans le personnage et le jeu en surplomb.

+ C'est le genre d'expérience que j'aimerais reproduire, mais ce n'est pas à mettre entre toutes les mains.

Le joueur d'Ivanova :

+ J'ai adoré le symbolisme des faubourgs, des 6 quartiers, l'obligation de décrire des choses cauchemardesques, et liées à la première personne, tout ça est pertinent par rapport à l'intention narrative du jeu. Un bon vide créatif.

+ J'ai trouvé que le système des actions (interdiction de se reposer pour la première action + nécessité de se reposer pour refaire la même action) apportait un formalisme castrateur. Cela semblait fertile pour une expérience forte pour une première partie, mais ça nuit à la rejouabilité, il faudrait assouplir ces règles pour pouvoir rejouer avec plaisir.

+ Pourquoi pas, au lieu de se reposer, proposer une économie de type "coup de main / coup de pute" ?

+ Et si on rendait obligatoire de décrire sa personne dès la première action de son premier tour [Note de Thomas : j'ai répondu que certains joueurs pouvaient ressentir le besoin de d'abord décrire des quartiers et des monstres, pour prendre la température].

+ Il faudrait annoncer dès le début qu'une règle secrète est révélée quand on décrit le quartier de la mort [Je crois que c'est le cas dans le bouquin en fait, mais en effet je ne l'ai pas annoncé au départ, et ça aurait apporté un peu plus de tension.]

+ Et si on donnait la possibilité de voler une clé à une personne plutôt que de la tuer pour lui prendre ? [j'ai répondu que cette possibilité affaiblirait la tension. Avec le recul, je pense en revanche qu'on pourrait laisser la possibilité aux personnes de donner leur clé à une autre personne, en narratif pur, sans inventer une nouvelle action sur la rose des vents pour ça].

+ J'ai apprécié que tu demande à ce qu'on décrive les clés comme des objets tangibles [la seule fois dans cette partie où j'ai repris un joueur sur la narration, c'est quand le joueur de Sac a commencé par décrire la clé de Rochka comme une sorte de boule bleue lumineuse, un objet abstrait.]

+ Pour autant, j'ai apprécie qu'on ne me bride pas dans ma narration. [la règle du jeu ne bride jamais la narration, tout au plus un joueur peut demander à ce qu'on rajoute des détails, mais sur d'autres parties, j'interdisais aux joueurs de conférer des pouvoirs surnaturels à leurs personnages. J'ai bien fait de lâcher la bride sur cette partie, car le joueur d'Ivanova n'aurait pas pu explorer son concept de personnage sans cette possibilité d'avoir des pouvoirs surnaturels. De surcroît, ça lui paraissait raccord avec l'impératif cauchemardesque du jeu. En fait, cette partie m'a fait évoluer sur la notion de surenchère narrative. D'ordinaire, je considère ça comme un problème, mais je vois bien que sur ce genre de partie, c'était fertile, ça permettait aux joueurs de développer complètement un langage symbolique, et d'investir beaucoup d'eux-mêmes dans leur personnage, ça n'était pas du tout un artifice pour échapper à l'horreur ou un délire d'immersion égoïste, il y avait aussi du "donner à voir" et beaucoup d'écoute quand c'était le tour d'un autre.]

+ Il faudrait écrire en rouge sur les pions du plateau, plutôt qu'en noir. Ce serait plus visible, et esthétiquement ça matche rouge, noir, blanc, ça matche bien [pour jouer en ligne, j'ai utilisé la fonction "partager l'écran" de google hangout et j'affichais mon plan des faubourgs sous gimp (logiciel libre de retouche d'images), que je modifiais à chaque action des joueurs.]


Mes remarques :

+ Les joueurs se sont installés dans des descriptions très longues. J'ai été tenté de leur dire qu'ils pouvaient faire plus court, j'ai amené la question du chrono. Il était évident qu'on ne finirait pas en une soirée. Mais les joueurs m'ont fait comprendre que ce temps long leur convenait et qu'on pouvait faire la partie en deux séances. Alors j'ai accepté et je me suis prêté au jeu des descriptions longues, et ça a donné un très bon résultat, parce que comme on avait discuté du rythme, on était sur la même longueur d'onde, et on a pu prendre le temps qu'il fallait pour développer un langage symbolique et donner beaucoup d'épaisseur à nos personnages au fur et à mesure.

+ Autre aspect atypique de la partie : deux personnes se sont échappées des faubourgs avant qu'on ait la possibilité de s'entretuer. C'était appréciable de voir ce dénouement inédit.

+ Je l'ai pas verbalisé, mais comme l'un des joueurs était belge, et comme le joueur de Sac a ouvert la narration en évoquant des maisons de briques, j'ai tout de suite imaginé que ça se passait dans une ville du nord, et dans ma narration, j'ai essayé de développer ça, de donner un cachet particulier, entre les chansons de Brel, le film Bienvenue chez les Ch'tis et les BD Les Cités Obscures, avec aussi pas mal du Londres des Promesses de l'Ombre et de Pink Floyd, et du Rotterdam de Léo Ferré.

+ J'ai demandé à la fin aux joueurs s'ils avaient bien compris que la personne qui restait aux faubourgs était condamnée à mourir. Le joueur de Sac ne l'avait pas compris, mais quelque part, c'était raccord avec l'innocence de Sac, le joueur d'Ivanova l'avait très bien compris, et ça rendait d'autant plus subtil son roleplay de manipulation/déni autour d'un hypothétique avenir dans les faubourgs pour Neil.

+ Par rapport au formalisme des actions, je tiens à rappeler que sur une thématique proche, Dragonfly Motel est beaucoup moins cadré, et permet donc d'explorer des scènes oniriques en gardant la bride sur le cou.
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Message par Acritarche »

Une bonne partie, un bon trip et un jeu très intéressant!
Encore merci!
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Pikathulhu
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

LA DANSE DES MACHINES A ÉCRIRE

Ne plus jouer sur les enjeux, jouer sur l'émotion.

Jeu : Dragonfly Motel, tranches de vie oniriques pour voyageurs imprudents

Joué le 18/06/2015 sur google hangout
Personnages : Pierre Janvier, Wittgenstein, Le Cancre


Image

crédits image : ignis, Quim, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


L'histoire :

Pierre Janvier a dix-sept ans. Il arrive au motel avec un gros cartable sur le dos. Le concierge lit le bottin. Pierre lui dit que ses parents lui ont réservé une chambre pour qu'il révise des maths tout l'été. A la rentrée, il intégrera une classe préparatoire aux grandes écoles. Le concierge a du mal à se sortir de son bottin, dont la lecture le passionne. "Saviez-vous qu'il y avait trois garages à proximité ?".

Pierre arrive dans sa chambre. La courroie de son cartable pète, tous ses cours de maths en sortent et s'éparpillent au sol.

Comme il a besoin de compagnie, il va voir la personne de la chambre d'en face, qui a son âge. C'est un cancre qui trouve bizarre qu'on passe l'été à bûcher les maths. Pierre lui répond qu'il est d'accord, que lui-même trouverait mieux faire, et qu'il peut lui montrer s'il lui passe un disque. Le cancre lui passe un mp3. Alors Pierre enlève ses lunettes et saute sur le matelas, et danse sur le matelas. Il saute et danse de matelas en matelas, de matelas en matelas, de matelas en matelas.

Un amphithéâtre rempli de mathématiciens en robes noires de diplômés, avec des chapeaux de diplômés, des chapeaux noirs à gland. Entre un homme âgé. Il se présente comme étant Ludwig Wittgenstein. Il expose sa théorie du solipsisme. Pour lui, l'ensemble du monde extérieur n'est que le fruit de son imagination. Les mathématiciens lui lancent des craies : "Est-ce le fruit de ton imagination ?". Pluie de craies et de quolibets. Le professeur de mathématiques lui propose une expérience pour infirmer sa théorie. On va le faire rentrer dans la tête d'un cancre, celui qui aura la plus mauvaise note à l'examen de mathématiques, on va le faire rentrer dans sa tête au moment où il apprend sa note, au moment où il va être exécuté, car la sélection est impitoyable dans les classes préparatoires, on exécute toujours celui qui a eu la plus mauvaise note à l'examen, celui a eu zero sur vingt. Le professeur dit qu'il va le faire rentrer dans la tête du cancre parce que le cancre "dit oui avec le cœur, et dit non au professeur". Les mathématiciens utilisent des escabeaux à roulettes et des craies de couleur et des compas géants pour dessiner un portail sur le grand tableau noir.
Mais Wittgenstein veut employer ses propres méthodes. Il dessine son propre portail au sol, qui est plutôt un dessin anarchique qu'un dessin géométrique comme celui des mathématiciens.

Une salle de classe. Des enfants qui dorment sur leurs pupitres. Wittgenstein est installé sur un pupitre, il a cinq ans. Un cancre au coin, avec un bonnet d'âne, il lui tourne le dos. Les fenêtres. On voit la nature au travers, on entend les oiseaux. La maîtresse d'école. Elle sourit, elle a des tâches de rousseur sur le visage. Wittgenstein dessine sur le sol à la craie, il dessine le huit de l'infini. Il discute avec la maîtresse qui semble vouloir le convaincre que la théorie du solipsisme est fausse. Wittgenstein insiste sur l'absurdité du fait qu'il puisse tenir une conversation si élevée alors qu'il n'a que cinq ans. La maîtresse lui dit d'aller au coin, que ça va lui faire comprendre. Au coin, le cancre tourne la tête pour les regarder. Il a un sourire mauvais.

Une salle de spectacle. Sur l'estrade, il y a une maison, la maison d'enfance de Pierre. Devant la maison, un landau avec un bébé, sans doute Pierre quand il était bébé. Ses parents à ses côtés. Pierre entre sur scène. Il est en collant, ses cheveux sont plaqués en arrière. Ses parents le mettent en garde contre la danse, il doit se tourner vers une carrière sérieuse qui le portera au sommet, comme les mathématiques. Pierre ne les écoute pas et danse. Il saute sur les strapontins et danse sur les strapontins. Des comptables apparaissent sur les strapontins, ils tapent sur des machines à écrire, et c'est ce qui constitue l'orchestre. Pierre danse sur les machines à écrire. Une pluie de mathématiques. Pierre lève le bébé dans ses bras, il danse avec le bébé et le bébé rit.

Dans le ciel au-dessus du motel. Un escadron de machines à écrire, avec les mathématiciens en tutu qui dansent dessus. Au milieu de l'escadron vole un piano, la maîtresse est installée sur le piano, et c'est le cancre qui joue du piano. Wittgenstein vole sur une machine à écrire, à côté du piano. La maîtresse veut l'avertir du danger, mais Wittgenstein l'ignore, et continue à soutenir la thèse du solipsisme. Le cancre étrangle la maîtresse. L'escadron devient une tornade de machines à écrire, de craies, de chapeaux de mathématiciens. Fracas des os de mathématiciens brisés. La tornade emporte le piano et ses occupants vers le motel, l’œil du cyclone.

La cave du motel, où sont entreposés tous les rêves brisés. Le cancre y habite. Il monte avec son couteau. Il va jusqu'au grenier, où la maîtresse est enchaînée. Un plombier rentre dans le grenier, pour réparer la baignoire. Le Cancre le saigne. Pierre surgit, il tue le cancre avec un grand compas de mathématicien, qui sert d'habitude à tracer des cercles au tableau noir. Le cancre et le plombier saignent abondamment, bientôt la baignoire déborde, et bientôt c'est une mer de sang qui submerge le motel. Le cancre devient un requin, il dit "Pierre, si tu veux sauver la maîtresse, tu ne dois pas t'arrêter de danser. Si tu t'arrêtes, je la tuerai.". La maîtresse est au bout de la mer de sang, réfugiée sur le piano qui lui sert de radeau. Pierre essaye de nager de la façon la plus artistique possible. Wittgenstein est installé dans un parapluie qui flotte sur la mer de sang. Il donne un parapluie à Pierre, Pierre dans sur le parapluie flottant, les courants de la mer de sang s'accélère, de mer elle devient rapides, il faut tout le temps gesticuler et baisser la tête pour ne pas entrer en collision avec les poutres du grenier, et sous la mer de sang on entend la gigantesque rumeur d'une baleine de sang qui remonte, et toujours le requin s'approche toujours plus du piano dans la fureur des éléments, bois, cris et sang.

L'amphitéâtre. Tous les mathématiciens sont appliqués sur leur examen, sous la surveillance du professeur. Pierre et le cancre sont côte à côté, tous les deux ils sèchent. Pierre essaye de copier par-dessus l'épaule du cancre, mais bien sûr le cancre ne sait pas plus sa leçon que Pierre. Il demande au cancre de trouver une solution, le cancre lui montre la fleur qui sort de l'encrier de Pierre, Pierre tire sur la fleur, mais elle est tenue par une main de bébé. Le cancre rit, et Pierre entre en rage contre le cancre, il lui attrape la tête et la frappe sur la table jusqu'à ce que le cartilage de son nez éclate !

Le tableau coulisse comme un passage secret dans un film d'espionnage, et révèle un grand rideau rouge. Le rideau s'écarte, et révèle une guillotine , immense et brillante dans la pénombre. Pluie de machines à écrire sur la scènes. Lentes comme des flocons, elles s'écrasent avec fracas. Pierre danse sur les têtes à chapeau des mathématiciens. Wittgenstein, redevenu vieux, soutient encore que ceci n'est qu'une mascarade solipsiste, tous sont des aspects de lui-même.

Une modeste salle de danse. Un vieux monsieur attend que quelqu'un vienne s'inscrire pour la rentrée, d'année en année il a toujours eu moins d'inscrit, et là il sent cette année personne ne viendra, que c'en sera fini. Mais il entend sonner, alors il prend sa canne et titube vers la porte pour ouvrir. C'est le cancre. Il a des dents de requin. Il dit qu'il cherche un cours facile pour avoir des points en plus. Le vieux monsieur dit : "Oui, la danse, c'est facile, il suffit de lâcher prise !". Mais le cancre a l'air bien raide. Le vieux se traîne jusqu'à son piano, il donne un rythme. "Regarde, c'est facile, il suffit de se laisser porter ! Un, deux, trois ! Un, deux, trois !". Il arrive à le faire danser, le cancre s'élève en l'air en sautant de note en note. Mais le jeu du vieux monsieur se fait hésitant, sa poitrine lui fait mal, les notes se déséquilibrent, le cancre manque de tomber, le cancre lui dit de continuer de jouer. Le vieux monsieur marmonne dans sa souffrance : "Si seulement je n'avais pas attendu aussi tard ! Mais maintenant, je n'ai aucun regret !". Alors il résiste et arrive à rejouer de nouveau, et le jeune cancre peut rester en l'air. Le vieux monsieur regarde le cancre, il joue de toutes ses forces, ses yeux sont mouillés, il joue du piano, il regarde le cancre danser, de toutes ses forces, et finalement une dernière douleur, son cœur lâche, et c'est en fini.


Papiers que j'ai récupérés en jouant Pierre (et tous déchirés) :

Blessure : Accident de voiture
Blessure : Abandon
Beauté : Éphémère
Question : Pourquoi ai-je fait cela ?
Attache : la musique
Destin : Tomber et se relever
Motivation : Devenir.


Commentaires sur le jeu :

J'avais réécrit les règles après le premier test, j'ai fait lire la nouvelle mouture aux deux autres joueurs, et je me suis appliqué sur le briefing oral préliminaire, ce qui nous a permis de jouer sans incompréhension majeure sur les règles.

Le joueur du cancre a avoué s'être ennuyé pendant la première demi-heure du jeu, il s'est fait violence et la magie a pris plus tard. Il faut dire que les règles désactivent toute notion d'enjeu et de convergence, par exemple il est écrit qu'on ne doit faire de lien entre son personnage et un autre que si en tant que joueur, on s'attache au personnage de l'autre. Disons plutôt que dans Dragonfly Motel, les enjeux sont purement cosmétiques, les mécaniques ne les forcent pas à apparaître et ne soutiennent pas leur résolution. Et la convergence, si elle est souhaitée, n'est pas drivée par des mécaniques fortes, si ce n'est le don de papiers. La convergence est implicite.

Il faut aussi souligner que c'est une forme de jeu assez exigeante. Au terme de deux heures de jeu, j'ai déchiré les papiers qui me restaient. Je jouais Pierre, qui n'est autre que le vieux monsieur à la fin, vous l'avez peut-être compris, en tout cas dans le jeu c'était tacite.

J'ai apprécié pouvoir mobiliser des références comme Prévert ou Kafka, encore des choses inhabituelles dans le jeu de rôle que je pratique. De même que j'ai mis beaucoup de choses personnelles dans mon personnage de Pierre (et j'ai aussi pas mal pompé sur Billy Eliott).

Je n'ai pas enregistré cette partie, à la demande du joueur de Wittgenstein, ni la précédente, à la demande du même joueur, car à ses yeux, l'intimité créatrice était un élément essentiel pour produire du jeu surréaliste. J'ai du mal à lui donner tort, je reconnais l'importance de l'intimité créatrice, et certainement qu'on ne joue pas de la même façon, qu'on ne se livre pas autant quand on sait qu'il y a un public, fut-il asynchrone. En tant qu'auteur, j'ai besoin de ses enregistrements de partie comme élément d'étude, mais je dois considérer que tout enregistrement constitue un biais.

Lors du dernier test, on avait perdu beaucoup de temps à rechercher des musiques, ce qui avait nui à l'immersion. Là, j'ai bien insisté pour dire qu'on devait préparer ses liens internet à l'avance, et çà a été beaucoup plus fluide.

Les références musicales pour ce jeu sont sans fin. Ambiant, slowcore, folk, post-rock, post-hardcore, bande originale de films... Un relecteur avait suggéré Loveless de My Bloody Valentine. Pour ma part, j'ai très envie de réessayer avec In Rainbows de Radiohead dans les oreilles, spécialement la dernière chanson, My videotape, une aurore d'émotions.


Le retour du joueur de Wittgenstein :

Hello,
J'ai relu, ça me parait bien, ça reflète l'atmosphère du jeu.
J'ai des interprétations et souvenirs un peu différents, mais ça parait inévitable vu l'aspect onirique et flottant de l'expérience.
Je pense même que si chacun écrivait un compte-rendu immédiatement après avoir joué et qu'on comparait les perspectives, on aurait des divergences intéressantes - pas tant sur les "faits" que sur l'interprétation.

Aux références que j'ai mentionnées dans mon retour précédent [Il était alors joueur du vendeur sur la partie Manuscrit], j'ajouterai sans aucun doute : Alice au Pays des Merveilles.

En tout cas, chapeau pour avoir su élaborer des règles adaptées et un cadre permettant l'immersion collective dans un thème surréaliste et onirique.
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Re: [CR] Les jeux d'Outsider

Message par Pikathulhu »

LES COURSIVES

Chercher les leçons d'une partie en demi-teinte

Jeu : Dragonfly Motel, quêtes surréalistes pour voyageurs imprudents

Joué le 17/07/15 en ligne, via google hangout
Personnages : La femme fatale, le clandestin, le musicien

Partie enregistrée sur ma chaîne Youtube.

Image

Image extraite de film Journal d'une femme de chambre

Crédit extrait : Père Ubu, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


L'histoire :

L'Orient-Express, somptueux train baigné de vapeur, s'arrête devant le Motel Dragonfly, un hôtel à l'ancienne, immense et luxueux. Colonnes, moulures et lustres flamboyant. Dizaines de grooms et d'employés en costume, compassés. Débarque une femme à la beauté fatale. Cheveux noirs ou roux selon l'éclairage, longs cils, lèvres rouges. Elle entre dans l'hôtel, elle cherche un homme riche. Chacun et chacune se retourne sur son passage.

La femme fatale au lit avec un homme riche dans un des pensionnaires les plus riches de l'hôtel. Elle demande du vin, pour oublier la nuit. Chardonnay.

La femme fatale encore, un autre lit, un autre homme, des billets de banque partout, comme une piscine. Elle raconte l'effet qu'elle fait aux hommes, leurs pleurs, tout ce qu'ils lui offrent, leur cœur, leur dignité, leur argent, leur vie.

La femme fatale à nouveau, une autre chambre, un autre homme qui pleure, elle qui s'en va avec une valise pleine d'argent, l'argent de l'homme.

Les coursives de l'hôtel, tous ces endroits renfermés qui sont cachés à la vue des pensionnaires. La femme fatale est perdue, elle cherche à retourner dans l'hôtel, personne ne semble pouvoir lui indiquer une issue. Elle parle à une femme de chambre. Elle trouve que la femme de chambre à des ongles fins, qu'elle est belle, qu'elle pourrait obtenir tout ce qu'elle veut si elle fardait son regard, si elle mettait du rouge à lèvres, qu'elle ne serait pas obligé de trimer dans la saleté des draps des riches. La femme aux ongles fins ne répond pas.

Les coursives, toujours plus lointaines. Corridors étroits encombrés d'employés mutiques et de chariots de linge sale. La femme fatale croise un petit homme trapu. Il a une moustache et un attaché case. Il cherche le bureau de douane, il n'a plus de papiers. La femme fatale lui propose qu'ils cherchent ensemble une sortie vers l'hôtel, ensuite il devrait pouvoir trouver le bureau des douanes.

Ils cherchent encore, en vain. L'homme moustachu à l'attaché-case prend un autre chemin et disparaît.

Elle revient face à la femme aux ongles fins. Une porte s'ouvre, c'est un client qui veut qu'on vide sa chambre. Un homme aux habits de miséreux, il n'a pas bonne allure du tout, mais il affecte d'être riche. Il explique que c'est un grand musicien, un grand chanteur, très connu. La femme fatale lui demande s'il est riche, il lui répond non. Elle lui explique que c'est très facile d'être riche, il suffit de n'avoir aucune pitié.

Ils sont tous les deux dans une maison très pauvre. La femme fatale fouille les placards, à la recherche d'argent ou de vin, sans trouver ni l'un ni l'autre. "Vois-tu, ça c'était mon enfance, il n'y avait rien. C'était urgent que je trouve des personnes à exploiter, pour me sortir de là."

Une grande salle de dîner-spectacle dans l'hôtel. Tous ces hommes riches en costume. La femme fatale discute avec l'homme à l'attaché-case. Ils repèrent la femme aux ongles fins cachée par une tenture, qui travaille en cachette des hommes riches, parce que les hommes riches ne veulent voir que des belles choses, ils ne veulent même pas savoir qu'il existe des femmes de chambre.

Ella Fitzgerald est sur scène, elle chante accompagnée d'un big band de jazz. L'ambiance est chaude, le public est surexcité, impatient que cette première partie se termine, parce que tout le monde attend la star.

Arrive alors le musicien, Hercule, sous les feux de la rampe. Il frappe Ella Fitzgerald à la tête, il détruit les instruments des musiciens de jazz. On lui demande de jouer sa musique, il se contente de cacher des choses, de râler, de se soûler au whisky. D'abord, la foule le hue, terrorisée.
L'homme le plus riche de la salle, un grand homme au visage de plastique narquois, tape une fois dans ses mains. Alors tout le public reprend ce geste. Tonnerre d'applaudissements.

Les coursives, loin sous la terre. Couloirs sombres, sans papier peint, rugueux, canalisations, sol boueux, fuites d'eau. Hercule et la femme fatale sont perdus. La femme fatale réclame du vin. Hercule sort une bouteille, elle semble de plus en plus trouble, ce n'est finalement que de l'eau croupie. Hercule et la femme fatale boivent et divaguent. L'homme à l'attaché case les rejoints. Il se souvient des aboiement des chiens et des tirs des gardes frontières, de la course pour leur échapper, de sa femme, de ses enfants qui tombent, de toutes les personnes tuées autour de lui.

La femme fatale sombre dans l'ivresse. Le musicien et le clandestin conversent. Le clandestin offre une belle bouteille couverte de poussière, un Tokay. Il explique qu'il est le diable, il fait un pacte avec le musicien.

Le clandestin et sa famille courent dans le fossé, sous les tirs des gardes frontières. La femme fatale court avec eux. L'épouse du clandestin s'effondre, frappée entre les deux yeux. C'est la femme aux ongles fins, c'est la mère de la femme fatale. Elle la recueille dans ses bras.

Les coursives. La femme fatale demande au clandestin pourquoi il n'a pas de regrets. Il dit qu'il ne peut pas en avoir, puisqu'il est le diable. Elle lui demande pourquoi il n'a pas utilisé ses pouvoirs diaboliques pour sauver la femme aux ongles fins. Il dit qu'il n'a pas de pouvoir sur les affaires d'en haut.

Les coursives, de plus en plus sombres, humides, lointaines. La femme fatale, le musicien et le diable trouvent le gardien de la porte qui conduit à la sortie. Pas si loin, au pied du chariot de draps, la femme aux ongles fins, agonise de ses blessures. Au départ, le gardien ne veut faire passer que la femme fatale. Le diable prétend n'avoir aucun pouvoir pour l'infléchir. La femme fatale insiste, et il dit qu'il peut faire passer aussi le musicien et le diable, avec les conséquences que ça aura. Et ensuite, il refermera la porte à jamais, et tous ceux qui sont restés dans les coursives y seront prisonniers à jamais. La femme fatale lui dit : "Si tu tombes amoureux de moi, tu ne seras plus le gardien, tu seras un simple mortel, tu sauras ce que c'est d'être vivant, c'est le cadeau que je peux te faire pour que tu laisses la porte ouverte pour tout le monde." Mais le gardien refuse. Alors tous trois se résignent à accepter la première offre, à passer, et à laisser le gardien refermer la porte derrière eux. Le diable dit ne pas regarder en arrière. Mais alors que le gardien referme la porte, la femme fatale ne peut s'empêcher de se retourner et fixer, au fond du couloir

la femme aux ongles fins

la femme aux ongles fins

la femme aux ongles fins



La femme fatale, fiche de personnage :

Quatre papiers, tous révélés puis déchirés

+ Je résolus en mon cœur de donner ma chair au vin
+ Question : comment es-tu morte ?
+ Beauté : une beauté décrépite et purulente
+ Motivation : Motivation céleste pour vivre


Les papiers Parole que j'ai distribués en jeu :

+ Attache
+ Beauté : la beauté de renoncer à ses rêves
+ Question : Qu'est-ce qui compte le plus dans la vie ?


Retour des joueurs :

Pour mieux comprendre ces retours, voici ce que nous avons fait avant de jouer : chacun a lu les règles (je ne sais pas si les joueurs ont lu l'exemple de partie), chacun a élaboré des playlists lors des jours précédents, et avant de jouer, j'ai briefé les joueurs pendant 3/4 d'h sur les règles et sur comment jouer via hangout.
Il y avait un joueur de plus que de personnage. Il n'est quasiment pas intervenu. Au bout d'une demi-heure de jeu, il m'a mis en message privé qu'il était largué, et il est resté sur le banc de touche pour le reste du jeu, pour observer et donner son ressenti après le jeu.
J'ai senti que la partie était difficile (plusieurs problèmes : compréhension de règles, joueurs ne trouvant pas l'inspiration, attentes déçues, plusieurs playlists qui ne marchaient pas). Avec un joueur en touche, et deux autres en surnage, j'ai volontairement abrégé le jeu en déchirant prématurément mes papiers, nous n'avons joué qu'une heure et quart.
Je fais parler les joueurs à la première personne par commodité, mais ce sont des retranscriptions de notes, je ne garantis pas qu'ils ont dit ça au mot près.

Joueur du clandestin :

J'étais hyper largué. Je ne visualisais pas comment prendre la parole, comment récupérer des papiers pour mon personnage. C'était compliqué avec la dématérialisation.
On aurait dû faire un tour de chauffe. S'envoyer les papiers parole en visible pour que tout le monde comprenne ce qui se passe.
Pour trouver de l'inspiration, j'ai utilisé un livre comme table aléatoire [Note de moi-même : le Lévitique, où un autre livre chrétien].

Joueur d'Hercule le musicien :

J'étais un peu paumé. Je n'ai pas tenu compte des papiers que j'ai récupérés.
J'avais des livres de moi, je m'en suis servi comme tables aléatoires.
Je ne savais pas si j'étais clair, que ce soit quand j'ai joué le musicien en personnage ou le gardien en décor.
Je n'ai pas tenu compte de la musique parce que j'étais happé, la musique m'absorbait au lieu de me donner des idées.
Les règles de prise de parole ne m'ont pas gêné, pour autant ce serait bien de parler du tac, sans avoir besoin de se faire valider par un autre pour entrer dans l'espace de jeu.
Le cadre est très bien.

Joueur en touche :

Les deux pages de règles manquent de structure.
Sur la structure narrative, j'ai vraiment eu du mal. J'aime Lynch, le fantastique, le trouble entre le réel et la réalité, mais quand ça commence réaliste et que les choses se délitent au fur et à mesure alors que là, c'était illogique d'entrée de jeu.
Cela manque d'éléments au début pour que les joueurs ne soient pas perdus, on sait juste que ça commence au Motel Dragonfly et c'est tout.
Pour moi, ce n'est pas ça le surréalisme, même dans les cadavres exquis il y a des règles.
Il faudrait au moins obliger de toujours compléter les papiers parole. Quand j'ai récupéré ton papier parole, c'était juste écrit Attache, tu n'avais pas compliqué. En récupérant, j'espérais avoir une inspiration, et là, j'avais juste le mot Attache, ce n'était pas suffisant.
Quand tu veux prendre la parole, il faut attendre que quelqu'un récupère, et ça prend parfois du temps. Alors c'est trop tard pour placer son idée, les autres ont avancé sans toi et tu ne peux plus intervenir.
Il n'y a pas d'utilisation mécanique de la musique, j'aurais aimé, par exemple, qu'on doive partir des paroles d'une chanson.
Il n'y a pas de mécanique de gradation du surréalisme, comme la jauge d'interférence dans Lacuna, ou un enchaînement de scènes pré-programmé.
Il n'y avait pas d'histoire, j'ai le sentiment qu'il ne s'est rien passé, peut-être parce que j'étais sur le banc de touche. J'ai le sentiment que le jeu ne permet de construire une histoire.


Mon retour personnel :

+ J'aurais dû demander à chaque joueur quelles étaient ses séances, j'aurais par exemple pu déceler que le joueur en touche avait un agenda très différent du mien (aussi différent que l'atelier d'écriture l'est de l'écriture automatique). On aurait pu établir un compromis, en débriefant avec le joueur en touche, j'ai compris qu'il aurait préféré qu'on commence la séance par du world building, et que chacun remplisse ses six papiers parole et les distribue aux autres avant de commencer.

+ Pendant la partie, j'ai été pris dans le flow, aspiré dans le jeu (comme je le suis souvent, c'est très facile pour moi, et on voit là que c'est un handicap), et donc assez incapable d'être à l'écoute des difficultés livrées par les joueurs dans le chat textuel, assez incapables de leur trouver des solutions. Le joueur du clandestin disait qu'il était largué au niveau des prises de parole, et le joueur en touche qu'il était largué tout court. J'aurais dû en prendre acte, demander une pause, et faire un premier debriefing avant de repartir, comme j'avais fait au milieu de la partie Manuscrit, qui avait permis de refaire décoller la partie pour aboutir sur un excellent souvenir.

+ L'autre chose que je devrais demander aux joueurs, en plus de leurs attentes, c'est que quand ils ont des difficultés, non seulement ils doivent les dire comme ils l'ont fait là, mais en plus ils devraient proposer eux-même un début de solution, c'est-à-dire faire une demande concrète. Si un joueur me dit "je suis largué" alors que moi je suis pris dans le flow, ça m'est difficile de le dépanner. S'il me dit "je suis largué, je demande une pause" ou "je suis largué, je veux une inspiration" ou "je suis largué, expliquez moi comment prendre la parole", c'est plus concret, je peux apporter une réponse tout de suite. Cela, c'est un truc valable pour tout jeu de rôle, et dans la vie en général, mais c'est une chose que très peu de gens, moi le premier, sont habitués à faire.

+ J'ai voulu défendre mes règles sur la prise de parole, en expliquant ma quête rôliste sur l'équilibre de temps de parole entre les timides et les bavards. Je ne sais pas si on a tranché sur ce sujet.

+ J'ai le sentiment qu'à ce stade, une partie ratée est un coût d'entrée presque inévitable dans le jeu, c'est arrivé avec mon premier testeur sur Manuscrit, et avec le groupe qui a joué "Derrière les champs de maïs" : première partie ou début de partie en demi-teinte, discussion, et deuxième partie beaucoup plus satisfaisante. C'est compliqué de savoir si c'est une question de réaction, et si c'est tout simplement dû au caractère très étrange de ce jeu. Je repense au groupe de Prosopopée qui ont avorté 3 ou quatre parties avant que ça décolle.

+ Il est possible que certaines tables aient besoin de bidouiller le jeu, notamment en ramenant des incitations créatives (world building, tables aléatoires, personnages créés à l'avance) pour que ça fonctionne pour elle. Pour ma part, j'ai un truc tout simple dans tous les jeux sans création de personnage : j'arrive avec un concept de personnage qui me tient à cœur et je le mets en pratique dans le jeu. Je fais toujours ça en fait. C'est très rare, finalement, que je ne sois pas préparé. Est-ce que je devrais le mettre dans les conseils du jeu ? Est-ce que cette démarche fonctionne toujours si tout le monde fait la même chose ?

+ Je n'ai pas voulu paraître borné aux yeux des joueurs, mais il est un certain nombre de leurs conseils que je ne pourrai pas mettre directement en application. Je ne réécrirai pas le jeu. Je considère que les retours, foires aux questions et comptes-rendus de partie sont des aides de jeu, pour s'approprier le jeu, et c'est en cela que leurs retours sont très précieux.
Je ne vais pas changer le jeu, par exemple, en changeant les règles de prise de parole ou en réinjectant des règles de world building, des scènes procédurales, des tables aléatoires ou des tarots. Dragonfly Motel est une défense d'une pratique "automatique" du jeu de rôle, et aussi une défense de la construction du jeu sur l'histoire, sur ce que les autres ont déjà raconté, plutôt que sur des éléments extra-diégétiques. Pour ce qui de pratiquer un onirisme soutenu, en plus du jeu automatique et de l'enchaînement diégétique, par des éléments exogènes, je préfère proposer d'autres jeux, comme S'échapper des Faubourgs, très corseté, ou Wonderland, dans une perpective beaucoup plus ouverte.
Je considère que les personnes qui jouent peuvent changer les règles si elles en éprouvent le besoin. Le jeu est libre de droits, elles peuvent même le réécrire de bout en bout. Je n'utilise pas cet argument comme une excuse pour écrire n'importe quoi, seulement, quand j'écris un jeu court, j'écris pour défendre une façon de jouer et je m'y tiens. A chacun d'accepter, de rejeter ou de modifier. Je peux avoir un état d'esprit plus conciliant sur de gros jeux, ou je vais proposer des modules et des variantes. Inflorenza première édition était déjà un sacré légo, Inflorenza 2 le sera encore plus. Mais pas sur un jeu de 4000 mots (encore qu'il y a quand même une variante de proposer, le jeu sans papiers) qui se veut être un jeu-manifeste. Si je défends l'écriture automatique dans un jeu-manifeste, je ne vais pas écrire à l'intérieur du même jeu : "mais si vous voulez, il y a telle table aléatoire, et tel scénario, et telle enchaînement de scènes, et tel tarot de symboles".




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[Inflorenza] L'âme d'Argon

Un hack d'Inflorenza par Epiphanie pour jouer une session intermédiaire dans une campagne des Chroniques Oubliées avec un univers désertique !

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Message par Pikathulhu »

SUR LES DÉFENSES DU GRAND DIEU MORSE

Deuxième incursion dans le cauchemar de glace de la zone de Moins Quarante !

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 14/12/2014 sur google hangout :

Personnages :
L'homme au bras mort, Mikhailkov le Roi Chasseur, Dimitri, le Lieutenant Wheelis, Cassandra, le Chef des Morses


Cette partie a fait l'objet d'un enregistrement, à retrouver sur ma chaîne Youtube.

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crédits images : cquintin ; ejorpin ; foilistpeteer ; warluzel ; pratt ; the.leafmaker : sheenyie ; andra[bah! la realtà!], licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Le Théâtre :
Moins Quarante, Hommes, Bêtes et Dieux dans le Cauchemar de Glace du Grand Nord, théâtre écrit par Orlov pour le recueil "Le Défi des Quarante Ans du Jeu de Rôle".


L'histoire :

Printemps

Un Marchant retourne vers son campement après des mois d'errance avec des proches, qui sont morts depuis. Il retrouve le campement sur une plage au bord de l'Océan Arctique, non loin de Mermansk. Le Marchant a un bras gelé.

Icebergs, craquements de la glace, rumeur de l'océan et des vagues qui se rompent sur la plage. Un capelan est rejeté sur les cailloux. Un enfant du campement court pour rattrapper le poisson. Alors les vagues prennent l'enfant et comme en échange, elles recrachent sur le rivage des centaines de poissons, capelans, sprats, une véritable pêche miraculeuse.

Les Marchants s'approchent pour ramasser les poissons. L'homme au bras gelé tente de les en dissuader, pour lui les poissons ne sont que les fragments d'un Dieu Horla qui cherche à étendre son emprise. Il crie pour les en dissuader, mais meurt d'une congestion cérébrale.

Hiver

Un Roi Chasseur surveille le campement à la recherche de nourriture à acheter. On sait que les gens du campement ont retenté plusieurs fois de sacrifier des enfants pour retrouver une manne de poissons.
Il a tellement faim, il ignore un "Nilzia !", un tabou, il va déterrer leurs morts, il déterre l'homme au bras gelé qui lui dit d'aller sauver l'enfant.
Il va sur la banquise en face, voir le Dieu Morse qui lui rend l'enfant, mais comme Mikhailkov peut pas manger l'enfant (c'est un "Nilzia !" qu'il n'ose pas ignorer), il se mange un bras.

Été

Les gens du campement deviennent des morses. Dimitri, un migrant Sibiriaki atteint le campement avec son fils Arthur. Les Marchants y sont restés, ils commencent à prendre l'apparence de morses car ils ont accepté la manne régulière de poissons du Dieu Morse.
Arrive Ze Wang, le sarcomantien de Mermansk, qui étudie de près les transformations en morse, qu'il juge être la forme suprême de la nature. Sous ses ordres, on met les canoës à la mer et on part vers l'Ile aux Corbeaux
Ils arrivent à l'Île aux Corbeau, sinistre monastère aux trois bulbes reconverti en pénitencier, en lieu de torture pour les disciples de Khlyst, adorateurs à la recherche du Christ dans la souffrance et le blasphème.
Les canoës arrivent à un quai qui s'ouvre dans le ventre du monastère par une herse. Chacun a le choix de descendre par un des trois pontons : l'un pour ceux qui se vouent à se transformer en morses, l'un pour ceux qui se dédient à être des victimes (ils reçoivent une aube blanche), l'un pour ceux qui se dédient à être des bourreaux (ils reçoivent une aube noire). transformations, victimes, bourreaux (aube noire). L'homme au bras gelé va sur le ponton de la transformation, comme Dimitri et Arthur. Mikhailkov ne voulait pas aller au monastère mais il a été entraîné de force. Il veut aller sur le ponton des bourreaux mais il est entraîné sur le ponton des victimes. Il est accueilli par le prophète Raskolnikov qui l'embrasse sur la bouche. Il est debout mais ses pieds sont coupés.

Cassandra suit Raskolnikov comme son ombre, silhouette encapuchonnée, costume rouge. Comme Raskolnikov, elle est un Corax. Elle suit la Voie de la Souffrance. Les victimes vivent dans une grande fosse au centre du monastère, dominée par des balcons où vivent les bourreaux et les morses. Raskolnikov force Mikhalo a se faire clouer sur une table, Mikhailkov pleure mais avec un bras en moins, il est trop faible pour se défendre. Raskolnikov se transforme en ange avec des ailes de corbeaux noires. Il apporte à Cassandra une faucille, des clous et un marteau. Il lui demande de lui arracher les ailes. Cassandra retire sa capuche. Elle a de beaux yeux, mais le reste de son visage est défiguré, sa bouche est cousue. Raskolnikov veut que Cassandra lui arrache ses ailes pour les coller à Mihalkov et le transformer en Corax : ainsi le dicte la Voie de la Conversion, à laquelle obéït Raskolnikov. Cassandra lui arrache ses ailes et les jette à terre comme un immondice, elle l'accuse d'être dévoyé et d'avoir manoeuvré pour sauver les enfants, que Cassandra a fait amener ici par ses servants pour le démontrer. Mikhailkov ne devient pas un ange. Une bataille générale éclate, entre les victimes qui veulent sauver, les bourreaux, les fidèles de Cassandra et de Raskolnikov. L'enfant que Mikhailkov avait sauvé des morses se penche au-dessus du balcon pour tout voir, et tombe dans la fosse. Alors Dimitri et l'homme au bras gelé doivent descendre aussi dans la fosse pour tenter de le récupérer. Cassandra exhale du limon putride, elle prend le contrôle du Monastère.

Automne

Le char d'assaut du Lieutenant Wheelis file à travers la steppe, avec la meute de chasseurs américains qui sont d'habitude en station dans les navires de pêches au large de Mermansk, et que Wheelis amène ici pour se délasser en chassant la mégafaune locale avec des armes démesurées.
Dans son char, Wheelis se rase devant son miroir. Il voit qu'avec le temps, son visage ressemble de plus en plus à celui d'Hermann Göring. Wheelis est en plein combat intérieur avec l'âme de Göring qui prend de plus en plus son contrôle. Pour comprendre, il faut remonter à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Son ancêtre, le Lieutenant Wheelis, était le geôlier d'Hermann Göring pendant le procès de Nuremberg. Göring lui a confié tous ses secrets. Il était un Néandertal de la Loge Noire, comme Hitler, et comme Hitler il a provoqué la Seconde Guerre Mondiale pour porter un coup fatal à l'humanité. Mais Göring, grand amateur d'occultisme comme Himmler, ne pensait pas que la guerre suffirait à instaurer la suprématie des Néandertal. Il pensait qu'elle ne serait qu'un déclencheur. Ce qui intéressait Göring, c'était ouvrir une porte vers la Terre Creuse, car celui qui atteindrait la Terre Creuse atteindrait le pouvoir suprême. Cependant, pour ouvrir une porte vers la Terre Creuse, ce qui équivalait quasiment à créer ce lieu mythique, il fallait beaucoup une énorme quantité d'égrégore. Et c'est pour cette raison exacte que Göring a oeuvré avec les autres nazis de la Loge Noire à provoquer la Seconde Guerre Mondiale et à commettre toutes ces atrocités. Pour récolter l'égrégore.
Göring a échangé à Wheelis une carte de la Terre Creuse contre une capsule de cyanure. Wheelis pensait s'en sortir à bon compte : il obtenait une fabuleuse carte au trésor et en échange, il n'avait qu'à aider un salopard à mourir. Mais ce que Wheelis n'avait pas compris, c'est qu'en procédant à cet échange, Göring créait un lien d'égrégore avec lui, il le contaminait lui et sa lignée, par-delà la mort, et ainsi il s'est infiltré dans sa généalogie, jusqu'à aujourd'hui où il est sur le point de revenir complètement à la vie.
Aux côtés du char, les chasseurs de grand chemin rushent dans leurs véhicules noirs, ils rabattent un troupeau de rennes.
Göring prend le contrôle de Wheelis. Il lâche le rasoir, se saisit du micro, annonce qu'on va clôturer la saison de chasse par une chasse au plus dangereux gibier humain : cap vers le Monastère de l'Île aux Corbeaux pour une grande bataille ! Wheelis veut résister mais Dimitri et le Mort prennent le camp de Göring par la pensée, pensant que l'assaut tuera les humains, race faible et épargnera les morces, race élue. Alors l'âme de Wheelis s'éteint tout à fait. Göring est maintenant complètement aux commandes de ce corps.


Les chasseurs américains attaquent le monastère, des victimes offrent leur gorge, des morses se ruent au combat. L'homme au bras gelé va mourir dans l'assaut, cette fois pour de bon. Des chasseurs attaquent les enfants en priorité car les innocents doivent mourir en premier. Mikhailkov s'y oppose, il se métamorphose en ange aux ailes noires, armé de la faucille et du marteau et s'abat sur Göring qui, armé d'un fusil d'assaut, fait partie de ceux qui veulent tuer les enfants en premier pour produire davantage d'égrégore, Göring vise l'enfant de Dimitri et celui sauvé des morses, Dimitri arrache le visage de Göring, ce qui rend son âme à Wheelis, mais Wheelis meurt et Dimitri devient un dévot de Mikhailkov.

Printemps

Après la bataille, en haut du tunnel de Zapalyarki. S'y tient le Chef des Hommes-Morses, évadé du Monastère. Il plonge dans la Terre Creuse, avec Mikhailkovv et Dimitri. Ils y trouvent le Grand Dieu Morse, animal titanesque. Sur ses défenses est gravé toute la fresque de la création du monde, avec toutes les bêtes qui ont jadis peuplé la Terre. Le Chef des morses demande au Dieu Morse de tuer l'humanité, mais les autres demandent aux Dieu Morse de "rebooter" la création. Le Grand Dieu Morse accepte de dévorer Mikhailkov en sacrifice, alors ses défenses explosent, et toutes les espèces animales et végétales qui ont jadis peuplé la Terre reviennent ici-bas dans un grand déversement, pour un nouvel âge d'or biologique.

Cassandra redevient un limon à travers les ruines du Monastère qui sera vénéré par les Corax alors que la planète recommence à se recouvrir d'un milliard d'animaux disparus qui reviennent à la vie.


Feuilles de personnages :

Le Mort (mort)

+ (barré) Je veux savoir ce qui est arrivé à mon bras.


Le Mort (mort) (joué par un autre joueur à la suite de sa première mort)

+ (barré) L'enfant veut reste avec les morses.

+ (barré) Arthur, le fils de Dimitri, est venu jouer avec nous et il a parlé de l'Ile aux Corbeaux.

+ (barré) Je commence à perdre la mémoire.

+ (barré) Mon fils est tombé dans le camp des victimes.


Le chef des morses

Il n'a pas de phrases, mais un potentiel de 4 dés, réduit ensuite à 3 dés.


Cassandra

+ Je veux prendre la place de Raskolnikov.

+ (permafrost) J'exhale un limon putride afin de tous les mettre à l'épreuve.

+ Le pouvoir qui m'investit m'a détruit mentalement.

+ Une de mes blessures s'est ouverte, je me vide de mon sang.


Mikhailkov, le Roi Chasseur (mort)

+ (barré) Je ne veux pas qu'ils me capturent pour me sacrifier à leur dieu.

+ Ils m'ont donné l'enfant d'un mort et c'est mon seul tabou.

+ J'ai perdu un bras et je ne pourrai plus jamais chasser.

+ Je ne serai jamais un martyr et je reste une loque.

+ (barré) J'arrive à devenir un Corax. C'est le Jugement Dernier, je suis un ange.


Dimitri

+ (barré) Je ne veux pas qu'on me prenne mon fils.

+ (barré) J'avais déjà perdu un enfant dans la Terre Creuse.

+ J'ai été souillé par le limon.

+ Je vois réellement Mikhailkov comme un ange.


Le Lieutenant Wheelis

+ Je veux remporter le combat contre Göring.

+ (barré) J'ai perdu une bataille décisive contre Göring, mais pas la guerre.

+ J'ai perdu mon visage mais ça m'a sauvé de Göring.


Commentaire sur le jeu :

L'homme au bras gelé est mort au terme de sa première instance sur un sacrifice. Il a été ensuite de nouveau incarné par le joueur de la troisième instance, ce qui explique sa résurrection dans l'histoire. Le premier joueur de l'homme au bras gelé a ensuite incarné Cassandra. Quand l'homme au bras gelé meurt une seconde fois, son joueur incarne cette fois-ci le Chef des Morses

Cassandra était un Corax de la Voie de la Souffrance. Le joueur a inventé sa propre Voie, quoiqu'on puisse la rapprocher de la Voie du Repentir, et dans une moindre mesure, de la Voie de l'Extase. Cela m'a inspiré et alors que j'avais le rôle de Confident, j'ai improvisé une nouvelle Voie pour Raskolnikov, la Voie de la Conversion.

Le joueur qui a joué l'homme au bras gelé pour la première fois a perdu son personnage dès la fin de sa première instance, il n'a littéralement pas joué avant sa prochaine instance (donc cinq instances plus tard), quand il a commencé à interpréter Cassandra. Je lui ai certainement proposer d'interpréter un nouveau personnage bien avant (puisqu'il n'est nul besoin d'avoir commencé à rédiger des phrases pour ce faire), mais il a préféré attendre tout ce temps-là. Ça m'a semblé fonctionné parce que le joueur m'a paru concentré par l'écoute. Mais pour des joueurs qui ont besoin d'agir souvent, je conseillerais à nouveau de commencer à imaginer et incarner un nouveau personnage dès l'élimination du premier, voire même de commencer à imaginer et incarner son nouveau personnage même avant sa première instance, si l'on ne joue pas en premier.


Règles utilisées :

Comme le premier test de Moins Quarante, nous avons joué en Carte Noire (Le Confident change à chaque instance), et nous changions de saison à chaque instance.


Commentaires sur les règles :

Quand l'homme au bras gelé meurt une seconde fois, son joueur incarne cette fois-ci le Chef des Morses, il aurait dû recréer un personnage avec 4 phrases, mais nous étions bien avancés dans le jeu, pour tout dire on était parti sur l'idée que c'était la dernière instance. Aussi, nous avons convenu que le joueur du Chef des Morses fasse l'économie d'écrire 4 phrases, et nous lui avons à la place accordé un potentiel de 4 dés. Il se trouve que j'avais en tête l'idée de faire des tests où l'on remplaçait l'écriture de phrases par la gestion d'un pool de dés, en quelque sorte le Chef des Morses a inauguré ce principe. On retrouve cette gestion de pool de dés dans le playtest La Main Sanglante.
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Message par Pikathulhu »

[S'échapper des Faubourgs] Sur l'eau flottent les morts.

Un compte-rendu de partie par Artemis Faernaur, suivi d'une séance de questions-réponses !

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Message par Pikathulhu »

LE PETIT POUCET

Un conte revisité avec Inflorenza a cappella, sans symboles et sans SAFIR.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 25/01/15 à Education en Jeux, Vannes
Personnages : l'aîné, la première cadette, la deuxième cadette


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illustration : Gustave Doré


Le théâtre :

On rejoue le conte du Petit Poucet. Le père du Petit Poucet et la marâtre viennent d'abandonner leurs sept enfants dans la forêt. Le Petit Poucet a pensé à semer des miettes de gâteau pour retrouver son chemin, mais un corbeau les a toutes mangées !
L'astuce du Petit Poucet n'a pas fonctionné et les enfants se retrouvent perdus.
Chaque joueur joue le Petit Poucet ou un autre des ses frères et sœurs, âgés de 5 à 18 ans.


L'histoire :

Le Petit Poucet est en pleurs parce que sa ruse n'a pas fonctionné. L'aîné, un ado râleur, et les deux filles cadettes prennent la situation en main.

La plus jeune a peur dans cette forêt obscure. Comme l'aîné, elle veut surtout rentrer à la maison au plus vite. La deuxième cadette trouve au contraire cette forêt fascinante. Elle recherche des créatures extraordinaires et notamment une licorne.

La toute petite pleure. Elle a fait pipi. La deuxième cadette l'entraîne à l'écart pour la changer. La toute petite craint qu'il y ait des loups dans la forêt. Et d'ailleurs, on en entend hurler !

Le Petit Poucet veut s'enfuir pour retrouver un chemin et l'aîné est obligé de prendre les choses en main. Il arrive à calmer le Petit Poucet et ses autres frères. Il monte à un arbre pour voir s'il trouve un chemin. Dans la nuit étoilée, à la lumière de la pleine lune, il voit un château sur une colline. L'aîné veut reprendre la route de suite vers la maison, mais les deux petites insistent pour aller au château, la toute petite car elle a trop peur de passer la nuit à la belle étoile, la deuxième cadette parce qu'elle ne veut pas rentrer à la maison avant d'avoir croisé une créature extraordinaire. L'aîné est obligé de céder et tout le monde va au château.

Ils sont reçus par un géant. C'est le propriétaire des lieux. Il a l'air très content de les voir et les invite à un festin grandiose, il y a notamment du gâteau et du pain d'épice tout chaud. Tout le monde mange, sauf la deuxième cadette qui se méfie, malgré son goût pour le pain d'épice.

Le géant les amène dans une chambre qui a un lit avec sept places. Il leur dit de ne faire aucun bruit car ses sept filles dorment dans la chambre du haut.

La deuxième cadette se méfie. A peine sont-ils couchés qu'elle se faufile dans le couloir et approche de la grande salle où ils ont pris le repas. A la lueur d'un feu de cheminée, elle voit l'ombre du géant qui converse... avec la licorne !

La licorne le supplie de ne pas mettre à exécution son projet de manger les enfants pendant la nuit. Le géant ricane. Il dit à la licorne qu'elle est à sa merci jusqu'au lever du jour et qu'elle ne pourra rien faire pour l'en empêcher.

La deuxième cadette revient dans la chambre rapporter ce qu'elle a entendu. L'aîné émet le plan d'échanger leur place avec les filles du géant. Il monte dans leur chambre en passant par le conduit de la cheminée. Il séduit l'aînée des filles du géant et la convainc de dire à ses sœurs d'échanger de place avec eux. En fait, il est prêt à sacrifier les filles du géant, à l'exception peut-être de l'aînée. Il commence déjà à s'y attacher. Disons qu'il ne la sacrifiera qu'en dernière extrémité.

Mais les deux petites ne l'entendent pas de cette oreille. Elles veulent qu'on tue le géant plutôt que de le laisser manger des innocentes. On entend un bruit de pas et d'un couteau qu'on aiguise. C'est le géant qui s'approche dans le couloir ! La deuxième cadette profite de sa petite taille pour passer dans les ombres du couloir sans se faire voir du géant. Elle va voir la licorne et la supplie de les aider, mais la licorne ne peut rien faire avant le lever du jour, à cause d'un mauvais sort. Les deux petites se ruent vers le géant. Elles n'ont aucun espoir de lui faire le moindre mal, mais elles lui font lâcher le couteau, et surtout elles ruinent le stratagème de l'aîné. Alors celui-ci est obligé de prendre ses responsabilités. Il ramasse le couteau et tue le géant.


Un point sur Éducation en Jeux :

Ayant lieu à l'ESPE de Vannes (ex-IUFM), Éducation en Jeux est un programme d'ateliers et de conférences autour du jeu de société utilisé pour l'éducation, inscrit dans le réseau CANOPE (création et accompagnement pédagogiques). On m'a fait l'honneur de m'y convier pour organiser un atelier autour de Marins de Bretagne, un jeu de conte et de rôle, et du jeu de rôle en éducation en général.
J'ai animé deux séances de cet atelier.
Lors du premier, j'ai eu huit participants.
+ J'ai commencé par une demi-heure de Marins de Bretagne "de base", c'est-à-dire en narration partagée.
+ Puis une demi-heure de Marins de Bretagne "en forme libre". C'est-à-dire que j'ai contrôlé le décor et les figurants. Les joueurs ont joué un équipage de bateau le lendemain du jour où tous les poissons ont disparu de la mer.
+ Puis une demi-heure pour définir le jeu de rôle et faire un inventaire à la Prévert des applications en animation.
+ Puis une demi-heure de brainstorming de création d'un jeu de rôle autour du thème de la Table Ronde.

Pour le deuxième atelier, j'avais avec moi trois participantes, dont deux professeuses des écoles et une étudiante en IUFM, toutes trois à la fois intéressées par le jeu de rôle et le jeu de conte, et sans expérience du jeu de rôle. J'ai commencé par une demi-heure de Marins de Bretagne "de base". Constatant leur grande aisance à raconter, j'ai voulu être plus ambitieux pour la deuxième demi-heure. Au lieu de présenter Marins de Bretagne "en forme libre", j'ai présenté Inflorenza a cappella. Inflorenza est un jeu pour un public adulte, mais ici il s'agissait d'utiliser ses règles pour faire une démonstration de ce que pourrait donner un jeu de rôle autour du conte de forêt hantée, pour un public de collégiens. Les règles me paraissent trop compliquées pour un public de primaire, même si le thème de la forêt hantée leur aurait plus convenu qu'à des collégiens.


Les règles utilisées :

On a joué A Cappella, sans feuille ni dés, pour montrer la simplicité de mise mise en place, et sans symbole ni sacrifice/fierté/revers pour en faire quelque chose d'accessible, qui puisse tenir en une demi-heure, sans passer beaucoup de temps sur les mécaniques.

La pari a été réussi puisque la fiction a pris beaucoup plus de place que la pure mécanique. On n'a joué que deux conflits duels, l'un opposant les deux petites et l'aîné (se diriger vers le château ou pas), l'autre opposant la deuxième cadette contre la petite et l'aîné (tuer le géant ou le laisser manger ses propres filles). Cela n'a donc que fait que deux gains / risques / forfaits à définir, des actions / inventaires, et deux jets de dés "dans la tête" (on ne lançait pas un vrai dé, je comptais de 1 à 6 dans ma tête et une joueuse m'arrêtait pour avoir le score).

Mettant au propre ce compte-rendu quelques mois après avoir joué, je sais aujourd'hui que je peux proposer encore plus simple avec Inflorenza minima, la version d'Inflorenza sans dés ni chiffre ni hasard. Mais je dois reconnaître que le jeu A Cappella, avec ses actions et ses inventaires, apporte beaucoup de nuances qui ont enrichi cette partie.

Quand les joueuses étaient à court d'actions et d'inventaires, je décrivais ce que faisait le décor et les figurants, ce qui leur permettait de réagir en décrivant d'autres actions / inventaires, et donc d'engranger des mises.

Cela a fait que le deuxième conflit a été vraiment détaillé (cf les deux derniers paragraphes de l'histoire), les personnages ont eu l'occasion de se déplacer dans plusieurs pièces et de faire beaucoup de choses entre l'établissement du gain et le lancer de dés "dans la tête".

Cette richesse a fait que dans ce cadre de jeu court et de thématique enfantine, le système se passait très bien de symbole et de SAFIR (sacrifice - fierté - revers : les retombées des conflits). J'ai vu plusieurs fois les joueuses décrire des actions des figurants, je vais réfléchir à le permettre dans le texte en mode Carte Blanche, de cette façon : les joueurs qui incarnent un personnage peuvent dire ce qu'ils veulent au sujet du décor et des figurants, mais le Confident peut y opposer un véto.

En revanche, l'une des professeuses des écoles a trouvé que le système cadrait trop la narration. Et pour lui donner raison avec le recul des mois passés, Inflorenza minima le cadrerait moins.

Cela me laisse à penser que si on développe un jeu de rôle spécifique à l'intention des primaires, il faut très peu cadrer la narration et s'appuyer sur la créativité des enfants. Autrement dit, Marins de Bretagne est plus approprié en primaire qu'Inflorenza. Je pense aussi que les règles de Qu'est-ce qu'un jeu de rôle ? d'Epidiah Ravachol conviendraient bien. Il faudrait changer le contexte, par contre (le jeu parle d'astronautes qui commettent un braquage !).
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Message par Pikathulhu »

[Inflorenza] L'Autoroute des Larmes.

Le road-movie triste et chamanique du Grand Nord Américain, joué et raconté par Eugénie.

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Message par Pikathulhu »

[Dragonfly Motel] La nana, le frère et le caddy.

Réinterpréter les mêmes scènes inlassablement, un compte-rendu par Eugénie.

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crédit photo : Thomas Hawk (CC BY-NC 2.0), galerie sur flickr.com
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Message par Pikathulhu »

LE LOUP ET LE PETIT POUCET

Nouveau test du théâtre du Petit Poucet. Pour expliquer des règles, le plus simple est d'y jouer.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 01/02/15 en cercle privé.
Personnage : l'aîné.


Image

illustration : Gustave Doré, domaine public


Le théâtre :

On rejoue le conte du Petit Poucet . Le père du Petit Poucet et la marâtre viennent d'abandonner leurs sept enfants dans la forêt. Le Petit Poucet a pensé à semer des miettes de gâteau pour retrouver son chemin, mais un corbeau les a toutes mangées !
L'astuce du Petit Poucet n'a pas fonctionné et les enfants se retrouvent perdus.
Chaque joueur joue le Petit Poucet ou un autre des ses frères et sœurs, âgés de 5 à 18 ans.


L'histoire :

L'aîné compte sur le Petit Poucet pour trouver une solution, mais celui-ci est en pleurs, il ne se remet pas de l'échec des miettes de gâteau. Il essaye de remonter le moral du Petit Poucet pour qu'il retrouve le chemin, mais il échoue tout à fait.

Le voilà contraint de prendre les choses en main. Il fabrique une lance avec un branchage. Il monte à un arbre et voit un château.

Quand il redescend, le Petit Poucet a disparu ! Les autres enfants disent qu'il est parti seul en forêt à la recherche du corbeau qui a mangé les miettes. Le Petit Poucet se sentait coupable d'avoir échoué, et finalement il a pris de gros risques pour trouver une solution.

L'aîné dit à ses frères des rester près du feu. Il s'enfonce dans la forêt et trouve ses frères, mais trop tard ! Il vient de se faire manger par un loup. Le ventre du loup est tendu, on entend le Petit Poucet gémir à travers sa panse. L'aîné ordonne au loup de le recracher. Mais le loup ricane, il dit qu'il va le manger aussi. L'aîné donne un coup de lance vers le ventre du loup, le loup casse la lance avec ses dents. L'aîné appelle ses frères à sa rescousse, ils arrivent avec des torches. L'aîné dit au Petit Poucet de donner des coups de pieds dans le ventre du loup pour le forcer à le recracher.

Finalement, il sort son couteau, il tue le loup et ouvre le ventre du Petit Poucet. Il a fait son devoir d'aîné, il a sauvé le Petit Poucet mais malheureusement les enfants sont toujours perdus dans cette forêt hostile...


Règles utilisées :

Inflorenza A Cappella, Carte Blanche, sans symboles. GRIEF seul pour le premier conflit (convaincre le Petit Poucet de trouver une solution), GRIEF + SAFIR pour le deuxième conflit (combattre le loup).


Commentaires sur le jeu :

Durée de la partie : un quart d'heure.

Voulant expliquer Inflorenza A Cappella au joueur, qui est un rôliste vétéran et a déjà joué à Inflorenza avec moi (version première édition), j'ai trouvé plus simple de le faire jouer que de lui expliquer. On a donc joué un quart d'heure, debouts au milieu d'une fête d'anniversaire. Exactement le genre de scène insolite qui me récompense d'avoir développé Inflorenza A Cappella. C'était aussi l'occasion de rôder les démos flash en table ouverte au stand, que j'envisageais sur Eclipse (sur un théâtre vénitien, compte-rendu à venir). Je voulais aussi tester une introduction progressive des règles, c'est pour cela que je n'ai présenté le SAFIR qu'au deuxième grief, j'aurais d'ailleurs pu introduire les symboles s'il y avait eu un troisième grief.

J'ai eu la confirmation qu'Inflorenza A Cappella tourne même dans sa forme la plus squelettique. Je constate aussi que la narration lors des griefs est beaucoup plus riche au deuxième grief, parce que moi comme les joueurs, on est plus rôdés.

La lutte contre le loup n'avait rien à envier en détail à un combat en rounds. Au contraire, elle était plus nuancée, puisqu'au lieu d'enchaîner les frappes / esquives, on a enchaîné du dialogue, des frappes / parades, des manœuvres de troupes, de la coopération. Tous mes combats en jeu de rôle n'ont pas la même saveur ! Une nuance quand même, l'action du couteau relevait pas mal du deus ex machina, et le joueur de l'aîné ne l'aurait pas sorti s'il n'avait pas eu un besoin mécanique d'avoir une mise de plus.

Du coup, j'avais hâte de tester Inflorenza A Cappella sur une durée plus copieuse. Je l'avais prévu en trois heures au prochain Colloque Bob le Rôliste, mais finalement j'y ai plutôt testé une évolution d'Inflorenza A Cappella : Inflorenza sans dé !

Autre détail : Le joueur de l'aîné avait défini comme gain qu'il sauvait le Petit Poucet du loup et tuait le loup. Je lui ai proposé, pour abréger le jeu, que le fait de retrouver le chemin fasse aussi partie du gain, ce qu'il a accepté. Le joueur a gagné avec un revers. Il a d'abord paru désorienté parce qu'il pensait qu'il s'agissait là de décrire un revers de fortune en mode auteur. J'ai nuancé en précisant que ce pouvait être un dépit intériorisé. Alors le joueur a dit : « Mon revers c'est de dire : " J'ai sauvé le Petit Poucet, mais nous sommes toujours perdus, je n'ai pas été à la hauteur de mon rôle de grand frère !" ». Spontanément, le joueur a utilisé son revers pour renoncer à une partie du gain. Une possibilité que je serais bien inspiré d'intégrer aux règles.
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

POUR ELLE

Nouveau playtest de Balade pour un Pick-up : la beauté des techniques de fusion.

Jeu : Arbre, clochards magnifiques dans les forêts hantées de Millevaux

Joué au Festival Terminus Ludi le 31/01/2015

Personnages : Made In, Steph


Image

crédits image : Kelly Karnesky, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


La Forêt :

Balade pour un Pick-up. Situation initiale : la Voie Déchue, entre Marly-Gomont et la Saxe. Les personnages découvrent, caché à l'orée de la forêt, un pick-up et ses occupants, des routards et leur chien, tous morts égorgés. A l'arrière du pick-up, une mystérieuse malle noire.


L'histoire :

Made In et Steph sont des routards, ils se rencontrent par hasard, piétons sur la Voie Déchue, au pied du pick-up. Pas d'engueulade sur qui l'a vu en premier, sans mot dire ils tombent d'accord pour que ce soit un bien (ou une malédiction) à gérer en commun.

Ceci dit, Made In est sans doute plus intéressé par les ressources que représentent le pick-up, car c'est un camelot ambulant, il achète tout, il revend tout. Steph, c'est un grand gars maigre. Il arpente la Voie Déchue à la recherche d'une femme qu'il aime. Il ne l'a jamais vue, mais parfois il entend sa voix. Elle veut voir la mer. Steph, il est dingue de cette femme, pour tout dire c'est la seule chose à laquelle il tient en ce bas monde.
Il allait en direction de Terre-Calais, de la mer, espérant la trouver. Mais tout porte à croire qu'il était perdu, puisqu'au lieu de marcher vers le nord, il marchait vers l'est.

Les deux gars sortent les cadavres du pick-up, nécessaire sale boulot. En voyant la blessure à la gorge, ils comprennent qu'ils ont affaire à une bête sauvage, peut-être même à un cannibale. Mais le monstre a visiblement pris la fuite dans la forêt, dérangé avant de finir son festin.

Made In fait sauter le cadenas de la malle : il découvre le missile avec ses mystérieuses inscriptions en cyrillique.
Au niveau de la Voie Déchue, un grondement. Ils se planquent et voient passer un quad au ralenti, c'est le quad de Mama Mecano et deux de ses sbires. Ils ne les ont pas repérés mais ça sent pas bon : le Gang des Quads recherche Steph. Il est le seul survivant d'une de leurs attaques, et le gang des quads ne laisse jamais de survivant, pour ne pas être identifié sur les relais.

Un quad ne vient jamais seul. Steph et Made In enterrent le missile. Puis ils s'enfoncent dans la forêt, à la fois pour se planquer des quads, pour suivre la piste du monstre (qui porte des chaussures) et parce que Steph entend la voix de sa promise qui l'appelle.
Ils partent loin, par-delà le mur végétal, cette épaisseur de la forêt qui absorbe toute image, tout odeur et tout son.
Les arbres sont noirs. Comme du charbon. Ils arrivent à une clairière et trouvent une jeune femme affublée d'un long manteau et d'un chapeau. Elle traîne des almanachs qu'elle a bricolés elle-même. Quand ils l'abordent, elle a d'abord très peur. elle dit être la seule survivante de l'attaque du pick-up, elle a eu peur que ce soit le monstre qui revenait pour elle.

Elle dit s'appeller Mademoiselle Clémence. Mais pour Steph, ça ne fait aucun doute : c'est la femme de ses pensées.

Made In n'est pas aveuglé par ses charmes. Il voit bien qu'elle a quelque chose de pas net. Steph aussi d'ailleurs : il est capable de sentir l'emprise, et voit bien que Mademoiselle Clémence est "chargée". Mais bon. Toute cette zone de la forêt pue l'emprise.
On bivouaque dans la clairière. Les gars ramènent un chevreugne chassé dans la forêt. Mademoiselle Clémence en demande une part. Une grosse part. Elle s'enfile un tiers du chevreugne quasiment sans mastiquer. Spectacle horrible. Steph ne bronche pas. Il accepte. Alors Made In la boucle.
Mademoiselle Clémence se sent obligée d'expliquer ce qui lui arrive. Alors elle dégage ses cheveux pour montrer sa nuque. Elle est parasitée par un Ver Vorace, on le voit pulser à l'intérieure d'une galerie qu'il a forée dans son cou.

Puis des bruits !
Le gang des quads est revenu. Avec une Sentinelle, un type à moitié animal, aux sens surdéveloppés. Né pour traquer.

Steph, Made In et Mademoiselle Clémence montent dans un arbre pour se planquer. Un arbre rugueux, aux branches tentaculaires. mais c'est une ruse grossière : ils n'ont même pas pu prendre le temps de masquer les traces de leur campement.

Ils voient une bonne partie du gang des quads débarquer. Leur chef est une nana habillée comme une dominatrice SM, elle tient deux gars en laisse. La Sentinelle, c'est un type avec un visage allongé, presque une gueule de chien. Il renifle tout, il est aux aguets.

Désespéré, Steph tente quelque chose d'insensé. Il murmure à l'arbre : "Cache-nous."

La Sentinelle pointe l'arbre du doigt : "Ils sont là !"

Mais il trépigne de rage. "Je comprends pas, je les vois pas."

Ils DEVRAIENT être là. Leur piste s'arrête là, à l'arbre.
La dominatrice dit qu'on retrouvera Steph, coûte que coûte. Le gang des quads ne laisse jamais de survivant.
Puis elle ordonne à ses gars d'asperger l'arbre d'essence, et d'y mettre le feu.

Steph et Made In se sentent condamnés. Puis ils constatent qu'ils ne sentent ni l'odeur du feu, ni la chaleur du feu. Ils ne sentent que la souffrance de l'arbre.

Alors, ils comprenent que l'arbre a entendu la supplique de Steph. Pour les cacher aux yeux des gangers, il les a fait phaser dans les forêts limbiques. Au prix de sa vie.

Le gang des quads est reparti, mais les personnages ont un nouveau problème : ils sont coincés dans les forêts limbiques !
De prime abord, c'est moins un autre monde qu'un déphasage : ils pouvaient voir les gangers mais eux ne les voyaient pas, et ils ne sentent pas les odeurs et la température du monde réel. Dans les forêts limbiques, il fait toujours froid.

Ils reviennent vers l'emplacement du pick-up, et constatent que les gangers ont emporté le véhicule sans découvrir que le missile a été caché plus loin.

Mais surtout, ils rencontrent les cadavres des anciens occupants du pick-up... qui sont vivants ! Egorgés, environnés de mouches, mais vivants. Les personages découvrent une autre particularité des forêts limbiques : c'est le domaine des morts.
Steph découvre aussi qu'il ne voit plus l'emprise mais l'égrégore. Et les morts sont rouges d'égrégore.

Le truc, c'est que ces morts-là sont en colère. Ils reconnaissent en Mademoiselle Clémence la passagère qu'ils ont acceptée à bord du pick-up et qui leur a ouvert la gorge au premier bivouac, et les aurait dévorés si un passage du gang des quads ne l'avait pas faite fuir.
Ils chargent vers le groupe mais Made In et Steph s'interposent. Ils stoppent deux assaillants et parviennent à prendre la fuite vers la Voie Déchue.

Les gars ne les poursuivent pas car ils savent qu'ils ne peuvent pas les tuer facilement dans les forêts limbiques. Il faudrait une grosse charge d'égrégore et ils n'ont pas ce qu'il faut pour ça. A moins qu'il soient bloqués à l'endroit de leur mort.

Le petit groupe court, puis marche, en direction de Marly. Alors qu'ils cherchent une épave en bordure de Voie Déchue pour s'y reposer, ils découvrent une caravane et un campement.

Il y a une dizaine d'hommes, de femmes et d'enfants. Steph reconnaît ses anciens camarades de campement, tués par le gang des quads. Dans les forêts limbiques, ils sont vivants, bloqués à l'endroit où ils ont été massacrés. Ils acceptent sans problème de les héberger. Pourtant, Steph se sent coupable. Il se rappelle qu'il était le meneur de cette équipe et c'est lui qui avait décidé de l'emplacement du bivouac. ll se sent responsable de leur mort.

Les campeurs ont allumé un feu, celui-là on en sent la chaleur. On se raconte des histoires autour du feu, Made In révèle qu'il a fait l'armée, mais personne ici ne sait ce que ça signifie. Il vient du sud et il a transité à Marly pour y refourguer diverses cames. Et là, il allait vers l'est, vers Little Ho Chi Minh Ville qui paraît-il est le paradis des camelots à la recherche de technologies rares. Steph révèle qu'il en revient de Marly, il cherchait la route vers la mer, vers Terre-Calais, car c'était le rêve de sa promise. Il a acheté une carte à un gars de Marly, un certain Bison Futé, mais la carte était fausse, et c'est pour ça qu'il s'est retrouvé vers l'est.

Mademoiselle Clémence murmure à Steph qu'elle commence à avoir très faim. Steph dit qu'il est l'heure de dormir. Cinq personnes de la troupe, hommes, femmes, enfants, rentrent dans la caravane pour y dormir, Steph dit à Mademoiselle Clémence d'aller dormir avec eux, et il leur conseille de verrouiller la caravane. Avec Made In, il va dormir dehors, près du feu et du reste de la troupe.

Plus tard, dans la nuit, des hurlements de victimes et des bruits bestiaux émanent de la caravane. Steph dit au reste de la troupe de fuir. Si les morts sont d'ordinaire statiques, il semble que les morts sont capables d'aller là où un vivant leur dit d'aller. Steph et Made In défoncent la porte de la caravane. Un des gars essaye de sortir. Ils le tirent par les bras, mais seul son tronc suit : il est vivant, mais il n'a plus de jambes. Il est trop tard pour sauver les autres. L'intérieur du véhicule est crépi de sang et de viscères. Mademoiselle Clémence les a dévorés tous les quatre. Ils sont morts une deuxième fois, maintenant c'est pour de bon. Steph la prend dans ses bras : "Je vais tout faire pour te guérir de ça. Je suis prêt à me sacrifier pour ça. Allons à Marly, nous trouverons peut-être une solution."

Made In attache le survivant sur son dos, et ensemble ils partent à Marly.

Ils y arrivent au matin. Le bidonville est noir de monde, et pour cause : les morts y cotoient les vivants. Difficile de se frayer un chemin dans les rues boueuses.

Ils vont à l'Auberge de la Grande Barbaque à la recherche de Bison Futé. L'endroit est bien sûr bondé comme une rame de métro à l'heure de pointe. Ils accostent Bison Futé. Moitié (c'est le nom qu'ils ont donné aux survivants que porte Made In) lui adresse la parole. Bison Futé sursaute devant ce spectacle d'horreur : c'est là que Steph et Made In comprennent que les habitants des forêts limbiques sont invisibles aux vivants tant qu'ils ne sollicitent pas leur attention. Et d'ailleurs, certains morts leur font le reproche de briser le silence.

Steph dit à Bison Futé qu'il lui doit un service : la vraie carte pour Terre-Calais. Il cherche aussi à savoir comment guérir Mademoiselle Clémence. Et Moitié veut bien rester avec le groupe à condition qu'on lui répare le préjudice qu'il a subi, autrement dit il veut récupérer des jambes.

Bison Futé veut bien les rencarder là-dessus, mais il va lui falloir un paiement. Alors Steph et Made In lui proposent de se mettre en cheville avec lui pour refourguer "une grosse cargaison" dont ils ne lui révèleront l'emplacement qu'une fois Mademoiselle Clémence et Moitié "réparés".

Bison Futé les rencarde et leur colle aux basques "pour être sûr d'être payé". Il leur conseille d'aller voir soit un chamane soit l'apothicaire chinois, qui vient de Little Ho Chi Minh Ville.
Curieusement, nos amis ont plus confiance en la science étrange qu'en la magie, alors ils optent pour l'apothicaire.

Avant cela, Steph offre à Moitié une première contrepartie : un badge de biker qu'il a trouvé un jour, et qui n'est pas sans valeur puisqu'il permet de se faire passer pour un biker. Or, intégrer un gang de bikers serait la meilleure façon de rejoindre Terre-Calais à l'abri du gang des quads. Moitié accepte, alors il lui coud le badge à même la poitrine, en pleine rue.

Ils vont voir l'apothicaire. Sa boutique est au-delà de l'imagination. L'apothicaire est un vieil homme rusé, aux ongles suintant de poison. Il accepte les deux travaux contre les paiements suivants : pour réparer Moitié, il lui faudra un cadavre tout frais. Il greffera les deux jambes à Moitié et gardera le reste du corps en paiement. Il acceptera d'enlever le Ver Vorace de Mademoiselle Clémence à condition d'avoir un cobaye pour tenter une expérience de transfert de ver. Steph se porte volontaire.

L'accord conclu, ils repartent en quête d'un cadavre frais. Bison Futé leur conseille de s'adresser à la maladrerie. Un des Docteurs de la Peste accepte de leur vendre un "cadavre frais". En échange, Steph lui donne un pistolet qu'il a acheté à Marly lors de son précédent passage. Made In reconnaît le flingue : c'est lui qui l'a refourgué à un gars de Marly qui a dû le refourguer à Steph. Made In sait que le pistolet est foutu et qu'il risque de péter à la moindre tentative de tir. Mais il ferme sa mouille : il ne veut pas faire foirer la transaction. On réglera çà plus tard. Le Docteur de la Peste ne lui donne pas un cadavre : ce ne serait jamais assez frais. En fait, il leur présente une vieille femme mourante allongée sur une civière et leur dit de négocier avec elle.
Quand Steph se penche vers elle, elle comprend qu'elle a affaire à un genre de fantôme mais elle ne se démonte pas. Elle dit : "En échange de mon corps, tu vas aller parler à mon fils. Tu viendras en mon nom et tu lui demanderas pardon pour ce que je lui ai fait." Steph accepte, alors elle lui dit à l'oreille ce qu'elle lui a fait, et c'est vraiment dégueulasse, et maintenant ça devient un vrai souvenir de Steph : dans sa tête, c'est comme si c'était lui qui avait cette chose à ce fils. Lui qui n'avait plus de souvenir de rien, le voilà gâté.

On ira voir le fils plus tard, là il y a plus pressé.
Ils amènent la vieille en civière chez l'apothicaire. Bison Futé préfère rester à l'extérieur, il ne veut pas voir ça.

L'apothicaire demande à Steph et Made In de lui servir d'infirmiers. La vieille dit : "Qu'on en finisse.". Il lui injecte une toxine et après il la découpe et lui greffe ses jambes et son bassin à Moitié.

Bien sûr, Moitié est écœuré. Il a un vagin maintenant ! Made In lui dit en rigolant qu'il y trouvera peut-être son compte à la fin.

Puis l'apothicaire entraîne Steph, Mademoiselle Clémence, Made In et Moitié dans une autre salle d'opération, assez exigue.

Il y a plein de caméras, et des écrans vidéo où on voit des chirurgiens de Little Ho Chi Minh Ville : des hindous, des vietnamiens, des mongoles... Visiblement, l'opération est une première et l'apothicaire en fait un spectacle pour ses pairs.

Made In a du mal à garder son sang-froid devant une telle abondance technologique. Tout ce matos qu'il pourrait refourguer !

L'apothicaire prie Steph et Mademoiselle Clémence de s'installer sur deux chaises de chirurgie cérébrale côte à côte. Ils obéissent. Steph tient la main de Clémence.
L'apothicaire visse leur crâne pour qu'ils soient bien fixes durant l'opération. Par contre, il ne leur anesthésie que le cou.
Il demande à Made In de lui servir d'assistant. Il fore un trou dans la nuque de Steph. Il retire le ver de la nuque de Clémence, prenant mille précautions pour le garder en vie. Puis, jubilant, il le rapproche du trou dans la nuque de Steph, à trois centimètres, deux centimètres, un centimètre, cinq millimètres... Le ver s'étend pour prendre possession de son nouvel hôte...

Alors, fort de son entraînement militaire, Made In transperce le ver d'un coup de scalpel et projette le scalpel et le ver contre le mur !

L'apothicaire se retourne vers Made In. Il montre ses ongles suintant de poison. Steph et Clémence sont toujours immobilisés, à sa merci. Moitié se remet à peine de son opération. La scène a une dizaine de témoins, qui certes sont à des lieues d'ici, mais sont tous dans le camp de l'apothicaire.

Et il va falloir se battre.


Playlist :

Grey daturas : Dead in the woods (sludgecore instrumental)
Tempradura : A la rue (musique celtique festive)
Evangelista : Prince of truth (post-rock mélancolique)
Die form : Extremum (dark ambient électronisé)
Sophia : Deconstruction of the world (dark ambient apocalyptique)
Brame : Tenaille (drone americana rustique)


Feuilles de personnage :

Steph
Qui est-elle ? Femme amour
Je sais me battre
crâne rasé et tatoué
Je l'entend cette femme
Il me faut partir
Bison Futé
Steph
Pistolet défectueux (je l'ai racheté à quelqu'un qui l'a racheté à Made-In) (dépôt de Made-In)
Sixième sens : je ressens le danger
mes souvenirs reviennent
On me traque, pourquoi ? (problème dormant)
le don de sentir l'emprise
marché : souvenir de la vieille
je me sacrifierai pour une femme (lien de vie)
j'ai du mal à marcher (jambe blessée)
mon couteau
mes tatouages (attache)
chien bout
un blason de biker à coudre sur un habi
vaporette
trois branches mortes (de tête : Entrailles, Matériel, Microcosme)

Made-In :
A toujours une affaire à proposer
Je m'agite et pleure dans mon sommeil
Je survis pour savoir si je serai "sauvé" ou pas
un "prêtre" m'a sauvé la vie, je veux le remercier
je veux retrouver mes anciens chefs pour me venger
j'ai été obligé de tuer ma famille
ancien soldat
mon couteau de survie militaire
une grosse clé à molette comme arme
des boîtes de conserve
du wizz (un baril de lessive ?)
mes vieilles fringues (restes de ma vie d'avant)
photos de ma famille ?!!
Etiquette Made in China sur la veste
sac de babioles
la grande malle noire
des pièces de voiture
traumatisé à cause de putains de zombies, mec !
les zombies sont nos amis pour la vie !


Forêt :

en [encadré] les éléments révélés. F = Fusion. N = nouvel élément par rapport à la forêt de base
Hommes :
[Monsieur Clément] (F : N la voix dans la tête de Steph)
Croûtelle l'Aubergiste
Briochon l'Aubergiste
[Le Gang des Quads]
[N Bison Futé]
[Les Bikers]
[N Ils me traquent et veulent me tuer (fatum Steph)]

Bêtes :
Chevreugne
Litote

Horlas :
Shub-Nigguraht
[Sentienelle]

Nature :
Sapin-goule
Lichen noir
[N La mer = le seul échappatoire] (rumeur Steph)

Objets :
[Voie Déchue]
[Marly-Gomont]
Auberge Campagnile
[Pick-up]
[Malle]
N Il existe un endroit où les personnes comme moi peuvent être sauvées (rumeur Made-In)

Emprise :
Little Ho Chi Minh Ville

Égrégore :
Tarot de l'oubli
[Forêts limbiques]


État des règles :

+ Voir le guide du joueur utilisé à cette époque : ici.
+ Pas encore de goupil à cette époque.
+ Les joueurs répondent toujours aux agressions du Garde Forestier, avec le choix entre oui car / oui mais / non car / non mais.
Pour arriver à ses fins et survivre, et altérer le décor et les figurants, le joueur doit :
+ tenir un des rôles de clochards
+ Faire une des manœuvres.
+ Les effets les plus récompensés sont l'abandon (quelque soit l'intensité), la débrouillardise, la crédibilité.
+ Quelques nouvelles règles sur l'improvisation, que j'ai justement improvisées lors du briefing de la séance. Lors de la création de personnage, si un joueur n'a pas d'idée, il peut prendre une de ses séries préférées ou un élément de la pièce ou de la conversation, le Garde Forestier peut aussi procéder de la sorte. Ainsi, lorsque le joueur de Steph m'a demandé de lui écrire un post-it, je me suis rappelé qu'il regardait la série Sons of Anarchy, alors je lui écrit "un blason de biker". Cela a été fertile, puisque j'en ai déduit plus tard dans la partie qu'il y avait des gangs de bikers sur la Voie Déchue, qui pouvaient constituer une troisième force intéressante.
J'ai proposé de pouvoir jouer un chien ou un ours ou un loup, mais ça n'a pas été retenu par les joueurs pour cette fois-là.
+ La deuxième règle est une règle pour le Garde Forestier, et elle va tout changer : ce sont les techniques de fusion. Quand les joueurs me donnent des post-it à intégrer à la forêt, où en général quand j'en apprend plus sur les clochards, j'opère des fusions avec les éléments préparés de ma forêt. Par exemple, cette fois-ci, dans ma forêt, j'avais dans les Hommes un certain Monsieur Clément, gentil garçon au demeurant, mais infecté par un Ver Vorace qui le pousse au cannibalisme. Par ailleurs, je savais que Steph entendait la voix d'une femme qui l'appelait vers elle, et qu'il en était follement amoureux. J'ai alors changé le sexe de Monsieur Clément, qui est devenu Mademoiselle Clémence, et décrété que c'était elle qui appelait Steph depuis tout ce temps. Voilà donc Steph qui retrouve sa bien-aimée, et la découvre cannibale. Ce qui a engendré une superbe série de dilemmes moraux tout au long de la partie ! Les techniques de fusion sont de loin la meilleure découverte de ce test, et je compte bien les appliquer à chaque reprise désormais.


Réflexions pour le prochain test :

+ Voir comment réconcilier le rôle des clochards et les manœuvres d'affrontement
+ Notion de récompense systématique = pas top. Ou alors récompenser dans la narration, mais comment si je n'aime pas ce que font les clochards ?
+ Proposer des profession de perso : trappeur, bûcheron...
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
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