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La situation est beaucoup mieux ici qu'aux US, je pense. Mais elle se dégrade
rapidement. Selon moi, à cause de deux phénomènes :
- un repli des entreprises, de plus en plus dirigées et managées par des gens
qui n'ont une vision qu'Ã court terme, n'ont pas une implication personnelle
autre que leurs primes d'objectifs (combien reste t'il de grosse boîtes
familiales ?), et qui sont pressées entre des désirs contradictoires (les
"progrès" de l'entreprise et les rentes de l'actionnariat)
- un repli des actifs, chez qui le modèle "une vie = un boulot" a encore la
dent dure, parce que c'est le modèle de nos parents, et de leurs parents avant
eux, et que quelque part, on s'y accroche, parce que ça représente un modèle
sécurisant. Modèle qui date d'une époque où il n'y avait pas assez de monde
pour remplir tous les postes. On pouvait donc penser à cette époque que le
choix des études était le choix d'une vie. Sauf que ce n'est plus le cas et
que peu de personnes osent vraiment aborder de front tout ce que ça implique.
Et face à ça, nos dirigeants oscillent entre cadeaux aux lobbys divers et
variés, et oeillères sur les véritables réformes de fond qui devraient
accompagner un véritable changement de mentalité, tout en jouant des peurs
primales et des vieux stéréotypes pour se faire réélire.
Je vais prendre un exemple : le Canada. Non, tout n'y est pas rose. J'aurai
peut-être un jour à faire à un patron qui me virera le matin sans me
prévenir (je crois qu'il y a un préavis de quelques jours, quand même, dans
certains domaines). Et là , on sent déjà une majorité de français hurler au
libéralisme sauvage et aux droits des travailleurs. Sauf que, sauf que...
- il est illégal de demander une caution pour prendre un appartement. On paye
le premier mois, c'est tout. En France, il faut allonger trois mois de loyer
et plus en frais divers et en avance pour espérer avoir un appartement. Alors,
il est où, le droit au logement ? Quand on voit les loyers dans certaines
villes françaises (pas uniquement Paris), comment peut-on espérer que les
gens se logent décemment ?
- il n'y a pas de système de caution parentale, ou de distinction entre
salariés précaires ou pas. Ah, bien sûr, si on arrête de payer son loyer, on
se fait jeter, théoriquement, et aucun recours légal n'est là pour ça. Mais
en France, même si on ne peut pas se faire expulser en hiver (je crois que
c'est le cas au Canada aussi, hein, forcément, avec un hiver comme le leur :),
il faut un CDI de cadre supérieur et la caution parentale pour espérer avoir
un appart digne de ce nom dans la plupart des villes françaises. Droit au
logement, bis ?
- si un patron ou un boulot ne me satisfont plus, je peux aussi démissionner
du jour au lendemain. Si je suis efficace dans mon travail, ça peut même être
un levier pour faire valoir certains droits. En France, c'est trois mois de
préavis. Et si dans un sens, c'est fait pour protéger l'employé, combien ai-je
vu de potes pour qui ces trois mois ont été un enfer, et qui au final, se sont
fait doubler sur un autre job qui leur était promis, parce que l'autre boîte,
elle voulait qqn tout de suite, et pas dans trois mois.
- il y a l'équivalent de la Sécu, du RMI et d'un tas d'autres trucs. Comme quoi
tous les pays anglo-saxons ne sont pas soumis à l'ultralibéralisme tel que TF1
nous le présente...
- un crédit à la banque ne se mesure pas en fonction de sa position sociale,
du type de contrat (CDI / CDD / CPE, etc.), mais en fonction des montants
empruntés par le passé, de l'habitude de la personne à payer en temps et en
heure. Bref, là encore, pas de distinction artificielle entre précarité ou
pas. Distinction qui sous-entend, en France, une non prise de risque
généralisée chez tous les organismes et administrations qui pourtant devraient
être là pour rendre un service, et non éviter le risque (qui a dit les
assurances ?)
- la formation continue n'est pas un vain mot, et de nombreux salariés
retournent se former en université. C'est accepté par les employeurs, voire
motivé. Ca fait partie des choses qui permettent à quelqu'un d'évoluer, et
non de s'enfermer toute sa vie dans un même job. Oui, c'est une prise de
risque. Ou un investissement, selon le point de vue.
- on prend un salarié non pas pour son diplôme, mais pour son savoir-faire,
son expérience, son profil, et ce même si son parcours ne conduit pas a priori
à l'emploi proposé. Combien de gens en France se font jeter d'un job parce
qu'ils n'ont pas le CV requis à la virgule près ? (vous savez, celui du jeune
débutant malléable avec dix ans d'expérience sur des produits qui ne sont
sortis que depuis trois ans)
Bref, la liste est longue, selon moi, des dysfonctionnements de la société
française. Dysfonctionnements souvent là à cause d'un idéalisme mal placé,
parfois d'un archaïsme aberrant, alors qu'un peu de pragmatisme n'aurait pas
fait de mal. L'herbe n'est certainement pas plus verte ailleurs, mais elle
peut difficilement être plus rassie que ce qu'elle sera dans quelques années.
Thom' |
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